Chapitre 9 : Drogue

Une nouvelle journée débutait. Cynthia n'avait aucune mauvaise nouvelle à m'annoncer, mis à part la présence de Nash dans mon bureau. Ça devait faire une bonne semaine que je ne l'avais pas vu et il ne me manquait pas le moins du monde. Au contraire, moins je le voyais, mieux je me portais.

J'entrai dans mon bureau et croisai immédiatement Nash. Il tentait de me regarder d'une manière froide et intimidante, mais n'y parvenait pas du tout. Cet homme avait beau avoir presque vingt ans de plus que moi, il n'avait rien compris à la vie.

— Mais qui vois-je ? Un abruti.

Je savais garder mon sérieux et mon calme en toute circonstance, mais ce n'était pas l'attitude que je devais avoir en sa présence.

— Bien joué. Tu as réussi à négocier avec Markowitz, lâcha-t-il, le ton rempli de haine.

— Ne me sous-estime jamais, contrairement à ce que tu fais d'habitude.

Je m'approchai de mon bureau et commençai à ranger quelques piles de dossiers sans me soucier de sa présence.

— Tu n'es rien. Juste un prétentieux qui finira bien par tomber bientôt, dit-il d'une dure voix en espérant me blesser. Tu n'as rien pour te retenir...

— Tu penses pouvoir m'impressionner avec ton expérience, ta famille, ta femme ? Tu ne devrais pas.

— C'est toujours plus que toi.

J'eus un sourire plutôt amusé. Ça faisait six ans que je gérais mon entreprise. Il me connaissait depuis bien plus longtemps et pourtant, il n'arrivait toujours pas à me cerner.

— Ne t'en fais pas, rétorquai-je d'un air malin. Tu pourrais en être surpris. Si tu penses pouvoir être le seul à gérer une vie en dehors de ton travail, tu te trompes, j'y arrive tout aussi bien.

— Menteur.

Il faisait partie de ce genre de personnes qui étaient persuadées que jamais je n'aurais une femme ni même des enfants. Ce n'était pas ce qu'il y avait de plus compliqué dans ce monde, au contraire. J'avais déjà fait le plus dur.

— J'ai trouvé quelqu'un et on ne tardera pas à se marier, le contredis-je. Une femme tout à fait correcte bien évidemment.

— Jamais une femme correcte n'acceptera de t'épouser, renchérit-il naïvement.

— Tu ne sais pas de quoi tu parles, déclarai-je avec une esquisse de sourire diabolique.

— Tu n'es qu'un abruti parmi tant d'autres.

Il quitta mon bureau précipitamment. Vraiment, il n'y avait que son emballage qui avait pu le faire tenir aussi longtemps dans ce milieu parce que ses capacités pour convaincre étaient lamentables. Dommage que certains soient aussi superficiels...

 

*

 

Ma journée de travail venait de s'achever et comme après n'importe quel jour de travail, je rentrai chez moi, mais je ne m'attendais pas à voir Heather assise sous le porche, recroquevillée sur elle-même. Elle était endormie et sentait fortement l'alcool. Je pus à peine apercevoir son visage, celui-ci étant recouvert par ses cheveux.

Elle semblait vraiment ravagée par ce poison. Assez étrange venant de sa part. En tout cas, elle ne savait pas gérer l'alcool, bien évidemment. Mais pourquoi avoir bu autant ?

Je m'accroupis à ses côtés. Elle sentit rapidement ma présence et ouvrit lentement les yeux, plus ou moins perturbée par ma présence. Elle prit la parole, d'une voix plutôt lente et hésitante, en cherchant ses mots. Ceci me confirmait qu'elle avait bien trop bu. Sa voix était totalement déformée.

— Pardon... Je n'aurais pas dû venir...

— Tu as bu ? m'enquis-je comme si je m'inquiétais vraiment pour elle.

— Juste un peu, avoua-t-elle d'une voix tremblante.

— Viens, entre, murmurai-je.

Je l'aidai à se relever en la prenant par la taille. Elle semblait se ficher du contact de ma peau sur elle, j'avais presque l'impression qu'elle y prenait du plaisir à cause du petit sourire qui s'était dessiné sur son visage à ce moment. Mais je ne pouvais pas vraiment conclure quelque chose étant donné son attitude. Elle posa à son tour sa main sur mon épaule et sa tête sur son bras, se collant à moi. Sa respiration se ralentissait et prenait soudainement un souffle grave. Elle appréciait vraiment la situation. Elle ne cessait de me repousser, pourtant elle venait de me prouver ses vrais sentiments à partir de quelques gestes. Non, je devais juste me faire des illusions...

Je sortis les clés de ma poche pour ouvrir la porte. J'entrai, fermai derrière moi l'entrée puis la conduisis jusqu'à la chambre d'amis tout en la guidant dans sa démarche aléatoire. Je l'aidai à s'allonger sur le lit. Elle s'écroula littéralement et fixa le plafond d'une manière vide, comme si elle ne pensait à rien.

Je m'assis à côté d'elle. Je l'observais. L'alcool ne lui donnait pas bonne mine. Elle avait les traits tirés et un regard à la limite de la tristesse.

— Je croyais que tu ne buvais pas d'habitude, commentai-je, assez étonné de son comportement.

— Ça m'arrive... mais je n'aime pas ça... Comme tout le monde en fait...

J'étais persuadé qu'elle me mentait. Même en étant une adolescente, elle n'aurait jamais fait partie de celles qui auraient bu un peu trop lors d'une soirée. Elle ne buvait certainement jamais, mais cette fois-ci, c'était différent.

— Pourquoi tu as bu autant ? lui demandai-je.

Elle afficha un bref sourire. Il ne resta pas longtemps pour illuminer son visage, celui-ci redevint aussitôt terne.

— À cause de toi, finit-elle par avouer, morte de honte.

— Ne dis pas n'importe quoi, ripostai-je, refusant de croire à cette aberration.

Elle se redressa, étant désormais assise à mes côtés. Elle me regarda dans les yeux, très sincèrement. Elle avait beau être ivre, elle semblait être la même. Elle n'était pas comme moi.

— Je ne sais pas ce que je ressens pour toi. C'est même bien la première fois que je ressens quelque chose pour un homme.

Je me tus. Je la laissai parler et l'écoutai attentivement. Elle voulait s'ouvrir à moi. Elle était vraiment désespérée pour en arriver à ce point ou j'étais vraiment doué... Je ne savais plus quoi vraiment en penser.

— D'habitude... aucun homme ne vient m'adresser la parole... Je n'attire pas les hommes... et tu es le seul qui l'a fait... Mais seulement dans le but de me manipuler.

J'avais complètement déboussolé cette pauvre femme. J'en arrivais presque à me sentir coupable, parce qu'elle ne le méritait pas.

— Je te l'ai déjà dit, mais laisse tomber ma proposition. Je trouverai une autre femme, lui annonçai-je.

Je voulus me lever, mais elle me retint en me prenant fermement par le poignet. Ses doigts s'enfoncèrent dans ma peau et je m'arrêtai. Je tournai mon regard vers le sien. Elle semblait assez triste.

— Non ! s'écria-t-elle violemment.

Elle s'était vraiment attachée à moi, bien plus que je le croyais. Comment ce pouvait être possible ? Je ne ressemblais en rien à son idéal masculin, au contraire. J'étais juste le seul à être venu la voir. Le seul. Mais ça ne suffisait pas pour s'accrocher à quelqu'un.

Elle commençait à avoir les larmes aux yeux. Elle tentait de les retenir du mieux qu'elle ne le pouvait. Elle ne voulait pas se montrer faible, mais cela faisait bien longtemps qu'elle l'était.

— Ne me laisse pas ! ajouta-t-elle dans un élan désespéré.

— Tu ferais mieux de trouver quelqu'un fait pour toi, ce que je ne suis certainement pas, lançai-je d'une douce voix.

— Je ne sais même pas qui est fait pour moi...

Elle posa sa tête sur mon épaule, en pleurs. Elle était perdue et tentait de retrouver ses appuis. En vain. Jamais elle ne pourrait avec moi.

— Tu devrais te reposer, lui conseillai-je.

Elle posa sa main sur ma joue et s'approcha lentement pour m'embrasser, peut-être un peu trop passionnément. J'avais vraiment du mal à lui rendre son baiser en la voyant dans un tel état et en sentant ses yeux qui se vidaient de larmes de plus en plus. Jamais je n'avais vu une femme autant pleurer devant mes yeux, et encore moins en sachant que j'en étais la raison.

Son baiser était assez étonnant et très impressionnant. Il était maîtrisé tout en étant sauvage et brusque. Ce n'était pas son genre, pourtant, c'était l'un des baisers les plus appréciables que j'avais reçus de ma vie.

Elle s'arrêta alors et posa ses mains sur mon visage. Je sentis la chaleur de son contact se propager dans tout mon corps.

— S'il te plaît... Fais-moi l'amour, couche avec moi, baise-moi ! Je m'en fiche ! Mais fais-le ! me supplia-t-elle.

— Tu es bourrée...

— Cole... Je t'en prie, couina-t-elle faiblement.

Elle m'embrassa de nouveau avec la même ferveur, la même perfection, mais je la repoussai. Même si elle le voulait sincèrement, je ne pouvais pas. Elle n'était pas dans son état normal.

— Dors, lâchai-je en essayant d'ignorer ses avances.

— Non ! Je te veux ! insista-t-elle, dépitée.

— L'alcool te fait dire des bêtises. Tu es incapable de m'aimer.

Je repoussai ses mains, me levai et la regardai une dernière fois. Elle était si faible, si fragile. D'une étrange manière, je me retrouvais en elle. Elle me rappelait qui j'étais. Quand j'étais encore innocent...

 

*

 

Heather venait tout juste de se réveiller. Elle avait à peine ouvert les yeux et ne s'était pas encore approprié la lumière du jour que j'entrai dans la chambre, un verre d'eau à la main que je lui tendis immédiatement. J'ignorais si l'eau était utile pour une gueule de bois, personnellement, ça ne m'avait jamais aidé.

— Bois, ça te fera du bien, lui conseillai-je.

Elle se redressa et quitta la couverture. Elle était face à moi, mais évitait mon regard. Elle prit le verre d'eau afin d'y boire une bonne gorgée.

Elle inspecta alors les alentours. Elle avait beau connaître les lieux, son regard ne cessait de voyager à travers la pièce. Pourtant, rien n'avait changé. Je voyais bien à quel point elle était complètement perdue. Elle ne devait pas avoir le moindre souvenir de la veille.

— Hier, tu étais bourrée. Tu es venue ici et comme je ne voulais pas te laisser dans cet état, je t'ai accueillie chez moi, expliquai-je brièvement.

Son visage changea, l'inquiétude la prenant soudainement.

— Merde, merde, merde !

— Ne t'en fais pas... Tu n'as rien dit de bien gênant, ou sinon, je ferai comme si je n'avais rien entendu.

Pourtant, elle en avait dit des choses très gênantes, mais je n'avais pas envie de les répéter. À quoi bon ? Autant les garder tues. Elle n'avait pas à s'en rappeler, mais elle devait certainement avoir quelques doutes. En tout cas, je ne les oublierai pas.

— Je peux me cacher sous le drap ? demanda-t-elle en s'emparant de celui-ci.

— Non, répondis-je fermement en le dégageant.

— J'ai honte...

— C'est normal. Mais sache que ma proposition ne tient plus. Vraiment. Je trouverai quelqu'un d'autre de bien plus accessible. Alors désormais, je te laisserai tranquille, comme si nos chemins ne s'étaient jamais croisés. Quand tu franchiras le seuil de cette porte, ce sera fini.

— Non ! s'opposa-t-elle.

Même en étant sobre, elle s'attachait toujours autant à moi. J'avais vraiment réussi mon coup... mais désormais, je n'en voyais plus l'intérêt. Peu importe.

— Heather, ce n'est pas raisonnable. Tu me détestes et je ne t'aime pas. Fin de l'histoire.

— Non... c'est faux ! riposta-t-elle de plus belle. À la limite, je veux bien t'épouser ! Je t'en prie, ne me laisse pas ! Jamais je ne rencontrerai un autre homme qui me portera de l'attention.

Voilà que j'étais devenu sa drogue et c'en était presque perturbant. Elle ne pouvait plus vivre sans moi. Je n'avais jamais produit cet effet à la moindre personne. Qu'avait-elle vu en moi pour autant m'apprécier ?

— Ne dis pas n'importe quoi. Un jour ou l'autre, quelqu'un finira bien par t'aborder...

Elle secoua la tête. Elle était plus que convaincue de ce qu'elle avançait. Qu'elle le veuille ou non, un homme finirait par lui adresser la parole, à la courtiser comme il se doit. Heather était une femme formidable qui pouvait trouver facilement un homme correct, pas un homme comme moi.

— Heather, je suis sérieux. C'est fini.

— Épouse-moi si tu veux ! Tu veux une femme ! Me voilà !

— C'est ridicule, lâchai-je d'un ton faible.

— C'est ce que tu voulais ! Une femme qui accepte de t'épouser ! Je suis cette femme ! Alors soit tu m'épouses, soit...

— Sinon quoi ? Tu ne peux rien faire.

Elle posa son verre sur la table de chevet. Elle se leva et s'approcha de moi. Son visage n'était plus qu'à quelques centimètres du mien. Je sentais son souffle saccadé et rapide. Elle voulait s'opposer à moi, mais elle en tremblait déjà. Elle n'avait jamais le courage d'aller jusqu'au bout.

Je ne voulais pas qu'elle s'attache à moi. Il fallait que je la fasse fuir. Je ne voulais plus d'elle dans ma vie. Nos chemins devaient se séparer ici. Toute cette histoire allait bien trop loin et deviendrait ingérable avant même que je m'en rende compte.

— Mais je n'ai pas de relations, ajoutai-je. Je préfère me taper des putes. Si on se marie, c'est ce que je ferai. Il n'y aura aucune fidélité.

— Fais-le alors ! Tape-toi toutes les putes que tu veux !

Visiblement, on était en train de jouer à celui qui choquerait le plus l'autre. Elle me voulait et ne se gênait pas pour me provoquer. Je ne voulais pas d'elle et je n'avais aucune honte de dire certaines choses. Notre combat était sans fin.

— Tu croyais pouvoir me faire peur ? me demanda-t-elle.

— Je croyais. En effet.

— Alors maintenant, saute-moi dessus, m'ordonna-t-elle d'un air déterminé.

— Ça, tu vas le regretter ma chère, rétorquai-je sournoisement.

Lentement, je m'approchai d'elle pour l'embrasser et elle prolongea le baiser bien plus langoureusement, ou du moins, elle tentait. Celui-ci n'était pas aussi intense que la veille. La sobriété ne l'aidait pas.

Je sentais qu'elle bouillait de rage et d'une certaine manière, ça rendait son baiser tellement excitant. Pourtant, il y avait encore une once de gêne à travers ses gestes. Elle ne le voulait pas. Intérieurement, elle voulait me repousser. Elle me touchait à peine, comme si c'était une mauvaise chose. Elle tentait de faire voyager ses lèvres sur les miennes, mais celles-ci avaient des mouvements mécaniques, dénués de sentiments.

Je l'arrêtai subitement. Il n'y avait pas la moindre forme de plaisir. Je ne couchais pas avec quelqu'un si nous n'étions pas deux à nous amuser.

Elle semblait totalement perdue, elle ne comprenait plus rien à la situation. Elle me regardait, cherchant ses mots, mais l'hésitation prit le dessus.

— Rentre chez toi, lui ordonnai-je.

— Mais quand vas-tu finir par accepter de coucher avec moi ? demanda-t-elle d'un air plaintif.

J'avais presque l'impression d'être face à une gamine faisant un caprice et que je devais accepter si je ne voulais pas la voir pleurer. Seuls les parents avaient cette obligation, ce que je n'étais pas, je pouvais ainsi lui dire clairement le fond de ma pensée.

— Tu ne sais pas ce que tu veux. J'aurais dû m'en douter, tu es bien trop jeune, bien trop innocente. Tu insistes, mais en vain parce que tu ignores les réponses de tes propres questions.

Elle baissa la tête, comprenant le fossé qui nous séparait. Aucun d'entre nous deux n'était du genre à marcher dans le vide.

— Maintenant tu ferais mieux de partir, ajoutai-je d'un ton plus ferme.

Je partis sans même la regarder une dernière fois. La tristesse était sûrement la seule émotion qu'elle devait ressentir. Peu importe. Je savais ce que je devais en penser.

C'était fini.

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ManonSeguin
Posté le 17/01/2021
DOOONC j'avais raison, elle est venue ! Et on y était presque cette fois ! Mais bon quelque chose me dit que lui se retient justement parce qu'il se voit en elle et n'a probablement pas envie de lui faire subir ce que lui a peut-être subi ? Don't know, je ne fais que des supositions, mais ça m'intrigue son passé à Cole. D'autant plus que sa vie n'a pas l'air hyper fun entre le collègue trou du *** et puis les caprices d'Heather et tout le reste...
MissRedInHell
Posté le 19/01/2021
Tu es plutôt sur une bonne piste huhu, mais je ne dirais rien de plus :')

Clairement, Cole, il prend cher du début jusqu'à la fin x')
ManonSeguin
Posté le 19/01/2021
Ah bah je chauffe c'est déjà ça :3
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