Chapitre II (1ère partie)

« Bonsoir à toutes et à tous ! bienvenue dans votre émission préférée, celle que vous attendez ardemment chaque jour… bienvenue dans le Daily Workmen Show !

Ce soir je suis accompagné de la belle Nathalie Perez et de son petit monstre, Carlos, le chihuahua maléfique ! Bonsoir Nathalie ! »

« Bonsoir Foester ! »

« Ouaf ! »

Rires.

« Au programme de ce soir les meilleurs et les pires, moments de cette journée de travail et il me semble qu’elle a été scandaleusement rebondissante ! »

« Tout à fait Foester ! nous avons fait le tour de toutes les images des zones de travail de Centre Europe et ce que je peux vous assurer c’est que vous n’allez pas en croire vos yeux ! »

« Je n’en doute pas une seconde, mais ne faisons pas attendre plus longtemps nos chers réseaux-spectateurs, c’est parti jingle ! »

Une musique entêtante retentie durant quelques secondes, accompagnées d’images devenues iconiques de Carlos, le chihuahua maléfique, babines retroussées, laissant entrevoir ses minuscules dents.

« On commence, Foester, avec des images provenant de la zone grise de Naples, où deux ouvrières courageuses ont tenté de stopper une machine folle ! »

« Une machine folle Nathalie ? »

« Tout à fait Foester, selon nos informations une des machines de l’usine textile Paolo Volte, sensée procéder aux découpes de cuir végan, est tombée en panne aux alentours de quatre heures du matin. La responsable d’atelier a alors engagé des réparations, mais qui n’ont pas abouties au résultat attendu ! Voici les images. »

Attablés dans leur confortable salle à manger Meri et Josh avalaient leur dîner, les yeux rivés sur l’écran intégré. Le couple parlait peu, en dehors de quelques banalités concernant la cuisson excellente de la volaille - grâce à leur nouveau four Cooktis à chaleur dirigée - ou pour commenter les images qui défilaient sous leurs yeux. Meri chantonnait les airs des jingles qu’elle connaissait par cœur, quant à Josh il riait de concert avec les rires factices de l’émission.

- Ces femmes ressemblent à des guenons tu n’trouves pas ? lança Meri avec une moue dégoutée en voyant à l’écran les images des ouvrières napolitaines.

Elle ne reçue pour seule réponse qu’un rire sonore de la part de son conjoint tandis qu’il regardait, amusé, l’une des deux ouvrières se jeter sur l’autre pour lui éviter d’être décapitée par la machine.

- Elle a eu chaud ! ria-t-il, quelles imbéciles !

- Tu me fais passer les haricots verts ?

Josh, sans lui adresser un regard, fit glisser le plat sur la table.

- Les Jones viennent nous rendre visite ce weekend. J’ai prévu une belle pièce de viande pour le barbecue. Déclara finalement ce dernier.

Meri fit une moue désapprobatrice.

- Pourquoi les as-tu invités sans m’en parler ?

- Maddy et Sam bossent dans le même département administratif que moi et ils habitent la maison d’en face je n’peux pas les éviter indéfiniment !

- On va encore avoir droit à leurs grands discours sur le respect des ouvriers… soupira Meri, de quoi casser l’ambiance.

Josh haussa les épaules.

« Passons à l’actualité la plus scandaleuse du jour Nathalie ! »

« Scandaleuse, oui ! L’usine d’armement Ruppert and Graam de Cartagena a été le théâtre d’une grève pour la première fois depuis la création de l’Ordre ! »

Meri et Josh écarquillèrent les yeux.

« La chaine d’un atelier entier a été interrompue entre dix heures et dix heures dix, ce matin, privant ainsi la production de milliers de pièces indispensables à l’armée. Pour le moment les revendications des grévistes n’ont pas encore été communiquées mais nous connaissons l’identité de l’instigateur du mouvement, un certain Richard Green, responsable d’atelier depuis six mois. »

« Et il y a fort à parier qu’il ne le restera pas plus longtemps ! »

Rires.

- Tu te rends compte Josh ! ça s’est passé dans notre zone grise !

« Voici les images ! »

Les caméras de surveillance de l’atelier montraient les tapis roulants en mouvement tandis que les ouvriers, les bras croisés, étaient debout, immobiles. Seul Richard Green faisait les cent pas, fixant l’horloge pour ordonner la fin du mouvement.

« L’homme que vous voyez marcher dans les rangs est vraisemblablement le chef de cette courte rébellion, Richard Green. » intervint le présentateur.

« Et il est plutôt bel homme ! » s’exclama la présentatrice.

Rires.

« Ahahah ! Nathalie ne perd jamais une miette de l’info ! »

Rires.

On fit un gros plan sur la présentatrice qui lança un clin d’œil en direction des Réseau-spectateurs.

« Que risque exactement cet ouvrier pour être à l’initiative d’un mouvement de grève, Nathalie ? »

« Pour le moment nous n’en savons pas plus, le Comité d’usine doit nous tenir informés dans les prochains jours. »

« Et l’avis des Réseau-spectateurs peut-il influencer leur décision ? »

« Légalement oui, Foester. »

« Eh bien c’est le moment pour vous de donner votre avis ! » déclara Foester en pointant du doigt la caméra. « Faites tourner vos Anneaux et entrez le code qui s’affiche à l’écran ! donnez votre avis, vous pouvez sponsoriser Richard Green ou bien voter en masse pour son bannissement ! c’est à vous de jouer ! »

« En tous cas, il est certain que cet événement fera encore parler de lui dans les jours prochains ! »

« Et vous serez à nos côtés Nathalie pour en parler ! en attendant, c’est l’heure du bêtisier du jour ! les plus grandes gamelles et les pires ratés de cette journée riche en émotions ! Jingle ! »

Josh, particulièrement excité avait déjà retourné son Anneau. Un écran holographique s’afficha alors dans le creux de sa main et il entra le code pour se connecter au réseau de l’émission.

- Qu’est-ce que tu fais Josh ?

- Je vais le sponsoriser bien sûr !

Meri ouvrit grand la bouche, indignée.

- Quoi ? Tu n’es pas sérieux là !

- Pour une fois qu’il se passe quelque chose à côté de chez nous !

- Ce qu’il vient de se passer est grave Josh ! Je suis enceinte merde, tu n’voudrais pas voir débarquer toute une horde d’ouvriers…

- Tu racontes n’importe quoi, pouffa Josh, comment veux-tu qu’ils franchissent le mur ? Eh puis je ne donne pas grand-chose, cinq Stokers !

Instinctivement elle amena ses mains sur son ventre arrondi, puis se leva de table, contrariée.

- Je te laisse débarrasser.

- Hein ? ah oui, oui.

Puis il éclata de rire à nouveau, captivé par l’effondrement soudain d’un ouvrier sur une chaine de production.

Meri quant à elle, se rendit dans son jardin délimité par la découpe précise de son carré de pelouse luminescente. Les arbres de la rue illuminaient la route de la résidence plongée dans le silence. Face à elle se trouvait la maison des Jones, en tous points similaire à la sienne. Leurs fenêtres filtraient la lumière vive de leur écran intégré, mais le reste était complètement éteint. Quelques jouets d’enfants étaient éparpillés sur leur pelouse et donnait un air négligé à leur habitation. Elle ne pouvait s’empêcher de penser qu’en devenant mère elle serait mieux organisée que sa voisine.

Après avoir pris un bol d’air frais, elle rentra, se déchaussa dans l’entrée et se dirigea vers les escaliers qui menaient à la chambre et la salle de bains. Au passage elle ajusta une décoration murale légèrement de biais, puis décida que ce soir, elle avait mérité un bon bain chaud. Elle en était à sept mois de grossesse et commençait à souffrir de son état. Ses seins avaient doublé de volume et étaient atrocement douloureux, ses jambes lui semblaient de plus en plus lourdes et surtout, Josh ne la regardait plus. Parfois elle se demandait si son choix de devenir mère était le bon. Après tout, toutes ses amies avaient des enfants et l’Eglise encourageait grandement la parentalité. Néanmoins, Josh se désintéressait totalement de sa grossesse et préférait s’absenter pour ses activités sportives dès qu’il en avait l’occasion. Elle pensa qu’elle pourrait rendre visite à ses parents en France et y passer quelques jours. Peut-être réaliserait-il qu’elle lui manquait.

L’eau remplissait doucement la baignoire tandis qu’elle glissait ses doigts sur les flacons de sels de bain parfumés. Après quelques hésitations elle arrêta son choix sur mandarine et bergamote. La grossesse avait, selon elle, au moins un avantage. Cela lui laissait du temps libre pour parcourir les magasins en plus d’avoir une large subvention de l’état. Elle pouvait meubler et décorer la chambre du bébé, acheter de l’électroménager et surtout bénéficier de soins spécifiques, comme le massage prénatal ou un blanchiment des dents. Meri dépensait sans compter, si bien qu’elle avait déjà atteint le premier pallier de points annuels qui lui garantissait une note sociale excellente.

Elle passa son index sur son miroir et commanda à Lexi, l’intelligence artificielle de la maison, de lui jouer un air de musique relaxante. Aussi, les bougies connectées s’illuminèrent pour parfaire l’ambiance tamisée de la salle de bains. Elle s’installa dans sa baignoire dont l’eau changeait de couleur en fonction de la musique et poussa un profond soupir. Lorsqu’elle retourna son Anneau celui-ci s’alluma dans la paume de sa main.

« Avez-vous eu des interactions aujourd’hui ? »

Méri tapa sur la case « oui ».

« Qui ont eu la chance d’être vos interlocuteurs ? réponse a : famille, réponse b : amis, réponse c : commerçants ou prestataires de services, d : autres »

Elle cliqua alors sur « famille ».

« S’agissait-il de Josh, votre conjoint ? ou de Suzanne et Vincent, vos parents ? »

« Josh » écrivit-elle.

« Comment noteriez-vous vos échanges aujourd’hui ? Très satisfaisants, corrects, neutres, médiocres, exécrables »

Méri hésita un instant. Son doigt se tenait au-dessus de « médiocre » tous les jours depuis qu’elle était enceinte, néanmoins, une mauvaise note à son époux retomberait évidemment sur elle. Elle inspira profondément tout en appuyant sur « corrects ». Elle ne devait pas se laisser aller à l’ingratitude, père Alejandro le lui rappelait chaque fois qu’elle allait à confesse. Aussi, elle savait grâce à lui que la rétrogradation de la planète venus amplifiait son sentiment de solitude.

Elle se laissa aller à rêver de la vie privilégiée de la zone blanche. Elle se demandait s’ils avaient, comme les rumeurs le prétendaient, accès en illimité à tous les magasins luxueux. Il était évident que dans ses conditions, être mère ne serait pas un fardeau. Néanmoins, ce bébé qui sommeillait en elle était porteur d’une merveilleuse opportunité de franchir le mur qui la séparait de la zone blanche.

Certains y parvenaient, mais il s’agissait d’exceptions. En effet, il fallait pour cela posséder quelques aptitudes exceptionnelles, artistiques ou intellectuelles et en faire la démonstration lors des nombreux tests soumis par l’école fédérale. Malheureusement, Méri n’avait aucun talent particulier lui permettant une ascension sociale et, malgré des notes correctes à ses examens, n’avaient jamais fait la démonstration d’une intelligence hors norme. Mais peut-être qu’en y mettant du sien, son enfant y parviendrait, entrainant avec lui sa famille vers les hautes sphères de la société. Elle s’imagina le jour de leur consécration, entourée de ses voisins médiocres coincés dans leurs vies minables.

Elle ferma les yeux, enfin prête à se relaxer, quand soudain l’image de cet ouvrier gréviste lui traversa l’esprit. Richard Green. Nathalie Perez, la présentatrice, avait dit de lui qu’il était bel homme. Difficile à dire avec cet uniforme affreux, mais il était vrai qu’il n’avait pas le physique ingrat des ouvriers qu’elle voyait d’ordinaire sur le Réseau. Bel homme ou pas, il n’en était pas moins dangereux. Elle se mit à espérer qu’il soit puni pour ses actes et ainsi ne plus jamais entendre parler de lui ou de mouvement de grève. Les ouvriers ne possédant rien, ils ne pouvaient réaliser l’importance de leur travail, vital pour Méri et les citoyens de la zone bleue. Comment participer à l’économie si la production cessait subitement ? Comment atteindre les excellentes notes sociales qui les prémunissaient d’un bannissement ?

Elle se caressa le ventre, les sourcils froncés. Et puis quoi encore, renoncer à une nouvelle voiture ?

 

 

L’alarme sonna le début d’une nouvelle journée. Cette fois Larry se réveilla en sursaut. Sa mère était déjà debout, mais il se demanda si elle avait finalement pu trouver le sommeil.  

- Dépêche-toi Larry, dit-elle d’un air morne. 

Elle était assise à table, le visage plongé dans ses mains.

Avant de trouver le sommeil, Larry avait beaucoup réfléchi. Si son père avait été banni, la police de surveillance les aurait convoqués le soir même. De plus, la ration du soir de son père avait été distribuée, ce qui signifiait qu’il possédait encore le statut d’ouvrier. Larry hésita plusieurs fois à parler de ses réflexions à sa mère, dans l’espoir de la rassurer, mais son air maussade l’en dissuada. Le garçon se leva mollement, tentant par tous les moyens de se faire aussi petit que possible bien que sa mère lui lançât de sombres regards en coin.

- Tu sais que c’est peut-être nos derniers jours ici, Larry, annonça-t-elle d’un air grave.

Il hocha la tête docilement pour dissimuler la vague d’angoisse qui déferlait en lui. Sa mère était terrorisée par l’idée de la zone noire, bien plus encore que celle de perdre son époux, ou même de perdre la vie. Il préféra ignorer ses yeux noirs et creux braqués sur lui et se dépêcha de faire sa toilette. Il amena à son visage une poignée d’eau glacée – l’eau n’était jamais chauffée – et il se demanda ce que pouvait vivre son père en cet instant. Était-il en détention ? La police de surveillance le torturait peut-être… combien de temps pouvait-on endurer d’être torturé avant de mourir ?

Sa mère et lui descendirent les marches en même temps que la foule d’ouvriers qui se rendaient aux tracts quand celle-ci agrippa soudain le bras d’un homme trapu, au visage balafré.

- Steeve, donne-moi des nouvelles…l’implora-t-elle.

- Je vais voir ce que j’peux faire Alex.

Il posa une main amicale sur son épaule.

- Crois-moi Alex, c’qui arrive là, c’est pas rien. Ça commence à se savoir dans les autres ateliers, les choses finiront par changer, ils n’auront plus le choix.

Il lança un regard en direction de Larry.

- Si c’était à refaire, je le referai, finit-il par dire.

Larry observa sa mère le dévisager au point qu’il pouvait lire sur ses traits une profonde indignation.

En montant à bord du tract qui le menait à l’école Larry croisa Jasper et sa bande. Il en avait presque oublié l’incident de la veille. Ces derniers l’épiaient de loin et il ne tarda pas à constater qu’ils n’étaient pas les seuls. Plusieurs conversations tournaient autour de cette grève. Aux vues des regards inquiets qui le fixaient, impossible de savoir si les apprentis étaient admiratifs ou en colère. Il observa les drones filer à toute vitesse, les trouva plus agités que d’habitude. Cela ne pouvait être une coïncidence. Les rumeurs de l’incident se répandaient en dehors des murs de la zone grise et, Larry en eut la conviction, de l’avis général allait dépendre le sort de sa famille.

En milieu de journée, une fille était venue le voir, elle était plus jeune que lui de deux ans et s’appelait Malika. Elle habitait l’étage en dessous de sien et était la fille d’un des Big de l’atelier de son père.

- J’ai appris pour ton père, dit-elle, mes parents en ont discuté hier soir.

Larry s’était redressé, les yeux ronds car à priori, cette fillette en savait plus que lui.

- Qu’est-ce qu’il s’est passé ? s’empressa-t-il.

- Il attend un jugement. Je crois qu’ils l’ont mis au travail forcé.

Larry demeura silencieux. Il ne comprenait pas pourquoi son père était le seul à ne pas être rentré hier soir.

- Il s’est dénoncé, reprit Malika, papa nous l’a dit. Papa était très inquiet, il a dit qu’il ne connaissait personne d’aussi courageux.

Elle lui adressa un sourire timide avant de tourner les talons. Larry se surprit à ressentir de la gratitude envers cette fillette, ses quelques mots avaient suffi à lui redonner un semblant d’espoir. Savoir que son père était au travail forcé devrait rassurer quelque peu sa mère. Il s’agissait d’une punition et non d’un bannissement, du moins, pour le moment.

Trois jours s’enchainèrent au rythme des plaintes de sa mère qui n’avalaient presque rien et ne dormait quasiment pas. Plus le temps passait, plus l’espoir que Larry s’efforçait de conserver s’étiolait. Sa mère répétait sans cesse que le verdict serait sans appel, qu’ils en feraient un exemple. Alexandra voyait déjà son mari exécuté publiquement tandis qu’elle et son fils mourraient d’une façon encore plus atroce, lentement et sûrement de faim et de honte en zone noire. Dans tous les cas, elle n’imaginait pas une seule seconde y survivre.

Ce soir-là, avant d’entrer chez lui, Larry prit une grande inspiration. L’atmosphère tendue était si lourde, si palpable, qu’elle en dégageait une odeur âpre qui envahissait tout l’immeuble. Le silence derrière la porte lui glaça le sang. C’était comme s’il avait pressenti d’un drame, car, sa gorge se noua avant même de constater que la ration de son père, pour la première fois depuis la grève, manquait à table. Cette ration était l’unique preuve que son père était encore ouvrier, qu’ils n’iraient pas en zone noire. Larry se retint de ne pas fondre en larmes, résistant à l’envie irrépressible de s’abandonner au vide qui se créait sous ses pieds. Sa mère, le teint blafard, se tenait debout face à la minuscule fenêtre. Elle avait l’air d’une carcasse vide. Elle aurait tout aussi bien ne pas être là, ne jamais avoir existé. Pour la première fois, la situation apparue clairement à Larry. Etant encore un enfant, il ne pouvait hériter du titre d’ouvrier de son père. De même pour le dortoir et le droit de travailler. Si son père avait seulement attendu un an, seulement un an de plus pour faire cette maudite grève, tout aurait été différent. Cela attrista le garçon de voir à quel point le courage de son père ne serait pas récompensé.

- Si seulement… je n’étais plus un enfant, murmura-t-il, j’irai à l’usine et tu pourrais vivre avec moi…

Il ne voulait pas regarder sa mère dans les yeux. Il se sentait faible et inutile et jamais encore il n’avait eu à éprouver tant de peine. Il culpabilisait d’avoir été si égoïste, si arrogant en pensant que ses rêves valaient mieux que sa vie à l’usine, tout comme il regrettait profondément d’avoir un jour pensé de sa mère qu’elle était, à l’instar des autres ouvriers, dépourvue de rêve et donc d’intérêt.

- Pardon maman… j’te demande pardon…

Maman. C’était la première fois qu’il appelait sa mère ainsi. Il préférait depuis toujours appeler ses parents par leurs prénoms. Aussi, ce mot extirpa Alexandra de sa torpeur. Elle l’observa quelques instants, avec une douceur et une détermination qu’il ne lui connaissait pas, puis s’approcha de lui pour l’envelopper de ses maigres bras.

- Ce n’est pas de ta faute, mon fils, chuchota-t-elle, je ne les laisserai pas nous emmener en zone noire, jamais.

Elle resserra son étreinte. Le visage du garçon tout contre sa poitrine, jamais sa mère ne l’avait serré aussi fort.

- Je préfère encore mourir…

Ses bras, bien que chétifs, étaient néanmoins puissants. Larry en fit le constat tandis qu’elle le serrait plus fort. Il peinait à respirer, mais n’osait rien dire. C’était la première fois que sa mère lui démontrait son affection. Il se sentait idiot de trouver ça étrange.

Les secondes défilaient sans qu’il ne parvienne à prendre son souffle. Le visage fermement maintenu contre l’uniforme délavé d’Alexandra, il gémit, pour l’avertir qu’il se trouvait mal. Mais au lieu de relâcher, elle serra davantage. Son nez et sa gorge se mirent à le démanger, il tenta de la repousser mais elle ne lui laissa aucune marge.

- Pardonne-moi Larry… dit-elle les dents serrées.

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