Chapitre 9

Pierre et ses compagnons évoluaient dans une vaste prairie remplie d’herbe. Tout était vert, du vert à perte de vue. Cela déstabilisait Pierre car les humains n’ont plus l’habitude que de paysages gris et mornes, tandis qu’ici, la nature semblait avoir bu toutes les couleurs de la palette d’un artiste peintre. Ils n’étaient plus qu’à quelques kilomètres d’Umbra, mais personne n’avait expliqué à notre humain taille réduite ce que cette forêt avait de particulier.

Ils établirent un campement, qui se résumait en réalité à deux conatests (« Des tentes, Pierre, expliqua l’elfe irritée par le regard perdu de l’autre, ou leur cousines proches, si tu préfères. »). Le repas était chaud. Les réserves étaient pleines. Et le feu, Pierre ne comprenait toujours pas comment, apparaissait comme par magie quand Gwendal frottait deux pierres l’une contre l’autre, ou quand Rose prononçait quelques paroles inaudibles. Mais Pierre avait fini par conclure dans sa tête que : « C’est bizarre, c’est différent, mais c’est comme ça. ».

 

*

 

Le lendemain, Rose réveilla ses camarades vers trois heures du matin, ce qui pour Pierre était inadmissible (c’était quand même toujours lui, le patron, quoique n’étant plus dans le même monde - car l’homme gardait ce que l’on pourrait appeler des « tics de boulot ») : le réveil intempestif avait eu lieu approximativement quatre heures avant le chant du coq, chant qui s’entendait encore dans les rares fermes qui subsistaient dans le « monde des humains », ou dans ces demeures qui cultivaient poules et coqs dans l’optique d’obtenir des œufs (« Quelle expression ! songea Pierre : le chant du coq… »).

Ils repartirent donc, éreintés, Pierre des cernes jusqu’au menton, tels ces enfants qui passent leur temps à jouer aux jeux vidéos ou à chatter sur les réseaux sociaux. Pierre repensait au jour précédent, à ce moment où ils avaient croisé, ou plutôt failli (il insista sur ce mot dans sa tête, sans quoi cela lui aurait donné la nausée) écraser l’ami de Gwendal et de Rose, à ce moment où cet homme, Quanti… Muche ? Quantième ? avait percuté le « pare-brise » du « taxi ». Comment allait-il aujourd’hui, ce vieil homme affolé ?

Ils traversèrent des champs envahis non d’un blé jaune mais d’une plante rougeoyante aux feuilles rugueuses.

- C’est du sacrify, une pousse qui se prépare en soupe, expliqua Rose, comme si elle lisait dans les pensées de Pierre.

Mais elle fut coupée dans ses explications par un troll qui leur barrait le passage. Il avait des yeux noisette, des cheveux d’un brun sale et une cape noire. Il portait un arc en argent et une sorte d’épée en bandoulière.

- Déposez vos armes, dit le monstre. Et approchez-vous un peu, que j’éprouve votre vaillance.

- C’est un pillard, chuchota Rose.

- Mais il est seul, grinça Pierre. C’est ridicule !

- Seul ? Non… ils ne sont jamais seuls.

- Exact ! souffla une voix perdue au cœur des champs.

D’autres trolls firent aussitôt irruption parmi les brins de sacrify.  Ils arboraient tous une arme distincte. L’un d’entre eux tenait même une lance à deux tranchants. Ils étaient une dizaine.

Rose déposa le couteau de cuisine qui servait à couper les légumes, le soir, pour le dîner. Cela fit sourire le « chef » des pillards. Un rictus méprisant. En effet, Pierre et Rose n’avaient pas d’armes sur eux, ce qui devait les rendre bien falots. Et Gwendal…

- Gwendal !

Gwendal avait fait un bond, sorti deux poignards de… D’où les sortait-il ? Pierre n’en avait aucune idée. Et fondu sur ses proies. Un pillard bascula dans le vide et s’écrasa à terre. Avant que quiconque ait pu réagir, le troll au ventre bedonnant et érigeant une double lance fut projeté à terre, touché à la poitrine. Gwendal donna un coup de poing dans la gorge d’un autre. Un coup terrible et précis : la mort fut immédiate. Le chat roux s’empara alors de l’arc d’un troll à terre et lança deux flèches dans le même temps. Chacune trouva sa cible. Deux pillards s’effondrèrent de tout leur long, l’un contre l’autre, comme deux dominos. Enfin, il acheva son œuvre en engonçant cinq centimètres d’acier dans le corps d’un cinquième brigand.

Il n’en restait plus que trois. L’un jeta son épée en direction du kobold énervé. Elle frôla Gwendal qui, blessé, ne pouvait plus combattre. Les bandits, du moins ceux qui restaient, humaient déjà la victoire. Un peu trop tôt, peut-être. Car un personnage d’une taille exceptionnelle intervint soudain qui, levant la main, donna naissance à un éclat de lumière. L’un des pillards s’effondra. L’être gigantesque sortit un cimeterre et sa lame se mit à tournoyer, à voler. Très vite, il n’en resta plus qu’un qui supplia : « Attendez, non ! Je… » Trop tard. Il expia ses crimes, s’écroulant auprès de ses compagnons.

 

Le géant envisagea Rose, Gwendal et Pierre, qui décelèrent un sourire, sous l’étrange capuche qui recouvrait la tête, une tête que le colosse secoua avant de disparaître.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
LilouMimi
Posté le 15/11/2020
Combat digne des Trois Mousquetaires. Il a un fichu caractère mais il ne manque pas de courage ce chat bipède. Étrange tout de même qu'il soit le seul à se battre, et au péril de sa vie.
Papy
Posté le 15/11/2020
Une belle scène de combat qui mis au grand jour le courage et l'agilité de Gwendal.
Heureusement que le colosse entre en scène au bon moment, moment où Gwendal est blessé.
Vous lisez