Chapitre 8 — Communication

— Gabrielle —

J-3 Jeudi 19 mars, la tortue est active encore aujourd’hui. Souvent vers 18 h 00 d’ailleurs. Je sens que je vais perdre la notion du temps comme pendant les vacances et ça me fait un peu peur. Du coup je commence ce journal dans mon carnet de notes web. Il fait gris.

 

Et surtout ! Pas de connexion internet. La livebox se prend pour un sapin de Noël !! Le télétravail est déjà assez bizarre parce que le boulot envahit ma vie privée mais là c’est encore plus chaud parce que je travaille sur mon ordi en m’aidant des messages SMS d’une collègue.

J’ai donc galéré toute la journée sur un design de pantalon pour barbare à animer. Déjà que ce n’est pas fou de base mais en plus c’est usant de devoir envoyer des photos MMS à la collègue pour qu’elle le poste sur le groupe d’attendre la réponse et de devoir changer la couleur ou le mouvement avec une fluidité plus rapide ou moins rapide.

 

Je jure beaucoup quand je suis seule devant l’ordi si bien que mon voisin a fini par toquer à ma porte pour savoir si tout aller bien.

J’ai bien vu qu’il garde ses distances depuis ma pile de mouchoirs. Il doit penser que j’ai le Corona. Ce qui me fait le plus peur avec cette idée ce sont tous les gens que j’ai croisés depuis le début de mon rhume. Je me rassure en me disant que c’est vraiment comme d’habitude. 0 fièvre j’ai vérifié.

Plus l’heure passe et plus je pris pour que le réseau revienne. Soudain 20H43, la wifi clignote sur mon écran. Ni une ni deux, je dégringole l’escalier en allumant Skype, manque de frôler Omar qui est dans ses papiers debout à faire les cent pas en bas. Il dit un truc et je lui réponds :

 

— Je prends la connexion !!

 

C’est non négociable. Au plus proche de la box je lance l’appel tout en m’asseyant avec ma nouvelle amie j’ai nommé la boîte de mouchoir U sous le coude.

 

Ça sonne, ça sonne, ça répond. Mon fils en plein écran :

 

— Joyeux Anniversaire chéri !!

 

Il sourit malgré la mauvaise qualité de l’image.

 

— Salut m’an. Je savais bien que tu allais finir par appeler.

 

— Je suis désolée Adams c’est la cambrousse ici il m’a fallu des heures pour en arriver à ce filet de communication.

 

— Alors j’en profite à fond.

Je suis heureuse. Tout l’abattement des derniers événements me quitte. Mon petit bonhomme à moi.

— T’es enfin majeur.

— Oui et 0 fête d’anniversaire pour le moment.

Il est déçu. Tout seul chez nous. Quoi faire ? Adams ressemble beaucoup à son père si ce n’est ses taches de rousseur et la couleur de ses yeux brun noisette c’est le portrait craché de son paternel, cheveux marron coupés court sur les côtés, long visage avec des pommettes lisses, un long nez et un large front. Il enfile les copines comme de petits pains et sinon je ne me fais aucun soucie pour lui.

J’avais prévu de lui en faire la surprise mais ça sera pour aujourd’hui.

 

Quittant la caméra je sors la tortue de son terrarium et reviens sur l’image la petite bête avec sa vilaine tête, sa peau fripée et sa carapace. Il pousse un cri de joie qui me redonne cent pour cent d’énergie.

 

— Maman c’est ce que je crois ?

— Oui, c’est ton cadeau. Désolée de ne pas te le donner en vrai.

— Oh putain de merde c’est trop bien !!!

— Ton langage. C’est parce que c’est toi qui as fait les papiers et tout le reste Adams, je ne suis que sa baby-sitter pour le moment. Il faudra gérer hein. C’est 50 ans minimum.

— Je suis trop fan !!

 

Et moi je suis contente. Elle s’agite bien sûr. Je la repose.

 

— Bon, comment tu veux l’appeler ?

— Hannybal !

 

Quoi ? Comme le tueur en série ?

 

— … Comme le guerrier avec les éléphants.

 

Ah oui. D’accord. De toute façon c’est sa tortue.

— Mais dit maman elle ne serait pas grosse pour un an ? Ce ne serait pas une femelle ?

— J’en sais rien, je ne mis connais pas. Tu me diras quand tu l’auras.

 

Un émoji cœur monte sur l’écran. Et surtout la connexion clignote, monte, descend. Je soupire.

 

— M’an, je te vois plus.

— La diagonale du vide mon fils, la diagonal du vide.

— Bah je te laisse.

— Attends. Dans mon armoire à…

 

Je lève les yeux, Omar je vais comme si de rien n’était dans la cuisine.

 

— Dans mon armoire à culottes il y a un cadeau dans un emballage bleu et jaune.

 

Il file le chercher. Je suis fière d’avoir pris de l’avance sur son anniversaire. J’entends le déballage, le papier qui se froisse.

 

— Maman t’es formidable, pour le confinement ça va être super.

 

Il me montre la dernière saison de Doctor Who.

 

— J’espère qu’elle va te plaire. Ne la dévore pas en entier. Tu as des devoirs ?

— Ouais, de la philo. « Doit-on vouloir plus de liberté. »

— Ils cherchaient le meurtre eux.

 

Il rit à nouveau. Avec lui j’ai peur de rien, je l’adore.

 

— Dit maman : t’as pensé à ton voisin avant de faire la vidéo super envahissante dans le salon ?

— Je… euh…

 

Omar reste de dos. Je perds tous mes mots. Je les même presque bousculé tout à l’heure.

 

— T’étais super excitée de me le fêter au point de devenir envahissante… Je suis super fière de toi merci.

— Merci ?

 

Qu’est-ce qu’il voulait dire ? L’image est floue du coup je ne sais pas qu’elle est sa réaction :

 

— De me prouver encore que je suis ton préféré.

 

Emoji souriant.

 

— Je t’embrasse maman je file commencer ton cadeau.

 

Ça coupe. Je soupire et ferme mon écran et regarde la tortue :

 

— Hannybal donc. J’espère que tu vas avoir la niaque toi. Si tu es une fille l’avantage c’est qu’on va t’appeler Hanny.

 

Maintenant pas le choix, je dois m’excuser.

 

— Euh, Omar, je suis désolée pour le bruit… et les jurons cette après-midi.

 

Il pose le plat devant moi. Des lentilles, carottes, oignons. Ça à l’air sympa.

 

— Merci.

 

Il s’assoit et demande finalement :

 

— C’était votre fils ?

— Oui.

 

Le reste semble bloqué. Pas moyen. Mince.

 

— Adams c’est ça ? Il va avoir quel âge ?

— 18 ans aujourd’hui.

Il lève son verre d’eau souriant. Il est pas mal. Assez beau en fait. Je détourne les yeux et lève mon verre comme lui.

 

— Il me manque déjà. Je… vous avez de la famille ?

 

Je les fais ! yes !

 

Et voilà comment on s’est mis à parler des siens. Il est passionné quand il en parle. Je l’écoute ça m’arrange je n’ai pas à parler. Écouter c’est moi compliquer et je le fais bien. J’en profite pour faire la vaisselle comme Omar a fait la cuisine. Ce n’est pas encore ça. J’ai dit quatre phrases, dont des excuses. Mais au moins j’ai parlé.

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Lislee
Posté le 19/04/2023
Bonjour !

Sympathique cette histoire autour d'une période bien troublée dont on se souvient tous ! Si les souvenirs restent ancrés, c'est vrai que l'on a tous vécu un confinement différent (et plus ou moins agréable) et qu'il y a de quoi s'amuser sur le plan créatif.

Les personnages sont touchants, on peut facilement s'identifier à leur regard et à leur caractère et j'aime bien le fait que le récit débute un peu avant le confinement afin de prendre le temps de poser correctement le cadre.

Petite curiosité : si j'ai bien compris, vous êtes donc deux autrices ? Chacune prend en charge un personnage ou vous vous relayez de temps en temps ?

Je me permets juste de souligner un point qui m'a un peu dérangée : j'ai tiqué sur plusieurs fautes lors de ma lecture. Chacun ses difficultés, je comprends tout à fait, moi-même il m'arrive d'en laisser passer, mais c'est dommage car parfois ce sont juste des coquilles que l'on peut repérer rapidement et ça évite des soucis de compréhension (je pense par exemple à la phrase "Ecouter c'est moi compliquer et je le fais bien" à la toute fin de ce chapitre) Peut-être que vous faire relire par une personne extérieure pourrait aider ? :)

Au plaisir d'échanger et de découvrir la suite bien sûr !
Iris d'Esten
Posté le 24/04/2023
Merci pour ton retour ! Effectivement, nous sommes deux autrices. Pour ce livre chacune prend en charge son personnage, ils nous arrivent parfois, de nous servir du personnage de l'autre, c'est une façon de travailler que nous développons de plus en plus sur nos nouveaux projets.
Pour ce qui est des fautes et des coquilles, nous ne pouvons que nous excuser qu'il y en est autant. Nous faisons déjà une grosse relecture, mais nous ne voyons clairement pas tout. Pour ce qui est de la relecture, nous serions ravies d'en avoir une, malheureusement nous n'avons personne dans mon entourage pour en endosser ce rôle.
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