Chapitre III

Quelques jours avaient passé, laissant les nouveaux habitants de cette maison en vieux bois faire plus ample connaissance. Quelques liens s'étaient créés, très discret, encore bien fragiles.

Ven avait, comme il le souhaitait, fait connaissance avec presque tous les jeunes de ce groupe. Après quatre longues journées, il était enfin parvenu à mettre un prénom sur les visages de ses nouveaux camarades. En premier lieu, il s'était dirigé vers la jeune femme rousse, qui semblait être la plus facilement abordable. Le coin de ses lèvres était toujours redressé en un léger sourire, et dans son regard on y apercevait une belle étincelle de vie, qui donnait envie de se diriger vers elle. Lorsqu'il l'avait observé, il n'avait pu s'empêcher de penser qu'elle était plutôt attirante. Des cheveux soyeux d'une couleur plutôt voyante, des formes ni trop prononcées, ni pas assez, et pour finir les multiples tâches de rousseur qui ornaient son nez. Même les lunettes, qu'elle portait rarement au niveau de ses yeux, la mettait en valeur. Elle s'appelait Elaï, un prénom qu'il n'avait jamais entendu mais dont il adorait l'harmonie.

La deuxième personne qu'il avait approché, c'était un garçon. Ils étaient trois en le comptant, mais il avait préféré laisser celui au cheveux clairs pour plus tard. Il avait donc approché ce jeune homme qui passait ses journées à s'émerveiller sur la moindre petite chose. Ses cheveux étaient sombres, pas tout à fait noirs, avec quelques éclaircies sur le bas de ses mèches. Mince, grand, il émanait de lui un charme et une prestance qu'il avait rarement vu. Son torse était recouvert par une chemise blanche immaculée, entouré de ce qui semblait être un corset en cuir noir. Assorti au tout, un pantalon noir léger et ample recouvrait ses fines jambes. Il avait un style particulier, mais il n'en restait pas moins beau. Lui, il s'appelait Viel. Il n'avait pas eu trop de mal à le retenir, leur prénom étaient quelques peu similaires. Viel était moqueur, quelques peu arrogant, mais pas détestable quand on engageait une conversation avec lui. Malgré quelques pics peu agréables, ils avaient réussi à s'entendre et avaient même opté pour faire une séance de sport à deux au moins une fois par jour.

Entre temps, il était parti faire la connaissance de trois autres personnes, c'est à dire la jeune enfant, et les deux femmes qui passaient le plus clair de leur temps à ses côtés. La plus jeune avait 8 ans, elle s'appelait Mia, et son frère qu'elle espérait toujours revoir s'appelait Elvan. Il n'avait pas su quoi lui dire lorsqu'elle avait abordé le sujet de son aîné, et avait lâchement détourné son attention de la petite Mia. Voir ainsi ses yeux briller d'espoir lui avait fait ressentir un pincement au cœur, car lui il le savait, il l'avait compris. Ils étaient les seuls survivants de cet accident. Une des deux jeunes femmes qui semblaient avoir prit la charge de la petite avait tout écouté, et s'était empressée de parler d'autre chose avec l'enfant. Pendant ce temps, Ven avait donc fait la connaissance de Meïv. Elle attachait la plus part du temps ses cheveux rubis dans un chignon rapide, qu'elle ne prenait pas la peine de bien coiffer. Parfois, elle se laissait tenter par une tresse qu'elle ne semblait faire que dans l'unique but de plaire à son amie, ou bien petite amie, il ne savait pas trop. Il avait été tenté de demander le sens profond de ce papillon qu'elles avaient toutes deux gravé sur leur chaire, mais il avait eu peur d'entrer un peu trop loin dans leur intimité, lui, l'inconnu qui débarquait de nul part. Alors il s'était tut, et avait attendu que l'autre jeune femme s'approche de lui pour finir les présentation. Elle, elle possédait des cheveux charbonneux, similaires aux siens. La seule différence, c'était ses yeux d'un gris électrisant. Il lui avait même semblé voir quelques reflets blancs tant ils étaient clairs. Le tatouage qu'elle avait en commun avec Meïv, il l'avait aperçu dans son cou, caché par un collier épais. Au premier abord, elle semblait sortir d'un film d'horreur, pâle, mince, voir maigre, habillée entièrement de noir et le plus souvent de longues robes ornées de dentelle. Mais elle était certainement la plus douce de tous ceux présents ici. Cela faisait certes peu de temps, mais il n'avait jamais vu ne serait-ce qu'une once d'énervement envers quiconque, quand bien même certains le méritait. Il éprouvait un grand respect pour cette jeune femme, qui semblait si sage. Ensemble, ils avaient peu parlé. Leur communication s'était essentiellement faite sur des regards, sur des gestes, des pensées qu'ils n'avaient pas eu besoin de partager oralement. De nature bavarde, il s'était retrouvé apaisé par ce silence qu'il aurait pu trouver pesant. Il chérissait les courts moments qu'il avait pu partager avec la dénommé Chester, car c'est dans ces instants là, et seulement ceux- la qu'il se sentait libéré de son esprit, et des barrières qu'il s'était imposé.

Pendant ses quatre journées, il avait fait la connaissance de tout le monde. Tout le monde, excepté une personne dont il n'osait d'ailleurs toujours pas s'approcher. Le dernier garçon de la bande, celui qui semblait fermé à toute discussion. Il s'était d'abord dit que c'était à cause de sa blessure qui devait être douloureuse, mais il avait fini par comprendre que malgré qu'elle ai une légère influence, ce regard dédaigneux qu'il adressait à chaque personne qu'il croisait était sincère. À l'inverse de Chester, qui ressentait un profond respect pour chaque âme, lui ressentait un dégoût non feint. La seule personne à qui il adressait parfois un regard plus agréable, c'était le vieux monsieur. Taïran donc, était pour ainsi dire le seul à avoir réussi à délier les muscles tendus du visage du jeune homme.

Il avait donc envie de s'enfuir en courant, lui qui se tenait maintenant devant la porte en bois. Derrière celle-ci, il y avait, normalement, le jeune garçon. Il ne l'attendait certainement pas, et Ven redoutait même qu'il ne lui cri dessus si il venait à le déranger. Le vieux géant les avaient réuni il y a de cela deux jours, pour leur annoncer qu'il devrait bientôt partir pour ramener des provisions, et aussi des lits. Il avait insisté sur le fait qu'il aurait préféré partir le cœur léger, en sachant que le petit groupe s'entendait bien. Lorsqu'il avait prononcé ses mots, il avait lancé un regard appuyé au seul qui posait encore problème. Celui ci avait simplement détourné son regard vers le sol, prétextant qu'il n'écoutait pas un mot. Et depuis, il s'était enfermé dans sa chambre. 
Ce n'était vraisemblablement pas la seule raison de son confinement, de ce qu'il avait entendu lorsqu'il avait gagné la salle de bain, sa blessure ne s'était pas arrangé. À l'extérieur du moins, on ne voyait plus grand chose, mais le jeune homme avait évoqué des nausées, et même des pertes d'équilibres au vieux titan. Lorsque Taïran était sorti de la chambre, il avait aperçu le jeune Ven. Il n'avait lu que l'inquiétude au fond de ses iris fatiguées, l'inquiétude qu'un père pourrait porter à l'égard de son fils. Sans qu'il ne comprenne pourquoi, il s'était sentit flatté. Ils étaient tous ses nouveaux enfants, et il prenait soin d'eux, bien mieux que n'importe qui avant lui.

Leur nouvelle figure paternel lui avait confié une mission, prendre soin du blessé. Il avait trop tardé, les stocks de nourriture se vidaient peu à peu, et même l'eau viendrait bientôt à manquer. Il avait du partir le soir même. Et c'est ainsi que Ven se retrouvait face à cette porte, un sceau d'eau et un torchon dans les mains. Il s'était dit que le déranger deux fois ne mènerait à rien, alors il avait combiné soin et rencontre. Mais il était bloqué. De un parce qu'il avait oublié qu'il ne pourrait pas ouvrir la porte avec les deux mains prises, de deux parce qu'il ne voulait absolument pas voir le froncement de sourcil quotidien qu'il avait croisé depuis leur arrivé. Mais il entendait le grincement des lattes, signe que le jeune homme semblait se lever. En clair, il n'avait plus trop le choix. A l'aide de son coude, il abaissa la poignet et poussa la porte d'un coup de hanche. Toujours intimidé, il n'osa passer que sa tête à travers l'espace entre la porte et le mur. Kaith était assit, tête baissé et torse nu. Ses cheveux normalement clairs avaient prit une teinte rosé à l'endroit de sa blessure, montrant bien que malgré tout elle n'était pas cicatrisé. Cela faisait moins de deux jours qu'il ne l'avait pas vu, mais la fatigue qui creusait les traits de son visage était maintenant bien plus distincte qu'avant. Le jeune homme n'esquissa pas un geste pendant quelques secondes qui parurent durer une éternité pour Ven, puis il se décida enfin à tourner légèrement sa tête dans sa direction. Ses lèvres semblait closes, dans l'incapacité de s'ouvrir et former un son. Peiné de le voir dans cet état, il se décida enfin à rentrer entièrement.

"- Je viens nettoyer la plaie..."

Dans le même temps, il releva légèrement le sceau, ou plutôt la bassine emplit d'eau. Son interlocuteur ne répondit pas, et se leva simplement pour rejoindre la salle de bain directement incrustée dans la chambre. Dans une lenteur extrême, il effectua des mouvements qu'il semblait maintenant connaître par cœur. Enlever toutes les serviettes, s'asseoir par terre, dos à la douche afin que l'eau ne tombe pas trop, et enfin enlever le bandage autant imbibé de sang que les précédents. Un simple mouvement de bras semblait lui enlever le peu d'énergie qu'il lui restait. Ne sachant pas trop quoi faire, Ven resta un moment sur le pas de la porte. Il attendait certainement une approbation, qui ne vint jamais. Il se décida malgré tout à s'approcher, et épongea lentement la plaie. Craintif de lui faire mal, il observait le visage pâle du jeune Kaith. Quelques grimaces de douleur venaient parfois barrer l'expression neutre qu'il abordait, puis il ancra son regard dans le sien.

"- C'est déjà assez gênant comme ça alors s'il te plaît... Ne me regardes pas comme ça."

Penaud, le jeune homme cessa immédiatement de le regarder, pour se concentrer sur sa tâche. Il n'était pas très doué, mouillait le dos plus musclé qu'il n'y paraissait du jeune Kaith, il parvenait même à renversé de l'eau au sol, mais il arriva finalement à ses fins. Le nouveau bandage était en place, la plaie, rincée, il ne restait plus qu'à nettoyer la salle de bain. Alors qu'il se serait attendu à ce qu'il retourne se coucher, le jeune homme s'écarta simplement de la zone mouillée pour se rasseoir et l'observer. Aucun n'osa dire un mot pendant de longues minutes, seulement bercé par le bruit de la serviette humidifiée sur le sol. Ce fut Ven qui brisa le silence en premier.

"- Tu peux retourner t'allonger tu sais ?"

L'autre ne fit que grommeler une réponse inaudible. Fronçant légèrement les sourcils sous incompréhension, il se tourna vers lui.

"- Pardon..? J'ai rien compris."

"- Je disais juste que j'aime pas avoir des dettes. Alors si tu veux quelques chose dis le moi."

Un blanc s'installa de nouveau, les deux se fixant sans que l'autre ne comprenne ce qui traversait l'esprit de l'autre.

"- Excuses moi mais... J'ai bien entendu, t'as parlé de... Dettes ?"

"- Oui, j'ai parlé de dettes. "

"- Mais- Enfin, tu me dois rien ! Tu es blessé, c'est normal que je t'aide !"

De nouveau, son interlocuteur détourna le regard. Comme à son habitude, pensa Ven.

"- Tu veux forcément quelques chose... Tu aurais pas pris la peine de me soigner sinon. "

"- Je ne sais pas où tu as été éduqué, mais chez moi c'est pas forcément donnant donnant... Je te donne quand j'ai la possibilité de le faire, si tu n'en n'a pas envie ou que tu ne le peux pas, rien ne t'y obliges."

Kaith ne sut pas quoi répondre, certainement confus de cette réponse. Il avait été éduqué ainsi, jamais il n'avait reçu sans donner en retour. Incapable de croire à ce que lui disait son interlocuteur, il argumenta.

"- C'est de l'argent que tu veux, c'est ça ?"

Ven ne put que déformer ses lèvres en une moue contrariée, ayant l'impression que son interlocuteur n'écoutait rien de ce qu'il lui disait. Il croisa ses bras contre son torse, avant de se décider à lancer gentiment la serviette humide sur le jeune homme qui semblait ailleurs, et ne s'en aperçu d'ailleurs qu'une fois qu'elle s'était échouée sur son visage. D'un geste las, il attrapa un angle du torchon et le laissa tomber au sol.

"- En quel honneur ?"

"- En l'honneur que tu n'écoutes rien de ce que je te dis, imbécile !"

Il n'avait pas retenu ses pensées, c'était un défaut qui le suivait depuis de nombreuses années maintenant. Sa lèvre inférieure se retrouva coincé entre ses dents, mais il ne s'excusa pas. Il le pensait après tout, et il ne voulait pas que le jeune homme face à lui se mette à croire qu'il éprouvait de la peur envers lui. Cette légère insulte lui valut un regard un peu plus noir que les précédents, mais il ne se passa rien d'autre. Sûrement trop fatigué pour surenchérir, Kaith retourna simplement se coucher. Il détestait sa situation, jamais il n'aurait laissé passé ça sans rien dire auparavant. Mais son crâne le lançait, il avait de nouveau la nausée, et de toute façon il ne se rappelait plus très bien de la conversation qu'il venait d'avoir. Ven lui emboîta le pas, malgré tout toujours désireux d'apprendre à le connaître. Il attendit que le jeune homme aux cheveux clairs soit installé, puis à son tour il grimpa dans le lit. Pas un mot ne fut échangé, seulement quelques regards confus, confrontés à d'autres déterminés. Le temps s'écoula lentement, dans le même rythme que les gouttes qui frappaient maintenant la vitre. Ven adorait la pluie, à l'inverse de Kaith, qui haïssait l'humidité plus que tout. L'un se couvra d'un plaid bien chaud, tandis que l'autre admira ce beau spectacle.

"- Tu aimes la pluie ?"

"- Non, tu me fais chier."

"- Moi j'aime beaucoup... C'est apaisant."

"- Je m'en fou, vas- t'en !"

"- J'aurais bien aimé qu'on se rencontre dans de meilleures conditions..."

La patience de celui aux cheveux clairs ne dura pas plus longtemps. Il se redressa, et ne se priva pas pour à nouveau lui adresser un des ses habituels regards dédaigneux.

"- Je vais pas me répéter, j'en ai rien à foutre de toi. De toi, et de tous les autres ! Alors maintenant, dégages de ma chambre !"

Les jeune homme aux cheveux cendrés se tourna enfin, pour mieux observer son interlocuteur. Il ne répondit pas pendant un long moment, gardant simplement ses pupilles orientées vers les iris émeraudes de Kaith. Celui ci sembla d'ailleurs mal à l'aise, mais il ne détourna pas pour autant le regard. Ce fut Ven qui brisa le silence qui s'était à nouveau installé.

"- Tes yeux sont beaux... A la fois fascinant et effrayant... Je sais pas comment m'expliquer."

Un léger rire s'échappa peu après de ses lèvres. Les iris vertes se détournèrent enfin du regard insistant qu'il lui adressait, pour venir s'agripper au planches de parquets irrégulières.

"- T'es... Putain de bizard... "

" - Je cherchais juste à te rendre mal à l'aise ! Tu arrêtera peut être de te cacher derrière une fierté débile."

Le concerné se rallongea simplement, ne cherchant pas à se défendre. Il était fatigué, désorienté, et gêné de la situation. Cet homme le rendait mal à l'aise, mais il n'arrivait pas à comprendre pourquoi.

"- Bon, sérieusement tu me veux quoi ? "

La réponse tarda à venir, Ven semblait réfléchir. Il savait très bien pourquoi il était là, mais il se doutait bien que cette raison ne plairait pas au jeune homme. Il se contenta alors d'inventer une réponse, teintée de vérité.

"- Le vieux me l'a demandé. Il n'aime pas te voir seul, alors je suis chargé de faire ta connaissance. "

Il argumenta d'un sourire clair, qui perturba un peu plus le jeune Kaith. Leur rencontre ne dura pas plus longtemps. Certainement pour s'en débarrasser au plus vite, le jeune homme aux cheveux clairs lui avait promis de faire connaissance un peu plus tard. Il avait prétexté se sentir fatigué, même si ce n'était pas si éloigné de la réalité. Aussi, dès lors que le brun sortit de la pièce, il tomba dans un sommeil profond.

❧❧❧❧❧❧❧

La pluie frappait durement le sol déjà glissant, mais cela n'arrêtait pas pour autant les deux ombres qui bravaient la tempête. Elles étaient parties ce matin du château, avec pour unique mission d'effectuer le recensement annuel. Sur le chemins se trouvait plus de 20 villes différentes, sans compter les maisons reculées, bien souvent au milieu des nombreuses forêts qui entouraient la Grande-Ville. Le nom du centre de ce monde, elle s'appelait Solaraster. L'astre qui guidait tel le soleil, c'était ainsi qu'on la décrivait. Cette énorme ville étendue sur tout le flanc Nord de la montagne, qu'on apercevait toujours, aussi loin se trouvait-on grâce à sa tour vertigineuse. Les deux formes venaient de la, et ne serait- ce que faire le tour entier de cette métropole leur avait prit 7 jours entiers. Il leur restait 5 villes presque aussi grande que celle qu'elle venait de quitter, 5 de la moitié de l'envergure de la capitale, et enfin le reste se partageait en petit village. Le reste, derrière l'immense étendue d'eau, ils n'y avaient plus accès depuis des centaines de milliers d'années. Ces eaux maudites renfermaient une malédiction terrible, qui entraînait quiconque traversait cet espace bleu sous les fonds marins. Personne n'en n'était jamais revenu, alors il était difficile de savoir ce qui se passait une fois la couche azur dépassée. De nombreuses rumeurs courraient sur un soi- disant monstre, aussi grand que trois fois la tour Enmaï, la tour au centre de Solaraster, et aussi long que deux fois la taille de celle-ci. Mais ce n'était que des ragots qu'on racontait aux enfants pour les dissuader de s'en approcher. Car malgré tout, les disparitions restaient réels. Mais trop s'aventuraient encore, pensant être un élu, ou bien un miraculé pouvant jouer avec la mort sans conséquence. Souvent de jeunes adolescents, qui se racontaient des histoires de grandeurs, de héros. Et ainsi, leur aventure s'achevait. Ils n'étaient ni des héros, ni même des aventuriers. Seulement des pauvres enfants qu'on regrettait, qu'on prenait en pitié, voir dont on se moquait pour l'imprudence. Mais chaque année, on comptait plus d'une centaine de mort, emportés par les flots. Encore aujourd'hui, dans les familles qu'elles avaient recensés, 10 avaient perdues leur enfant. Souvent des frères et sœurs, rarement seuls, les chiffres montaient vite. Mais les deux ombres étaient habituées, le manque de réaction face à cette annonce était devenu quotidien, et le seul point qui les importaient, c'était de savoir que rien n'avait changé. C'était toujours leur appréhension, découvrir un secret qu'on leur avait caché, et mettre en péril la société. Si cela arrivait, elles seraient pendues, de façon à ce qu'elles ne meurt pas mais que la douleur soit insoutenable. Elles seraient exposées au soleil ardent que renvoyait l'énorme cercle d'or au sommet de la tour, et c'est la que commencerait leur torture. Des jours durant, elles auraient l'impression de mourir. De se dessécher, de manquer d'eau, mais lorsqu'elles seraient proches de la fin, leur tortionnaires leur donnerait de l'eau. De quoi survivre encore quelques jours. Et ça, jusqu'à que leur corps s'éteignent pour de bon. En clair, elles feraient tout pour l'éviter. Et c'était le but de leur mission aujourd'hui, elles s'étaient jurées de la mener à bien.

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Meïv préparait le repas, ses cheveux rouges accrochés dans un chignon désorganisé. Elle avait été désignée pour le faire car elle semblait être la seule à en être capable. Il n'y avait plus grand chose à cuisiner, mais elle s'était finalement débrouillée. Une douce odeur s'était répandue dans toute la maison, et même Kaith qui ne prenait normalement pas la peine de descendre pour manger avec eux s'était finalement décidé à les rejoindre. Le petit groupe était éparpillé, la plus part se tenaient seuls, dans un coin. Un certain malaise planait toujours, malgré les présentations. La jeune enfant dessinait sur la petite table, alors la pièce était bien silencieuse. La cuisinière avait tenté de leur faire la conversation, mais cela n'avait jamais duré très longtemps. Elle s'était alors tût, laissant le temps faire. Forcer la discussion n'apporterait rien de plus que des tensions, de la gêne tout au plus.

Les légumes bientôt dorés mijotaient tranquillement dans le bain d'huile. Meïv avait senti derrière elle la présence de l'être qu'elle chérissait tant, mais elle ne s'était pas retournée. Chester n'était pas tactile, plutôt dans la parole ou les regards, à l'inverse de la jeune fille aux cheveux rubis. Elles s'étaient de nombreuses fois disputées à ce sujet, pour que finalement une entente soit décidé. Les deux feraient des efforts pour l'autre. Un fin sourire naquit sur ses lèvres lorsqu'elle sentit les bras fins de sa petite amie entourés son ventre. Leurs moments intimes étaient rares en public, mais pourtant agréable. Son amante n'aimait pas la foule, les gros groupes où les bruits trop forts. Elle n'en n'était pas à faire des crises d'angoisses, mais tout son corps était tendu. Ses petits moments permettaient à l'une, comme à l'autre, de savoir qu'elles n'étaient pas seules. L'autre serait la pour aider, quoi qu'il arrive. Cependant, les moments que l'on partage trop souvent finiront par devenir routinier. Alors elles se contentaient du peu qu'elles estimaient nécessaire, pour n'en apprécier que plus la sensation.

"- Tu as pu faire connaissance avec les autres ?"

Elle sentit la tête collée à son dos se secouer négativement. Ses cheveux corbeaux chatouillaient les côtes de la jeune Meïv, qui ne put qu'esquisser un plus grand sourire.

"- Tu as essayé au moins ?"

"- Pas encore... "

Chester marmonna seulement, peu ravie de parler de ce sujet. Elle se savait en tord, étant donné qu'elle avait affirmé qu'elle réussirait à faire connaissance avec au moins deux personnes. La réponse était la, il n'y en avait qu'une, et ce n'était pas de son initiative. Mais la plus part semblait imposants, ou bien trop parfait pour une personne tel qu'elle qui avait peu de valeur. Depuis toute jeune déjà, elle n'avait jamais réussi à se faire d'amis pour cette raison. Trop peu confiante, certainement timide, mais c'était ce qu'elle était, et elle l'avait accepté. À la différence de sa petite amie, qui avait insisté pour qu'elle face des efforts. Finalement, elle n'avait pas eu le temps, s'étant retrouvée ici peu après cette fameuse discussion. Mais cela l'avait suivit jusqu'ici, et elle était maintenant forcée à engager une rencontre avec ces personnes qu'elle redoutait au fond d'elle.

"- Allé file p'tite chose... Tu as le temps là, et c'est l'occasion parfaite."

"- Mais là, tout de suite j'ai envie de rester comme ça... Passer un petit moment avec toi."

Cet argument était plus que suffisant, alors Meïv ne poussa pas plus loin. À vrai dire, elle aussi espérait que Chester reste à ses côtés. Elle apaisait ses pensées bien lourdes depuis leur arrivé ici, même si personne ne semblait vouloir montrer qu'ils étaient atteint par la situation. Certainement honteuse de penser qu'elle serait peut être la seule, la jeune cuisinière n'avait rien dit non plus, et n'en n'avait même pas parlé. En parallèle, il y avait la jeune Mia. Il ne fallait surtout pas créer une atmosphère anxiogène, et le jeune groupe semblait l'avoir compris. La perturber plus qu'elle ne l'était déjà ne serait bénéfique ni pour elle, ni pour aucun autre ici.

Quelques minutes passèrent, silencieuses, longues et pesantes, seulement bercées par les gouttes de pluies s'écrasant contre la terrasse. Un bruit attira leur attention, annonçant enfin la fin de la cuisson. La casserole fut amené sur la table, puis des regards confus furent lancés. Personne n'avait encore défini les rôles pour les taches ménagères, et aucun n'était encore habitués à l'emplacement des objets.

"- Qu'est ce que vous attendez exactement ?"

Kaith s'était installé, et il avait été le seul avec la jeune enfant, assise face à lui. Il les regardait, tour à tour, exposant un mélange de désinvolture et d'incompréhension sur son visage. Un long moment de silence suivit la question qui demeura sans réponse, tandis qu'ils se regardèrent tous d'un air penaud. Finalement, Elaï bougea la première. Elle chercha dans les placards, et ramena tout le nécessaire sur la table.

C'était leur premier rassemblement sans le vieil homme, et tout semblait étrange. Comme si ils ne savaient pas vivre d'eux même. Ils étaient redevenus des inconnus, observant chaque faille de l'opposant. Le repas se passa dans un silence de mort, sans qu'aucun ne parvienne à prendre la parole. Tous n'espéraient qu'une chose, le retour du vieux géant. Tout était bien trop pesant, comme si une menace pesait sur leurs épaules encore frêles. Et pourtant, aucun danger ne semblait réellement proche. Ils étaient leur seuls ennemis, pour le moment.

Le repas se passa dans un calme religieux, et ce fut finalement la petite Mia qui brisa ce silence absolu

"- J'aime pas les légumes normalement, mais c'était trop bon !"

Son intervention eu pour effet de délier les langues, et les conversations reprirent lentement. Meïv caressa d'un geste doux les cheveux caramels de l'enfant, satisfaite que sa cuisine lui plaise. De son côté, Ven engagea la conversation avec Viel, qui lui n'avait pas apprécié le repas proposé. La sensation de danger s'éloigna de nouveau, laissant respirer ses jeunes gens qui ne s'étaient aperçus de rien.

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Un peu plus loin, les deux ombres avaient emprunté de nouveau leur route initiale. Elles s'étaient déportées vers l'ouest, afin de se rendre à la rivière qui traversait la forêt. Une de leur destination se trouvait proche de celle ci, mais elles avaient finalement décidé de ne s'y rendre quand dernier, comme elle l'avaient initialement prévues. L'inquiétude les avaient envahies lorsqu'elles y avaient réfléchi, ne pas suivre l'ordre imposé serait très certainement sanctionné. Peut être pas de la peine de mort, mais les punitions pouvaient être parfois pires. D'un accord commun, elles avaient laissé cette cabane en bois qu'elles connaissaient sur le bout des doigts en tant que dernière destination. L'impatience guiderait leur voyage, car le propriétaire de cette maison avait été leur père, un temps du moins. Même si aujourd'hui ils n'étaient plus en contact, les deux formes n'avaient jamais cessé de penser à lui, et ce qu'il avait accompli pour elles. Pour leur bonheur, et rien de plus. Mais le destin était fait ainsi, leur route avait dû se séparer tôt, trop tôt. C'était maintenant leur seule occasion de se voir. Une fois par an, une seule et unique fois avant l'année qui suivrait. Se dire encore une fois au revoir, toujours à cette même période était difficile. Si difficile qu'elles ne parvenaient jamais à rentrer dans les temps voulues, contraintes de se stopper sur le chemin du retour. Les larmes embuaient leur yeux, rendant leur vision quasi nulle, leur jambes souhaitaient faire demi tour, mais c'était impossible. Alors à la place, elles se laissaient tomber sur les chemins silloneux de cette montagne qu'elles avaient parcourues tant de fois. Et elles restaient ainsi, parfois dans le silence, parfois ne pouvant s'empêcher d'hurler. Les cris étaient déchirants, emplis de peine, de rancœur et de regrets. Ce n'était que le lendemain qu'elles pouvaient reprendre la route, prétextant tous les ans être tombées de fatigue à leur supérieur. Mais sur le moment, tous ses souvenirs s'étaient effacés. Il ne restait que le bonheur de savoir qu'elles allaient enfin se retrouver face à leur père. Alors elles accélèrent le pas, encore et encore, bâclant leur travail pour le plus grand bonheur des citoyens. Bon nombre avaient de lourd secrets à cacher, des secrets qui entraîneraient leur mort.

Et le danger s'approchait de nouveau.

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Cela faisait maintenant huit jours. Huit longs jours que le vieil homme était parti, les laissant seuls, livrés à eux même. Les ressources commençaient sérieusement à manquer, les repas se faisaient plus maigres, et l'eau devait être contrôlé. Aucun n'avait osé sortir, par peur de ne pas retrouver le chemin. Ils auraient pu tenter de s'enfuir, mais au fond d'eux ils avaient tous compris. Le vieux géant leur voulait du bien, et le danger se trouvait dehors. Si ils sortaient, ils s'exposaient à d'horribles conséquences, ils l'avaient deviné sans trop savoir par quel moyen. Peut être même s'exposeraient-ils à la mort. Alors d'un accord silencieux, ils avaient misé leur survie sur l'attente.

La tempête grondait dehors, faisant parfois trembler les murs en bois de leur petite maisonnette. Mia était terrifié, et s'abritait dans les bras du premier qui passait près d'elle. Elle avait même fini par se réfugier au creux des bras de Kaith, qui, étonnamment, n'avait pas rechigné. Elle y était depuis restée, tous les deux blottis contre les flammes qui s'élevaient de la cheminée. Un peu plus loin, installé sur le tapis aux formes triangulaires, le reste du groupe jouait aux cartes. Ils les avaient trouvé dans un vieux placard, rongé par les mites. Ce jeu, il ne le connaissait pas, ils n'avaient jamais aperçu de tels symboles sur ces rectangles cartonnées. Elles gardaient le même principe, un Roi, une Reine, un Valet mais il y avait aussi un Chevalier, une Fée et d'autres représentations. Il y avait aucun chiffre, aucune indication qui montrait le plus fort. Alors tout naturellement, ils avaient positionné le Roi en tant que première puissance. Avait suivit la Reine, le Chevalier, Le Valet, la Fée, et enfin les autres. Ce n'était sûrement pas les bonnes règles, tout semblait différent dans ce monde, mais jouer ainsi leur rappelait leur chez eux, qui leur manquait de plus en plus au fur et à mesure que le temps continuait son chemin.

Le tonnerre gronda de nouveau, et Kaith, bien que somnolent, cru apercevoir une forme de dessiner à travers la lumière zébrée de l'éclair. Il releva la petite fille avec toute la délicatesse qu'il semblait posséder, et s'approcha de la fenêtre vitrée. Son cœur palpitait, l'angoisse se déversait à travers tous ses membres mais il n'y avait personne. Personne, et pourtant il se sentait en danger. Une menace pesée sur lui, appuyant contre sa cage thoracique et opprimant l'air dans ses poumons. Ses yeux se baladaient à une vitesse folle à travers les gouttes, guettant le moindre geste suspect. Ses sourcils froncés montraient bien son état de stress, ainsi que sa mâchoire contractée à tel point qu'elle faisait ressortir une veine qui retraçait la longueur de sa nuque. Mais toujours rien. Aussi, il s'autorisa à prendre une plus grande inspiration. Son cœur battait toujours à la chamade, son esprit confus ne se calmait toujours pas, mais il baissa ses gardes.

Son organe vital rata plusieurs battements lorsque face à lui, un visage se forma. Un visage seulement éclairé par la lumière qui se dégageait des nombreux éclairs qui s'abattaient au sol, un visage étrange, creusé, aussi pâle que la mort, mais surtout strié de veines noires. Kaith ne voyait rien d'autre que ses yeux morbides qui le scrutait sans relâche, il ne voyait rien d'autre que ses deux billes noires, vides d'émotion. Il se sentait happé par celles- ci, son énergie le quittait à une vitesse ahurissante alors qu'il tentait désespérément de détacher son regard de ses trous noirs. Il savait que c'était son échappatoire, que si il détournait les yeux, sa force lui reviendrait. Mais c'était impossible. Deux aimants ébènes, dont on ne peut se décoller malgré toute sa force mentale. Le temps passait si vite, il se sentait vieillir, ses os lui faisaient mal, ses organes le brûlaient, sa peau s'étirait. Il souffrait, mais il ne pouvait rien dire. Il ne pouvait qu'offrir ce qui lui restait de vie, en attendant que la mort vienne enfin se déposer sur son corps.

Alors à deux doigts de se faire emporter par la faucheuse, une étrange masse blonde se déposa face à lui, barrant la route à ses deux iris noirs. Il n'eut à peine le temps de voir un fluide étrange pénétrer dans son corps, avant que ses jambes ne supportent plus son poids, et le laissent tomber. Ses genoux frappèrent durement le sol, mais il n'en ressentit rien. Il ne ressentait rien, rien de plus que la douleur qui s'en allait peu à peu, dans le même temps où cette étrange fumée rougeâtre avec quelques reflets vert s'engouffrait en lui. Peu à peu, sa vision périphérique s'éclaira de nouveau. A ses côtés, agenouillé à son niveau, se trouvait Mia. De grosses larmes perlaient sur ses joues, tandis que ses petites mains agrippaient le bout de tissus qui recouvrait son corps. Elle ne cessait de l'appeler, tentant par tous les moyens de croiser son regard. Les autres aussi étaient rassemblé près de lui. De l'autre côté, il aperçut le garçon aux cheveux ébènes. Ven donc, le seul ayant prit le temps de faire connaissance avec lui. Il semblait tout autant, voir plus inquiet que la petite enfant. Mais il ne pleurait pas, lui. En revanche, il le secouait bien plus durement que ce que tentait de faire la petite fille. Kaith ne savait plus où se mettre, ne comprenait pas ce qui venait de lui arriver. Son seul réflexe fut d'orienter son regard vert dans celui ambré de la petite Mia. D'une main tremblante, il essuya ses larmes. Il tenta de parler, mais de simples mots murmurés passèrent la barrière de ses lèvres.

"- Ne pleures pas..."

Sans un mot de plus, il ramena la petite fille contre son torse. Il semblait la rassurer, mais en vérité, c'était elle qui le calmait. Ses reniflements, ses petits doigts accrochés à son cou, le corps chaud, voir brûlant contre le sien, encore froid, tout ça lui prouvait, lui rappelait qu'il était encore en vie. Il n'avait jamais été confronté à la mort, et pourtant il l'eut cru. Maintenant, il le savait. Et il ne voulait jamais retenter l'expérience.

Ses membres devinrent plus lourds, ses tympans bourdonnaient violemment, rendant le monde autours de lui confus, et sa vision se troublait. Il lutta, il lutta de toute ses forces car la sensation n'était pas bien loin de ce qu'il avait ressenti plus tôt. Une goutte tomba au sol, puis deux, puis trois, suivit d'un millier d'autre. Il ne ressentait plus rien, alors il amena sa main à son visage, cherchant à comprendre d'où ce liquide carmin venait. Le sang coulait le long de sa joue gauche, recouvrant toute trace de sa peau. Son crâne aussi, était devenu rouge. Sa blessure s'était rouverte, saignant à nouveau comme lors de la première fois où il avait été blessé. Mais en plus de ça, son nez ne cessait de couler lui aussi. Il avait la mauvaise impression de se vider de son sang, de mourir une seconde fois. Mais il n'eut pas plus le temps de se poser des questions, son corps chuta vers l'avant, entraînant avec lui la petite Mia. Sa tête frappa le sol, faisant résonner un bruit aigu tout autours de lui. Sa vision lui revint quelques secondes, mais il ne put qu'apercevoir le visage de nouveau emplit de larme de l'enfant.

Ne pleures pas... Ne pleures pas je t'en supplie... Je vais bien, regardes... Regardes, je vais bien... Ne pleures pas tu me fais peur...

Mais ces mots ne furent jamais prononcés.

Ven tenait contre lui le corps évanoui du jeune Kaith. Il avait cessé de saigner pour le moment, mais son visage était maintenant recouvert de ce liquide rouge maintenant sec. Il aurait voulu s'en occuper, le laver et s'assurer que la plaie était bien refermé, mais il avait problème plus urgent. Face à eux, seulement séparé par la vitre, deux ombres se tenaient, droites, intransigeantes. La première était menue, petite mais bien formée. Des cuisses arrondies, des hanches développée, pour que le tout vienne s'affiner un peu plus haut, et enfin s'écarter de nouveau à la hauteur de ses seins. Son visage était sévère, taillé durement, ses traits creusés par la fatigue et les heures de travail. Ses lèvres étaient malgré tout pulpeuses, rappelant la féminité qui était censé l'habiter. Elle avait un nez fin, droit, avec seulement quelques taches de rousseurs sur le bout du nez, qu'elle n'avait pas ailleurs. Ses yeux était grands, ronds, somptueux. D'un violet pur, et magnifique, ses longs cils rendaient le regard encore plus charmeur et profond. Ses sourcils n'étaient pas taillé main, mais ils avaient une forme arrondis, entièrement symétrique. Ses cheveux coupés au carré, d'un blond clair tombait autour de son visage. Cette femme était belle, attirante mais son regard était glacial. Quand à la deuxième qui l'accompagnait, il n'osait même pas la regarder. Plus que pâle, sa peau semblait grise, parcouru de stries noires qui semblait être ses veines. Elle était maigre, extrêmement maigre à tel point que ses os étaient visibles, même si il ne pouvait apercevoir que ses jambes, et le haut de son torse. Elle avait une robe entièrement déchirée, noire, aussi noire que ses cheveux emmêlés. Et son visage, il ne souhaitait pas le voir. Lorsque Kaith avait croisé son regard, un fluide étrange s'était échappé de son corps, lentement. Le jeune homme s'était figé, paralysé par la peur. Il semblait ressentir une angoisse extrême, et son corps entier avait été parcouru de spasme. Plus l'étrange fluide s'échappait, plus sa peau se clairsissait, pour se rapprocher de la couleur de cette femme, qui semblait morte. Il avait été comme changé en pierre, incapable de bouger, pétrifié. Ce n'est que lorsque son regard avait enfin pu apercevoir autre chose que ce visage maléfique qu'il avait retrouvé des couleurs peu à peu. Le fluide était revenu à sa place initial, comme si de rien n'était. Rien que voir cette étrange fumée aurait été perturbant, mais Kaith s'était peu après effondré, installant la peur au sein du groupe. Était-il mort ? Ils l'ont cru, un long moment. Pendant de longues minutes, aucun n'osa bouger, même Mia. Mais ce fut finalement elle qui désamorça tout, en se collant au jeune homme inconscient. Ses pleurs résonnaient dans toute la maison, incapable de se contrôler. Elle avait peur, extrêmement peur de ne pas le voir revenir. Mais après ne pas avoir bougé pendant de longues minutes, son corps s'activa de nouveau. Son torse se souleva lentement, puis s'abaissa. Il respirait, Il était vivant et c'était tout ce qui comptait. Mais l'angoisse régnait toujours. Deux inconnus les avaient trouvé, deux inconnus qui semblaient avoir le pouvoir de tuer d'un simple regard.

Aucun mot n'avait été échangé, ni même un mouvement esquissé. Le temps semblait arrêté, et le seul indice qui prouvait le contraire était la pluie, qui s'abattait encore sur les deux jeunes femmes nullement dérangées. Elles non plus ne parlaient pas, elles semblaient attendre, réfléchir. Le tonnerre était maintenant parti, apaisant légèrement les esprits qui avaient toujours la crainte de voir un autre visage apparaître à l'aide d'un éclair.

Certainement lassée se faire tremper, la jeune femme blonde s'était dirigée vers la porte massive d'un pas déterminé. Elle n'avait pas frappé, pas attendue un quelconque accord, et avait simplement abaissé la poignet en métal rouillé. La porte s'était ouverte lentement, dans un grincement insupportable. Le petit groupe était tétanisé, horrifié de voir ainsi deux intrus pénétrer dans une maison qui n'était même pas la leurs. Leurs chaussures couinaient contre le parquet, le faisait grincer durement, achevant le cœur des jeunes victimes. Pour la plus part, ils se pensaient dans un de ces nombreux films d'horreurs qu'ils avaient vu, et ils étaient tous persuadés de mourir très bientôt. Avaient- ils seulement tord, pas vraiment. La femme blonde ne leur ferait rien, en revanche, le cadavre qui traînait ses pieds nus derrière elle avait de nombreuses envies de meurtres les concernant. Ils avaient pénétré son chez-soi, sa maison où elle avait grandi avec sa sœur et son père, il était inconcevable que d'autres personnes, qui semblaient en plus de leur âge, ne les remplace. Elle les voulaient morts, morts de ses propres mains, mais sa sœur l'avait stoppé avant le drame. Ce n'était pas son travail, elle n'était pas ici pour tuer, mais pour s'assurer que tout allait bien. Que rien n'avait changé. Même si ils constituaient en soi un changement, étant donné qu'aucun ne figurait sur leur liste. Mais avant d'agir, elles devaient attendre. Elles devaient attendre le retour de leur père, sa justification, et ensuite, agir en conséquence. Malgré tout, malgré leur lien étroitement lié avec le propriétaire de cette maison, elles ne laisseraient rien passé. Peu importait combien ses jeunes comptaient pour lui. Car au fond d'elle, la jeune blonde brûlait aussi de jalousie. Elle trouvait la vie bien injuste de l'avoir séparé de son père, mais elle le trouvait encore plus injuste lui, de leur avoir caché, mais par dessus tout de les avoir remplacé. C'est ainsi qu'elle analysait la situation, et malgré toute sa bonne volonté, elle ne parvenait pas à se défaire de cette image. Son paternel en aimait d'autres qu'elle et sa tendre sœur. Peut être même plus, et au fond d'elle, elle en était terrifiée. Mais elle était un soldat, elle ne montrerait rien. Droite, fière, et sans peur.

"- Où se trouve Monsieur Taïran Feineger, propriétaire de cette habitation ?"

Sa voix était claire, possiblement douce si elle en usait autrement, mais le ton était sec, posant une énorme distance. Elle n'était pas ici pour se lier d'amitié, elle avait une mission et elle le ferait comprendre. Mais un silence lui répondit. Ils se regardèrent, s'échangèrent tous des regards confus, indécis. La réponse était clair, ils ne savaient pas. Avait- il fait exprès de partir sans donner sa destination ? Sa jeune fille le connaissait par cœur. Évidemment qu'il l'avait fait exprès, car il savait très bien qu'elles se rendraient ici. Et il savait aussi que si elles ne le trouvait pas à cet endroit, elles partiraient à sa recherche. Il leur avait délibérément transmis un message, celui de l'attendre sagement ici. Elle en était persuadée, c'était ce qu'il avait voulu lui dire.

❧❧❧❧❧❧❧

Voilà maintenant plusieurs heures que le groupe était en compagnie de ses deux étranges femmes, si on pouvait toujours considéré l'une d'entre elle comme telle. De brèves explications avaient été donné, parlant d'un certain recensement, d'un ordre à maintenir, et d'autres détails qu'ils n'avaient absolument pas retenus, ne comprenant rien à rien. Elles avaient conclues simplement, les rassurant sur le point qu'elles ne tenteraient rien sans avoir vu le propriétaire, Taïran donc, mais elles avaient posé certaines règles. À la moindre dérogation, le fautif mourrait. De quoi calmer les esprits rebelles, qui s'étaient alors tenus à carreau. Les règles étaient les suivantes, interdiction de bouger sans la permission, parler, non, chuchoter, oui, et il était strictement interdit de les attaquer de leur place. Cette règle la, aucun ne l'avait compris. Ils avaient tous été fouillé, dépouillé d'une quelconque arme qu'ils auraient pu posséder, ils leur étaient donc impossible de les attaquer de n'importe quel moyen. Mais c'était ainsi, les règles avaient été fixées, et personne n'avait osé rechigner ou demander une précision.

Et pendant ce temps, pendant qu'ils étaient serré les uns contre les autres, pétrifiés de peur, elles, faisaient à manger. Nullement atteintes par l'ambiance qu'elles avaient créé, elles discutaient tranquillement. Ce petit désagrément leur avaient retiré quelques secondes leur impatience de voir à nouveau leur paternel qui leur avait tant manqué, mais elle était de retour, plus puissante encore. Elles savaient que l'heure des retrouvailles approchait à grand pas, et leur corps tremblaient mutuellement d'excitation à cette idée. Chaque bruit les faisaient sursauter, regarder avec espoir vers la porte massive, mais pour le moment, tout n'avait été que faux espoir. Jusqu'à ce moment, où la porte grinça à nouveau. Le corps immense de Taïran passa le pas de la porte, son regard fatigué et vieilli avisa le jeune groupe rassemblé sur le tapis, puis enfin les deux jeunes femmes. Leur yeux pétillaient de bonheur, et elles n'attendaient que son approbation pour se jeter dans ses bras. Une approbation, qui ne vint jamais. Il les regarda, d'un regard sombre et d'un sérieux qu'elles lui connaissait peu.

"- Les filles, je suis ravi de vous voir... Mais il y a certaines chose que nous devons régler."

L'air ambiant s'alourdit, la rancœur s'installa dans son cœur pendant que son regard améthyste parcourait l'expression tourmentée de son père. Ses doutes revenaient à la charge, achevant enfin sa conviction. Son père avait trouvé de nouveaux enfants.

"- Oui, parlons... Père."

 

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mariedeloin
Posté le 04/02/2021
Magnifique chapitre.
Il commence l'air de rien, des rencontres, des gens tentent de se découvrir.
Puis tu as réussi à nous faire basculer lentement vers des tensions, des oppositions jusqu'à un final plein d'amertume et de peurs...
J'ai vraiment beaucoup aimé comment tu nous mènes dans ce monde étrange dont on n'a pas les codes.

(y'a plus qu'à corriger les fautes...!!)
m00ndrip
Posté le 04/02/2021
C'est vraiment encourageant d'avoir un retour pareil, merci beaucoup ! Je dois avouer que j'avais très peur que les premiers chapitres soient très lents, et peut être même ennuyant mais je vois que ça n'a pas l'air d'être un problème, j'en suis rassuré !

(encore désolé pour les fautes, j'essaierai de me relire plus sérieusement à l'avenir..!)
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