Chapitre 8 : Une bête de foire

Par Elora

20 ans plus tôt... 

 

— Bienvenue pour votre première leçon de voltige, dit Neltamanes. Vous avez tous déjà volés, tous sans exceptions. Le dieu promena son regard dans l'assemblé, de ses yeux doux et sereins. 

— Je n'ai pas eu beaucoup de temps pour m'entraîner... gémit un garçon derrière Andanariel. Maman avait trop peur que je me fasse mal... Elle ne me laissait pas sortir... Je vais me ridiculiser devant toute la classe... ajouta-t-il dans un murmure en voyant les yeux du dieu se poser sur lui. 

Andanariel lui prit la main et la serra fort, avant de le lâcher. 

Elle attendit que le maître détourne le regard avant de lui murmurer : 

— Ne t'inquiète pas Micelio, tu apprendras et tu deviendras aussi doué que le maître, peut-être même plus ! 

Le petit garçon regarda le dos qui lui faisait face avec de grands yeux ; jamais il ne fallait dire que l'on était plus doué que les maîtres, d'ailleurs, c'était impensable. 

— Ne dit pas une telle chose, dit-il à toute vitesse, en regardant de tout côté, imagine si un adulte t'entendait ! 

Andanariel leva les yeux au ciel. 

Il était dans la nature même des Anges d'aider et d'encourager les gens, et ses parents lui avaient souvent conseillés d'encourager chaque personne ayant besoin de soutient. Ce qu’elle avait fait, mais les personnes la regardaient de travers, car elle les comparait aux maîtres. 

Elle avait été très surprise qu'ils réagissent comme ça mais avait fini par le comprendre. Elle s’était mise à faire des efforts pour les encourager d'une autre manière. Pourtant elle n'arrivait pas, même quand elle essayait, le naturel revenait tout seul puis l’enfant avait fini par revenir à sa manière habituelle, et tant pis si les gens la prenaient pour une folle. 

— Je dis juste ce que je pense, se défendit-elle. 

Micelio ne répondit pas, préférant écouter le cours. 

— Pour voler, dit le maître, il faut déployer ses ailes. Voyons cela avec un volontaire... 

Il parcourut la foule d'Anges face à lui, en quête d'un volontaire, mais personne ne levait la main, conformément aux règles. 

Le volontarisme était exclu des cours, car le choix du maître sur plusieurs enfants qui levaient la main était considéré comme du favoritisme, bien que les maîtres ne fassent jamais de favoritisme. 

Les yeux de Neltamanes s'arrêtèrent sur Andanariel, et un sourire se dessina sur ses lèvres. 

— Mademoiselle, venez, je vous prie. 

La foule d'Ange devant la jeune fille s'écarta d'un même mouvement, libérant le passage. 

Andanariel s'avança la tête haute, tout de même intimidée face au géant qui lui faisait face, avançant sous le regard de ses camarades, curieux de ce qu'elle allait devoir faire. 

— Tournez-vous vers votre classe. 

Se tournant vers ses camarades, elle vit que tout le monde l'observait, et pour éviter leur regard, elle leva les yeux au-dessus de la rangée d'élèves, rencontrant ainsi la lumière, car le soleil se trouvait face à elle, plus flamboyant que jamais. 

Ses yeux dérivèrent sur le globe de feu, suivant du regard les contours flous de sa silhouette. 

Le soleil lui inspirait un étrange bien être. 

Elle avait envie se noyer dedans, comme si... comme si elle ne voulait plus jamais avoir froid. 

— Mademoiselle ? 

Andanariel leva la tête vers le dieu qui lui avait parlé. 

— Pardon ? 

— Pouvez-vous déployer vos ailes ? répéta Neltamanes. 

La jeune Ange ne répondit pas mais fit l'action demandée. 

Ses ailes de deux mètres, noires comme la nuit, se déployèrent dans son dos provoquant des murmures admiratifs qui la troublèrent. 

Elle savait qu'elle était la seule Ange aux ailes noires qui ai jamais existé, mais elle ne voulait pas devenir une bête de foire, et ayant hâte que tout se termine, elle tourna la tête vers son dieu, vit dans son regard la même étincelle qui brillait parmi les innombrables yeux, de l'admiration et de l'émerveillement. 

Leurs regards se croisèrent, et gênée, Andanariel détourna la tête en rougissant. 

Elle n'attendait qu'une chose, pouvoir retourner avec les autres Anges, se fondre dans la masse et se faire oublier, mais décidément, ce n'était pas sa journée, car le maître avait l'air décidé à la garder comme exemple pour le cours. 

 

— Les ailes d'Anges font parties de notre corps et nous sont vitales, comme le cœur pour les humains. Les ailes d'Anges sont constituées principalement de... il s'arrêta, et regarda les élèves. Iwenta, pouvez-vous nous dire de quoi sont principalement constituées les ailes d'Anges ? lui demanda-t-il en penchant la tête sur le côté, comme un enfant. 

L'Ange nommé Iwenta sursauta, sûrement s'était-elle perdue dans ses pensées, puis rougit jusqu'aux oreilles. 

— Les ailes, Monsieur, sont constituées principalement de... heu... de plumes... le maître hocha la tête en signe d'encouragement et Iwenta qui parlait très vite jusque-là se calma, au grand bonheur de tout le monde. 

 — De muscle, de peau et cette peau contient des pores qui aspirent l'oxygène dans n'importe quel lieu, air ou eau. Les pores de la peau sont aussi des capteurs de lumières, finit Iwenta, les joues rouges d'excitations. 

— Parfait, Mademoiselle. 

Il se tourna vers Andanariel et dit : 

— Nous allons faire une expérience. 

Non, pas ça, je ne suis pas une bête de foire... Je refuserai et tant pis pour la punition qui suivra, je ne suis pas une bête de foire... 

Elle ouvrit la bouche pour exprimer son mécontentement mais le maître la coupa dans son élan. 

—J'aimerais mesurer le niveau de lumière que vos ailes peuvent capter. 

La demande décontenança Andanariel. 

Elle, c'était une chose, mais ses ailes ! 

Et puis quoi encore ? 

Mais une partie d'elle s'était réveillée, la partie curieuse de son esprit, celle qui voulait tout savoir car pour un Ange, elle avait une curiosité inhabituelle, et cela lui avait apporté beaucoup d'ennui. 

Une fois, l’enfant avait voulu savoir ce que c'était que de voler sans ailes. 

Elle s'était envolée à une hauteur de cinquante mètres d'altitude, puis, sans crier gare, avait replié ses ailes et était tombée en chute libre, en hurlant pendant tout le long, ce qui avait attiré le regard des Anges dans le ciel. 

Ils s'étaient tous envolés et avait réceptionné Andanariel à quinze mètres du sol, puis s’étaient rassemblés autour de l'enfant, inquiet de son état de santé. 

Le choc passé, Andanariel avait fait une chose insensée, elle avait éclaté de rire. 

<< C'était génial ! >> avait-elle dit, et les Anges l'avaient regardée avec inquiétude, comme à leur habitude. 

 

Andanariel regarda le maître, puis finalement, elle resta là, sans rien dire mais sans accepter non plus. 

Le dieu prit son silence pour un oui et commença sa démonstration en tendant un bras vers le soleil, et un instant plus tard, un rayon d'une blancheur éclatante relia sa main à l’étoile. 

Il tira et le fil se cassa, s’enroulant ensuite autour de son poignet. 

Dessinant un grand cercle dans les airs avec sa main, le bandeau lumineux se desserra puis se retrouva en train de danser dans les airs. 

Le dieu entoura Andanariel de son bandeau, tout en continuant de le faire tourner, et un étrange phénomène se manifesta. 

Une lumière derrière la jeune fille se mit à briller fortement, et tous les jeunes Anges ouvrirent la bouche de stupeur. 

Même le maître avait l'air émerveillé. 

Andanariel replia ses ailes, de sortes qu'elles l'entourèrent, comme un cocon de plumes. 

Sa bouche s'ouvrit sous l'effet de surprise. 

Elle avait toujours connu ses ailes noires, c'était d'ailleurs ce qui faisait sa particularité mais maintenant, elles étaient blanches, particulièrement blanches. 

On aurait dit qu'elles étaient faites de lumière. 

Des chuchotements parcoururent la foule des élèves et Andanariel réussit à en capter quelques bribes. 

<< C'est magnifique, disait un élève. Tu crois que l'on pourrait faire la même chose ? demanda un autre. Impossible, lui répondit un Ange, seul Andanariel peut le faire. Elle est vraiment spéciale... >> 

L’enfant en avait assez entendu, elle redéploya ses ailes et s'envola, sous les murmures d'étonnement des Anges. 

En s'élevant dans le ciel bleu, la lumière de ses ailes la faisait ressembler à une étoile filante. 

Des larmes coulaient sur ses joues, elle en avait tout simplement marre qu’on la prenne pour un monstre tout juste bon à faire des expériences, elle aussi avait des émotions. 

A son grand soulagement, plus elle s'éloignait du maître et de son bandeau de lumière, plus ses ailes retrouvaient leur aspect normal. 

Fendant les nuages, elle redescendit jusqu’à un lac, les yeux rouges, et s'arrêta sur une pierre en son centre, entouré de pins. L’Ange s'agenouilla, entourant ses jambes de ses mains, appuyant son front contre ses genoux. 

Elle ferma les yeux et resta ainsi, très longtemps, se répétant inlassablement : 

Je ne suis pas une bête de foire... 

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Taranee
Posté le 23/01/2021
Ce qui est bien dans ton chapitre, c'est que tu décris précisément le fonctionnement des ailes d'anges (on ressortira de cette histoire plus instruits ^^ ), c'est clair, le lecteur peut comprendre.
Par contre, au moment où Andanariel s'enfuit en pleurant, je pense que tu aurais dû accentuer un peu plus le fait qu'elle pleure. Je ne dis pas qu'il faut aller dans le dramatique mais là, il n'y a qu'une phrase pour dire qu'elle verse ses larmes. Je pense qu'il faudrait mettre plusieurs petites phrases pour le rappeler...
Je m'embrouille un peu là, j'espère que tu as compris ce que j'ai dit parce que je ne sais pas si c'est très clair... ^^'
Elora
Posté le 23/01/2021
En vrai, je n'ai aucune idée si ça marche vraiment comme ça, mais j'ai décrit les ailes comme je l'imaginais.
C'est vrai que je ne me suis pas attardée sur ses larmes, alors que c'est plus important qu'il n'y paraît !
Pour ce qui est de ton commentaire, j'ai tout compris, et je le retiens.
J'espère que la suite te plaira !
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