CHAPITRE II - Ronces et lierres des mangeurs d’étoiles - Arcturus - Partie 1

Notes de l’auteur : Bonjour à tous, j’espère que cette scène vous plaira et vous donnera envie de lire la suite.
Au fait, que pensez-vous d’Arcturus et des intrigues autour de l’Alliance for Progress ? J’ai évité d’entrer dans des propos trop économiques pour le moment, afin de se concentrer sur le côté humain de cette lutte, sur des notions d’espoir et d’image médiatique. Considérez-vous que cette opposition soit trop idéaliste, et pas assez concrète ? Et que pensez-vous de Cyrus ? Plutôt marrant, gênant, fou ou triste ?
Quant à la fin de ce chapitre, il se finira encore du côté italien, sur une note à priori plus joyeuse, pleine de révélations sur le LM (et avec un peu plus d'action pour celle qui n'en a pas encore vraiment eu).
N’hésitez pas à commenter ou partager mon travail autour de vous, et portez-vous bien.

Arcturus, 30 janvier 1880

« Catastrophe en mer !

Des milliards de livres sterling perdus par Solar Gleam à la suite d’un naufrage, plusieurs disparus : « Rien à craindre, Semper Peace fait son possible, tout est sous contrôle ! » déclare le président Seafox. »

 

Extrait de la une du Light Hill’s Morning, le lendemain du naufrage d’un cargo contenant 2000 litres de LM au large des côtes anglaises, le 16 janvier 1880.

 

D’ailleurs, à des centaines de kilomètres de William, à bord d’un navire battant l’or et l’azur de Semper Peace à côté du pavillon britannique, Arcturus en venait à se faire des réflexions similaires sur ce monde changeant.

Certes, il avait déjà reçu une lettre pleine d’inquiétude d’Alessia, et une autre plus incisive de Maria, mais c’est encore autre chose qui le faisait se demander si la surconsommation de LM n’entraînait pas des conséquences qui dépassaient déjà les sociétés humaines. Pourtant, il revenait tout juste de signer la vente de 25 000 litres de LM avec les Royaumes de Suède et de Norvège, tout juste de quoi financer de nouveaux grands travaux dans ses cités ou ses palais, et il avait bien d’autres problèmes en tête, comme la libération de son père et de toute l’Alliance for Progress des griffes de David Rutheyet. Cependant, le spectacle auquel il assistait ne pouvait laisser un jeune savant comme lui indifférent, il amusait même tout le pont du navire d’ailleurs.

Au large de Light Hill, une grande mouette rieuse, quatre fois plus grande que ses congénères, chassait le poisson en plongeant sous les yeux étonnés du Seafox et de son équipage. La scène aurait pu paraître anodine à quelqu’un qui n’était pas familier avec les eaux britanniques ou cette espèce d’oiseau, seulement c’était aussi improbable que de voir un requin chasser les oiseaux en jaillissant de l’eau. La mouette en question n’était pas censée ressortir de l’estuaire de la Tamise avec tant d’aisance, ni avec des poissons si imposants. Plus curieux encore, elle ne les mangeait pas, elle amenait les poissons qui se débattaient encore dans son puissant bec sur un petit coin du rivage, où patientait une myriade d’autres oiseaux plus petits. Aussitôt jeté sur le sable, les malheureux poissons étaient ensuite dévorés allègrement en moins d’une minute, tandis que la grande mouette mutante repartait en chasse au large. Puis soudain, la vigie s’exclama que les oiseaux rassemblaient un festin pour la grande mouette, fait de petits vers de terre appétissants, à l’écart du reste et que personne n’y touchait. Les mouettes ont toujours été très sociables, mais de là à avoir des comportements aussi hiérarchisés, s’intriguait Arcturus en observant la scène d’un air pensif. Mais un événement inattendu vint agiter un peu plus cette scène déjà très curieuse.

Sans crier gare, une seconde mouette mutante bien plus massive surgit, pour se ruer sur le festin de vers, sous les regards effrayés des autres oiseaux qui s’écartèrent en piaillant leurs terreurs. Et tandis que le pont s’amusait déjà de ce larcin, ils virent la première mouette relâcher le poisson qu’elle tenait pour fondre sur la concurrente. Bien sûr, les Nine Springs de Semper Peace rassemblés autour d’Arcturus prenaient déjà les paris, sous les yeux déçus des marins qui n’avaient pas droit à ce genre de jeu à bord. Néanmoins, l’équipage pouvait quand même profiter d’un sacré combat, puisque la première mouette, fusse-elle plus petite, était bien décidée à défendre sa place et punir la voleuse. Cependant, sous les mines réjouies d’une partie des Nine Springs, le second volatile parvint à se défaire des coups de becs de son assaillante pour s’envoler. Mais elle n’abandonna pas le combat, bien au contraire.

Après avoir pris un peu d’altitude, elle fondit à nouveau sur la première et faillit lui porter le coup fatal, avant de la harceler en plein ciel. La situation semblait finie pour la première, à tel point que Kennocha commençait à regretter d’avoir parié sur elle, lorsque son amant, Arcturus, lui désigna le rivage. Sur toute la plage, les autres oiseaux trépignaient d’hésitation, partagés à l’idée de prendre parti, piaulant à chaque coup de bec ou de serre, scrutant le moindre mouvement de l’affrontement. Quand, soudain, l’un de ces oiseaux prit son envol, entraînant tous les autres dans le ciel jusqu’aux deux combattantes, pour finalement rallier celle qui les avaient nourris, rassurés de le voir égaler cette intrus - ne serait-ce que pendant quelques secondes. Encerclée de toutes parts, la seconde fut alors repoussée puis, malgré tous ses efforts pour s’enfuir, elle fut rattrapée par les plus petits des oiseaux, et lacérée dans un sillage de plumes, tellement portée par une myriade d’oiseaux meurtriers qu’elle était déjà morte lorsque la première rattrapa son cadavre au vol.

Mais tandis que les Springs réglaient leurs paris, Arcturus ne lâchait pas la scène des yeux, jusqu’à en être récompensé, car le traité de paix était encore plus intrigant que la bataille. Une fois revenue sur le rivage avec sa concurrente ensanglantée à ses pattes, la grande mouette poussa un petit chant charmant, invitant les plus imposants oiseaux de chaque espèce à venir près d’elle. Ainsi, ils furent tous récompensés par une part égale du butin, prélevée à tour de rôle, tandis que la cheffe se réservait la tête de sa redoutable concurrente. Puis, une fois le partage fait, ils s’attendirent pour manger ensemble, sous les regards des autres oiseaux qui en délaissaient leurs repas pour gazouiller autour d’eux, réjouis d’assister à un festin pareil, rêvant d’y participer un jour. La suite aurait peut-être été encore plus surprenante, pensa Arcturus, tandis que son navire s’enfonçait dans la Tamise, en lui ôtant petit à petit la vue de ce spectacle, les deux mouettes ont dû ingérer une sacrée dose de LM, et de façon progressive, tout au long de leur vie pour ne pas se déformer. D’ailleurs, la seconde et plus grande des mouettes mutantes allaient sûrement constituer un repas de choix pour l’évolution de ces oiseaux.

Seulement, même l’Anglais du Conseil et président de Solar Gleam était bien incapable de dire qu’elle serait la prochaine évolution de ces mouettes. Alors, malgré son bon cœur, Arcturus fit le choix le plus responsable pour ses animaux contaminés par cette molécule qui lui était si chère, celle qui l’avait élevé jusqu’à là où il en était.

Lysander. » lâcha-t-il à destination du grand homme qui se trouvait à sa droite, un Britannique à l’air allemand qui répondit poliment à son président en lui donnant de son titre. « Une équipe d’intervention de Semper Peace ira observer ces oiseaux, abattre tous les mutants parmi eux et ramener leurs corps à Light Hill, ainsi que tout ce qu’elle trouvera contaminé par du LM.

— Très bien, Sir Seafox of Light Hill. Devra-t-elle partir cette nuit même ?

— Elle partira au plus tôt, dès que nous arriverons à quai, j’ai renégocié nos accords de collaboration avec la Couronne. Assure-toi quand même que l’opération se fasse dans un certain secret et que les habitants ou les autorités en sachent le moins possible. » précisa-t-il, avant que le chef des Nine Springs ne lui propose de mener l’expédition eux-mêmes, puis que le Seafox ne croise la mine triste et soupirante de son amante – déjà désespérée par une telle idée. « Non, je ne vais pas vous envoyer chasser des oiseaux. Vous êtes destinés à des devoirs plus importants. » sourit-il au grand plaisir de l’Ecossaise, ou de Lysander qui se contenta de conclure qu’il insisterait auprès des services de Semper Peace pour que tout soit exécuté selon les ordres du président. Et maintenant qu’elle était soulagée de ne pas avoir à effectuer de la basse besogne, Kennocha libéra enfin sa curiosité quant à cette affaire, puisqu’Arcturus n’était pas du genre à ordonner des chasses – il n’y prêtait pas spécialement attention d’habitude.

— C’est si dangereux que ça de laisser des oiseaux apprendre à pêcher ? Tu parles souvent du monde qui vient, alors tu pourrais les laisser évoluer avec nous, non ? » questionna la rousse des Springs, pour que ça soit à son tour de soupirer, tant il n’avait jamais aimé aborder ce sujet - mais maintenant qu’il avait soupiré il ne pouvait plus se défaire d’elle …

 

Il n’était pas très fier des raisons qui l’avait poussé à décréter l’extermination systématique des animaux mutants, ce n’était qu’au nom du profit de Solar Gleam et de l’image du LM qu’il avait tranché – tout comme le RFA.

Pourtant, le président avait sincèrement pesé les arguments avant d’ajouter cette mission aux prérogatives de Semper Peace, et les deux opinions se valaient. Qu’il choisisse la prudence sanglante ou le laxisme dangereux, l’évolution des écosystèmes était inévitable, il le savait bien. Semper Peace pouvait bien capturer ou abattre tous les mutants nuisibles à l’homme, ça ne ferait que timidement retarder le problème, c’était comme vouloir vider un bateau percé avec un seau. Néanmoins, cela nous donnera davantage de temps pour s’y préparer, l’Humanité a déjà assez de problème pour le moment, en avait conclu le président, tel qu’il le répétait aujourd’hui à son amante alors que les cimes de Light Hill apparaissaient à l’horizon. Arcturus n’était donc pas inconscient des risques environnementaux du LM, il était même le plus fervent défenseur de l’harmonie naturelle au sein du Conseil avec Alessia. Seulement il s’était résigné à la défaite, c’était le prix du progrès et de Solar Gleam, sans compter qu’il y avait des drames contre lesquels toute la vigilance du monde ne peut rien, comme c’était le cas du cargo rempli de LM qu’il venait récemment de perdre dans une tempête. D’ailleurs, il n’était pas improbable que les mouettes mutantes se soient récemment repues d’une partie de cette cargaison, elles ou d’autres de leurs congénères, si ce n’est une grande partie de la faune marine du secteur.

Et, en plus de cela, les enquêtes internes qu’il avait demandées quelques mois plus tôt commençaient déjà à donner des résultats assez déconcertants, alors qu’elles n’en étaient qu’au début. Outre les affaires de contrebandes de LM, les sites Solar Gleam semblaient tous avoir du mal à gérer les effets des échos de LM, qu’il rejetait dans l’atmosphère proche. Il n’y avait à priori rien de grave, hormis du travail pour les chasseurs de Semper Peace qui régulaient discrètement la situation, mais le président restait inquiet car il savait bien que la production de LM allait devoir augmenter, afin de suivre cette dynamique de progrès et de naissances amorcées par ses mentors vingt ans plus tôt. Il était même assez inquiet pour continuer à en discuter avec ses Springs lorsqu’ils descendirent à quai, puis montèrent dans les deux voitures à cheval qui les y attendaient. En plus, ses inspecteurs ne lui avaient toujours rien ramené sur l’homme qu’il s’apprêtait à contrarier, et il n’avait pas besoin qu’on rajoute de nouveaux problèmes à son emploi du temps bientôt transformé en cavale. Car les deux voitures ne prirent pas la direction du centre-ville comme d’habitude, au contraire, elles quittèrent Light Hill à grand galop pour une longue traversée de la campagne anglaise.

Ce jour-ci, c’était à Clipsham qu’Arcturus se rendait, avec la ferme intention de libérer son père, officieusement enfermé par le maître de l’AP au beau milieu de l’île. Et le trajet aurait pu sembler encore plus long, si les discussions en étaient restées aux innombrables risques écologiques que le LM faisait planer. Mais, heureusement, l’un des Springs voyageant avec son président était connu pour ses questions et ses suggestions toujours … inattendues.

— D’ailleurs, il ressemble à quoi votre père ? » s’interrogea soudainement Siarl, un gallois aux yeux d’un bleu qui s’accordait à merveille avec son air innocent, tandis que Kennocha achevait sa plaidoirie en faveur de la cause des animaux mutants.

— Bordel ! C’est quoi le rapport avec ce que je viens de dire ?! » s’agaça-t-elle, en craquant devant la versatilité de son collègue, comme toujours depuis les huit années qu’ils se connaissaient.

— Aucun. Mais du coup, il ressemble à quoi ? Je suis sûr qu’il est plus grand que vous ! » reprit-il en souriant, avant que son président avoue, d’un ton légèrement circonspect, que ça n’était pas le cas, et que sa mère avait toujours été plus grande que son père - au grand amusement de l’ancien corsaire qui en tirait toutes sortes de blagues. Mais ce qui intriguait vraiment Arcturus, c’était pourquoi le Gallois des Springs supposait que son père soit plus grand que lui, il devait bien y avoir une raison – et Arcturus tenait à savoir quelle apparence il dégageait. « Bah moi, je dois bien faire dix centimètres de moins que mon père. C’est pour ça que je vous le demande. » lui répondit-il aussitôt, laissant Arcturus s’étonner d’un tel manque de tact, car il avait beau le connaître depuis plusieurs années maintenant, il n’arrivait toujours pas comprendre comment les pensées pouvaient bien s’enchainer dans l’esprit de Siarl. Ce type ne pensait quand même pas au hasard ? se demandait alors le président de Semper Peace, quand il vit la jeune médecin des Springs, une Irlandaise répondant au doux nom d’Iverna, se pencher légèrement vers son collègue pour lui poser la main sur le genou, comme si c’était un enfant.

— Ce serait peut-être plus intéressant de demander ce qu’il a fait de notable dans sa vie, quel genre d’hommes il est, ses goûts et ses passe-temps ... » suggéra cette trentenaire à la chevelure aussi luxuriante que celle d’Alessia, pour que Siarl ne se reprenne aussitôt : c’était effectivement ce qu’il voulait demander au début, mais il avait apparemment oublié sa question en cours de réflexion.

— Oublie ce crétin, mon amour. Au fait, ce sera l’occasion de me présenter, non ? » vint alors lui susurrer son amante, figeant Arcturus d’angoisse sur ces quelques mots.

— Hem ! - Devant mon père, il vaudrait mieux que nous évitions d’être trop proches. Il est très observateur et, enfin, tu sais bien que nous ne pouvons pas nous afficher devant lui. » s’excusa-t-il, avant que l’Ecossaise quitte son épaule pour jeter son air contrarié par la fenêtre, sous les ricanements contenus de Siarl qui pouvait enfin poser sa question : comment il est devenu corsaire votre père ?

 

Seulement, c’était bien la centième fois de son existence que l’Anglais du Conseil racontait la légende de son père, à tel point que cela l’ennuyait, lui qui avait pourtant passé son enfance à bassiner le monde entier avec son père. D’ailleurs, cela n’avait pas manqué d’engendrer des soirées mémorables pour William et Alessia, lorsqu’ils profitaient des engueulades stupides entre Maria et lui, chacun prétendant que son paternel était meilleur que l’autre. Néanmoins, ces débats stériles avaient parfois dérapé, frôlant les insultes puisque ni lui ni sa collègue française n’acceptaient les critiques à ce sujet.

Mais avec l’âge, il avait fini par comprendre qu’un homme était plus que le fils d’un père, et son rapport à lui avait suffisamment changé pour qu’il demande à Siarl de se contenter d’une version courte.

— Je préférerais une version entre les deux si c’est possible. Quand c’est trop long je comprends plus et quand c’est trop court, je comprends pas ! » répondit-il du tac-au-tac sous les yeux étonnés d’Arcturus, l’air consterné de Kennocha, et les regards amusés de Lysander et d’Iverna.

— Ah ! Sacré Siarl ! C’est presque philosophique ce qu’il dit ! » s’amusa le chef des Springs, avant que sa collègue irlandaise n’acquiesce en tournant son regard vers son président.

— Les grands évènements de la vie de votre père sont célèbres sur tous les rivages, mais ceux ne sont souvent que des petites romances ou des rumeurs de pub. Vous nous synthétiserez mieux sa légende que quiconque.

— Ne commencez pas à le couvrir d’éloges, sinon on pourra plus arrêter le fils à papa. » asséna Kennocha de son petit air hautain, sans le regarder, ce qui ne manqua pas de le faire sourire.

— Et toi, ne commence pas à faire ta grincheuse, le voyage va être long. » ordonna Lysander d’un ton sévère, laissant Kennocha bougonner en dialecte, et Arcturus endosser le rôle du gentil président qui apaisa la situation en disant que ce n’était pas grave.

 

Puis, une fois que la Rousse des Springs se tut, il put commencer cette histoire qu’il connaissait par cœur. Alors, durant de longues heures de voyage sous les soubresauts d’une route trop rustique pour ses automobiles, Arcturus enchaîna toutes sortes de récits sur la vie d’un homme qui avait fini par en mourir socialement avant ses trente-cinq ans.

Bien sûr, il raconta l’épisode célèbre de la fuite de Liverpool où, après avoir sauvagement tués les meurtriers de ses parents, Cyrus embarqua sur un bateau rempli d’Irlandais en partance pour l’Amérique du Nord. Il y eut un terrible naufrage durant lequel périrent nombre d’innocents, leur navire brisé par trois vagues, ne laissant aucun survivant, sauf le Seafox, miraculeusement agrippé sur un grand morceau de bois. Seulement la chance légendaire du futur corsaire ne s’arrêta pas là, puisqu’il fut secouru par un vaisseau, celui d’une bande de pirates authentiques, spécialisés dans le trafic d’esclaves et de métaux. Le capitaine accepta de remonter le Seafox pour en faire un mousse, sans imaginer que, quelques années plus tard, ce gamin prendrait sa place avec tous les autres mutins qu’abritaient son équipage. Cela se produisit, lorsqu’au beau milieu d’un des rares abordages que cette bande de pirates arrivait encore à remporter, Cyrus remonta de la cale avec une équipe mêlant mutins et esclaves, à qui il promettait la fortune du capitaine prétendument enfouie quelque part. Ce n’était que le premier coup audacieux qu’il réussit à partir de là, car il trouva effectivement le trésor du capitaine, qui était en réalité une cache de contrebandiers remplie à ras-bord et très peu surveillée - le jour précis où le jeune capitaine arriva pour tout piller. Ensuite, aucun membre de l’équipage n’en avait plus jamais douté, ce gamin a la fortune au cul, un mélange de chance et de talent qu’il ne servait à rien de questionner, mais dont il fallait profiter.

Durant les dix années qui suivirent, Cyrus prit le nom de Seafox en l’honneur de sa mère qui adorait les renards et bâtit la réputation d’un navire, qu’il vola à la France durant son expédition contre le Mexique et surnomma la Golden Owl, un vaisseau de 64 canons comptant près de 700 fidèles marins, connu pour intimider même les escadres des souverains. Avec un pareil équipage, le Seafox découvrit nombre de trésors et accomplit des dizaines de vols ou de convoyages clandestins, en plus de soumettre une bonne partie des trafiquants des Caraïbes, des Philippines, d’Indonésie ou d’autres archipels à travers le monde. La Chouette Dorée était alors devenue une véritable institution pour les derniers aventuriers des mers, et surtout pour ceux qui n’aimaient jamais faire escale trop longtemps. Mais à partir du début des années 1860, la Golden Owl se fit de plus en plus rare sur les mers, dès que son capitaine retrouva sur terre une attache plus forte que l’adrénaline de l’aventure, puis cela ne fit que s’accélérer dès qu’il rencontra August et David, sur les quais de New York. En leur compagnie, l’AP fut fondée, dans le noble but de canaliser les richesses du monde dans l’intérêt de l’Humanité entière, de détourner tous les flux financiers possibles afin de les injecter dans la croissance mondiale. Et la légende de l’aventurier s’était arrêtée ici, presque aussi vite qu’elle avait commencé. Pourtant, il ne l’avait jamais regretté. Selon les propres mots de son fils, il avait fait ce en quoi il croyait, il ne s’était jamais repenti d’avoir intégré l’AP. Ce n’était pas par hasard qu’il était l’un des rédacteurs de la célèbre devise de l’AP : Tout produit et tout savoir est bon par essence, car tout ce qui est déjà créé ou su ne sera plus à penser pour nos enfants. Tout l’idéal de la véritable Alliance for Progress résidait dans cette phrase qu’Arcturus chérissait autant que son père, c’était leur vision du progrès.

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Coquilles
Posté le 21/01/2022
Salut, un petit moment que je n'avais pas lu ton roman et il me manquait. Ton aventure est captivant. A chaque nouveau chapitre, on se demande vers quelle nouvelle aventure, tu nous emmènes !
Deslunes
Posté le 24/01/2022
Bonjour, merci du commentaire.
J'espère que l'évolution du récit vous captivera jusqu'à la fin, et peut-être au-delà.
Bibliophage
Posté le 21/01/2022
Hello,
Ils ont une famille, en fin de compte, tes jeunes savants. Et son père l'a laissé partir tout jeune ? Au moins Arcturus ne lui en veut pas à son père, il va le sauver, en bon fils qu'il est.
Deslunes
Posté le 24/01/2022
Bonjour, merci du commentaire.
Non seulement ils ont une famille, mais il n'est pas impossible qu'elle soit plus étendue qu'ils ne le croient, ou qu'elles soient un peu plus étoffées lorsque je rajouterai les toutes derniers modifications avant d'envoyer à l'éditeur (je suis parfois assez gêné du fait qu'il n'y ait pas de fratrie au-dessus de deux chez les élèves du conseil, sachant qu'à l'époque, il n'y a pas de contraception et les familles européennes font beaucoup plus d'enfants). J'hésite parfois à rajouter une soeur à William ou à Jasper, un frère à Alessia, sans qu'ils n'apparaissent dans le récit pour autant (ils sont adultes et font leurs vies, mais ça donnerai plus de poids à William s'il se battait aussi pour sa petite sœur etc.).
Sinon, pour en revenir à votre question, Cyrus préférait voir son fils partir que végéter à Clipsham (charmante commune au demeurant) ou dans les villes du coin comme Leicester. Le choix fut bien sûr douloureux, la solitude de Cyrus le prouve, ne serait-ce que le fait qu'il attende l'heure du repas comme si c'était sa seule activité de la journée). Mais en bon fils et bon père, ils se pardonnent et se comprennent.
J'espère que leur relation père-fils vous plaira...
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