Chapitre I

Par AliciaB
Notes de l’auteur : Ceci est un premier jet.

« Tu dois faire le vide dans ta tête ».

C'est ce que l'on lui a toujours répété. Est ce un principe fondé ? Ou juste une phrase absurde ? En tout cas sur elle, ça n'a jamais fonctionné. Enfin, c'est ce qu'elle croit. Elle ferme les yeux. Elle tente de canaliser sa respiration. De synchroniser les battements de son cœur au rythme lent et marqué du shamisen.

Le craque sous le poids des corps en mouvements. Les tissus des kimonos se froissent. La jeune danseuse tourne lentement sur elle-même, son éventail s'agite doucement dans l'air. Puis subitement tout s'arrête et le Shamisen fini par se taire.

Elle a échoué et pourtant, un petit espoir subsiste au fond elle.

L'un des visages figés par un masque blanc et barré par une croix noire, tend le bras pour lui indiquer la sortie. Ils sont cinq au total, dans une pièce vide qui ne contient qu'une petite estrade. La jeune fille s'exécute en silence et se dirige vers la sortie après une salutation dans les règles. Au moment où la porte en toile de riz coulisse le Shamisen se remet a chanter.

...

Une pièce de taille moyenne. Un bureau, deux bibliothèques. À sa gauche deux portes en papier de riz son ouvertes et donnent sur une petite cour où s'accumulent des tas de plantes autour d'une lanterne japonaise en pierre. La jeune fille est assise sur ses genoux, en face d'une peinture hideuse représentant un chat blanc et énorme levant sa patte droite vers le ciel et semblant narguer son entourage avec un grand sourire.

- Connaissez-vous la réelle signification de cette peinture ? Demande une dame plutôt âgée qui en l'absence réponse préféré continuer à dire ce qu'elle pense plutôt que de perdre son temps. Autrefois dans « L'ancien Japon » le Maneki Neko était un porte-bonheur. Il attiré fortune et était placé à l'entrer des boutiques pour inviter les gens a entrer. Un des symboles d'une mémoire qu'il faut préserver.

La dame marque un temps d'arrêt et son visage affiche un air sévère. Après quelques secondes figés comme une statue, les bras croisés sur son bureau. Elle sort un dossier d'un tiroir, l'ouvre et éparpille plusieurs feuilles devant elle. L'encens qui brûle à sa gauche lui donne un air démoniaque.

- Bien, prononce-t-elle avant de se racler la gorge. Vous vous appelez Sula. Vous mesurez 1m65 ce qui est assez petit pour une futur Geisha. Sachez que de ce fait, vous devrez redoubler d'efforts pour dégager aux yeux des clients la prestance nécessaire et relative à ce titre.

La jeune fille ne daigne pas répondre. De toute manière, elle n'a jamais voulu devenir une Geisha. Disons qu'elle n'a pas eu le choix. Sula est arrivé dans cette maison de thé comme un enfant qui forcément n'a pas choisi sa famille. La vieille dame aux cheveux noirs, noués en un chignon impeccable reprend la parole.

- Je vois là que vous possédiez une très belle et longue chevelure, sa mâchoire se crispe. Pourquoi avez-vous eu l'idée inepte de couper vos cheveux ?

Sula a remarqué que le ton de la vieille dame est devenu froid et menaçant mais elle n'a rien à dire pour sa défense. Effectivement, elle a coupé ses cheveux dans les toilettes communes parce qu'elle ne supportait pas le brossage intensif que l'on lui imposait. Elle avait l'impression que sa tête allée imploser à chaque fois qu'elle portait une attache trop serrée. La jeune fille ne peut s'empêcher de jeter un œil a l'affreuse peinture. Elle a l'impression que le chat la nargue avec encore plus d'intensité qu'a son entrée dans la pièce.

La dame tape fortement la paume de sa main sur le bois verni. Ce qui provoque un sursaut chez son interlocutrice.

- Alors ? J'attends ! Qu'avez-vous à dire pour votre défense ?! S'écrit la veille alors qu'elle passe sa main sur son front, elle est agacée et sa patience a peut-être atteint sa limite.

Le cœur de Sula s'est emballé. Elle aussi a envie de lui crier dessus. De lui dire que cela ne fait pas longtemps qu'elle est ici. Qu'elle ne veut pas devenir une poupée qui danse et qui sert le thé ! Qu'elle se fiche pas mal de ses cheveux ! Que leur tenue est trop serrée et qu'elle étouffe dedans ! Et puis cerise sur le gâteau ! Elle ne manquerait pas de balancer à cette bique que rabâcher jour et nuit que ce sont des passeurs de mémoire et qu'ils entretiennent les traditions du dit « ancien Japon » ne sert a rien ! C'est médiocre ! Parce qu'avec le nombre d'androïdes et de technologies avancés que possèdent les riches il y a amplement de quoi entretenir la mémoire des générations futurs sans pour autant lui faire subir l'interminable cérémonie du thé ! Mais à la place elle s'écrase en se maudissant du plus profond de son être, de ne pas avoir la force de caractère suffisante pour lui faire fermer son clapé.

- Je suis désolé madame, je n'aurais pas dû faire ça. Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça.

L'autre reste stupéfaite, comme si elle s'attendait à autre chose. Elle replonge dans ses feuilles. Son visage est marqué par le temps. La veille dame possède des yeux en amande et une peau très blanche à cause de la poudre qu'elle a appliqué dessus.

- Vous comprendrez bien que votre réponse n'a aucun intérêt. Qu'elle ne sert en rien a plaidez votre cause. La prochaine fois, je vous conseille de vous taire ça aura toujours plus d'effets que de déblatérer des sottises qui nous font perdre du temps a toutes les deux.

Le cœur de Sula bat très vite. D'un côté, elle a très envie de partir se cacher pour pleurer et de l'autre elle est en colère. Elle baisse les yeux en direction de ses genoux et serre fort le tissu de son kimono jaune soleil. Sa mâchoire se crispe et ses yeux sont tout mouillés.

- Iris grisâtres, teint pâle. La dame relève les yeux avant de les replonger aussitôt dans sa lecture - vous me ferez le plaisir de l'hydrater plus que ça si vous ne voulez pas vous retrouver avec une peau de crocodile.

Sula se sent piqué au vif.

- Oui, madame, répond-elle tout doucement.

Après un second petit feuilletage rapide, la vieille range les feuilles et ferme le dossier. Le tiroir coulisse de nouveau et Sula a l'impression d'être libéré d'un gros poids.

- Un coiffeur viendra reprendre votre coupe pour que vous soyez apprêté au moins convenablement. Il est aussi inutile de vous préciser qu'il n'y aura aucune demande farfelu possible. Vous porterez un carré et vous serrez tenu de vous coiffer en toute circonstance. Est-ce clair ?

- Oui madame.

- Bien et je vous prierez de relever la tête, il est très mal poli de ne pas regarder votre interlocuteur dans les yeux quand vous vous adressez à lui.

La jeune fille s'exécute résignée. Une fois, elle avait entendu dire que regarder une personne entre les deux yeux permettait d'éviter de la regarder dans les yeux sans que celle-ci ne s'en aperçoive.

- Avez-vous des questions ? Demande la femme.

Sula a les joues en feu. Elle sent que c'est sa dernière chance de pourvoir s'exprimer. Si elle pouvait arriver a la convaincre... La jeune fille est tellement en proie au stress qu'elle transpire. Elle a du mal à respirer elle a chaud et elle étouffe sous le tissu en soie.

- Je ne veux plus rester ici, je veux partir, elle a prononcé ces mots tellement vite pour s'en débarrasser, qu'elle en vient pendant un instant à se demander si la dame a réussi à comprendre.

La femme quant à elle, semble avoir bien compris puisqu'elle éclate d'un rire fort. Un rire bien aigue et bien transperçant histoire de lui faire bien mal. Le cœur de Sula bat tellement que ça se ressent jusque dans ses tempes ce qui lui provoque des maux de tête.

- Et où comptez-vous aller Sula ? Demande la vieille.

Elle n'y a pas réfléchi. Elle s'en fiche, peut importe l'endroit, où elle ira du moment qu'elle quitte cette affreuse maison.

- Partout ! Je veux parcourir le monde, je veux découvrir, je veux...

Son interlocutrice la coupe en levant simplement la main.

- Il suffit. Il n'y a rien dans ce monde Sula. Elle marque une pause en prenant le même ton de voix qu'une mère qui souhaite rassurer sa fille. – c'est trop dangereux. Il y a maintenant des années que nous avons perdu contact avec les autres pays. Qui plus est, tu es consciente que les maladies sont nombreuses en-dehors de l'archipel.

La jeune fille commence à s'agiter. Les arguments lui manquent.

- Mais... Avons-nous des preuves ? Je veux dire...

La femme lui fait de nouveau signe de se taire.

- Et comment comptez-vous survivre ? J'entends par là que vous n'avez aucune connaissance sur le monde extérieur. La survie est une notion qui semble vous échapper. Comment comptez-vous vous rechargez ?

Sula le savait. Elle savait depuis le début que cette femme aurait le dernier mot. Cette conversation n'a été qu'un dialogue de sourds. Sula en est consciente, elle a tort et c'est ce qui l'écœure le plus. Voilà maintenant des siècles qu'après la catastrophe et les maladies le nouveau Japon fut rebattit sur la base d'un isolement total en se barricadant derrière d'immenses remparts.

- Vous subsistez et subsisterez en ce « Japon nouveau » comme une passeuse de mémoire. Votre rôle est d'entretenir et de maintenir dans le cœur de la population notre identité et notre culture. Maintenant, je vous conseille de reprendre le temps de vous replonger corps et âme dans les responsabilités qui incombent votre profession. Je vous donne une semaine, pas plus, pour vous adapter. Si vous finissez encore une fois en face de moi avec pour objectif de me faire perdre mon temps. Je comblerais votre soif de découvertes en vous expédiant directement a la casse. Me suis-je bien fait comprendre ?

Sula a la gorge tellement nouée qu'elle n'arrive même pas à répondre. Elle se contente de hocher la tête pour montrer qu'elle a bien compris. La jeune fille n'entend plus que les battements de son cœur. Toute l'énergie qu'il lui reste lui sert à présent à retenir ses larmes. Sula se lève, salut et tourne les talons. Ce n'est que lorsqu'elle fait face à la porte que les larmes coulent sur ses joues emportant avec elle son maquillage.

- Oh j'ai failli oublier Sula, vous penserez à vous brancher sur le terminale trois pour votre rechargement. N'ayez pas honte de vous, à partir de ce soir cette conversation aura totalement disparu. Comme si elle n'avait jamais eu lieu.

Tant dit que la cloison en papier de riz coulisse. Les derniers mots que prononce Sula sont « Oui madame » entre deux sanglots qu'elle peine à étouffer.

« Tu dois faire le vide dans ta tête ».

C'est ce que l'on lui a toujours répété. Est ce un principe fondé ? Ou juste une phrase absurde ? En tout cas sur elle, ça n'a jamais fonctionné. Enfin, c'est ce qu'elle croit. Elle ferme les yeux. Elle tente de canaliser sa respiration. De synchroniser les battements de son cœur au rythme lent et marqué du shamisen.

Le craque sous le poids des corps en mouvements. Les tissus des kimonos se froissent. La jeune danseuse tourne lentement sur elle-même, son éventail s'agite doucement dans l'air. Puis subitement tout s'arrête et le Shamisen fini par se taire.

Elle a échoué et pourtant, un petit espoir subsiste au fond elle.

L'un des visages figés par un masque blanc et barré par une croix noire, tend le bras pour lui indiquer la sortie. Ils sont cinq au total, dans une pièce vide qui ne contient qu'une petite estrade. La jeune fille s'exécute en silence et se dirige vers la sortie après une salutation dans les règles. Au moment où la porte en toile de riz coulisse le Shamisen se remet a chanter.

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Une pièce de taille moyenne. Un bureau, deux bibliothèques. À sa gauche deux portes en papier de riz son ouvertes et donnent sur une petite cour où s'accumulent des tas de plantes autour d'une lanterne japonaise en pierre. La jeune fille est assise sur ses genoux, en face d'une peinture hideuse représentant un chat blanc et énorme levant sa patte droite vers le ciel et semblant narguer son entourage avec un grand sourire.

- Connaissez-vous la réelle signification de cette peinture ? Demande une dame plutôt âgée qui en l'absence réponse préféré continuer à dire ce qu'elle pense plutôt que de perdre son temps. Autrefois dans « L'ancien Japon » le Maneki Neko était un porte-bonheur. Il attiré fortune et était placé à l'entrer des boutiques pour inviter les gens a entrer. Un des symboles d'une mémoire qu'il faut préserver.

La dame marque un temps d'arrêt et son visage affiche un air sévère. Après quelques secondes figés comme une statue, les bras croisés sur son bureau. Elle sort un dossier d'un tiroir, l'ouvre et éparpille plusieurs feuilles devant elle. L'encens qui brûle à sa gauche lui donne un air démoniaque.

- Bien, prononce-t-elle avant de se racler la gorge. Vous vous appelez Sula. Vous mesurez 1m65 ce qui est assez petit pour une futur Geisha. Sachez que de ce fait, vous devrez redoubler d'efforts pour dégager aux yeux des clients la prestance nécessaire et relative à ce titre.

La jeune fille ne daigne pas répondre. De toute manière, elle n'a jamais voulu devenir une Geisha. Disons qu'elle n'a pas eu le choix. Sula est arrivé dans cette maison de thé comme un enfant qui forcément n'a pas choisi sa famille. La vieille dame aux cheveux noirs, noués en un chignon impeccable reprend la parole.

- Je vois là que vous possédiez une très belle et longue chevelure, sa mâchoire se crispe. Pourquoi avez-vous eu l'idée inepte de couper vos cheveux ?

Sula a remarqué que le ton de la vieille dame est devenu froid et menaçant mais elle n'a rien à dire pour sa défense. Effectivement, elle a coupé ses cheveux dans les toilettes communes parce qu'elle ne supportait pas le brossage intensif que l'on lui imposait. Elle avait l'impression que sa tête allée imploser à chaque fois qu'elle portait une attache trop serrée. La jeune fille ne peut s'empêcher de jeter un œil a l'affreuse peinture. Elle a l'impression que le chat la nargue avec encore plus d'intensité qu'a son entrée dans la pièce.

La dame tape fortement la paume de sa main sur le bois verni. Ce qui provoque un sursaut chez son interlocutrice.

- Alors ? J'attends ! Qu'avez-vous à dire pour votre défense ?! S'écrit la veille alors qu'elle passe sa main sur son front, elle est agacée et sa patience a peut-être atteint sa limite.

Le cœur de Sula s'est emballé. Elle aussi a envie de lui crier dessus. De lui dire que cela ne fait pas longtemps qu'elle est ici. Qu'elle ne veut pas devenir une poupée qui danse et qui sert le thé ! Qu'elle se fiche pas mal de ses cheveux ! Que leur tenue est trop serrée et qu'elle étouffe dedans ! Et puis cerise sur le gâteau ! Elle ne manquerait pas de balancer à cette bique que rabâcher jour et nuit que ce sont des passeurs de mémoire et qu'ils entretiennent les traditions du dit « ancien Japon » ne sert a rien ! C'est médiocre ! Parce qu'avec le nombre d'androïdes et de technologies avancés que possèdent les riches il y a amplement de quoi entretenir la mémoire des générations futurs sans pour autant lui faire subir l'interminable cérémonie du thé ! Mais à la place elle s'écrase en se maudissant du plus profond de son être, de ne pas avoir la force de caractère suffisante pour lui faire fermer son clapé.

- Je suis désolé madame, je n'aurais pas dû faire ça. Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça.

L'autre reste stupéfaite, comme si elle s'attendait à autre chose. Elle replonge dans ses feuilles. Son visage est marqué par le temps. La veille dame possède des yeux en amande et une peau très blanche à cause de la poudre qu'elle a appliqué dessus.

- Vous comprendrez bien que votre réponse n'a aucun intérêt. Qu'elle ne sert en rien a plaidez votre cause. La prochaine fois, je vous conseille de vous taire ça aura toujours plus d'effets que de déblatérer des sottises qui nous font perdre du temps a toutes les deux.

Le cœur de Sula bat très vite. D'un côté, elle a très envie de partir se cacher pour pleurer et de l'autre elle est en colère. Elle baisse les yeux en direction de ses genoux et serre fort le tissu de son kimono jaune soleil. Sa mâchoire se crispe et ses yeux sont tout mouillés.

- Iris grisâtres, teint pâle. La dame relève les yeux avant de les replonger aussitôt dans sa lecture - vous me ferez le plaisir de l'hydrater plus que ça si vous ne voulez pas vous retrouver avec une peau de crocodile.

Sula se sent piqué au vif.

- Oui, madame, répond-elle tout doucement.

Après un second petit feuilletage rapide, la vieille range les feuilles et ferme le dossier. Le tiroir coulisse de nouveau et Sula a l'impression d'être libéré d'un gros poids.

- Un coiffeur viendra reprendre votre coupe pour que vous soyez apprêté au moins convenablement. Il est aussi inutile de vous préciser qu'il n'y aura aucune demande farfelu possible. Vous porterez un carré et vous serrez tenu de vous coiffer en toute circonstance. Est-ce clair ?

- Oui madame.

- Bien et je vous prierez de relever la tête, il est très mal poli de ne pas regarder votre interlocuteur dans les yeux quand vous vous adressez à lui.

La jeune fille s'exécute résignée. Une fois, elle avait entendu dire que regarder une personne entre les deux yeux permettait d'éviter de la regarder dans les yeux sans que celle-ci ne s'en aperçoive.

- Avez-vous des questions ? Demande la femme.

Sula a les joues en feu. Elle sent que c'est sa dernière chance de pourvoir s'exprimer. Si elle pouvait arriver a la convaincre... La jeune fille est tellement en proie au stress qu'elle transpire. Elle a du mal à respirer elle a chaud et elle étouffe sous le tissu en soie.

- Je ne veux plus rester ici, je veux partir, elle a prononcé ces mots tellement vite pour s'en débarrasser, qu'elle en vient pendant un instant à se demander si la dame a réussi à comprendre.

La femme quant à elle, semble avoir bien compris puisqu'elle éclate d'un rire fort. Un rire bien aigue et bien transperçant histoire de lui faire bien mal. Le cœur de Sula bat tellement que ça se ressent jusque dans ses tempes ce qui lui provoque des maux de tête.

- Et où comptez-vous aller Sula ? Demande la vieille.

Elle n'y a pas réfléchi. Elle s'en fiche, peut importe l'endroit, où elle ira du moment qu'elle quitte cette affreuse maison.

- Partout ! Je veux parcourir le monde, je veux découvrir, je veux...

Son interlocutrice la coupe en levant simplement la main.

- Il suffit. Il n'y a rien dans ce monde Sula. Elle marque une pause en prenant le même ton de voix qu'une mère qui souhaite rassurer sa fille. – c'est trop dangereux. Il y a maintenant des années que nous avons perdu contact avec les autres pays. Qui plus est, tu es consciente que les maladies sont nombreuses en-dehors de l'archipel.

La jeune fille commence à s'agiter. Les arguments lui manquent.

- Mais... Avons-nous des preuves ? Je veux dire...

La femme lui fait de nouveau signe de se taire.

- Et comment comptez-vous survivre ? J'entends par là que vous n'avez aucune connaissance sur le monde extérieur. La survie est une notion qui semble vous échapper. Comment comptez-vous vous rechargez ?

Sula le savait. Elle savait depuis le début que cette femme aurait le dernier mot. Cette conversation n'a été qu'un dialogue de sourds. Sula en est consciente, elle a tort et c'est ce qui l'écœure le plus. Voilà maintenant des siècles qu'après la catastrophe et les maladies le nouveau Japon fut rebattit sur la base d'un isolement total en se barricadant derrière d'immenses remparts.

- Vous subsistez et subsisterez en ce « Japon nouveau » comme une passeuse de mémoire. Votre rôle est d'entretenir et de maintenir dans le cœur de la population notre identité et notre culture. Maintenant, je vous conseille de reprendre le temps de vous replonger corps et âme dans les responsabilités qui incombent votre profession. Je vous donne une semaine, pas plus, pour vous adapter. Si vous finissez encore une fois en face de moi avec pour objectif de me faire perdre mon temps. Je comblerais votre soif de découvertes en vous expédiant directement a la casse. Me suis-je bien fait comprendre ?

Sula a la gorge tellement nouée qu'elle n'arrive même pas à répondre. Elle se contente de hocher la tête pour montrer qu'elle a bien compris. La jeune fille n'entend plus que les battements de son cœur. Toute l'énergie qu'il lui reste lui sert à présent à retenir ses larmes. Sula se lève, salut et tourne les talons. Ce n'est que lorsqu'elle fait face à la porte que les larmes coulent sur ses joues emportant avec elle son maquillage.

- Oh j'ai failli oublier Sula, vous penserez à vous brancher sur le terminale trois pour votre rechargement. N'ayez pas honte de vous, à partir de ce soir cette conversation aura totalement disparu. Comme si elle n'avait jamais eu lieu.

Tant dit que la cloison en papier de riz coulisse. Les derniers mots que prononce Sula sont « Oui madame » entre deux sanglots qu'elle peine à étouffer.

« Tu dois faire le vide dans ta tête ».

C'est ce que l'on lui a toujours répété. Est ce un principe fondé ? Ou juste une phrase absurde ? En tout cas sur elle, ça n'a jamais fonctionné. Enfin, c'est ce qu'elle croit. Elle ferme les yeux. Elle tente de canaliser sa respiration. De synchroniser les battements de son cœur au rythme lent et marqué du shamisen.

Le craque sous le poids des corps en mouvements. Les tissus des kimonos se froissent. La jeune danseuse tourne lentement sur elle-même, son éventail s'agite doucement dans l'air. Puis subitement tout s'arrête et le Shamisen fini par se taire.

Elle a échoué et pourtant, un petit espoir subsiste au fond elle.

L'un des visages figés par un masque blanc et barré par une croix noire, tend le bras pour lui indiquer la sortie. Ils sont cinq au total, dans une pièce vide qui ne contient qu'une petite estrade. La jeune fille s'exécute en silence et se dirige vers la sortie après une salutation dans les règles. Au moment où la porte en toile de riz coulisse le Shamisen se remet a chanter.

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Une pièce de taille moyenne. Un bureau, deux bibliothèques. À sa gauche deux portes en papier de riz son ouvertes et donnent sur une petite cour où s'accumulent des tas de plantes autour d'une lanterne japonaise en pierre. La jeune fille est assise sur ses genoux, en face d'une peinture hideuse représentant un chat blanc et énorme levant sa patte droite vers le ciel et semblant narguer son entourage avec un grand sourire.

- Connaissez-vous la réelle signification de cette peinture ? Demande une dame plutôt âgée qui en l'absence réponse préféré continuer à dire ce qu'elle pense plutôt que de perdre son temps. Autrefois dans « L'ancien Japon » le Maneki Neko était un porte-bonheur. Il attiré fortune et était placé à l'entrer des boutiques pour inviter les gens a entrer. Un des symboles d'une mémoire qu'il faut préserver.

La dame marque un temps d'arrêt et son visage affiche un air sévère. Après quelques secondes figés comme une statue, les bras croisés sur son bureau. Elle sort un dossier d'un tiroir, l'ouvre et éparpille plusieurs feuilles devant elle. L'encens qui brûle à sa gauche lui donne un air démoniaque.

- Bien, prononce-t-elle avant de se racler la gorge. Vous vous appelez Sula. Vous mesurez 1m65 ce qui est assez petit pour une futur Geisha. Sachez que de ce fait, vous devrez redoubler d'efforts pour dégager aux yeux des clients la prestance nécessaire et relative à ce titre.

La jeune fille ne daigne pas répondre. De toute manière, elle n'a jamais voulu devenir une Geisha. Disons qu'elle n'a pas eu le choix. Sula est arrivé dans cette maison de thé comme un enfant qui forcément n'a pas choisi sa famille. La vieille dame aux cheveux noirs, noués en un chignon impeccable reprend la parole.

- Je vois là que vous possédiez une très belle et longue chevelure, sa mâchoire se crispe. Pourquoi avez-vous eu l'idée inepte de couper vos cheveux ?

Sula a remarqué que le ton de la vieille dame est devenu froid et menaçant mais elle n'a rien à dire pour sa défense. Effectivement, elle a coupé ses cheveux dans les toilettes communes parce qu'elle ne supportait pas le brossage intensif que l'on lui imposait. Elle avait l'impression que sa tête allée imploser à chaque fois qu'elle portait une attache trop serrée. La jeune fille ne peut s'empêcher de jeter un œil a l'affreuse peinture. Elle a l'impression que le chat la nargue avec encore plus d'intensité qu'a son entrée dans la pièce.

La dame tape fortement la paume de sa main sur le bois verni. Ce qui provoque un sursaut chez son interlocutrice.

- Alors ? J'attends ! Qu'avez-vous à dire pour votre défense ?! S'écrit la veille alors qu'elle passe sa main sur son front, elle est agacée et sa patience a peut-être atteint sa limite.

Le cœur de Sula s'est emballé. Elle aussi a envie de lui crier dessus. De lui dire que cela ne fait pas longtemps qu'elle est ici. Qu'elle ne veut pas devenir une poupée qui danse et qui sert le thé ! Qu'elle se fiche pas mal de ses cheveux ! Que leur tenue est trop serrée et qu'elle étouffe dedans ! Et puis cerise sur le gâteau ! Elle ne manquerait pas de balancer à cette bique que rabâcher jour et nuit que ce sont des passeurs de mémoire et qu'ils entretiennent les traditions du dit « ancien Japon » ne sert a rien ! C'est médiocre ! Parce qu'avec le nombre d'androïdes et de technologies avancés que possèdent les riches il y a amplement de quoi entretenir la mémoire des générations futurs sans pour autant lui faire subir l'interminable cérémonie du thé ! Mais à la place elle s'écrase en se maudissant du plus profond de son être, de ne pas avoir la force de caractère suffisante pour lui faire fermer son clapé.

- Je suis désolé madame, je n'aurais pas dû faire ça. Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça.

L'autre reste stupéfaite, comme si elle s'attendait à autre chose. Elle replonge dans ses feuilles. Son visage est marqué par le temps. La veille dame possède des yeux en amande et une peau très blanche à cause de la poudre qu'elle a appliqué dessus.

- Vous comprendrez bien que votre réponse n'a aucun intérêt. Qu'elle ne sert en rien a plaidez votre cause. La prochaine fois, je vous conseille de vous taire ça aura toujours plus d'effets que de déblatérer des sottises qui nous font perdre du temps a toutes les deux.

Le cœur de Sula bat très vite. D'un côté, elle a très envie de partir se cacher pour pleurer et de l'autre elle est en colère. Elle baisse les yeux en direction de ses genoux et serre fort le tissu de son kimono jaune soleil. Sa mâchoire se crispe et ses yeux sont tout mouillés.

- Iris grisâtres, teint pâle. La dame relève les yeux avant de les replonger aussitôt dans sa lecture - vous me ferez le plaisir de l'hydrater plus que ça si vous ne voulez pas vous retrouver avec une peau de crocodile.

Sula se sent piqué au vif.

- Oui, madame, répond-elle tout doucement.

Après un second petit feuilletage rapide, la vieille range les feuilles et ferme le dossier. Le tiroir coulisse de nouveau et Sula a l'impression d'être libéré d'un gros poids.

- Un coiffeur viendra reprendre votre coupe pour que vous soyez apprêté au moins convenablement. Il est aussi inutile de vous préciser qu'il n'y aura aucune demande farfelu possible. Vous porterez un carré et vous serrez tenu de vous coiffer en toute circonstance. Est-ce clair ?

- Oui madame.

- Bien et je vous prierez de relever la tête, il est très mal poli de ne pas regarder votre interlocuteur dans les yeux quand vous vous adressez à lui.

La jeune fille s'exécute résignée. Une fois, elle avait entendu dire que regarder une personne entre les deux yeux permettait d'éviter de la regarder dans les yeux sans que celle-ci ne s'en aperçoive.

- Avez-vous des questions ? Demande la femme.

Sula a les joues en feu. Elle sent que c'est sa dernière chance de pourvoir s'exprimer. Si elle pouvait arriver a la convaincre... La jeune fille est tellement en proie au stress qu'elle transpire. Elle a du mal à respirer elle a chaud et elle étouffe sous le tissu en soie.

- Je ne veux plus rester ici, je veux partir, elle a prononcé ces mots tellement vite pour s'en débarrasser, qu'elle en vient pendant un instant à se demander si la dame a réussi à comprendre.

La femme quant à elle, semble avoir bien compris puisqu'elle éclate d'un rire fort. Un rire bien aigue et bien transperçant histoire de lui faire bien mal. Le cœur de Sula bat tellement que ça se ressent jusque dans ses tempes ce qui lui provoque des maux de tête.

- Et où comptez-vous aller Sula ? Demande la vieille.

Elle n'y a pas réfléchi. Elle s'en fiche, peut importe l'endroit, où elle ira du moment qu'elle quitte cette affreuse maison.

- Partout ! Je veux parcourir le monde, je veux découvrir, je veux...

Son interlocutrice la coupe en levant simplement la main.

- Il suffit. Il n'y a rien dans ce monde Sula. Elle marque une pause en prenant le même ton de voix qu'une mère qui souhaite rassurer sa fille. – c'est trop dangereux. Il y a maintenant des années que nous avons perdu contact avec les autres pays. Qui plus est, tu es consciente que les maladies sont nombreuses en-dehors de l'archipel.

La jeune fille commence à s'agiter. Les arguments lui manquent.

- Mais... Avons-nous des preuves ? Je veux dire...

La femme lui fait de nouveau signe de se taire.

- Et comment comptez-vous survivre ? J'entends par là que vous n'avez aucune connaissance sur le monde extérieur. La survie est une notion qui semble vous échapper. Comment comptez-vous vous rechargez ?

Sula le savait. Elle savait depuis le début que cette femme aurait le dernier mot. Cette conversation n'a été qu'un dialogue de sourds. Sula en est consciente, elle a tort et c'est ce qui l'écœure le plus. Voilà maintenant des siècles qu'après la catastrophe et les maladies le nouveau Japon fut rebattit sur la base d'un isolement total en se barricadant derrière d'immenses remparts.

- Vous subsistez et subsisterez en ce « Japon nouveau » comme une passeuse de mémoire. Votre rôle est d'entretenir et de maintenir dans le cœur de la population notre identité et notre culture. Maintenant, je vous conseille de reprendre le temps de vous replonger corps et âme dans les responsabilités qui incombent votre profession. Je vous donne une semaine, pas plus, pour vous adapter. Si vous finissez encore une fois en face de moi avec pour objectif de me faire perdre mon temps. Je comblerais votre soif de découvertes en vous expédiant directement a la casse. Me suis-je bien fait comprendre ?

Sula a la gorge tellement nouée qu'elle n'arrive même pas à répondre. Elle se contente de hocher la tête pour montrer qu'elle a bien compris. La jeune fille n'entend plus que les battements de son cœur. Toute l'énergie qu'il lui reste lui sert à présent à retenir ses larmes. Sula se lève, salut et tourne les talons. Ce n'est que lorsqu'elle fait face à la porte que les larmes coulent sur ses joues emportant avec elle son maquillage.

- Oh j'ai failli oublier Sula, vous penserez à vous brancher sur le terminale trois pour votre rechargement. N'ayez pas honte de vous, à partir de ce soir cette conversation aura totalement disparu. Comme si elle n'avait jamais eu lieu.

Tant dit que la cloison en papier de riz coulisse. Les derniers mots que prononce Sula sont « Oui madame » entre deux sanglots qu'elle peine à étouffer.

« Tu dois faire le vide dans ta tête ».

C'est ce que l'on lui a toujours répété. Est ce un principe fondé ? Ou juste une phrase absurde ? En tout cas sur elle, ça n'a jamais fonctionné. Enfin, c'est ce qu'elle croit. Elle ferme les yeux. Elle tente de canaliser sa respiration. De synchroniser les battements de son cœur au rythme lent et marqué du shamisen.

Le craque sous le poids des corps en mouvements. Les tissus des kimonos se froissent. La jeune danseuse tourne lentement sur elle-même, son éventail s'agite doucement dans l'air. Puis subitement tout s'arrête et le Shamisen fini par se taire.

Elle a échoué et pourtant, un petit espoir subsiste au fond elle.

L'un des visages figés par un masque blanc et barré par une croix noire, tend le bras pour lui indiquer la sortie. Ils sont cinq au total, dans une pièce vide qui ne contient qu'une petite estrade. La jeune fille s'exécute en silence et se dirige vers la sortie après une salutation dans les règles. Au moment où la porte en toile de riz coulisse le Shamisen se remet a chanter.

...

Une pièce de taille moyenne. Un bureau, deux bibliothèques. À sa gauche deux portes en papier de riz son ouvertes et donnent sur une petite cour où s'accumulent des tas de plantes autour d'une lanterne japonaise en pierre. La jeune fille est assise sur ses genoux, en face d'une peinture hideuse représentant un chat blanc et énorme levant sa patte droite vers le ciel et semblant narguer son entourage avec un grand sourire.

- Connaissez-vous la réelle signification de cette peinture ? Demande une dame plutôt âgée qui en l'absence réponse préféré continuer à dire ce qu'elle pense plutôt que de perdre son temps. Autrefois dans « L'ancien Japon » le Maneki Neko était un porte-bonheur. Il attiré fortune et était placé à l'entrer des boutiques pour inviter les gens a entrer. Un des symboles d'une mémoire qu'il faut préserver.

La dame marque un temps d'arrêt et son visage affiche un air sévère. Après quelques secondes figés comme une statue, les bras croisés sur son bureau. Elle sort un dossier d'un tiroir, l'ouvre et éparpille plusieurs feuilles devant elle. L'encens qui brûle à sa gauche lui donne un air démoniaque.

- Bien, prononce-t-elle avant de se racler la gorge. Vous vous appelez Sula. Vous mesurez 1m65 ce qui est assez petit pour une futur Geisha. Sachez que de ce fait, vous devrez redoubler d'efforts pour dégager aux yeux des clients la prestance nécessaire et relative à ce titre.

La jeune fille ne daigne pas répondre. De toute manière, elle n'a jamais voulu devenir une Geisha. Disons qu'elle n'a pas eu le choix. Sula est arrivé dans cette maison de thé comme un enfant qui forcément n'a pas choisi sa famille. La vieille dame aux cheveux noirs, noués en un chignon impeccable reprend la parole.

- Je vois là que vous possédiez une très belle et longue chevelure, sa mâchoire se crispe. Pourquoi avez-vous eu l'idée inepte de couper vos cheveux ?

Sula a remarqué que le ton de la vieille dame est devenu froid et menaçant mais elle n'a rien à dire pour sa défense. Effectivement, elle a coupé ses cheveux dans les toilettes communes parce qu'elle ne supportait pas le brossage intensif que l'on lui imposait. Elle avait l'impression que sa tête allée imploser à chaque fois qu'elle portait une attache trop serrée. La jeune fille ne peut s'empêcher de jeter un œil a l'affreuse peinture. Elle a l'impression que le chat la nargue avec encore plus d'intensité qu'a son entrée dans la pièce.

La dame tape fortement la paume de sa main sur le bois verni. Ce qui provoque un sursaut chez son interlocutrice.

- Alors ? J'attends ! Qu'avez-vous à dire pour votre défense ?! S'écrit la veille alors qu'elle passe sa main sur son front, elle est agacée et sa patience a peut-être atteint sa limite.

Le cœur de Sula s'est emballé. Elle aussi a envie de lui crier dessus. De lui dire que cela ne fait pas longtemps qu'elle est ici. Qu'elle ne veut pas devenir une poupée qui danse et qui sert le thé ! Qu'elle se fiche pas mal de ses cheveux ! Que leur tenue est trop serrée et qu'elle étouffe dedans ! Et puis cerise sur le gâteau ! Elle ne manquerait pas de balancer à cette bique que rabâcher jour et nuit que ce sont des passeurs de mémoire et qu'ils entretiennent les traditions du dit « ancien Japon » ne sert a rien ! C'est médiocre ! Parce qu'avec le nombre d'androïdes et de technologies avancés que possèdent les riches il y a amplement de quoi entretenir la mémoire des générations futurs sans pour autant lui faire subir l'interminable cérémonie du thé ! Mais à la place elle s'écrase en se maudissant du plus profond de son être, de ne pas avoir la force de caractère suffisante pour lui faire fermer son clapé.

- Je suis désolé madame, je n'aurais pas dû faire ça. Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça.

L'autre reste stupéfaite, comme si elle s'attendait à autre chose. Elle replonge dans ses feuilles. Son visage est marqué par le temps. La veille dame possède des yeux en amande et une peau très blanche à cause de la poudre qu'elle a appliqué dessus.

- Vous comprendrez bien que votre réponse n'a aucun intérêt. Qu'elle ne sert en rien a plaidez votre cause. La prochaine fois, je vous conseille de vous taire ça aura toujours plus d'effets que de déblatérer des sottises qui nous font perdre du temps a toutes les deux.

Le cœur de Sula bat très vite. D'un côté, elle a très envie de partir se cacher pour pleurer et de l'autre elle est en colère. Elle baisse les yeux en direction de ses genoux et serre fort le tissu de son kimono jaune soleil. Sa mâchoire se crispe et ses yeux sont tout mouillés.

- Iris grisâtres, teint pâle. La dame relève les yeux avant de les replonger aussitôt dans sa lecture - vous me ferez le plaisir de l'hydrater plus que ça si vous ne voulez pas vous retrouver avec une peau de crocodile.

Sula se sent piqué au vif.

- Oui, madame, répond-elle tout doucement.

Après un second petit feuilletage rapide, la vieille range les feuilles et ferme le dossier. Le tiroir coulisse de nouveau et Sula a l'impression d'être libéré d'un gros poids.

- Un coiffeur viendra reprendre votre coupe pour que vous soyez apprêté au moins convenablement. Il est aussi inutile de vous préciser qu'il n'y aura aucune demande farfelu possible. Vous porterez un carré et vous serrez tenu de vous coiffer en toute circonstance. Est-ce clair ?

- Oui madame.

- Bien et je vous prierez de relever la tête, il est très mal poli de ne pas regarder votre interlocuteur dans les yeux quand vous vous adressez à lui.

La jeune fille s'exécute résignée. Une fois, elle avait entendu dire que regarder une personne entre les deux yeux permettait d'éviter de la regarder dans les yeux sans que celle-ci ne s'en aperçoive.

- Avez-vous des questions ? Demande la femme.

Sula a les joues en feu. Elle sent que c'est sa dernière chance de pourvoir s'exprimer. Si elle pouvait arriver a la convaincre... La jeune fille est tellement en proie au stress qu'elle transpire. Elle a du mal à respirer elle a chaud et elle étouffe sous le tissu en soie.

- Je ne veux plus rester ici, je veux partir, elle a prononcé ces mots tellement vite pour s'en débarrasser, qu'elle en vient pendant un instant à se demander si la dame a réussi à comprendre.

La femme quant à elle, semble avoir bien compris puisqu'elle éclate d'un rire fort. Un rire bien aigue et bien transperçant histoire de lui faire bien mal. Le cœur de Sula bat tellement que ça se ressent jusque dans ses tempes ce qui lui provoque des maux de tête.

- Et où comptez-vous aller Sula ? Demande la vieille.

Elle n'y a pas réfléchi. Elle s'en fiche, peut importe l'endroit, où elle ira du moment qu'elle quitte cette affreuse maison.

- Partout ! Je veux parcourir le monde, je veux découvrir, je veux...

Son interlocutrice la coupe en levant simplement la main.

- Il suffit. Il n'y a rien dans ce monde Sula. Elle marque une pause en prenant le même ton de voix qu'une mère qui souhaite rassurer sa fille. – c'est trop dangereux. Il y a maintenant des années que nous avons perdu contact avec les autres pays. Qui plus est, tu es consciente que les maladies sont nombreuses en-dehors de l'archipel.

La jeune fille commence à s'agiter. Les arguments lui manquent.

- Mais... Avons-nous des preuves ? Je veux dire...

La femme lui fait de nouveau signe de se taire.

- Et comment comptez-vous survivre ? J'entends par là que vous n'avez aucune connaissance sur le monde extérieur. La survie est une notion qui semble vous échapper. Comment comptez-vous vous rechargez ?

Sula le savait. Elle savait depuis le début que cette femme aurait le dernier mot. Cette conversation n'a été qu'un dialogue de sourds. Sula en est consciente, elle a tort et c'est ce qui l'écœure le plus. Voilà maintenant des siècles qu'après la catastrophe et les maladies le nouveau Japon fut rebattit sur la base d'un isolement total en se barricadant derrière d'immenses remparts.

- Vous subsistez et subsisterez en ce « Japon nouveau » comme une passeuse de mémoire. Votre rôle est d'entretenir et de maintenir dans le cœur de la population notre identité et notre culture. Maintenant, je vous conseille de reprendre le temps de vous replonger corps et âme dans les responsabilités qui incombent votre profession. Je vous donne une semaine, pas plus, pour vous adapter. Si vous finissez encore une fois en face de moi avec pour objectif de me faire perdre mon temps. Je comblerais votre soif de découvertes en vous expédiant directement a la casse. Me suis-je bien fait comprendre ?

Sula a la gorge tellement nouée qu'elle n'arrive même pas à répondre. Elle se contente de hocher la tête pour montrer qu'elle a bien compris. La jeune fille n'entend plus que les battements de son cœur. Toute l'énergie qu'il lui reste lui sert à présent à retenir ses larmes. Sula se lève, salut et tourne les talons. Ce n'est que lorsqu'elle fait face à la porte que les larmes coulent sur ses joues emportant avec elle son maquillage.

- Oh j'ai failli oublier Sula, vous penserez à vous brancher sur le terminale trois pour votre rechargement. N'ayez pas honte de vous, à partir de ce soir cette conversation aura totalement disparu. Comme si elle n'avait jamais eu lieu.

Tant dit que la cloison en papier de riz coulisse. Les derniers mots que prononce Sula sont « Oui madame » entre deux sanglots qu'elle peine à étouffer.

« Tu dois faire le vide dans ta tête ».

C'est ce que l'on lui a toujours répété. Est ce un principe fondé ? Ou juste une phrase absurde ? En tout cas sur elle, ça n'a jamais fonctionné. Enfin, c'est ce qu'elle croit. Elle ferme les yeux. Elle tente de canaliser sa respiration. De synchroniser les battements de son cœur au rythme lent et marqué du shamisen.

Le craque sous le poids des corps en mouvements. Les tissus des kimonos se froissent. La jeune danseuse tourne lentement sur elle-même, son éventail s'agite doucement dans l'air. Puis subitement tout s'arrête et le Shamisen fini par se taire.

Elle a échoué et pourtant, un petit espoir subsiste au fond elle.

L'un des visages figés par un masque blanc et barré par une croix noire, tend le bras pour lui indiquer la sortie. Ils sont cinq au total, dans une pièce vide qui ne contient qu'une petite estrade. La jeune fille s'exécute en silence et se dirige vers la sortie après une salutation dans les règles. Au moment où la porte en toile de riz coulisse le Shamisen se remet a chanter.

...

Une pièce de taille moyenne. Un bureau, deux bibliothèques. À sa gauche deux portes en papier de riz son ouvertes et donnent sur une petite cour où s'accumulent des tas de plantes autour d'une lanterne japonaise en pierre. La jeune fille est assise sur ses genoux, en face d'une peinture hideuse représentant un chat blanc et énorme levant sa patte droite vers le ciel et semblant narguer son entourage avec un grand sourire.

- Connaissez-vous la réelle signification de cette peinture ? Demande une dame plutôt âgée qui en l'absence réponse préféré continuer à dire ce qu'elle pense plutôt que de perdre son temps. Autrefois dans « L'ancien Japon » le Maneki Neko était un porte-bonheur. Il attiré fortune et était placé à l'entrer des boutiques pour inviter les gens a entrer. Un des symboles d'une mémoire qu'il faut préserver.

La dame marque un temps d'arrêt et son visage affiche un air sévère. Après quelques secondes figés comme une statue, les bras croisés sur son bureau. Elle sort un dossier d'un tiroir, l'ouvre et éparpille plusieurs feuilles devant elle. L'encens qui brûle à sa gauche lui donne un air démoniaque.

- Bien, prononce-t-elle avant de se racler la gorge. Vous vous appelez Sula. Vous mesurez 1m65 ce qui est assez petit pour une futur Geisha. Sachez que de ce fait, vous devrez redoubler d'efforts pour dégager aux yeux des clients la prestance nécessaire et relative à ce titre.

La jeune fille ne daigne pas répondre. De toute manière, elle n'a jamais voulu devenir une Geisha. Disons qu'elle n'a pas eu le choix. Sula est arrivé dans cette maison de thé comme un enfant qui forcément n'a pas choisi sa famille. La vieille dame aux cheveux noirs, noués en un chignon impeccable reprend la parole.

- Je vois là que vous possédiez une très belle et longue chevelure, sa mâchoire se crispe. Pourquoi avez-vous eu l'idée inepte de couper vos cheveux ?

Sula a remarqué que le ton de la vieille dame est devenu froid et menaçant mais elle n'a rien à dire pour sa défense. Effectivement, elle a coupé ses cheveux dans les toilettes communes parce qu'elle ne supportait pas le brossage intensif que l'on lui imposait. Elle avait l'impression que sa tête allée imploser à chaque fois qu'elle portait une attache trop serrée. La jeune fille ne peut s'empêcher de jeter un œil a l'affreuse peinture. Elle a l'impression que le chat la nargue avec encore plus d'intensité qu'a son entrée dans la pièce.

La dame tape fortement la paume de sa main sur le bois verni. Ce qui provoque un sursaut chez son interlocutrice.

- Alors ? J'attends ! Qu'avez-vous à dire pour votre défense ?! S'écrit la veille alors qu'elle passe sa main sur son front, elle est agacée et sa patience a peut-être atteint sa limite.

Le cœur de Sula s'est emballé. Elle aussi a envie de lui crier dessus. De lui dire que cela ne fait pas longtemps qu'elle est ici. Qu'elle ne veut pas devenir une poupée qui danse et qui sert le thé ! Qu'elle se fiche pas mal de ses cheveux ! Que leur tenue est trop serrée et qu'elle étouffe dedans ! Et puis cerise sur le gâteau ! Elle ne manquerait pas de balancer à cette bique que rabâcher jour et nuit que ce sont des passeurs de mémoire et qu'ils entretiennent les traditions du dit « ancien Japon » ne sert a rien ! C'est médiocre ! Parce qu'avec le nombre d'androïdes et de technologies avancés que possèdent les riches il y a amplement de quoi entretenir la mémoire des générations futurs sans pour autant lui faire subir l'interminable cérémonie du thé ! Mais à la place elle s'écrase en se maudissant du plus profond de son être, de ne pas avoir la force de caractère suffisante pour lui faire fermer son clapé.

- Je suis désolé madame, je n'aurais pas dû faire ça. Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça.

L'autre reste stupéfaite, comme si elle s'attendait à autre chose. Elle replonge dans ses feuilles. Son visage est marqué par le temps. La veille dame possède des yeux en amande et une peau très blanche à cause de la poudre qu'elle a appliqué dessus.

- Vous comprendrez bien que votre réponse n'a aucun intérêt. Qu'elle ne sert en rien a plaidez votre cause. La prochaine fois, je vous conseille de vous taire ça aura toujours plus d'effets que de déblatérer des sottises qui nous font perdre du temps a toutes les deux.

Le cœur de Sula bat très vite. D'un côté, elle a très envie de partir se cacher pour pleurer et de l'autre elle est en colère. Elle baisse les yeux en direction de ses genoux et serre fort le tissu de son kimono jaune soleil. Sa mâchoire se crispe et ses yeux sont tout mouillés.

- Iris grisâtres, teint pâle. La dame relève les yeux avant de les replonger aussitôt dans sa lecture - vous me ferez le plaisir de l'hydrater plus que ça si vous ne voulez pas vous retrouver avec une peau de crocodile.

Sula se sent piqué au vif.

- Oui, madame, répond-elle tout doucement.

Après un second petit feuilletage rapide, la vieille range les feuilles et ferme le dossier. Le tiroir coulisse de nouveau et Sula a l'impression d'être libéré d'un gros poids.

- Un coiffeur viendra reprendre votre coupe pour que vous soyez apprêté au moins convenablement. Il est aussi inutile de vous préciser qu'il n'y aura aucune demande farfelu possible. Vous porterez un carré et vous serrez tenu de vous coiffer en toute circonstance. Est-ce clair ?

- Oui madame.

- Bien et je vous prierez de relever la tête, il est très mal poli de ne pas regarder votre interlocuteur dans les yeux quand vous vous adressez à lui.

La jeune fille s'exécute résignée. Une fois, elle avait entendu dire que regarder une personne entre les deux yeux permettait d'éviter de la regarder dans les yeux sans que celle-ci ne s'en aperçoive.

- Avez-vous des questions ? Demande la femme.

Sula a les joues en feu. Elle sent que c'est sa dernière chance de pourvoir s'exprimer. Si elle pouvait arriver a la convaincre... La jeune fille est tellement en proie au stress qu'elle transpire. Elle a du mal à respirer elle a chaud et elle étouffe sous le tissu en soie.

- Je ne veux plus rester ici, je veux partir, elle a prononcé ces mots tellement vite pour s'en débarrasser, qu'elle en vient pendant un instant à se demander si la dame a réussi à comprendre.

La femme quant à elle, semble avoir bien compris puisqu'elle éclate d'un rire fort. Un rire bien aigue et bien transperçant histoire de lui faire bien mal. Le cœur de Sula bat tellement que ça se ressent jusque dans ses tempes ce qui lui provoque des maux de tête.

- Et où comptez-vous aller Sula ? Demande la vieille.

Elle n'y a pas réfléchi. Elle s'en fiche, peut importe l'endroit, où elle ira du moment qu'elle quitte cette affreuse maison.

- Partout ! Je veux parcourir le monde, je veux découvrir, je veux...

Son interlocutrice la coupe en levant simplement la main.

- Il suffit. Il n'y a rien dans ce monde Sula. Elle marque une pause en prenant le même ton de voix qu'une mère qui souhaite rassurer sa fille. – c'est trop dangereux. Il y a maintenant des années que nous avons perdu contact avec les autres pays. Qui plus est, tu es consciente que les maladies sont nombreuses en-dehors de l'archipel.

La jeune fille commence à s'agiter. Les arguments lui manquent.

- Mais... Avons-nous des preuves ? Je veux dire...

La femme lui fait de nouveau signe de se taire.

- Et comment comptez-vous survivre ? J'entends par là que vous n'avez aucune connaissance sur le monde extérieur. La survie est une notion qui semble vous échapper. Comment comptez-vous vous rechargez ?

Sula le savait. Elle savait depuis le début que cette femme aurait le dernier mot. Cette conversation n'a été qu'un dialogue de sourds. Sula en est consciente, elle a tort et c'est ce qui l'écœure le plus. Voilà maintenant des siècles qu'après la catastrophe et les maladies le nouveau Japon fut rebattit sur la base d'un isolement total en se barricadant derrière d'immenses remparts.

- Vous subsistez et subsisterez en ce « Japon nouveau » comme une passeuse de mémoire. Votre rôle est d'entretenir et de maintenir dans le cœur de la population notre identité et notre culture. Maintenant, je vous conseille de reprendre le temps de vous replonger corps et âme dans les responsabilités qui incombent votre profession. Je vous donne une semaine, pas plus, pour vous adapter. Si vous finissez encore une fois en face de moi avec pour objectif de me faire perdre mon temps. Je comblerais votre soif de découvertes en vous expédiant directement a la casse. Me suis-je bien fait comprendre ?

Sula a la gorge tellement nouée qu'elle n'arrive même pas à répondre. Elle se contente de hocher la tête pour montrer qu'elle a bien compris. La jeune fille n'entend plus que les battements de son cœur. Toute l'énergie qu'il lui reste lui sert à présent à retenir ses larmes. Sula se lève, salut et tourne les talons. Ce n'est que lorsqu'elle fait face à la porte que les larmes coulent sur ses joues emportant avec elle son maquillage.

- Oh j'ai failli oublier Sula, vous penserez à vous brancher sur le terminale trois pour votre rechargement. N'ayez pas honte de vous, à partir de ce soir cette conversation aura totalement disparu. Comme si elle n'avait jamais eu lieu.

Tant dit que la cloison en papier de riz coulisse. Les derniers mots que prononce Sula sont « Oui madame » entre deux sanglots qu'elle peine à étouffer.

« Tu dois faire le vide dans ta tête ».

C'est ce que l'on lui a toujours répété. Est ce un principe fondé ? Ou juste une phrase absurde ? En tout cas sur elle, ça n'a jamais fonctionné. Enfin, c'est ce qu'elle croit. Elle ferme les yeux. Elle tente de canaliser sa respiration. De synchroniser les battements de son cœur au rythme lent et marqué du shamisen.

Le craque sous le poids des corps en mouvements. Les tissus des kimonos se froissent. La jeune danseuse tourne lentement sur elle-même, son éventail s'agite doucement dans l'air. Puis subitement tout s'arrête et le Shamisen fini par se taire.

Elle a échoué et pourtant, un petit espoir subsiste au fond elle.

L'un des visages figés par un masque blanc et barré par une croix noire, tend le bras pour lui indiquer la sortie. Ils sont cinq au total, dans une pièce vide qui ne contient qu'une petite estrade. La jeune fille s'exécute en silence et se dirige vers la sortie après une salutation dans les règles. Au moment où la porte en toile de riz coulisse le Shamisen se remet a chanter.

...

Une pièce de taille moyenne. Un bureau, deux bibliothèques. À sa gauche deux portes en papier de riz son ouvertes et donnent sur une petite cour où s'accumulent des tas de plantes autour d'une lanterne japonaise en pierre. La jeune fille est assise sur ses genoux, en face d'une peinture hideuse représentant un chat blanc et énorme levant sa patte droite vers le ciel et semblant narguer son entourage avec un grand sourire.

- Connaissez-vous la réelle signification de cette peinture ? Demande une dame plutôt âgée qui en l'absence réponse préféré continuer à dire ce qu'elle pense plutôt que de perdre son temps. Autrefois dans « L'ancien Japon » le Maneki Neko était un porte-bonheur. Il attiré fortune et était placé à l'entrer des boutiques pour inviter les gens a entrer. Un des symboles d'une mémoire qu'il faut préserver.

La dame marque un temps d'arrêt et son visage affiche un air sévère. Après quelques secondes figés comme une statue, les bras croisés sur son bureau. Elle sort un dossier d'un tiroir, l'ouvre et éparpille plusieurs feuilles devant elle. L'encens qui brûle à sa gauche lui donne un air démoniaque.

- Bien, prononce-t-elle avant de se racler la gorge. Vous vous appelez Sula. Vous mesurez 1m65 ce qui est assez petit pour une futur Geisha. Sachez que de ce fait, vous devrez redoubler d'efforts pour dégager aux yeux des clients la prestance nécessaire et relative à ce titre.

La jeune fille ne daigne pas répondre. De toute manière, elle n'a jamais voulu devenir une Geisha. Disons qu'elle n'a pas eu le choix. Sula est arrivé dans cette maison de thé comme un enfant qui forcément n'a pas choisi sa famille. La vieille dame aux cheveux noirs, noués en un chignon impeccable reprend la parole.

- Je vois là que vous possédiez une très belle et longue chevelure, sa mâchoire se crispe. Pourquoi avez-vous eu l'idée inepte de couper vos cheveux ?

Sula a remarqué que le ton de la vieille dame est devenu froid et menaçant mais elle n'a rien à dire pour sa défense. Effectivement, elle a coupé ses cheveux dans les toilettes communes parce qu'elle ne supportait pas le brossage intensif que l'on lui imposait. Elle avait l'impression que sa tête allée imploser à chaque fois qu'elle portait une attache trop serrée. La jeune fille ne peut s'empêcher de jeter un œil a l'affreuse peinture. Elle a l'impression que le chat la nargue avec encore plus d'intensité qu'a son entrée dans la pièce.

La dame tape fortement la paume de sa main sur le bois verni. Ce qui provoque un sursaut chez son interlocutrice.

- Alors ? J'attends ! Qu'avez-vous à dire pour votre défense ?! S'écrit la veille alors qu'elle passe sa main sur son front, elle est agacée et sa patience a peut-être atteint sa limite.

Le cœur de Sula s'est emballé. Elle aussi a envie de lui crier dessus. De lui dire que cela ne fait pas longtemps qu'elle est ici. Qu'elle ne veut pas devenir une poupée qui danse et qui sert le thé ! Qu'elle se fiche pas mal de ses cheveux ! Que leur tenue est trop serrée et qu'elle étouffe dedans ! Et puis cerise sur le gâteau ! Elle ne manquerait pas de balancer à cette bique que rabâcher jour et nuit que ce sont des passeurs de mémoire et qu'ils entretiennent les traditions du dit « ancien Japon » ne sert a rien ! C'est médiocre ! Parce qu'avec le nombre d'androïdes et de technologies avancés que possèdent les riches il y a amplement de quoi entretenir la mémoire des générations futurs sans pour autant lui faire subir l'interminable cérémonie du thé ! Mais à la place elle s'écrase en se maudissant du plus profond de son être, de ne pas avoir la force de caractère suffisante pour lui faire fermer son clapé.

- Je suis désolé madame, je n'aurais pas dû faire ça. Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça.

L'autre reste stupéfaite, comme si elle s'attendait à autre chose. Elle replonge dans ses feuilles. Son visage est marqué par le temps. La veille dame possède des yeux en amande et une peau très blanche à cause de la poudre qu'elle a appliqué dessus.

- Vous comprendrez bien que votre réponse n'a aucun intérêt. Qu'elle ne sert en rien a plaidez votre cause. La prochaine fois, je vous conseille de vous taire ça aura toujours plus d'effets que de déblatérer des sottises qui nous font perdre du temps a toutes les deux.

Le cœur de Sula bat très vite. D'un côté, elle a très envie de partir se cacher pour pleurer et de l'autre elle est en colère. Elle baisse les yeux en direction de ses genoux et serre fort le tissu de son kimono jaune soleil. Sa mâchoire se crispe et ses yeux sont tout mouillés.

- Iris grisâtres, teint pâle. La dame relève les yeux avant de les replonger aussitôt dans sa lecture - vous me ferez le plaisir de l'hydrater plus que ça si vous ne voulez pas vous retrouver avec une peau de crocodile.

Sula se sent piqué au vif.

- Oui, madame, répond-elle tout doucement.

Après un second petit feuilletage rapide, la vieille range les feuilles et ferme le dossier. Le tiroir coulisse de nouveau et Sula a l'impression d'être libéré d'un gros poids.

- Un coiffeur viendra reprendre votre coupe pour que vous soyez apprêté au moins convenablement. Il est aussi inutile de vous préciser qu'il n'y aura aucune demande farfelu possible. Vous porterez un carré et vous serrez tenu de vous coiffer en toute circonstance. Est-ce clair ?

- Oui madame.

- Bien et je vous prierez de relever la tête, il est très mal poli de ne pas regarder votre interlocuteur dans les yeux quand vous vous adressez à lui.

La jeune fille s'exécute résignée. Une fois, elle avait entendu dire que regarder une personne entre les deux yeux permettait d'éviter de la regarder dans les yeux sans que celle-ci ne s'en aperçoive.

- Avez-vous des questions ? Demande la femme.

Sula a les joues en feu. Elle sent que c'est sa dernière chance de pourvoir s'exprimer. Si elle pouvait arriver a la convaincre... La jeune fille est tellement en proie au stress qu'elle transpire. Elle a du mal à respirer elle a chaud et elle étouffe sous le tissu en soie.

- Je ne veux plus rester ici, je veux partir, elle a prononcé ces mots tellement vite pour s'en débarrasser, qu'elle en vient pendant un instant à se demander si la dame a réussi à comprendre.

La femme quant à elle, semble avoir bien compris puisqu'elle éclate d'un rire fort. Un rire bien aigue et bien transperçant histoire de lui faire bien mal. Le cœur de Sula bat tellement que ça se ressent jusque dans ses tempes ce qui lui provoque des maux de tête.

- Et où comptez-vous aller Sula ? Demande la vieille.

Elle n'y a pas réfléchi. Elle s'en fiche, peut importe l'endroit, où elle ira du moment qu'elle quitte cette affreuse maison.

- Partout ! Je veux parcourir le monde, je veux découvrir, je veux...

Son interlocutrice la coupe en levant simplement la main.

- Il suffit. Il n'y a rien dans ce monde Sula. Elle marque une pause en prenant le même ton de voix qu'une mère qui souhaite rassurer sa fille. – c'est trop dangereux. Il y a maintenant des années que nous avons perdu contact avec les autres pays. Qui plus est, tu es consciente que les maladies sont nombreuses en-dehors de l'archipel.

La jeune fille commence à s'agiter. Les arguments lui manquent.

- Mais... Avons-nous des preuves ? Je veux dire...

La femme lui fait de nouveau signe de se taire.

- Et comment comptez-vous survivre ? J'entends par là que vous n'avez aucune connaissance sur le monde extérieur. La survie est une notion qui semble vous échapper. Comment comptez-vous vous rechargez ?

Sula le savait. Elle savait depuis le début que cette femme aurait le dernier mot. Cette conversation n'a été qu'un dialogue de sourds. Sula en est consciente, elle a tort et c'est ce qui l'écœure le plus. Voilà maintenant des siècles qu'après la catastrophe et les maladies le nouveau Japon fut rebattit sur la base d'un isolement total en se barricadant derrière d'immenses remparts.

- Vous subsistez et subsisterez en ce « Japon nouveau » comme une passeuse de mémoire. Votre rôle est d'entretenir et de maintenir dans le cœur de la population notre identité et notre culture. Maintenant, je vous conseille de reprendre le temps de vous replonger corps et âme dans les responsabilités qui incombent votre profession. Je vous donne une semaine, pas plus, pour vous adapter. Si vous finissez encore une fois en face de moi avec pour objectif de me faire perdre mon temps. Je comblerais votre soif de découvertes en vous expédiant directement a la casse. Me suis-je bien fait comprendre ?

Sula a la gorge tellement nouée qu'elle n'arrive même pas à répondre. Elle se contente de hocher la tête pour montrer qu'elle a bien compris. La jeune fille n'entend plus que les battements de son cœur. Toute l'énergie qu'il lui reste lui sert à présent à retenir ses larmes. Sula se lève, salut et tourne les talons. Ce n'est que lorsqu'elle fait face à la porte que les larmes coulent sur ses joues emportant avec elle son maquillage.

- Oh j'ai failli oublier Sula, vous penserez à vous brancher sur le terminale trois pour votre rechargement. N'ayez pas honte de vous, à partir de ce soir cette conversation aura totalement disparu. Comme si elle n'avait jamais eu lieu.

Tant dit que la cloison en papier de riz coulisse. Les derniers mots que prononce Sula sont « Oui madame » entre deux sanglots qu'elle peine à étouffer.

 

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LAD
Posté le 21/11/2023
J'ai un moment d'étonnement en relisant pour la seconde fois "tu dois faire le vide dans ta tête" ! Mais c'est ingénieux et montre très bien la complexité de la vie du personnage principal !
Hâte de voir son évolution... Elle a l'air de vouloir prendre son envol et de penser par soi même ... Maintenant, je vais voir le chapitre 2 ... :-D
Raxkagu
Posté le 03/05/2021
Le premier chapitre est plutôt intriguant et il me rappelle un peu Hunger Games (la discussion entre Sula et la femme). Ce qui est bien c'est qu'il soulève pas mal de question sur l'avancée du personnage principale (comment va t'elle évoluer et si elle va prendre confiance en elle et affronter cette autorité matriarcale. En tous cas continue comme ça et j'ai hâte de voir la suite!!!

Gambate!!!
AliciaB
Posté le 07/05/2021
Merci beaucoup pour ton avis !!! J'avais beaucoup hésitée pour le début de l'histoire parce que je voulais que ce soit simple tout en étant assez explicite :/
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