CHAPITRE I - Une voie pour quatre étoiles - Alessia - Partie 2

Notes de l’auteur : Bonjour à tous, j’espère que ce prologue vous plaira et vous donnera envie de lire la suite
Nous arrivons enfin aux prémices mystiques du LM, au début des secrets et des théories qui cherchent à les dévoiler. Qu'en pensez-vous ? Cela vous intrigue ?
N’hésitez pas à commenter ou partager mon travail autour de vous, et portez-vous bien.

Tout d’abord, il lui avoua tout ce qu’il pouvait savoir sur cet étrange livre, dont la conception datait de bien avant l’imprimerie, et dont aucun langage n’était compréhensible. Il avait été nommé Testament par le Premier Conseil qui l’avait trouvé durant sa décennie d’existence, bien qu’il n’y ait à priori rien de religieux dans ses pages. Mais, en vérité, personne ne pouvait en être sûr, car malgré tous les efforts du Conseil, seules deux choses étaient sûres : le Testament parlait du LM, et l’avant-dernier de ses textes était écrit en langue étrusque - soit une langue perdue de l’Italie d’avant la période romaine. Hormis le tout dernier texte qui avait été rédigé en latin par Marco-Aurelio lui-même, toutes les langues présentes étaient inconnues. Certaines étaient des alphabets classiques, d’autres des glyphes plus curieux, d’autres encore ne s’écrivaient qu’en nombre, et les dernières par des tracés géométriques colorés allant de pages en pages - et il restait même encore un peu d’espace pour les prochains qui découvriraient cet ouvrage. Alessia finit alors par comprendre que ce livre avait été transmis de civilisations en civilisations, d’où son nom de Testament, qu’il avait passé bien des âges pour contenir tant de vestiges aussi lointains. Et, logiquement, elle apprit du Cardinal que ce livre était indestructible, au point de résister à une balle de Colt 1861 qu’August avait tiré à bout portant - ce qui ne manqua pas d’exaspérer la Religieuse, repensant au tempérament très spécial de son professeur néerlandais, le préféré d’Arcturus.

Cependant, Paolo passa très vite sur ces détails inexplicables pour conseiller à Alessia de se rendre directement aux dernières pages que l’Humanité avait pu noircir – soit la 728ème du Testament. Et sur ces pages, elle découvrit le texte qui lui était directement destiné, écrit dans un code que seuls Marco-Aurelio et Alessia connaissaient, car le Pionnier Italien avait cette particularité d’adorer tout ce qui pouvait relever de l’énigme. Néanmoins, elle comprit dès les premières lignes qu’il avait codé son message pour une bonne raison.

 

Le LM n’est pas d’origine terrestre, il n’est pas naturel, tous s’en doutent mais personne ne l’avoue par peur d’être considéré comme fou, mais il n’y a qu’un crétin pour croire que le liquide métaphysique à sa juste place dans la Création, commença-t-il, sans se justifier autrement qu’en exposant les capacités surnaturelles de cette molécule. Bien sûr, ce n’est pas à l’Italienne du Conseil qu’il allait apprendre de telle théories, mais il n’y avait pas besoin de plus pour qu’elle en reste choqué. Certes, elle savait que son mentor n’était pas du genre à parler pas dans le vide, seulement ses mots étaient aussi curieux qu’excessifs et, surtout, injustifiés. À vrai dire, même s’il avait toujours eu un côté très mystique, elle avait davantage l’impression de lire un prédicateur extrémiste, comme ceux qu’elle pouvait parfois entendre dans les villes turbulentes de son temps. Malheureusement, la suite passait encore au stade supérieur.

Le LM est la Voie, il n’y a pas à douter ou discuter à ce sujet, ce n’est pas à nous de choisir, écrivait-il, déjà prêt à retomber dans ses inquiétudes, mais cette voie pourrait aussi nous perdre, mais nous pourrions dégénérer plutôt que de nous élever, par la mutation ou par notre Serment du Graal. Et si ce texte lui était bien destiné, cela voulait dire que c’était maintenant à elle de faire en sorte que tout cela n’arrive pas, bien qu’elle ne comprenne toujours pas les écrits alarmistes de son professeur. Seulement, pour comprendre la portée de ses écrits, Marco-Aurelio demandait à son élève de découvrir la véritable origine du LM, sans qu’il ne précise davantage ce qu’elle devait faire, ni par où elle devait commencer, ni même pourquoi la très simple origine officielle du LM était fausse. Après tout, il s’agissait juste d’une molécule trouvée dans les profondeurs de la Terre, rien de si étonnant, les nappes étaient simplement très isolées et profondes, elles n’étaient pas cachées …

Pourtant, l’Italien du Premier Conseil renchainait aussitôt sur une tout autre confidence, pour avouer des confidences d’un tout autre genre au grand déplaisir de sa douce élève. Méfie-toi des trois autres du Conseil, ils causeront notre chute à tous si tu les laisses faire, et ils te tueront, étaient les premiers mots du paragraphe suivant, celui qui la figea de stupeur. Mais comment pourrai-je me méfier de William, d’Arcturus, de Maria, croyait-elle rêver, subjuguée, car, pour elle, ses trois amis étaient comme ses nouveaux frères et sœurs, comment son mentor qu’elle admirait comme un saint pouvait lui dire ça, il ne pouvait pas être sérieux. Et dans les quelques lignes qui suivirent, il allait encore plus loin, il lui annonçait clairement que le Conseil n’était qu’une étape dans sa longue quête, pour la Vérité Suprême et le Bien de l’Humanité. Pire encore, elle devait se servir de ses amis pour accomplir ce devoir, et Marco-Aurelio n’y allait pas par quatre chemins : si tu dois leur cacher un objet comme ce livre que tu lis, fais-le ; si tu dois omettre un détail ou cacher l’une des tes découvertes scientifiques aux trois autres, fais-le ; si tu peux les ralentir ou les perdre dans leurs dangereux travaux, fais-le ; Pas un seul d’eux ne doit réussir car cela suffirait à signer notre perte à tous.

En bref, il lui fallait trahir le Serment du Graal, un véritable blasphème. Maître Marco-Aurelio devait être très agité quand il a écrit cela, il avait dû se disputer avec les autres, pensa-t-elle très sincèrement, en refusant qu’il ait pu penser cela de façon lucide, tout comme il n’avait pu sereinement encourager l’assassinat du Pape. Tout ce qu’elle lisait n’avait aucun sens, et bien qu’elle ne s’en rende pas compte, Alessia avait déjà les yeux qui commençaient à s’embuer de fines larmes, secouée d’apprendre que son professeur si admiré ait pu engendrer un tel délire.

— Monseigneur Paolo … ça ne peut pas être Maître Marco-Aurelio qui ait écrit cette lettre, ni ce texte … C’est impossible. Quelqu’un vous a manipulé ! » lui lança-t-elle avec toute la conviction qu’elle avait au fond du cœur, à la grande surprise du Cardinal – lui qui n’avait pas l’habitude de voir ses informations être mises en doute.

— Non, je reconnaîtrai l’écriture de Marco entre mille, je connais personnellement le serviteur qui m’a délivré sa lettre, et j’ai eu tout le temps de m’assurer que tout ce que tu lis est de Marco, lorsque je négociai le Testament avec le Pape. Je ne sais pas ce que tu as lu et je suis prêt à en douter moi aussi, mais c’est bien ton professeur qui a écrit ça, de son plein gré. » lui asséna-t-il, sous les airs abattus de la Religieuse, avant de lui offrir un espoir, en bon chrétien. « À moins que tu aies repéré un signe témoignant qu’il ait écrit sous la contrainte ? Marco aurait forcément laissé quelque chose si c’était le cas, une écriture bâclée, une tournure de phrase curieuse pleine de sous-entendu, un symbole mystique, n’importe quoi. Par exemple, il insistait souvent sur les chiffres 2 et 6 lorsqu’il mentait ou qu’il fallait comprendre autre chose. » lui concéda-t-il, sans trop y croire, tandis qu’elle se replongeait dans sa lecture à la recherche de ce qu’elle espérait y trouver, sans succès.

 

Alors elle poursuivit sa lecture au paragraphe suivant, dans l’attente d’une quelconque forme d’explication de son professeur, sans que ça ne soit le cas là encore. Mais son professeur semblait également avoir des doutes à lui léguer, toujours sans la moindre réponse.

Le Conseil du Graal n’est pas une mauvaise entreprise en soi, il est même nécessaire, commençait-il, avant de nuancer dès les prochains mots, mais il n’y a qu’une seule voie véritablement bonne, et nous nous devons de tout faire pour que notre espèce s’y engage, sinon le LM causera notre perte, comme il emporta tous les peuples ayant noirci ces pages. Et c’est donc à Alessia qu’il destinait ce grand devoir de guider l’Humanité sur la bonne voie – avec l’aide du vieux clergé catholique. Le Pionnier Italien en venait même à parler d’élévation, d’une nouvelle révolution cognitive qui bouleverserait les civilisationsquand il ne parlait pas carrément d’une Adolescence de l’espèce humaine, que sa disciple devrait accompagner vers l’âge adulte. Cependant, si le Conseil avait déjà cet objectif inscrit dans ses lois, elle n’était pas certaine que son professeur parle des mêmes choses qu’elle. À vrai dire, le Second Conseil du Graal n’avait jamais conçu l’élévation de l’Humanité comme quelque chose de si grandiose, Alessia et ses trois amis se voyaient plutôt comme des guérisseurs de contraintes, tel que Maria l’avait sobrement qualifié lors de leur première réunion, pas comme des concepteurs venus corriger la Création de Dieu. Une nouvelle espèce allait probablement en naître, elle s’en doutait elle-aussi, mais ce n’était pas l’objectif recherché, et les Quatre Élèves n’avaient jamais décidé de l’Humanité qu’ils voulaient, pas à ce point-là. D’ailleurs, même les Lois du Premier Conseil qu’Alessia avait pu consulter ne faisaient pas directement allusion à cette idée d’une nouvelle espèce humaine, Marco-Aurelio avait dû continuer sur sa lancée mystique et paranoïaque lorsqu’il avait écrit ce troisième paragraphe. D’autant plus que, dans les phrases qui suivirent, il commença lui-même à rappeler les dangers du LM qu’il jugeait pourtant nécessaire, dans des termes si familiers aux oreilles de l’Italienne du Conseil qu’elle n’y accorda aucun crédit – c’était l’éternel baratin des sceptiques, des peureux, des récalcitrants au sacro-saint progrès qu’elle réconfortait lorsqu’elle les croisait …

Quant à l’ultime paragraphe de son ancien professeur, il fut à la fois plus court et plus concret pour celle qui attendait des réponses plus que tout. Alessia devait prendre contact avec Gaël, l’unique fils de Marco-Aurelio, qu’elle n’avait vu que deux fois dans sa vie. Pourtant, c’était bien lui qui devait l’aider à découvrir la vérité sur le LM, et c’était avec lui que sa disciple devait la chercher, personne d’autre ne pourra t’aider sans nous nuire à tous, conclut-il. Seulement, elle put tout juste relever la tête de ces avertissements qu’elle croisa le regard du Cardinal, silencieux depuis une bonne dizaine de minutes, mais bien impatient à l’idée d’apprendre ce pourquoi il était allé jusqu’à provoquer le meurtre du Pape.

— Alors, que nous dit ce bon vieux Marco ? »

— C’est … étrange … et compliqué. » commença-t-elle, avant de résumer les curieux écrits de son mentor, en se contentant d’omettre ses avertissements sur ses trois amis – car même un bon ami comme Paolo ignorait tout du Conseil, il le servait sans le savoir lui-aussi. Et il en resta étonné pendant de longues secondes, lui qui croyait avoir déjà tout vu avec ce livre invincible et les langages inconnus qu’il contenait.

— Tout cela est vraiment très mystique, Marco-Aurelio n’a jamais été avare de grandes tournures, mais elles restaient en lien avec la réalité, ce n’étaient pas juste des métaphores dites pour être dites. Parler d’adolescence ou d’élévation de l’Humanité, ceux sont des mots forts. Dire qu’une molécule est illogique, ça doit aussi être curieux à entendre pour un scientifique, tout à une certaine logique je suppose. » commença-t-il à réfléchir avant qu’elle n’éclaire ses propos, du mieux qu’elle puisse, et non sans hésitation.

— C’est pour cela que j’ai douté que ça soit lui qui ait écrit tout ça. Maître Marco-Aurelio n’est pas de ces prédicateurs vaseux qui pullulent de nos jours. » reprit-elle pour ensuite passer aux missions qu’il leur avait léguées, le passage le plus important de ces avertissements aurait-elle pu penser, si son professeur n’avait pas accusé ses amis.

 

D’autant plus que, et Paolo le reconnaissait bien volontiers lui aussi, Marco-Aurelio n’y allait pas de main morte avec ses demandes, presque écrites comme des exigences vu le ton alarmiste du Pionnier Italien. Car pour épauler Alessia dans sa tâche, il allait lui falloir beaucoup de moyens, surtout si elle devait un jour essayer de rallier l’opinion publique aux thèses de son professeur ou à la vérité qu’elle devait découvrir. Il ne suffira pas de la trouver, il faudra convaincre les autres de l’accepter. Pour cela, il faudra de l’argent, de l’influence, de la renommée, ainsi que les moyens de se défendre de ceux qui voudront imposer leurs vérités – comme pourrait le faire l’AP ou la Révolution. Bref, tant de choses qui manquaient cruellement à la Florentine plus qu’à n’importe lequel de ses amis du Conseil, tant de choses dans lesquelles elle ne se voyait pas exceller.

— C’est donc pour ça qu’il m’a demandé de me préparer à l’élection papale, pour que je t’offre tout ça … » conclut Paolo, en baissant un regard las vers les deux clés dorées qu’il reprit en main, pour reprendre la parole avec plus de conviction. « J’espère que tu comprends maintenant pourquoi j’ai dû agir ainsi, nous ne devons pas prendre les avertissements de Marco à la légère. Je vais déjà commencer à faire circuler cette idée d’un département de recherche sur le LM pour l’Église. Notre précédent Pape a beaucoup trop délaissé la question du LM, nous avons pris du retard à ce sujet, et nous paierons ce retard. » lui confia-t-il, en serrant ses deux clés qui finirent par faire déborder la curiosité d’Alessia, déjà excitée par tout ce qu’elle découvrait inopinément.

— Monseigneur Paolo, que sont ces étranges clés ? C’est Maître Marco-Aurelio qui vous les a données elles-aussi ? » finit-elle par lui demander, avant que Paolo n’en sourît, il avait failli oublier ce détail avec toutes ses révélations extravagantes. Seulement pour répondre à cette question, il allait devoir trahir un secret de Marco-Aurelio, mais étant donné les circonstances, il était le premier à vouloir rompre la confidence. Alors il fut plus que surpris d’être interrompu par Alessia.

— Non, ne me dites rien. Le secret est sacré et maître Marco-Aurelio n’est pas mort, vous n’avez pas à me révéler quoique ce soit d’intime s’il ne vous l’a pas demandé.

— Si, cela concerne directement ta quête, alors tant pis pour le secret. C’est en lien avec la façon dont le LM a été découvert, avec les détails que la version officielle aurait omis de préciser. » sourit-il, avant de débuter son récit, à propos d’un jour unique qui avait scellé un tournant dans l’histoire de l’Humanité – et amené à la fondation du Conseil du Graal.

 

Tout d’abord, il rappela à l’Italienne du Conseil que ses professeurs ne purent rencontrer le Pape lorsqu’ils arrivèrent enfin au Vatican, après avoir été alerté par le spectacle de l’éruption solaire de 1859. Néanmoins, sur les pavés de la place Saint-Pierre, ils croisèrent le chemin d’un étranger, tandis qu’il repartait en direction d’on ne sait où, avec un air visiblement agacé par le refus du Pape.

Il était vêtu d’une grande tunique grise filée de coutures argentées, et dissimulait légèrement son visage sous une large capuche. Mais dès qu’il vit les quatre scientifiques, l’Étranger se pressa d’aller les voir pour leur dire qu’il pouvait leur montrer comment accomplir leurs rêves. Mais la bêtise d’Achille et d’August suffit à décourager l’Étranger sur le moment, et il finit par partir tandis que Marco-Aurelio insistait pour lui parler davantage. Mais heureusement, le hasard put réunir les cinq hommes, et même un sixième, tout aussi mystérieux que le premier Étranger – comme s’ils étaient amis et qu’ils étaient liés par quelque chose. À vrai dire, les deux Innomés se ressemblaient tellement qu’il était difficile de les différencier, d’autant plus que c’est dans une foule compacte que le Premier Conseil retrouva ces deux-là – en train de s’engueuler vivement au beau milieu de la rue dans une langue que personne ne connaissait. Mais c’est à ce moment-là, sous les regards surpris des quatre savants, que l’un des voleurs des rues de Rome tenta sa chance sur l’un des deux inconnus, celui qui portait deux clés dorées accrochées à sa tunique au niveau de la ceinture. Mal lui en pris, car l’un des Anonymes se retourna aussitôt vers le voleur, alors qu’il touchait tout juste les clés du bout des doigts, et l’empoigna au col avant de le soulever au-dessus du sol comme si ce n’était qu’un chiffon, d’un seul bras qui ne pliait même pas. Et à voir le regard que l’Étranger lançait au voleur, ou les poings serrés de son ami, ce pauvre romain pouvait remercier Emil de s’être pressé auprès d’eux pour les interrompre. Finalement, l’Étranger laissa le voleur partir, puis se contenta de se retourner vers son semblable.

Ce dernier semblait s’être résolu à aider le Premier Conseil et, sans plus de précisions, il demanda aux savants de le retrouver aux sources du Tibre, le lendemain midi, soit dans 16H approximativement, un temps très court - même à cheval. Bien sûr, les Quatre lui proposèrent de décaler le rendez-vous, mais les deux Anonymes rirent, puis leur répondirent simplement que s’ils étaient dignes de la Providence, ils arriveraient à l’heure prévue. Cependant, l’un des deux Étrangers ne manqua pas de leur dire de se dépêcher quand même, car la Providence n’aimait pas non plus que l’on abuse d’elle, il fallait au contraire tout lui donner pour qu’elle daigne vous répondre. Ensuite, les deux Étrangers se dirigèrent dans un joli petit square adjacent, absolument pas pressés par le temps, laissant les Quatre se regarder avec étonnement. Paolo ne savait alors pas trop ce que les Quatre Pionniers s’étaient alors dit, mais après quelques minutes de débats, ils acceptèrent de se lancer vers les sources du Tibre le plus vite possible, sans perdre la moindre seconde. Ils cavalèrent ainsi jusqu’aux campagnes environnantes du petit village de la Civitella del Lago, sans même connaître l’endroit exact des berges où les Étrangers devaient les retrouver. Pourtant, lorsqu’ils arrivèrent au lac de Corbara où naissait le fleuve de Rome, à midi pile, les deux Innommés étaient-là, en compagnie d’une petite fille vêtue de la même manière qu’eux. D’ailleurs, la fillette n’avait pas l’air d’avoir plus d’une dizaine d’années, mais elle parlait et se comportait comme eux. Non, vraiment, ces êtres-là ne sont pas des êtres humains, c’est impossible, s’était dit Marco-Aurelio en les voyant tranquillement assis sur des pierres, entre quelques arbres laissant tout juste passer la lumière sur les berges du lac.

Mais là encore, Marco-Aurelio n’avait pas voulu dire à son cher ami Paolo ce que les désormais trois Étrangers avaient dit aux Pionniers. Ce qui était sûr en revanche, c’est qu’ils se mirent à marcher sur l’onde du lac, et qu’ils demandèrent aux savants de les suivre, ce qu’ils firent après un instant d’hésitation. Et lorsque les Quatre foulèrent de leurs pieds secs le Corbara, la petite fille leva légèrement son bras avec la paume vers le ciel, puis fit ainsi basculer la Terre dans un grand geste du bras par-dessus sa tête. Les Pionniers virent alors le soleil être chassé par ce geste, la terre basculer de part en d’autres, tandis que l’eau qu’ils foulaient s’élevaient vers la voûte céleste. Tout s’inversa en un simple jeu d’enfant, et le Premier Conseil se retrouva ainsi sur l’onde d’un petit lac alpin, le Speicher Finstertal, mais du l’autre côté de celui-ci, de telle sorte qu’ils étaient dans l’eau sans qu’elle ne les mouille, la tête en bas sans que le sang ne leur monte au cerveau, avec les fonds obscurs du lac que la lune ne pouvait éclairer au-dessus d’eux. Quant aux trois Innomés, ils étaient parfaitement sereins, ils irradiaient même une fine et douce lumière dans ces profondeurs sombres, juste assez pour apparaître aux yeux de leurs invités, complètement choqués d’avoir été ainsi téléporté – car c’était bien ça qu’il venait de se passer, au point que Marco-Aurelio en resta silencieux. Les Étrangers se dirigèrent ensuite vers l’une des rives, en marchant tranquillement sur le sol plat qu’offrait le Corbara, jusqu’à arriver devant une grande façade de pierre lisse, au fond d’une faille haute d’une petite dizaine de mètres. Et là encore, les Anonymes la passèrent avec une facilité déconcertante, le plus bavard d’entre eux n’eut qu’à poser sa main droite dessus, pour que la façade de roche se transforme en un simple rideau de poussière qu’ils fendirent naturellement, sans que l’eau n’y pénètre – avec les Pionniers juste derrière eux. 

C’est ainsi que le Premier Conseil accéda à la nappe alpine de LM pour la première fois. Là-bas, ils trouvèrent bien plus qu’un simple bassin souterrain rempli de LM rouge, ils découvrirent également une grande salle creusée dans la roche, recelant toutes sortes d’objets anciens et de savoirs perdus. C’est notamment là-bas que se trouvait le Testament et c’est l’un des Étrangers qui le donna à Marco-Aurelio pour qu’il l’étudie – sous les yeux déjà envieux d’August ou d’Achille. Puis, ils guidèrent le Premier Conseil dans l’un des tunnels que la Terre semblait lentement creuser jusqu’à la surface. D’ailleurs, Paolo savait que les Étrangers avaient appris aux Pionniers le fait que le LM dégageait des ondes particulières dans l’air, des radiations qui avaient bien des effets inconnus. À terme, toutes les nappes de LM qui puissent exister sur Terre finiraient ainsi par s’ouvrir un chemin jusqu’à l’air libre, et les innombrables êtres vivants qui le respirait …

Enfin, il s’agissait bien des dernières choses que Paolo savait de source sûre, car Marco-Aurelio ne lui raconta même pas comment les Étrangers et le Conseil se séparèrent, après que ces êtres avaient eu fini d’ouvrir à la nappe de LM sa petite porte de sortie vers la liberté – une porte dont le Conseil avait gardé le secret jusqu’à la trahison d’Emil et la construction d’Innsbruck-01.

— Voilà pour cette petite histoire, c’est tout ce que notre cher Marco a bien voulu me dire. Mais ça nous permet d’établir quelques suppositions et de débuter ta quête de vérité dans de meilleures conditions. Ce Testament que ni le temps ni les coups ne peuvent user, ou ces deux curieuses clés qui nous évoquent le symbole du clergé chrétien, viennent tous de ces trois Étrangers aux pouvoirs … surnaturels. » conclut le Cardinal devant une Alessia qui en restait sans voix. Le Second Conseil n’avait pas eu la chance de voir des êtres surnaturels venir les aider, ni même les encourager – elle en était presque déçue. À vrai dire, elle avait déjà entendu une légende de ce genre, mais ses professeurs en avaient toujours ri sans la confirmer, alors elle n’y avait jamais cru.

— … Je … Je ne sais pas quoi répondre à tout cela, Monseigneur. Leurs miracles semblent si faciles, innombrables, incroyables … A quel genre d’être pourrait appartenir ces trois étrangers ? Ça ne pourrait être des Anges, si ? » s’interrogea Alessia avec une nervosité non dissimulée, alors que Paolo préférait simplement sourire de cette hypothèse.

— Ça nous tenterait bien à nous autres, croyants du Livre … » ironisa Paolo avant que la moniale ne le conteste sèchement – ce qui n’arrivait pas souvent.

— Non, moi ça ne me tente pas de croire cela. Cela signifierait que Dieu ait sciemment agi pour donner le LM aux hommes. Si cela avait été le cas, je pense que Maître Marco-Aurelio me l’aurait dit clairement dans son message, il m’aurait dit que cette évolution dont il parle est le souhait de Dieu … Et ne pensez-vous pas que les choses se seraient passées différemment si Notre Père avait voulu nous offrir cette molécule et nous apprendre ses sciences ? Tout cela ne tient pas … » en conclut-elle, non sans une hésitation que son invité vint encore accentuer avec d’autres théories, comme l’idée que ces Étrangers aient bien été des Anges, autrefois …

 

Et il ajouta également que, selon une définition stricte, les Anges rentraient dans la catégorie des formes de vie extraterrestres, même si Alessia restait encore bloquée à sa nouvelle hypothèse.

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