Chapitre 9 : La chevêche

Kurtis ne savait pas si c’était l’anxiété ou la faim — sans doute les deux à la fois — mais il avait l’impression que ses organes étaient entortillés dans son ventre. Il devait pourtant méditer une dernière fois avant sa cérémonie. Maig était partie quelques heures plus tôt. Depuis, il n’arrivait plus à se concentrer. Ses pensées se tendaient inexorablement vers elle.

Alors qu’il s’immergeait difficilement dans le Monde Invisible, un tourbillon dans le Silh attira son attention. Son cœur fit un bond dans sa poitrine quand il comprit que c’était sa camarade qui effectuait la danse du totem. Il se retrouva à voir sans prunelles ses mouvements qui formaient des ondes dans le flux spirituel. Il pouvait presque reconstituer la danse…

Kurtis sursauta. Il la voyait, réellement. Il dut lutter pour maintenir cette connexion. Il avait réussi à projeter son regard à quelques centaines de mètres de là.

Il observa Maig dont le corps ondoyait sous la lumière mouvante de petits foyers. Comme le voulait la coutume, elle ne portait que ces talismans essentiels. Le jeune garçon aurait voulu penser qu’il la trouvait simplement magnifique, mais il y avait quelques chose. Quelque chose qui maintenait son regard accroché à ses tétons bondissants.

— Tiens donc…

Kurtis se sentit soudain compressé. Ses sens furent repoussés vers une silhouette gigantesque. Il décela la forme d’un cerf alors que la vision de la cérémonie s’évanouissait.

Intéressant, commenta une voix qui se répliqua à l’infini dans son esprit.

Le Silh autour de lui se tordit, à tourbillonna, il comprit que c’était lui qui perdait ses repères. Il eut juste le temps de se voir face à cette âme immense, il reconnut Hênora avant de sombrer dans l’inconscience.

 

 

Kurtis se réveilla dans le cercle de méditation. Il ne savait pas combien de temps s’était écoulé, aucune cérémonie ne charriait plus le flux spirituel. La rumeur de la fête lui parvenait au travers des murs épais de la hutte.

— Il est l’heure, jeune homme !

L’intéressé leva des yeux encore fiévreux vers Padraig.

— Ça ne va pas ?

— Je… j’ai faim.

— C’est normal, ça, je comprends. Allez, encore une ou deux heures et tu pourras t’empiffrer à souhait.

Kurtis déglutit difficilement et se releva. Il fut mené par le doyen jusqu’à la hutte principale où l’attendaient plusieurs Arsalaïs. Il se retint de sauter dans les bras d’Ealys qu’il n’avait vue qu’une seule fois depuis son arrivée. Oanell et Isbail le saluèrent discrètement. Il avança jusqu’au centre du bâtiment ou un rond de sable dévoilait le symbole de la Source, une spirale à trois branches.

Deux Arsalaïs ardyennes se glissèrent à ses côtés et le délestèrent de sa toge. Elles amenèrent ensuite un baquet d’eau et le lavèrent en silence à l’aide d’un linge immaculé. Il se pinça les lèvres quand l’une d’elle passa sur son entrejambe, mais elle eut la délicatesse de n’y donner qu’un coup rapide. Une fois qu’il fut jugé suffisamment propre, on posa sur sa tête une couronne auréolé de trois plumes. Chacune d’elle était d’une couleur différent — blanche, jaune et bleue — et représentaient les trois étapes de l’existence : la naissance, la vie, et la mort. On posa ensuite sur ses épaules une cape verte qui couvrirait son corps jusqu’au cercle de danse.

Tremblant, Kurtis fut amené au dehors. Le soleil lançait quelques derniers rayons courageux par-delà la forêt, malgré la pénombre qui s’installait, le jeune garçon fut ébloui. Il n’était pas sorti depuis sept jours, aussi respira-t-il l’air frais avec délice.

Il oublia la faim quand il vit l’assemblée qui l’attendait. Des milliers de personnes étaient réparties sur des cercle concentriques. Il n’aurait jamais cru devoir danser devant autant de personnes. Son anxiété monta à mesure qu’il franchissait chacun des cercles, enjambant une foule de personnes silencieuses.

Il avait peine à respirer quand il parvint au centre.

Hênora posa sur lui un regard neutre, mais il crut y déceler une forme d’intérêt, ce qui ne le rassurait pas vraiment. Elle frappa le sol de son sceptre, les musiciens commencèrent à battre la mesure. Juste avant de dévoiler son corps, Kurtis aperçut Maig dans les premiers rangs. Elle lui offrit un sourire éclatant.

Pris d’un courage affolé, il laissa tomber sa cape à ses pieds. Les Sylviens baissèrent les yeux quelques secondes comme il se devait, le laissant commencer sa danse.

Kurtis ne s’état jamais considéré comme un très bon danseur, du moins pour un Arsalaï. Mais cette fois-ci, la conscience qu’il avait du Silh guidait ses gestes plus que la chorégraphie qu’il avait apprise. Il tourna sur lui-même, fit ondoyer son ombre sur le sol. Bientôt, la sensation du flux intangible sur son âme fit disparaître celle de la foule d’esprits qui l’observait. La vision des milliers de corps qui se balançaient au rythme des tambours se fit lointaine, et celle du Silh qui ondulait, plus puissante. Il s’oublia dans la danse. Son sang pulsait, son corps volait. Il n’était plus de chair et d’os, rien ne le retenait. Il se jouait des limites de son corps, des lois qui l’ancraient dans le monde tangible. Il était libre, infiniment. Libre et, il osa le penser, beau.

Les tambours devinrent assourdissants, la mélopée de son corps tourbillonnante. Soudain, au-dessus de lui, une énergie brute apparue. Il ouvrit les yeux sur le Monde Invisible, la tête levée vers des cieux immatériels. Il y avait là quelque chose qui transcendait ses sens spirituels. Cette chose fondit sur lui.

Une puissante décharge secoua son corps, un éclat s’empara de sa vision. Il se tendit, tous ses muscles prêts à se rompre. Lorsque l’énergie se délita, il prit une grande inspiration, se rendant compte qu’il avait manqué de s’asphyxier. La sensation de la sueur froide qui coulait sur sa peau, de ses cheveux humides plaqués sur sa nuque et de sa respiration saccadée reparurent. Kurtis regarda les cercles courbés autour de lui, hébété. Il eut du mal à s’ancrer de nouveau dans la réalité, il avait l’impression d’avoir quitté la terre pendant plusieurs années.

Face à lui, les yeux opalescents d’Hênora détonnaient dans l’obscurité. Elle se leva pesamment et s’avança vers lui. Sa voix résonnait étrangement dans l’atmosphère suspendue.

— L’Esprit du Lynx t’a choisi. C’est Lui qui t’accompagnera jusqu’à la Source.

Kurtis réalisa qu’il n’était pas étonné de son totem. Il n’avait pourtant rien prévu.

— Toute ta vie durant Il sera ton protecteur. Il symbolise le secret et la clairvoyance, mais aussi la naïveté et l’inaction. Puisses-tu observer et saisir le temps fuyant. Prends garde à Ses sombres côtés, mais suis Ses pas vers la lumière. Choie cet esprit, Il accorde timidement son don. Demain, tu ne seras plus garçon, tu seras homme.

Le nouvel adulte, dont le pouls ne voulait pas ralentir, se tourna en tremblant vers son père.

— Moi, Aedan de l’Aigle Royal, fils de Brenna du Corbeau et Deren du Hibou Maître-Bois, je te transmets la vie et la Maturité.

Il passa le collier de Maturité au cou de son fils.

— Puisse-tu perpétrer mon héritage.

Hênora resta silencieuse quelques secondes avant de faire volte-face vers l’assemblée.

— Que la fête commence, célébrons Maig de la Chevêche et Kurtis du Lynx !

Une ovation s’éleva et explosa dans l’air tandis que les cercles s’éparpillaient vers les feux de joie qui n’attendaient qu’eux.

Kurtis ramassa sa cape et s’y emmitoufla. Ses sœurs et tous les membres de sa tribu vinrent l’entourer pour le porter jusqu’au lieu des célébrations. La joie le transportait, mais il était tout aussi inquiet.

Il lui restait encore une épreuve, et non des moindres.

Il s’assit en tailleur sur le sol et attrapa un pain fourré qu’il dévorait sans reprendre sa respiration. La faim n’était pas revenue, mais se nourrir constituait une activité connue, contrairement à celle qui l’attendait. Ealys et Keira s’assirent à côté de lui et l’imitèrent sans oser lui parler. Lorsqu’Aedan les rejoignit pour siroter sobrement une coupe d’eau parfumée, il avait déjà englouti la corbeille de pain et s’attaquait à des brochettes de sanglier.

— Tu vas vomir, ne mange pas tant, souffla Ealys.

Il répondit par un borborygme et avala une coupe de liqueur de champignon. Le liquide amer lui brûla la gorge. La tête lui tournait. Près de lui, sa sœur soupira.

— Tu as jusqu’au lever du soleil, tu vas bien trouver quelqu’un qui t’inspire.

Kurtis déglutit bruyamment. Il fouilla la foule du regard. Tous ces visages inconnus le mettaient mal à l’aise. Oèn arriva alors, les bras chargés de mets locaux que le jeune garçon s’empressa de goûter.

Mais les protestations de son ventre malmené finirent par parvenir jusqu’à ses sens et une profonde nausée le prit. Il reposa l’écuelle de légumes bouillis qu’il avait à moitié avalé avec un gémissement.

— Je t’avais dit de ne pas tant manger !

— Laisse-le un peu, il est stressé, c’est normal, déclara Keira.

La Hekaour caressa son épaule avec un regard compatissant.

— Ça va bien se passer, ne t’inquiète pas.

Ealys s’adoucit et lui offrit une étreinte brève.

— On peut t’aider à choisir, si tu veux. Tiens, celle-là, qu’est-ce que tu en penses ?

Il reprit de la liqueur de champignons.

— Si tu ne fais pas d’efforts, aussi.

Aedan se leva soudain, s’attirant les yeux intrigués de ses enfants. Il s’approcha et posa une main large et chaude sur la tête de Kurtis. Ce dernier sentit une bouffée d’affection le saisir, mais il était trop groggy pour bouger. La paume de son père disparut alors qu’il lançait en se retournant :

— Je vais me coucher.

Le jeune garçon se tassa un peu. Ses sœurs se serrèrent contre lui et commencèrent à observer l’assemblée en commentant les jeunes femmes qui passaient.

Plusieurs heures s’écoulèrent ainsi. Kurtis avait le nez dans sa coupe de liqueur, le visage en feu.

— Elle a l’air sympa, celle-là, dit Keira.

— C’est une Cornovienne, ils sont connus pour être exigeants, elle va lui mettre la pression… siffla Ealys.

— Et elle, elle est vachement belle !

— Elle a surtout l’air d’être méprisante.

Kurtis décida de se resservir de la liqueur. Mais il avait surestimé la résistance de son corps. À peine  avait-il pris une gorgée du liquide laiteux qu’un vertige l’attrapa. Le décor se mit à tournoyer. Il n’eut pas le temps de réaliser qu’il sombrait dans l’inconscience.

 

 

Kurtis fut réveillé par des secousses. Il entrouvrit les paupières, mais les referma bien vite face à la lumière éblouissante qui agressa ses pupilles.

— Réveille-toi, réveille-toi vite !

Il grommela en sentant qu’on le redressait de force. Il parvint à ouvrir péniblement un œil. Il avait l’impression qu’on jouait du tambour dans sa tête.

Les visages de ses sœurs dansèrent dans son champ de vision.

— C’est l’aube, tu n’as plus le temps !

— Il faut que tu choisisses quelqu’un !

Le pouls de Kurtis accéléra, pulsant bien trop fort dans ses tempes. Il avait envie de se rouler en boule et de dormir. Qu’on l’oublie, et qu’il oublie cette stupide coutume.

— Kurtis ! le pressa Ealys.

Il balaya le paysage du regard entre ses paupières plissées. Il n’y avait plus grand monde sur la piste de danse. Quelques personnes gisaient au sol, endormies ou évanouies. Il aperçut une groupe de jeune filles aux joues rougies qui l’observaient en coin. Du reste, les lieux étaient presque vides.

Soudain, il capta un éclat familier. Maig était assise de l’autre côté d’un foyer éteint. Elle le fixait, les lèvres tremblantes. La migraine de Kurtis sembla s’évaporer.

La jeune Arsalaï se leva et avança d’une démarche raide. Les trois Laevis la regardèrent approcher sans un mot. Elle se planta devant l’élu du Lynx et posa des mains tremblantes sur ses hanches étroites. Ses lèvres compressées ne semblaient pas vouloir laisser s’échapper un seul mot, mais la question était claire dans ses iris.

Il se sentait plus léger. Il la fixa un long moment depuis l’abris illusoire de sa frange. Il finit par hocher lentement la tête. Alors, elle tendit sa main. Il la saisit, leurs paumes étaient moites.

— Courage, souffla Keira tandis qu’Ealys lui ébouriffait les cheveux.

Deux cases avaient été aménagées pour chacun d’eux, ils entrèrent dans la plus proche. Maig devait aider Kurtis à marcher, elle parut soulagée de le faire s’assoir sur la couche. Elle s’y assit elle aussi, les poings serrés sur ses genoux.

— Bon…

Il sentait qu’elle le fixait, mais il garda les yeux baissés.

— Kurtis…

Sa voix, presque suppliante, le fit frémir.

— Je… j’ai trop bu, parvint-il articuler.

Un hoquet vint illustrer son propos.

— C’est pas grave, on peut se débrouiller…

Il haussa les épaules, un nouveau hoquet traversa son torse.

— Moi je n’ai rien pu avaler, lui confia Maig.

Ils restèrent tous deux immobiles pendant de longues minutes. Puis il sentit des mains fines venir ôter délicatement sa cape de cérémonie. L’étoffe tomba sur le lit, il se tendit.

— Regarde-moi, s’il te plaît…

Il réussit à réunir assez de forces pour lever les yeux vers elle. Il rencontra deux prunelles vertes. Elles étaient emplis de doute, de crainte. Il sentit ses lèvres trembler.

— Je… j’vais faire n’importe quoi… balbutia-t-il. Vaut mieux pas…

Elle se raidit.

— Mais on est obligés…

Elle secoua la tête, faisant voler ses cheveux châtain-roux.

— Ne t’inquiète pas pour moi. Ça va passer vite.

Elle entoura son visage de ses paumes si douces et l’embrassa. Il fut pris d’un vertige, mais d’une saveur différente cette fois. Il ne s’attendait pas à trouver ça si plaisant. Il quitta les lèvres de Maig avec regret. Celle-ici eut un léger sourire.

— Tu vois, c’est pas si terrible.

Il hocha vaguement la tête et se pencha de nouveau. Ils échangèrent un long baiser. Les mains de la jeune fille descendirent de ses joues jusqu’à son cou. Le cœur du jeune garçon bondit. Les doigts caressants continuèrent leur chemin un peu plus bas. Il imita sa partenaire et alla palper ses épaules. Il avait soudain l’impression d’être dans un cocon doucereux.

Leurs regards se croisèrent et se trouvèrent pétillants. Maig souriait, la peau rouge et frémissante. Elle vint de nouveau chercher un baiser. Puis, elle promena ses lèvres plus bas, et atteignit son cou. De puissants frissons secouèrent l’épiderme de Kurtis. Dans la douce mélopée qu’il commençait à entendre, il se trouva bien. Mais la jeune fille se tendit soudain.

Elle releva la tête vers lui, le teint soudain pâle. Il fronça les sourcils, puis suivit son regard. Elle avait vu son entrejambe changer d’aspect. L’appréhension reprit le pas sur le plaisir, elle ne put cacher un léger mouvement de recul. Face à la crainte qu’elle tentait maladroitement de refouler, la chaleur qui imbibait les membres de Kurtis s’évanouit. Il baissa les mains.

— Je pense qu’on devrait s’arrêter là.

— Non, non, c’est rien, je vais m’habituer.

— Maig…

Il lui prit doucement la main.

— Je ne veux pas te faire de mal.

Elle secoua de nouveau la tête. Il sentait son pouls affolé sous ses doigts.

— Et tu proposes quoi ? Que l’on ne fasse rien ? Mais, tu imagines ? C’est déshonorer notre totem, le rendre furieux. Ils ne vont plus vouloir nous protéger, ni porter nos âmes vers l’au-delà. Tu imagines ?

Les iris de Maig brillaient d’anxiété. Lui-même avait peine à retenir son angoisse.

— Écoute-moi, déclara-t-il en tentant d’être rassurant. Si tu ne trouves pas de plaisir, ce sera pire. C’est comme si tu insultais ton totem. Mêler son âme, c’est délicat. Je suis sûr que ton Esprit comprends.

Elle le considéra un instant, muette.

— Mais…

— S’il te plaît, souffla-t-il. Moi non plus je ne suis pas prêt.

Le regard qu’ils échangèrent fut lourd et intense. Elle finit par hocher la tête. Ses yeux se perdirent un instant dans le décor, puis elle tourna le dos à Kurtis en soulevant ses cheveux.

— Elle est comment ? Je ne peux pas la voir.

Le jeune garçon posa ses prunelles ambrées sur la petite chouette qui le fixait de ses grands yeux ronds. Elle se situait à la base du cou et n’était pas plus grand qu’une main. Ses ailes repliées mettaient en avant sa tête rousse auréolée de taches blanches.

— Elle est magnifique, souffla-t-il. On dirait qu’elle est perchée sur une de tes vertèbre. Elle a l’air de surveiller tes arrières. Elle te protège.

Maig tourna vers lui un visage rosé.

— Merci.

— Et moi ?

Il tendit son épaule. La jeune fille s’y pencha, un sourire naquit sur ses lèvres.

— Il est allongé face à moi, on ne voit presque que sa tête. Il a de grands yeux observateurs, ses pupilles sont légèrement dilatées comme s’il jouait. Je le trouve trop mignon.

Kurtis rougit. Maig reporta son regard sur lui, sereine.

— Je crois qu’on devrait dormir un peu, murmura-t-elle.

Il opina. Elle lui ouvrit ses bras, il s’y lova timidement. Ils s’allongèrent sans rompre leur étreinte. La chaleur qui les baignait avait un goût différent de la fièvre qui les avait brièvement pris. Kurtis respira le parfum de sa compagne. Une douce langueur imbiba lentement ses membres et il se laissa glisser dans le sommeil.

 

*

 

— Ça s’est bien passé ? s’enquit Keira quand elle vit son frère émerger de la case en fin d’après-midi.

Kurtis baissa la tête et bafouilla une réponse affirmative. Sentant sa gêne, elle n’insista pas. Elle se contenta de lui ébouriffer affectueusement les cheveux. Le jeune adulte fut très vite appelé par ses responsabilités. Désormais Arsalaï à part entière, il devait participer aux nombreuses cérémonies qui se tenaient en cette période de fête. Ils durent donc se séparer rapidement.

Le calendrier des célébrations était en effet bien chargé. Keira et Oèn s’étaient entretenus avec Padraig, ils voulaient s’unir au plus vite. Le doyen leur avait déclaré qu’il ne pourrait placer leur union qu’après les Jeux, ce qui n’avait pas manqué de les décevoir. Depuis, la jeune fille s’était faite une raison. Encore une lune à patienter.

Heureusement, les Jeux promettaient de ne pas lui laisser le temps de s’ennuyer. Ils se déroulaient à chaque Sabbah et voyaient s’affronter les jeunes Hekaours de toutes les tribus dans diverses épreuves sportives. La première commençait d’ailleurs le lendemain. Keira était aussi impatiente que nerveuse. Avec la perte d’Artis et d’Asha, elle était seule représentante de sa tribu avec Oèn. Les Laevis faisaient ordinairement partie des tribus les moins nombreuses, mais cette année, ils avaient la lourde place de l’équipe la moins fournie. En face d’eux, les Ardyens, les Helviens et les Senones — pour ne citer qu’eux — alignaient chacun une vingtaine de participants. Pourtant, Keira se résolut à ne pas se laisser impressionner. À la clé de cette série d’épreuve se trouvait un titre honorifique qu’on ne pouvait recevoir qu’une fois dans une vie : celui de du Grand Cavalier. Aedan l’avait acquis lors d’un précédent Sabbah, elle se devait d’être sa digne héritière. Peut-être qu’alors, il l’approuverait.

La jeune fille ne put s’empêcher d’arborer un visage sombre lorsque fut proclamé le début des Jeux. Artis avait toujours rêvé d’y participer. Keira pouvait aisément l’imaginer à ses côtés, le point fermé levé devant elle, un rictus de défi sur les lèvres. Pour elle aussi, elle devait remporter les Jeux.

La première épreuve, la lutte, débuta au levé du soleil sous le regard d’une foule déjà échaudée. Les chefs des Hekaours étaient assis en arc de cercle devant les lieux des combats. Plusieurs se déroulaient en même temps dans des pistes délimités par des cercles de galets. Les confrontations se faisaient d’abord au sein d’un même clan, et seuls ceux qui atteignaient le haut du classement clanique pouvaient affronter les deux autres.

Les combats commencèrent entre grognements et jets de poussière. Treize Arsalaïs arbitraient chacun un combat, surveillés de loin par le regard pesant des chefs. Les Démétéens commençaient ouvrait les Jeux comme à l’ordinaire. Keira attendit son tour, tendue. Elle était vêtue d’un pagne et d’une brassière de cuir qui maintenait fermement sa poitrine, les cheveux noués en un chignon intransigeant. Les combattants devaient exceptionnellement retirer toutes leurs parures de manière à éviter des accidents.

Enfin, la jeune fille fut appelée. Elle se présenta dans le cercle indiqué, les poings serrés mais tremblants. Elle devait affronter en premier lieu un Reï dont elle ne connaissait pas le nom. Ils s’accroupirent face à face, se fixant d’un air défiant. Leur arbitre, un Arsalaï salyen, donna vite le signal de début. Les deux Hekaours se ruèrent l’un sur l’autre. Hormis les griffures et les morsures, tous les coups étaient permis du moment qu’on ne mettait pas la vie de son adversaire en danger. On gagnait lorsqu’on le sortait du cercle, qu’on le maintenait au sol suffisamment longtemps, ou qu’on le mettait hors d’état de nuire.

Ce fut cette dernière option que le Reï parut choisir en attaquant violemment Keira d’un coup à la mâchoire. Elle parvint à parer et renvoya la politesse avec d’autant plus de fureur. Elle savait qu’en terme de force brute, il était meilleur qu’elle, mais il y avait bien d’autres manières de gagner que de taper fort. Elle enchaîna donc les séries de coups et de feintes qui ne laissèrent aucun répit à son opposant. Elle évitait le contact pour qu’il ne la plaque pas au sol. Il était interdit de se mettre debout, aussi devait-elle jouer des hanches dans un ballet probablement comique d’un point de vue extérieur. Comme elle espérait, elle fit perdre patience son adversaire qui devint de plus en plus facile à tromper. Elle gagna en le faisant trébucher hors du cercle.

Elle n’eut que quelques minutes pour se remettre de son combat avant d’en entamer un autre, cette fois contre une Adanate. Cette dernière lui était visiblement supérieure à tous les niveaux, et Keira ne mit pas longtemps avant de mordre la poussière. Elle décida de déclarer forfait afin d’économiser ses forces. Elle enchaîna ensuite avec deux joutes contre deux Astures dont elle sortit vainqueure. Mais le suivant, qui l’opposait à un Salyen immense, la laissa sonnée. Vif, il l’avait attrapée et lancée hors de la piste avant qu’elle n’ait pu réaliser quoi que ce soit.

La pause repas fut accueillie avec soulagement par tous les participants. Keira avait déjà les épaules vermoulues et des bleus mouchetaient sa peau. Oèn semblait moins fatigué, il avait gagné tous les combats de la matinée, ce qui avait eu le don de le mettre de très bonne humeur. Les deux Laevis avalèrent une quantité conséquente de nourriture sous les yeux compatissants de leurs camarades. Ealys et Kurtis promirent qu’une fois leur office terminé, ils viendraient encourager leur compagnons.

La compétition reprit de plus belle dans l’après-midi.

Keira affronta en trois jours neuf Salyens, sept Adanates, un Asture et six Reïs. Sur les vingt-huit combats que les Laevis menèrent, elle n’en perdit que neuf et Oèn quatre. Ils échangeront un regard pétillant lorsque leurs noms furent annoncés pour la suite de l’épreuve.

— On va tout déchirer, promit-elle à son compagnon.

 

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
_HP_
Posté le 04/09/2021
Hey !

Roooh, vraiment, Kurtis et Maig sont adorables 🥺 C'est super qu'ils aient décidé d'y aller doucement, et sans se mettre la pression de "ondoitlefairesinonEspritpascontent" ! ^^
Et j'adore toujours autant le personnage de Keira, j'espère qu'elle va y arriver ! Elle en est capable et le mérite <3
AudreyLys
Posté le 04/09/2021
Merciiii <3
Certaines personnes ont trouvé les parties avec les Jeux et Keira assez longues et ennuyeuses, tu me diras ce que tu en penses !
Guimauv_royale
Posté le 17/08/2021
Coquilles
- Il se retrouva à voir sans prunelles (?) ses mouvements qui formaient des ondes
- mais il y avait quelques chose. (Quelque)
- on posa sur sa tête une couronne auréolé (auréolée) de trois plumes.
- Chacune d’elle était d’une couleur différent(e)
- Des milliers de personnes étaient réparties sur des cercle (cercles) concentriques.
- Kurtis ne s’état (s’était) jamais considéré comme un très bon danseur
- Il aperçut une groupe de jeune (jeunes) filles
- — Je… j’ai trop bu, parvint-il (à) articuler.
- On dirait qu’elle est perchée sur une de tes vertèbre. (Vertèbres)
- dans des pistes délimités (délimitées) par des cercles de galets.
- Les Démétéens commençaient ouvrait les Jeux comme à l’ordinaire. (Ouvraient, et il y a un verbe ne trop, j’aurais enlevé le “commentaient”, et c’est “ouvraient”)
- elle fit perdre patience (à) son adversaire
- Ils échangeront (échangèrent) un regard pétillant
1-


Remarques
1- — Ça te dit qu’on se lance un défi ? proposa Oèn. (Je sais pas je trouve que ce n’est pas du tout naturel pour de l’oral entre des amoureux, j’aurais enlevé “qu’on se lance”)
AudreyLys
Posté le 18/08/2021
Merchi !
Alice_Lath
Posté le 10/06/2020
"ne s’état" -> ne s'était
Et Maig et Kurtis sont beaucoup trop choupi huhu, ça fait plaisir de les voir s'accorder du temps et qu'ils se respectent assez pour ne pas se mettre la pression comme ça, ce serait dommage sinon. Puis Keira haha, toujours aussi badass, je compte sur elle pour arriver au sommet. C'était vraiment un chapitre hyper agréable à lire, ça fait plaisir de voir que tu t'en es bien tirée et que tu n'es pas tombée dans l'ellipse facile *sort en sifflotant*
AudreyLys
Posté le 10/06/2020
Oui c'est un chapitre cool comparée au reste^^
Contente que tu aies apprécié !
XD et oui je ne fuis pas :P
Vous lisez