Chapitre 8 — Une menace grandissante

Par Luru

Remak sursauta. Le bruit d'une explosion le sortit de sa torpeur. Plongé dans l'obscurité, il reconnut les rues en ruines du village dans lequel il était venu investiguer avec Démétria.

Un ciel sombre aux allures menaçantes recouvrait la région. Un éclair fugace et sinueux apparut et le son prolongé du tonnerre vint à ses oreilles. Les grondements s'approchaient et l'horizon s'éclaircissait au gré de la foudre qui trouait la pénombre par-dessus les maisons.

Il avait l'impression d'avoir pris un coup de massue et un flot de souvenirs flous émergeaient dans ses pensées. Des réminiscences de l'élémentaire de feu prenaient forme dans son esprit. Un visage à l'aspect rocheux et aux yeux brûlants se façonnait à travers une brèche aux lueurs rougeâtres.

Remak sentit son cœur bondir dans sa poitrine. Cette vision ne le laissait pas indifférent. Au cours de sa vie, il avait affronté toutes sortes de créatures maléfiques, les plus horribles et ignobles inimaginables possibles, sans que sa volonté ne soit ébranlée. Mais l'apparition de cette monstruosité titanesque développait en lui un nouveau sentiment désagréable.

Ce n'était pas de la peur. Il la connaissait. Son entraînement vigoureux l'avait préparé et conditionné pour la contrôler sans y céder. Mais cette fois-ci, il avait douté.

Malgré toutes ses années d'épreuves passées, ce manque de confiance était une humiliation ! Comment pouvait-il se considérer comme un champion de la Lumière s'il se laissait submerger par ses incertitudes ?

Son action déshonorante lui apportait un sentiment de honte et d'une rage retenue, comme si sa fierté avait été piétinée. Il serra les dents jusqu'à en avoir mal.

Boum !

Une nouvelle détonation retentit et le sol trembla.

Remak se redressa en direction de l'origine du son. Il aperçut la silhouette de Démétria s'enfoncer au pas de course dans une rue délabrée avec un inconnu. Qui était-ce ? Que se passait-il ? Comment était-il arrivé ici ?

Tant de questions se bousculaient dans sa tête. Pour avoir des réponses, il devait la rejoindre. Pourquoi diable Démétria ne l'avait-elle pas réveillé ? Il se le demandait ardemment.

Il ne pouvait pas la laisser affronter le danger seule. Ils formaient un tandem depuis le jour où ils s'étaient rencontrés dans une forêt hostile à la poursuite d'un dangereux cultiste.  Cette fois là, elle n'avait pas hésité à risquer sa vie pour le sauver dans l'effondrement d'une nécropole oubliée, datant des temps anciens.

Après cet événement, le paladin avait reçu l'ordre de faire équipe avec Démétria, l'un des meilleurs éléments de la Matriarche, car à deux ils avaient réussi là où d'autres paladins avaient été tenus en échec. Du moins c'était l'explication officielle, mais pas la véritable raison.

Démétria possédait une profonde affinité dans le domaine du Sacré. Bien que les paladins manipulaient la Lumière, leur pouvoir restait inférieur au sien. Remak l'avait compris le jour où ils s'étaient rencontrés. Elle était différente d'eux.

En réalité, le motif de leur association était simple : il devait veiller sur Démétria pour qu'elle ne dépasse pas les limites que son corps pouvait supporter.

Depuis, sept années s'étaient déroulées sans qu'il faillisse à son devoir et il en resterait ainsi jusqu'à ce que la Lumière vienne le chercher.

Remak se releva avec difficulté et ses traits se tordirent. Ses jambes manquaient de fermeté et son armure lui semblait plus lourde que d'habitude.

Il balaya du regard la zone. La chaleur du feu de camp caressait son visage. Une petite bouilloire se trouvait suspendue au-dessus et l'arôme de la menthe entra dans ses narines. Un peu plus loin, à quelques mètres, le paladin vit un chariot en bois sans monture. Où étaient les chevaux ?

Seuls des corbeaux survolaient le village.

Étrange, se disait-il.

Il chancela vers ses armes posées contre un muret, en évitant de trébucher sur des grosses pierres dispersées sur le sol boueux.

Soudain, une lueur rougeâtre apparut depuis la charrette. Quelque chose d'enveloppé dans une couverture brune s'élevait dans les airs. Elle se mit à brûler brusquement et une allure similaire à celle d'un enfant se dessinait.

Puis cette chose indéfinie se formait, comme un tourbillon irrégulier engendré par cette mystérieuse lumière. La silhouette se disloquait.

Un éclair aveuglant la frappa. Une sphère transparente se matérialisait dans un tourbillon de flammes. Ses contours se précisaient en temps record.

Elle s’agitait de plus en plus. Le feu prenait une telle ampleur que Remak sentit la chaleur des flammes le piquer. Une ombre grandissante s'accentuait petit à petit, jusqu'à atteindre une dimension énorme.

Puis, en une fraction de seconde, le tourbillon se contracta sur la boule et s'étira, avant de laisser derrière lui une traînée semblable à celle d'une comète.

Un souffle chaud cingla le visage du paladin. Devant lui se tenait une créature humanoïde à la peau noire et renforcée par des plaques munies de petits os qui donnaient l'aspect d'une cotte de maille. Elle avoisinait les trois mètres de haut. La taille de sa queue était aussi longue que son corps et recouverte d'une rangée de braises fumantes qui remontait tout le dos jusqu'à la nuque, tandis que ses pattes et ses mains se terminaient par de grandes griffes allongées et courbées.

C'était semblable à une bête des enfers. Quelque chose éveilla une terreur à tordre les entrailles de Remak. Il recula de quelques pas, abasourdi.

Par la Lumière, d'où sort ce monstre ? se demanda-t-il.

La créature passa sa longue langue jaunâtre profondément fourchue sur ses grandes dents cannelées, entre lesquelles une salive teintée de sang dégoulinait. Elle ouvrit sa gueule de manière très importante et poussa un rugissement féroce.

Des particules rouges se condensèrent en un point précis dans sa gueule béante. Elles constituèrent une boule de feu, tournoyante sur elle-même où jaillissaient des étincelles. La sphère grandissait jusqu'à bouillonner. Puis dans un sifflement strident, les spirales de flammes se transformèrent en une colonne de feu, fonçant comme un tourbillon sur Remak.

Le souffle ardent heurta dans un fracas le bouclier levé du paladin. La fournaise était intenable. Il dut s'accroupir, car ses jambes affaiblies ne lui permettaient pas de lutter contre cette force.

Les flammes se dissipèrent progressivement. Le paladin prit une grande bouffée d'air et pendant une fraction de seconde, il relâcha sa vigilance. Quelle erreur !

La créature fonça vers lui en grognant. Il ne pouvait pas l'esquiver. Le poids de son armure le ralentissait considérablement.

Un revers de main balaya Remak comme un fétu de paille. Un craquement métallique lui parvint aux oreilles. Les chaînes qui retenaient son grimoire avaient été brisées.

Malédiction ! Il en avait besoin pour canaliser ses pouvoirs.

Il percuta un muret en pierre qui s’écroula dans un bruit assourdissant. Un liquide chaud dégoulinait le long de ses tempes.

La bête l'agrippa et le souleva à sa hauteur. Elle cligna plusieurs fois sa paupière translucide et siffla comme pour le narguer.

Sans hésitation, Remak dégaina l'épée accrochée à sa taille et la planta de toutes ses forces dans l’œil jaune du mastodonte. Le hurlement effroyable de la créature résonna dans les ruines. La créature se tordit de douleur.

Une ouverture s'offrait à lui. Libéré de son étreinte, le paladin leva la main vers le ciel. Ses yeux luisirent. Il sentit la puissance de Rhamée monter en lui. Avec le don reçu de la Matriarche, il allait en finir rapidement avec ce monstre !

Un coup de tonnerre retentit au même moment qu'un balayement de queue hasardeux le faucha. La foudre heurta avec une fureur irrépressible le sol. La chaleur dégagée fit fondre les pierres en-dessous et la terre se soulevait comme les vagues d'un océan.

Propulsé sur plusieurs mètres, Remak rebondit sur le sol et se retrouva allongé sur le ventre. La douleur l'irradiait. Sans son armure pour le protéger ses os auraient été broyés sur le coup.

La créature était toujours debout à se tortiller. Il venait de rater sa cible et par la même occasion l'opportunité de mettre fin au combat.

— Par les enfers ! grogna-t-il frustré.

Il était bien trop affaibli pour pouvoir faire usage de son don une nouvelle fois. Le paladin chercha du regard son grimoire. Il en avait besoin pour espérer vaincre cette monstruosité.

Là !

Non loin de lui, sur le chemin au milieu des débris se trouvait un gros livre entrouvert. Remak rampa rapidement en sa direction. Mais avant qu'il ne puisse l'atteindre, une force invisible le traîna en arrière.

Une grande main noire écailleuse le maintenait au sol. Le paladin sentit une pression l'étouffer. Une salive visqueuse dégoulinait le long de sa nuque et un désagréable sentiment lui noua la gorge.

Immobilisé, il était à sa merci.

Soudain, le sol trembla sous le passage de filaments lumineux et blanchâtres qui s'enroulèrent d'un mouvement rapide autour des membres du monstre.

Démétria grimaçait, bras tendus en avant. Elle puisait dans ses dernières réserves d'énergie pour maintenir le sort. De minces filets de magie sacrée s'échappaient de ses doigts tremblants.

— Dépêchez-vous Remak. Je ne tiendrai pas... longtemps ! cria-t-elle, pendant qu'elle luttait pour maintenir la créature figée.

La bête rugit et gesticula dangereusement. Elle cherchait un moyen de rompre les liens qui l'entravaient.

La paladine serrait les dents, des gouttes de sueur perlaient sur ses tempes. Les fils lâchaient les un après les autres dans une pluie d'étincelles. Ses pouvoirs s'atténuaient et son emprise par la même occasion.

Un coup de feu retentit. Puis un second. Un flot continu de sang coula du flan gauche de la créature.

Elle vociféra et tourna son regard mauvais vers celui qui avait osé l'attaquer.

Hadvar se tenait aux côtés de Démétria, au milieu d'une rue jonchée de débris, occupé à recharger ses armes.

— Qu'est-ce que vous attendez pour l'abattre ? Je ne tiendrai pas éternellement ! s'énerva la paladine.

— Je fais ce que je peux ! répondit Hadvar d'une voix tremblante. Ce monstre a encaissé deux tirs sans broncher !

Soudain, contre son gré, les bras de Démétria s'écartèrent. Le sort s'annula et libéra une explosion de lumière aveuglante. Elle se protégea les yeux. Quand l'éclat retomba, la bête s'apprêtait à cracher le feu contenu dans sa gueule.

Les flammes se libérèrent. La paladine se préparait au choc, mais une silhouette massive s'interposa entre elle et la déflagration. Le tourbillon ardent heurta avec fureur l'énorme bouclier de Remak imbibé de magie sacrée.

Une protection surnaturelle translucide, en forme d'une demi-sphère, déviait le flux d'énergie brûlant en deux longues traînées rougeâtres. La créature mit plus de puissance dans son souffle. Le paladin chancela, mais tint bon. Il ruisselait de sueur.

— Courez ! hurla-t-il à Démétria. Courez, prévenir la Matriarche !

La paladine sentit l'indécision s'emparer d'elle. L'abandonner lui pinça le cœur. Pourtant, elle était face à une réalité accablante. Sans ses pouvoirs, ils ne pouvaient pas vaincre ce monstre et Sa Sainteté devait être avertie de la menace. S'ils perdaient tous les deux la vie ici, ils failliraient à leur mission.

Elle n'avait pas d'autres alternatives que de s'échapper, bien que ça lui laissait un goût amer. À moins que...

— Qu'est-ce que vous attendez ? Courez !

Remak perdait patience. Des fissures grandissantes se propageaient sur la barrière protectrice. Certaines parties volaient en éclat et se dissipaient dans une poussière blanchâtre et lumineuse.

Le bouclier ne tiendrait plus très longtemps. Démétria devait faire un choix et vite. Tergiverser ne servait à rien. Alors, elle prit sa décision et ça ne plairait pas à Remak.

Peu importe. La seule personne à pouvoir lui donner des ordres était la Matriarche. Il en avait été toujours ainsi et ça ne changerait pas.

Démétria partit sans se retourner. Hadvar voulut la suivre, mais elle avait déjà disparu dans les ruines. S'il restait là, la déflagration l'emporterait lui aussi.

Une détonation résonna. Le bouclier magique céda et le souffle ardent emporta le paladin dans un océan rouge qui déferla à travers la rue.

Au même moment, Hadvar plongea à travers une fenêtre. La chute fut lourde et douloureuse. Des débris de verres étaient venus se loger dans son visage et ses mains.

Les flammes s'atténuèrent. Une chape de silence tomba sur les alentours. Son cœur battait furieusement dans sa poitrine, à peu de chose près il aurait perdu la vie.

Une forte odeur de brûlé flottait dans l'air, et visiblement la maison dans laquelle il se trouvait ne possédait pas d'autres sorties que la porte d'entrée.

Hadvar rampa jusqu'à la fenêtre. Il se figea à l'affût du moindre bruit et attendit en retenant son souffle. Des pas lourds s'approchaient.

Son sang se glaça quand le monstre s'arrêta près de la maison. Un long silence s'installa, puis le sifflement strident de la bête retentit dans les ruines, avant qu'elle ne s'éloigne.

Hadvar tendit l'oreille jusqu'à ne plus rien discerner. Lentement, avec une extrême prudence, il se redressa, balayant du regard l'allée à la recherche du moindre signe de vie.

La rue dégageait une atmosphère hostile et pesante, mais aucune trace de la créature. Le vent s'était tu et cette absence de bruit ne faisait qu’agrandir son angoisse. Il savait qu'elle se cachait quelque part, comme un prédateur qui attendait patiemment que sa proie sorte de son trou.

Soudain, contre toute attente, un œil jaune reptilien apparut devant lui. Le monstre l'avait trouvé !

Hadvar laissa échapper un glapissement. Il perdit l'équilibre et trébucha sur une chaise renversée. La bête tentait de pénétrer à l'intérieur, mais le mur en pierre l'empêchait d'atteindre sa proie tremblante au milieu de la pièce.

Elle grimpa sur la maison, les fondations tremblèrent et les poutres en bois craquèrent, propageant les dépôts de poussière accumulés avec le temps. De longues griffes noires transpercèrent le toit, le déchirant en lambeau à une vitesse impressionnante. La surface supérieure de l'habitation s'écroula sous le poids de la créature, qui retomba sur ses pattes face à Hadvar affolé.

Il saisit ses pistolets et des coups de feu résonnèrent. Cela ne faisait qu'énerver la créature qui entrouvrait son horrifiante gueule prête à se refermer sur lui.

La peur le submergea. Il recula à quatre pattes et se releva dès qu'il atteignit la sortie, quand soudainement une douleur immense et profonde le frappa dans le dos, l'éjectant en dehors de la maison.

Allongé au milieu de la rue, Hadvar tremblait et avait de la peine à respirer. Une forme humanoïde de grande taille et floutée s'avançait vers lui. Il entendait le monstre émettre un grognement de satisfaction.

Un voile ténébreux obscurcissait sa vision et ses jambes refusaient de lui obéir, paralysé par la terreur. Il allait mourir ici, loin de son village et de la personne qu'il aimait, d'une manière la plus horrible qui soit.

Une série de petits bruits métalliques s'approchaient. La bête tourna la tête et vit le paladin charger bouclier levé.

Elle le repoussa avec sa queue, mais Remak tint bon. Une lueur argenté à peine perceptible l'enveloppait.

Il tourna autour de la créature, faisant tournoyer son fléau. Il s'approchait d'elle en restant sur la gauche, là où l’œil était crevé. En deux enjambées il l'atteindrait et... la main noire du reptile attrapa son bouclier subitement !

Mais Remak ne se laissa pas surprendre. Au même moment, il abattit son fléau sur la mâchoire du monstre avec une brutalité inouïe. Des dents volèrent en éclats et la bête rugit de douleur en titubant.

Un second coup atteignit sa cible. La tête de la monstruosité partit en arrière et elle tomba à la renverse dans la boue. Sonnée, elle ne se relèverait pas tout de suite. Il devait saisir cette chance inespérée pour l'achever.

Il ouvrit son grimoire et le feuilleta rapidement. Il entonna une incantation de renforcement sur son fléau qui scintillait d'une lumière blanche, alors qu'au même moment une ombre le surplombait. Le reptile s'était remis debout promptement.

Remak voulut bouger, mais son corps était trop affaibli pour éviter les griffes qui lui fonçaient droit dessus.

Bouge ! Bouge ! se disait-il furieusement.

Tout à coup, une colossale vague d'énergie blanche percuta le monstre. Elle s'enroulait en un immense tourbillon de magie sacrée et le sol trembla sous son passage.

Démétria ne chancelait pas une seconde. Les deux hommes lui avaient donné assez de temps pour concentrer son pouvoir. Plus de ruse à présent, mais un flot ininterrompu de pure puissance.

— Par les enfers ! Démétria, que faites-vous ? Je vous ai dit de partir !

Les flammes argentées dansaient à l'impact. L'air s'embrasait, mais la créature tenait toujours debout, luttant contre cette décharge d'énergie qui la repoussait.

Un rictus se dessina sur la visage de la paladine. Elle pouvait gagner. Bien évidement.

Elle intensifia le torrent. Il y eut une pluie de particules argentées, mais le monstre dévia l'attaque. L'impact libéra une explosion de lumière aveuglante accompagné d'un déluge de pierres.

Elle se protégea les yeux et quand la lueur retomba, l'horreur reptilienne se redressait, grognant dans un amas de petits éclairs grésillant.

Démétria ne put réprimer une grimace.

— Non, ce n'est pas terminé, murmura-t-elle.

Elle sortit de sa poche un cachet blanc et le croqua. Un éclat passa dans ses yeux.

Le monstre libéra un rugissement guttural à en donner la chair de poule. Il se rua sur la paladine et balaya Remak qui se dressait sur son passage.

Un flash éblouit le mastodonte. Le sol s'agita par des petits mouvements saccadés sous ses pattes. Une brèche lumineuse apparut et des filaments blancs s'en échappèrent pour s'enrouler autour. Ils affirmèrent leur étreinte en le serrant jusqu'au sang.

La fureur de la créature avait atteint son paroxysme. Une lueur rouge surgit dans sa gueule entrouverte, mais la paladine l'anticipa. D'un mouvement de main, elle invoqua d'autres fils qui refermèrent sa mâchoire aussitôt.

Le bruit d'une explosion étouffée retentit. Une fumée âcre s'échappait de la gueule du reptile immobilisé.

Démétria serra les poings. Les filaments se resserrèrent encore plus autour de la créature qui fléchissait. La décharge d'énergie encaissée plus tôt faisait son effet.

Elle bougea frénétiquement ses doigts. Un mince filet de magie se matérialisa sur les liens.

— Goûte au feu sacré de Rhamée, monstre !

Un torrent de feu jaillit. Une chaleur démesurée s'en dégageait. La créature hurlait. Elle se noyait dans un insondable océan de flammes blanches.

Puis, doucement, la magie de la paladine se retira, ne laissant qu'une carcasse vide et fumante.

Démétria se laissa tomber sur les genoux, essoufflée. Ses mains tremblaient, des picotements désagréables parcouraient son corps et son cœur continuait à battre rapidement. Elle ferma les yeux et expira longuement. Elle était soulagée que ce soit fini, mais la vraie satisfaction était plus profonde encore. Elle avait tenu le choc après avoir dépassé ses limites.

Bien sûr, elle payerait plus tard sa sottise, mais ce n'était pas le moment de penser à ces futilités.

Pour l'instant, elle s'accorda un peu de repos avant qu'il...

— Démétria !

Elle détestait la manière dont la voix de Remak lui vrillait le crâne. L'effet secondaire du fénétyllium se ressentait déjà.

Le paladin s'avançait vers elle d'un pas chancelant. Lui aussi n'était pas au meilleur de sa forme. Il déposa ses mains sur ses épaules et se mit à sa hauteur.

— Démétria ! Vous n'avez rien ?

Il écarquilla les yeux. Le teint extrêmement pâle et terne du visage de la paladine était inquiétant.

— Combien en avez-vous pris ? Regardez-moi ! ordonna-t-il sèchement.

Elle releva la tête, le regard perdu dans le vide. La drogue lui avait apporté un grand pouvoir, mais son corps n'était pas moins courbé. Les deux cachets l'avait affaiblie pour un bon moment. Il faudrait compter plusieurs jours pour qu'elle puisse récupérer toute son énergie.

— Un seul, chuchota-t-elle.

— Vraiment ? demanda-t-il perplexe.

Démétria restait silencieuse. Les paladins pouvaient détecter le mensonge, mais sonder un esprit inflexible comme le sien était impossible. Il faudrait briser sa volonté pour lire à travers elle.

Remak plongea son regard dans le sien. Même s'il savait que ses pouvoirs ne décèleraient pas la moindre tromperie de la paladine, il avait passé assez de temps avec elle pour la connaître.

— Ce monstre était bien plus fort que je l'imaginais. Je n'avais pas le choix, dit-elle face à l'incertitude de son compagnon.

— Vous auriez pu y rester. Pourquoi n'êtes-vous pas partie ?

— Ne parlez pas si fort, bon sang. Je ne suis pas sourde.

La voix du paladin résonna encore plus dans sa tête. Elle se la tenait entre les mains.

— Le monstre est mort, c'est tout ce qui compte.

— Le risque n'en valait pas la peine, Démétria ! Si vous aviez échoué...

Elle se leva, ignorant son épuisement.

— Échouer, moi ?

Elle désigna le cadavre inerte de la créature.

— Le risque en valait la peine et j'ai déjà prouvé plus de mille fois mes compétences.

— Votre folie ne prouve rien.

Démétria réprima une remarque cinglante. À la place, elle se tenait là, devant lui tremblante, sans laisser échapper la moindre émotion. Quand elle reprit la parole, le ton fut glacial.

— Avez-vous terminé votre interrogatoire, Remak ?

Le paladin soupira. Il n'avait ni l'envie ni le temps de se disputer avec elle.

— Oui. Parlons plutôt de notre mission. Vous avez certainement des choses à me raconter.

Il y eut un silence. Démétria le brisa.

— Soyez attentif à ce que je vais vous dire.

Il écouta. Et à mesure de l'explication, Remak ne put réprimer son étonnement.

 

* * * * *

 

— Voilà, je crois que je n'ai rien oublié !

Tout le matériel encore utilisable avait été transporté à l'extérieur par Dux. Moji observa une dernière fois les lieux.

Son regard s'arrêta sur le corps sans vie de son ami allongé au milieu du laboratoire recouvert d'un drap. Il plissa les yeux, perdu dans ses pensées.

— Je commence à manquer de temps, murmura-t-il dans un soupir.

Il se retourna avec un goût amer dans la bouche et quitta le laboratoire. Hadvar et les paladins auraient certainement besoin de son aide, les bruits de combats venaient de se taire. Il devait faire vite.

À la sortie du long couloir, Moji sursauta à la vue de deux imposantes silhouettes qui l'attendaient en haut des escaliers. Les guerriers saints se tenaient droits et leur regard ne montrait aucune indulgence. De la sueur froide dégoulinait le long de son dos, il ne s'attendait pas à les voir.

Il déglutit bruyamment quand les paroles de Démétria s'abattirent comme un marteau.

— Pouvez-vous nous dire ce que vous mijotez, Moji ? Je perçois une signature suspecte dans votre regard.

— Ce n'est pas ce que vous croyez ! Je voulais simplement... Oui, bon. C'est bien ce que vous croyez...

C'était inutile de leur mentir. Ça ne ferait qu'aggraver la situation, il venait d'être pris la main dans le sac.

— La présence de votre compagnon est la seule chose qui m'empêche d'utiliser la violence. Parlez. Et vite.

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DraikoPinpix
Posté le 03/01/2020
Un chapitre prenant ! J'ai été prise dans l'action et c'était intéressant de voir tes persos au combat :) Il est peut-être long, mais on ne s'ennuie pas :)
Luru
Posté le 03/01/2020
Encore merci pour ta lecture et ton enthousiasme. Je suis content que l'histoire te plaise ! :D
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