Chapitre 9

Notes de l’auteur : Un petit aperçu de ce qui se passe dans la tête de Charlotte ^^

Et je vous remercie de suivre cette histoire !

La rouquine se réveilla aux environs de 6h30 du matin. Elle quitta sa chambre pour s'enfermer dans la salle d'eau. D’ailleurs, elle fut rassurée de ne pas croiser sa sœur en route. Cette dernière avait la mauvaise habitude de se lever en même temps que Charlotte pour s'accaparer la douche, source de conflits récurrents entre les deux jeunes filles.

Elle verrouilla derrière elle puis retira son pyjama polaire. Le calme ambiant de la maison lui permit de profiter pleinement de la chaleur de l'eau sur sa peau. Il n'y avait rien de mieux pour se réveiller le matin. Elle moussa sa longue chevelure avant de laisser l’eau couler sur ses boucles et son corps. Sa tranquillité fut interrompue par des coups portés à la porte. Clara était réveillée.

Elle soupira puis coupa l'eau. Charlotte revêtit son peignoir de bain et laissa sa sœur entrer. Elle prit au passage une serviette, qu'elle noua autour de ses cheveux, avant de rejoindre sa chambre. Ses vêtements, qu'elle avait préparés le jour précédent, reposaient sur sa chaise de bureau. La façon dont elle assemblait ses habits était toujours un véritable casse-tête : elle devait penser aux couleurs, aux tissus... Elle essayait toujours ses ensembles au préalable afin de porter ce qui la mettait le plus en valeur.

Sa morphologie ne lui permettait pas de mettre de jolies choses qui correspondaient plus à la taille mannequin que possédait sa sœur. Malheureusement, le monde de la mode ne s'adressait pas aux tailles 46, autrement dit, à des gabarits plus lourds.

Elle enfila son jean noir et un tee-shirt pourpre. Elle appréciait beaucoup cette couleur depuis que sa mère l'avait complimentée. Et elle s'efforçait désormais de trouver des vêtements arborant des teintes similaires. 

Arrivée dans la cuisine, la rouquine grignota une biscotte légère tout en vérifiant ses notifications. Elle avait reçu les alertes habituelles, rien de bien transcendant. Souvent, elle se plaisait à rêver d'un message provenant d'une personne qui lui serait chère. Elle voulait ressentir le genre d'amour qui pouvait se transmettre avec des mots. La jeune fille pouffa : elle pouvait encore rêver.

- Tu commences à 8h ? Demanda Clara en la rejoignant à table.

Elle confirma de la tête. Sa sœur, quant à elle, soupira. Quand ses horaires lui permettaient, elle amenait Charlotte au lycée. Le chemin lui faisait emprunter un sacré détour mais elle ne s’en souciait pas. Ou du moins, pas autant qu’avant. Clara gagnait de mieux en mieux sa vie grâce aux réseaux sociaux. Elle pouvait se permettre d’aller plus souvent à la station-service la plus proche.

Les deux jeunes femmes se retrouvèrent rapidement l'une à côté de l'autre dans la petite Twingo de l'aînée. La citadine était un peu brute au démarrage mais une fois lancée, un vrai bolide. Clara l'avait acheté après avoir bossé pendant deux étés. Elle en était plutôt fière même si elle ne payait pas de mine.

Dans le véhicule, le silence était seulement rompu par le souffle et le monde à l'extérieur de la carcasse mécanique. Charlotte aurait voulu que de la musique vienne rompre cette atmosphère qu'elle trouvait pesante. Mais la radio avait déserté les stations depuis longtemps.

La cadette mit fin au malaise en embrayant la conversation sur un sujet qui lui tenait à cœur :

- Il y a un nouveau dans ma classe.

- Le jeune à la balafre ?

- Ne le réduis pas à ça, la sermonna doucement Charlotte.

- Vous aviez l'air plutôt proche hier...

Clara avait découvert un couple atypique le jour précédent. Cependant, la réaction courroucée de la rousse montrait à quelle point l'idée lui était impensable.

- Gabriel n'est qu'un ami.

- Pour l'instant, ajouta la plus âgée en accompagnant sa remarque d'un clin d’œil.

- Si tu le dis, capitula Charlotte en levant les yeux au ciel.

Elle ne s'embêtait plus à contredire les jérémiades de sa sœur. Cette dernière était aussi têtue qu'une mule. Il ne servait à rien de se battre contre elle puisqu'elle finissait toujours par gagner à l'usure. Le jeune fille à la silhouette voluptueuse préférait la laisser seule dans ses idées.

- Il est venu au refuge hier. Il a adopté un petit chien adorable...

La lycéenne se tourna brusquement vers sa cadette. Elle avait du mal à imaginer Gabriel en dehors du cadre de l'école. Il semblait si réservé, si peu sûr de lui. Il constituait une véritable énigme pour sa nouvelle amie. D'ailleurs, la curiosité la poussa à en savoir plus à son sujet :

- Tu l'a trouvé comment ? Il t'a beaucoup parlé ?

- Il ne m'a pas adressé un mot ! Il est aussi muet qu'une tombe ce garçon... Ses parents sont beaucoup plus causant.

La rouquine fut déçue d'en apprendre si peu à son égard. Elle avait espéré que la présence de ses parents dénoue les liens qui l'empêchaient de s'exprimer librement, sans crainte d'un quelconque jugement.

Elle se promit à cet instant que jamais elle ne le jugerait. Peu importe son comportement étrange ou son passé mystérieux, elle s'engageait à être une amie de confiance sur laquelle il pourrait se reposer sans soucis. D'ailleurs, au fond d'elle-même, elle comptait sur Gabriel pour qu'il lui rende l'appareil le jour où ses pensées sombres deviendraient hors-de-contrôle.

Elle souffla puis vérifia l'écran de son téléphone. Aucune notification. Ça l'ennuyait beaucoup. Depuis que ses amis avaient rayé la case célibat de leur vocabulaire, elle n'existait plus pour eux. Charlotte avait souvent joué les entremetteuses par le passé, et aujourd'hui, elle en récoltait les fruits : un célibat forcé en amitié. Du coup, la jeune fille se remettait souvent en question. Avait-elle mal agi ? Était-elle ennuyante ? Parfois, elle se forçait même à faire preuve d'humour dans son groupe d’amis et s’exposer ainsi la mettait mal à l’aise. Et elle ne pouvait s’empêcher de rougir d’embarras quand sa “blague” n’atteignait pas l’effet escompté.

Charlotte se faisait du mal. Elle le savait. Mais elle ne pouvait pas s'en empêcher. La jeune fille voulait se savoir entourée. Elle ne supportait pas la solitude. Elle avait besoin d'une épaule sur laquelle se reposer, d'une main sur laquelle se raccrocher. Elle voulait tout simplement se sentir aimée.

Du coin de l’œil, Clara aperçut sa sœur se perdre dans ses pensées. Elle resserra sa prise sur le volant. L'aînée voyait bien que la rouquine n'était pas dans son assiette. Elle s'en voulut parce qu'elle ne pouvait rien faire sur ses incertitudes et son désarroi. Quand cette dernière entrait dans cette bulle oxygénée de noirceur, on ne pouvait plus rien faire pour l'en sortir.

Par le passé, la brune avait essayé de la divertir en ragots et en potins. Elle l'avait même invité à faire un après-midi shopping à deux. Rien n'y faisait. Au final, la plus jeune se terrait un peu plus dans son mal-être sous les regards attristés de sa famille.

- Tu sais, il n'est pas moche à regarder... Commenta-t-elle en se souvenant du regard bleu du jeune homme.

S'il n'avait pas eu cette balafre, Gabriel serait probablement devenu un très beau garçon. Elle se rappelait clairement de ses deux lagons d’eau. Elle n'avait pas eu le loisir de les contempler : il avait presque aussitôt rivé son regard sur le sol.

- Ne me dis pas qu'il t'intéresse ? Demanda Charlotte, la mine déconfite.

Elle ne voulait pas que sa sœur fréquente son cercle d'amis. Ce dernier se réduisait de moitié dès qu'elle le présentait à son aînée, lui préférant sa compagnie. Une part d'elle ressentait toujours Clara pour être plus sociale, plus jolie qu'elle... Elle prit une profonde inspiration. La plus jeune ne pouvait pas haïr la personnalité frivole de la brune.

- Je n'aime pas les hommes plus jeunes que moi. 

La conductrice avait 20 ans. Elle était toujours sortie avec des gens de son âge. Elle se voyait mal envisager quoi que ce soit avec un garçon de 17 ans. Il avait le même âge que sa sœur, elle trouvait ça un peu malsain.

Elle, au moins, pouvait se permettre de choisir, pensa aigrement Charlotte. Avec sa jolie plastique, elle pouvait draguer qui elle voulait. La tâche se trouvait être un peu plus ardue pour la lycéenne qui tombait sur des hommes qui ne voyait rien d'autre qu'une amitié en elle. Elle avait la poisse.

- Tu vois toujours Dimitri ?

- Non. C'était juste le temps d'une soirée, je le trouvais drôle. Lucide, il n'est pas aussi marrant.

C'est l'histoire de ma vie, se dit-elle. Les hommes se désintéressaient d'elle dès lors qu'elle n'utilisait plus son humour pour les faire rire, comme si elle exerçait la profession de clown à temps plein... Même s'ils ne lui étaient pas réservés, les propos de Clara la blessaient.

Heureusement, la voiture s'arrêta devant le lycée à ce moment. Elle n'en pouvait plus d'entendre son aînée déblatérer sur des sujets qu'elle jugeait sans importance. Elle n'oublia pas de remercier son chauffeur avant de quitter le véhicule, puis elle rejoignit son école à petites enjambées.

Charlotte releva la tête pour voir si le grand brun habillé d'une capuche était arrivé. En passant, elle salua des connaissances et des anciens amis qui fumaient sur le parvis. A l'heure de la sonnerie, il n'y avait toujours aucune trace de son nouvel ami. La rouquine se rendit à l'évidence : il n'était pas là.

Et il ne reviendrait peut-être plus...

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez