Chapitre 8

Par Isapass

J’ai préparé le café en essayant de pas trop penser au moment où Mercy se réveillerait. Ou plutôt au moment où je lui donnerais la robe. J’avais aucune idée de la façon dont elle allait réagir. C’est vrai que j’avais pas vraiment creusé, mais d’après ce que j’avais compris d’elle, elle était fière, avant tout. Restait à savoir si sa fierté lui dirait de refuser la charité — surtout venant de moi — ou si elle lui soufflerait d’accepter pour pouvoir trouver des embauches et ne pas dépendre de nous.

En me levant, j’avais découvert que Chrissie Wagner avait aussi laissé des chaussures de marche pour que Mercy ne se bousille plus les pieds dans ses bottines, et une vieille besace pour ranger ses vêtements chics. Je comprenais pas trop pourquoi la chiffonnière avait fait preuve d’autant de générosité, mais ça représentait un beau cadeau, surtout pour les seuls dix cents qu’elle y avait finalement gagnés. Quoi qu’il en soit, Mercy connaîtrait pas ce détail ; elle allait sûrement penser que ça m’avait coûté bien plus et elle se demanderait pourquoi j’avais payé pour elle.

Faut dire que même pour moi, c’était pas très clair. Tandis que je tisonnais le feu, j’ai essayé de me faire croire que j’avais fait ça pour moi, pour que Mercy ne soit plus un fardeau, mais j’ai pas réussi à me convaincre. Plus le temps passait et plus j’étais certain qu’elle allait me jeter mon présent à la figure. J’ai même senti une bouffée de panique quand elle a commencé à remuer sur sa couverture. Ce serait peut-être plus simple que je demande à Walt de lui donner les affaires sans mentionner mon rôle ? Sauf que… en fait, j’étais quand même un peu content de moi d’avoir pensé à l’aider, pour qu’elle soit pas obligée de vendre sa belle robe. Je voulais que ça soit un genre de traité de paix. Alors tant pis, j’allais prendre le risque.

J’en étais arrivé à cette résolution quand je me suis rendu compte qu’elle était debout à côté de moi.

— Euh… café ? j’ai demandé beaucoup trop fort.

Je me suis levé comme si j’étais catapulté et dans un même mouvement, j’ai essayé de lui fourrer entre les mains le quart de café que je venais de me verser. Le liquide brûlant a débordé sur mes doigts et j’ai lâché deux trois jurons pas reluisants en sautillant sur place. Ça commençait bien. Mercy m’observait sans rien dire et c’était pas très dur de deviner qu’elle me prenait pour un demeuré. Heureusement, Walt ronflait encore, sinon ils s’y seraient mis à deux pour se foutre de moi. Mercy a fini par sourire et s’est assise devant le foyer. J’ai décidé de me jeter à l’eau.

— Je… J’ai pensé que ça pourrait te rendre service, j’ai dit en lui tendant la besace dans laquelle j’avais mis la robe et les godillots.

J’avais les oreilles en feu malgré l’air piquant du petit matin. J’espérais que la lumière était encore trop faible pour que Mercy le remarque. Les yeux ronds, elle a levé un bras hésitant vers la bandoulière, puis elle a regardé à l’intérieur du sac. Lentement, elle en a extirpé le vêtement. J’attendais qu’elle explose de rage ou qu’elle me remercie avec chaleur, mais elle se contentait de fixer la toile bleue comme si elle comprenait pas ce que c’était. Au bout d’un temps phénoménal, elle a tourné vers moi un regard qui hésitait entre reconnaissance et doute.

— Tu sais, j’ai rajouté pour meubler, c’est à cause de ce que Chrissie Wagner a dit hier, pour les embauches et tout… Comme ça tu peux garder ta robe de dame.

— Merci, elle a soufflé avec son air un peu perdu.

Heureusement pour l’ambiance, Walt a grogné en s’étirant. Tandis qu’il levait son immense carcasse, Mercy a désigné le sac qu’elle tenait à la main et s’est éloignée vers un bosquet voisin. J’ai répondu à la question muette de Walt en lui racontant mon initiative. J’ai préféré garder pour moi la réaction étrange de Mercy, pourtant j’avais une impression de pas fini en travers de la gorge. Walt, lui, avait l’air du plus heureux des hommes. Ses yeux humides plantés dans les miens, il m’a broyé les deux épaules pour me montrer toute son approbation.  

— Not’Seigneur te l’rendra, Sam Carson, il a murmuré au moment où Mercy émergeait du bosquet.

Elle portait la robe bleue et les grosses chaussures brunes. Walter s’est avancé vers elle en joignant les mains. Il lui a sûrement dit quelques mots, mais moi j’entendais rien. Tout ce que je voyais, c’était elle. Elle paraissait si jeune sans ses dentelles et ses talons. Je repensais à toutes ces fois où ses airs méprisants m’avaient fait sortir de mes gonds et je me demandais comment j’avais pu laisser la colère m’aveugler. À présent, alors qu’elle tournait sur place en souriant, je reconnaissais ce petit mouvement de menton qu’elle faisait si souvent et je ne songeais qu’à une chose : qu’elle en ait bavé plus ou moins que moi, ça avait aucune importance. Elle avait déjà trop subi, j’en étais sûr. Qu’elle ait encore la force de relever la tête, qu’elle reste fière, que jamais une plainte ne sorte de sa bouche, c’était pas du mépris, c’était… j’avais pas de mot pour le dire, mais ça me prenait à la gorge et ça essayait de m’arracher des larmes.

 

Ce jour-là, on a décidé de quitter les montagnes. On était arrivés par le nord et il était hors de question qu’on revienne sur nos pas. Même si personne nous poursuivait, on n’allait pas non plus tenter le sort en se rapprochant de Pierce Rock. Par contre, si on bifurquait vers l’ouest, on retomberait sur les hauts plateaux et leurs fermes laitières. En ce qui me concernait, j’étais pas spécialiste, mais Walt nous assurait qu’au sortir de l’hiver, ils faisaient travailler femmes et hommes, blancs et noirs sans distinction, du moment qu’on avait des bras et des jambes. Il allait falloir qu’on trouve une ou deux embauches sur le chemin parce qu’on ne tiendrait pas si loin sur nos réserves, mais on pouvait toucher les premiers ranches à une dizaine de jours de marche.

Nos bonnes étoiles avaient dû se souvenir de nous, parce qu’au soir, on s’est présentés sans trop y croire dans une petite exploitation, Paggle farm, et on y a décroché trois journées de travail. Walt et moi on devait nettoyer à fond l’étable et les écuries, et Mercy a si bien vanté ses talents de couturière que le propriétaire l’a engagé pour la maison sans même en parler à sa femme. Il nous a permis de nous installer dans une des dépendances le temps qu’on serait là. On allait toucher des salaires et dormir au chaud ; les grâces du soir ne seraient pas de trop.

 

Walt s’était proposé pour aider le patron à décoincer je sais plus quoi. Ce qui fait que Mercy et moi, on s’est retrouvés seuls dans la cabane. Je me sentais de bonne humeur et j’avais l’impression qu’elle aussi. Tandis qu’on préparait le souper, j’ai surveillé toutes mes paroles pour ne pas briser ça. Elle a ajouté une bûche sous le feu, puis elle s’est assise à côté de moi. J’ai cherché quelque chose de gentil à dire.

— Tu sais, je te trouve… très jolie avec cette robe.

J’avais failli dire « plus jolie », mais je voulais pas laisser entendre qu’elle l’était pas avant. Très fier d’avoir évité ce piège, j’ai tendu la main pour saisir l’étoffe de sa manche entre deux doigts, pour souligner mon compliment. J’ai senti que j’affichais un sourire un peu niais quand le regard de Mercy l’a effacé d’un coup. C’était un regard fatigué et déçu. Résigné. Je comprenais pas ce qui se passait. Elle a tourné les yeux vers l’extérieur où il y avait rien qui bougeait, puis elle a soupiré. Enfin, mâchoires crispées, elle a porté les mains à son col et a commencé à défaire les boutons de sa robe.

J’étais tellement estomaqué que j’ai pas pu réagir avant qu’un des pans se rabatte en laissant apparaître sa gorge. Je débarquais pas complètement, j’avais déjà fricoté avec quelques filles de ferme et même couché avec une d’elles. Ces expériences m’avaient laissé de bons souvenirs. Pas inoubliables, mais quand même assez chouettes. Entre autres raisons parce qu’à chaque fois, les filles avaient choisi d’être avec moi — c’était plutôt elles qui menaient la danse, d’ailleurs. Ce soir-là, la vision de la peau brune de Mercy m’a fait l’effet d’une gifle. J’ai enfin retrouvé ma voix.

— Mais… qu’est-ce que tu fais ? j’ai réussi à articuler en détournant les yeux.

Elle a interrompu ses gestes et a levé un regard surpris, comme si elle avait oublié ma présence.

— Eh ben c’est pas ça que tu veux ?

— Non !

Ses bras sont retombés. Elle paraissait confuse. Je savais plus où me mettre. L’idée qu’elle ait pu déduire de mes paroles que j’exigeais ça d’elle, et qu’elle s’y sente obligée, ça me rendait malade. Et en même temps, je pensais bien que j’y étais pas pour grand-chose.

— Ah…, elle a fini par dire.

Le silence s’est étendu entre nous. Je n’osais plus lever les yeux. À ses petits mouvements, j’ai compris qu’elle se reboutonnait. Et qu’elle pleurait.

— Je suis désol…

— Tais-toi, elle a soufflé. S’il te plaît.

Je me suis tu. Dans mon ventre, la colère bouillonnait.

 

***

 

Mercy a mis deux jours à m’adresser de nouveau la parole. Ça avait rien à voir avec la méfiance hostile qu’on avait partagé au début. Elle avait honte. Je savais pas de quoi exactement, mais j’aurais bien voulu lui dire que c’était pas la peine. Je trouvais ça dégueulasse qu’elle ait ce poids à supporter. Les situations qu’elles avaient dû vivre et qui l’avaient amenée à croire qu’un compliment exigeait forcément des faveurs en retour, c’était déjà bien suffisant comme fardeau. J’ai fermé ma gueule, pourtant. Je sentais bien qu’elle aimerait pas que je remette ce sujet sur la table.

J’ai rien dit à Big Boy, non plus, malgré les questions muettes qu’il me lançait à longueur de journée. La vérité, c’est que j’avais peur de sa réaction. Vu l’état de colère dans lequel ça me mettait, j’imaginais que ce serait pareil pour lui. Et j’avais été témoin de ce qui pouvait arriver quand il voulait défendre quelqu’un. Après sa crise de panique, la fois où il avait été bloqué dans la cabane, je m’étais promis de le protéger de lui-même. Jusque là, on pouvait dire que je m’étais planté dans les grandes largeurs. Alors j’étais bien décidé à lui épargner les émotions fortes.

 

Le troisième matin à Paggle farm, juste avant de partir pour la maison faire sa dernière journée de lessive et de couture, Mercy s’est arrêté tout près de moi.

— Merci, elle m’a dit tout bas. Pour la robe et pour… Merci.

Elle a souri, d’un sourire franc et amical, puis elle est sortie de la cabane en levant bien haut le menton. Mon estomac s’est allégé d’un coup. Toute la journée, j’ai fait preuve d’un entrain qui m’était pas très habituel pour charrier mes pelletées de fumier. Ça devait être contagieux parce que le gros rire de Walt nous a accompagnés jusqu’au soir.

 

Le lendemain, ça s’est gâté. On est allés réclamer notre dû au patron et il a tordu un peu le nez. Pourtant, il nous a tendu à Walt et à moi la somme qu’on avait négociée. C’est quand il a été question de payer Mercy que j’ai compris pourquoi il était pas tranquille. C’est vrai que comme un imbécile, j’avais rien arrêté pour elle. Elle avait géré seule son embauche et je pensais qu’elle verrait ça avec la maîtresse de maison. Mais elle avait pas l’habitude, elle avait dû croire que les salaires étaient plus ou moins tacites pour les journaliers, en fonction de leur statut. Pour elle, femme, jeune et noire, il fallait pas s’attendre à des richesses. Ce que le proprio lui a laissé tomber dans la main, cependant, c’était carrément du vol.

— Allez, patron, vous plaisantez, j’ai d’abord dit en gardant le sourire. Y a à peine un jour d’ouvrage, là. Même en la payant mal.

Le gars a regardé ses pieds, puis il a lâché :

— Ma femme n’a pas été trop satisfaite de la qualité du travail. Elle va devoir reprendre pas mal de choses par elle-même. Et puis je ne m’étais engagé sur rien.

Du coin de l’œil, j’ai vu Mercy avancer d’un pas, les poings serrés. Elle était tout à fait capable de balancer au bonhomme des petits noms que j’aurais écoutés avec plaisir, même s’il y avait de fortes chances pour que ça arrange pas nos affaires. Pourtant, je l’ai fait taire d’un geste. Depuis quelques secondes, je sentais des picotements tout au long de mes bras, l’air se chargeait d’orage. J’ai inspiré un grand coup par le nez tout en me tournant vers Big Boy.

— Ça va, Walt, c’est pas la peine, j’ai murmuré entre mes dents. Je m’en occupe.

Bon Dieu qu’il semblait calme ! Je savais même pas dire si c’était bon signe ou si ça me faisait paniquer davantage.

J’ai respiré à fond encore une fois.

— Moi je pense que vous essayez de nous arnaquer, c’est pas plus compliqué que ça, j’ai dit au proprio en avançant d’un pas sur lui. Et ça, c’est pas joli. Vous allez vous présenter au temple, dimanche prochain, avec ça sur le cœur ?

Je tentais de lui mettre la pression sans paraître menaçant. Je ne voulais pas que ça dégénère, mais d’un autre côté, l’idée de partir sans notre dû me donner envie de casser quelque chose.

Mes oreilles ont commencé à bourdonner. Au-dessus de nous, les chevrons de la véranda ont émis des craquements. J’étais pas le seul que cette injustice remuait, apparemment. Le gars a arqué les sourcils, et puis il a attrapé quelque chose derrière la porte. Deux secondes après, il nous braquait avec un fusil.

— Je vous donnerai rien d’autre ! il a crié d’une voix tremblante. Foutez le camp !

J’ai saisi les manches de Walt et de Mercy et on a reculé tous les trois lentement. Tout en le surveillant, je jetais des coups d’œil au toit. Je m’attendais à le voir s’effondrer sur lui à tout moment. Finalement, les fourmis sont devenues plus légères, sans disparaître pour autant.

— Plus vite ! a crié l’homme en affermissant sa prise sur son arme. Dégagez !

Il semblait retrouver de l’assurance et pourtant, tout d’un coup, il a eu l’air très étonné. Il a viré au rouge, comme s’il luttait contre une force invisible. Le canon du fusil nous a lâchés pour pointer peu à peu vers le haut.

— On court ! j’ai hurlé.

On avait à peine tourné les talons que deux coups de feu ont tonné. On a aperçu le patron figé devant sa porte dans un nuage de poussière, la bouche grande ouverte et les yeux rivés au trou qui se découpait maintenant dans la toiture de sa véranda. Il y était sans doute encore quand on a rejoint la route à plus d’un mile de la maison.

Étrangement, cet évènement nous a rapprochés. La colère, la peur et le soulagement successifs avaient rendu Mercy bavarde. Du coup, elle revivait la scène en boucle avec de grands gestes et des expressions fleuries qu’elle devait pas tenir de sa Miss Helen.

— J’aurais bien aimé lui coller ma semelle dans le genou, à cet escroc-là ! Non, mais c’est pas des bonnes manières, ça, quand même ! Et puis j’ai très bien travaillé, elle raconte que des saletés, la patronne ! Cette espèce de grande gigue qu’on dirait qu’elle s’est assise sur un balai !

Comme ça semblait lui faire du bien, Walt et moi on s’est d’abord contentés de la laisser parler. Ma propre rage s’est évaporée petit à petit. Au bout d’une heure, Mercy a fait mine de donner une correction à l’homme, en envoyant des coups de poing dans les airs. J’ai pas pu m’empêcher d’éclater de rire, tout en craignant de la vexer. Mais après un instant de surprise, elle a ri elle aussi, et puis elle a recommencé son manège avec des mimiques encore plus exagérées. Sous le regard ravi et un peu étonné de Walt, je me tenais les côtes tandis que Mercy se déchaînait aux cris de « Tiens, c’est tout c’qu’y mérite, ce vaurien-là » et « Pam ! En plein dans l’œil ! » C’était vraiment très drôle. Je me rappelais pas avoir jamais autant ri. Ça allait devenir une habitude, pourtant.

Je crois que je riais aussi parce que rien n’indiquait qu’elle avait décelé le pouvoir de Walt. Qu’aurait-elle fait sinon ?

 

Le soir autour du feu, Mercy nous a dit :

— À la prochaine ville, je vais vendre ma robe et mes chaussures. Ça nous fera un peu d’argent en réserve.

J’ai échangé un regard avec Walt. En voyant son air serein — celui qui voulait dire « Tout va bien, Sam Carson, Dieu veille sur nous » ou quelque chose comme ça —, j’ai compris que j’étais tout seul sur ce coup-là.

— Mais non, Mercy, fais pas ça, j’ai dit. C’est presque sûr qu’on tombera encore sur des connards comme celui de Paggle farm, mais on s’en sortira bien. Tu y tiens à tes beaux habits, pas besoin de…

— Non, a coupé Mercy.

— Euh… non quoi ?

— J’y tiens plus vraiment, à ces frusques-là. Les chaussures me font mal aux pieds que c’est pas permis. Et puis la robe, elle peut se porter qu’avec un corset. Et je vous prie de croire qu’un corset, pour marcher ou pour de la lessive toute la journée, c’est pas Dieu possible ! Je sais pas qui a inventé ça, mais il a jamais fait de lessive !

— Mais l’autre fois…

— Y a pas de « mais », Sam Carson !

Voilà qu’elle se mettait à m’appeler par mon nom tout entier comme Walt, à présent. Celui-là, d’ailleurs, il en perdait pas une miette ; tout jouasse, il tournait la tête d’un côté puis de l’autre comme au spectacle, pendant que je me faisais pour ainsi dire taper sur les doigts.

— Je fais de la lessive, moi, et de la couture, et tout ce qu’il faudra d’autre pour gagner un salaire. C’est fini la grande maison et les journées assise aux pieds de Miss Helen…

La énième protestation que j’avais préparée m’est restée dans la gorge. Big Boy a perdu son sourire de crétin et il s’est redressé. Quant à Mercy, elle s’est mise à se tordre les doigts en baissant les yeux. Au bout d’un long silence gênant, j’ai fini par répéter :

— Assise aux pieds de Miss Helen ?

— Ben oui ! a aboyé Mercy. Si vous aviez déjà mis vos pattes de pouilleux dans une grande maison élégante comme Pierce Rock, ça vous étonnerait pas autant !

Ses vociférations ont résonné contre les blocs rocheux auxquels on était adossés, puis le silence est revenu, tendu, mais patient. Il fallait laisser à Mercy le temps de faire le chemin. La branche que je m’amusais à brûler en la plongeant dans les braises avait diminué de moitié quand elle a repris la parole d’une voix un peu plus grave que d’habitude.

— J’ai toujours vécu à Pierce Rock. Ma mère y était femme de chambre. Je sais pas trop qui était mon père. Quand je suis née, Miss Helen a dit à ma mère que j’étais la plus belle petite fille qu’elle avait jamais vue. Comme ma mère travaillait, elle me gardait avec elle tout le temps.

Mercy fixait le feu, mais c’était bien à nous qu’elle s’adressait. Elle voulait nous raconter son histoire. C’était comme un cadeau qu’elle nous faisait et je l’appréciais à sa juste valeur. Walt aussi, j’en étais certain.

— Ma mère est morte quand j’avais trois ans, d’une mauvaise maladie. Comme elle avait pris l’habitude, Miss Helen a voulu que je reste avec elle. Elle me donnait des robes, des poupées. Elle me coiffait parfois. Elle me présentait même à ses visiteurs. Elle m’habillait avec des beaux vêtements et elle me faisait asseoir à côté d’elle par terre. Je devais être bien sage et bien silencieuse. Elle me tapotait la tête de temps en temps ou bien elle caressait mes cheveux. Elle aimait beaucoup mes cheveux. Elle les trouvait « adorables » et « drôles »…

» Ça a continué comme ça très longtemps. J’ai dormi sur une banquette au pied de son lit jusqu’à… ce que je devienne une femme. Ensuite, j’ai eu ma propre chambre, à côté de la sienne. Quand elle avait pas besoin de m’avoir dans les pattes, je devais aller voir Bering, le majordome pour qu’il me donne de l’ouvrage. Mais je devais tout laisser tomber dès que Miss Helen m’appelait. Elle me coiffait encore, des fois, ou bien elle me demandait de la coiffer. Je crois que ma présence l’aidait à réfléchir. Elle m’expliquait tout ce qui se passait dans sa tête. Par contre, elle voulait pas que je lui donne mon avis, j’étais pas là pour ça.

» Y a à peu près trois ans, ça a changé. Elle avait moins souvent besoin de moi. Du coup, je travaillais un peu dans la maison. J’aimais bien d’ailleurs : coudre, aider la cuisinière, jardiner… J’ai appris plein de choses. J’allais aussi voir les chevaux, des fois.

Elle s’est tu quelques secondes, les yeux dans le vague, puis tout d’un coup, elle s’est redressée en nous regardant tour à tour.

— Et vous êtes arrivés et maintenant je suis là ! elle a lancé avec un grand sourire.

Le message était clair : pas de question, elle en avait dit assez.

On s’est réfugié dans notre abri de roche et on s’est couchés peu après.

Roulé en boule entre Walt et Mercy, j’ai retourné longtemps ce qu’elle avait raconté dans ma tête. Malgré l’apparente naïveté de son récit, je croyais pas un seul instant que Mercy ait aimé la relation tordue avec cette Miss Helen. Je voyais encore la crispation amère de sa figure pendant qu’elle parlait. Elle avait servi de poupée, voire de chiot à cette bonne femme, et elle en était bien consciente. Même si ça lui avait permis de survivre, c’était difficile à avouer.

Quelque chose me disait qu’elle avait gardé beaucoup de choses pour elle et que parmi ces choses, il y avait bien pire.

 

Dix jours plus tard, dans une ville des hauts plateaux, Mercy m’a confié les bottines, la robe à dentelle et le corset pour que j’aille les vendre à la boutique pour dames du coin. J’ai raconté une histoire sinistre à propos d’une grande sœur morte et de petits frères à nourrir. Je me suis même tiré des larmes. Mon bobard nous a rapporté trois beaux dollars. Mercy était ravie.

 

***

 

Le mois suivant m’a peu à peu convaincu que la route à trois était aussi sympa qu’à deux. Les embauches ne manquaient pas et les journaliers étaient peu nombreux. La plupart étaient restés dans les plaines du nord de l’état pour l’hiver et ils arriveraient dans la région au milieu du printemps. Bien sûr, c’était pas rose non plus : on se faisait parfois claquer la porte au nez à la minute où on présentait Mercy. Deux hommes blancs et une femme noire qui voyageaient ensemble, les gens avaient pas l’habitude et ils s’imaginaient des trucs tordus. Je sais pas lequel de nous trois en prenait le plus pour son grade dans leur esprit salace, mais ça devait leur donner des frissons d’excitation quand ils racontaient ça à leurs voisins, tiens ! Peu importait : mon baratin, la carrure de Big Boy et la qualité du travail de Mercy — elle s’était confectionné des échantillons pour montrer ce qu’elle savait faire — nous permettaient de manger à notre faim et de dormir à l’abri la plupart du temps.

Pour ce qui était de la marche, Mercy a rapidement prouvé qu’elle était pas un poids non plus. Avec les chaussures de Chrissie Wagner, sa robe qu’elle portait maintenant sans ceinture pour être plus libre de ses mouvements, elle avançait aussi vite que moi. Moins vite que Walt, évidemment, mais le géant avait déjà pris l’habitude de régler son pas sur le mien.

Mercy pouvait parler de l’aube au crépuscule sans reprendre son souffle. Elle commentait tout ce qu’elle voyait sur la route, nos journées de travail, les gens qu’on rencontrait, avec ses exclamations et ses grands gestes. Ce qui déclenchait le bon rire de cloche de Walt, et le mien aussi. D’autres jours, elle ouvrait pas la bouche et on insistait pas.

— Elle observe en dedans d’elle. Des fois ça fait du bien, me disait Walt avec un regard appuyé comme s’il me conseillait vivement de m’y mettre.

Justement, je préférais observer les hauts plateaux, les pitreries de Mercy et la grande silhouette de Walt que ce que j’avais à l’intérieur.

Ceci dit, à part les remarques de Walt dont je me serais bien passé, je trouvais que notre trio fonctionnait plutôt bien.

 

On avait appris l’existence d’une ferme importante qui embauchait pas mal près d’une ville nommée Rivebelle et on y était presque arrivés quand on a été pris sous une énorme averse. On s’est mis à courir, mais il y avait pas un seul bâtiment autour de nous. On a dû parcourir au petit trot presque trois miles pour apercevoir afin les premières constructions du ranch. On s’est rués à l’intérieur d’une petite grange sur le bord de la route, mais bien sûr, on était trempés comme des soupes. J’ai commencé à secouer ma veste en pestant quand j’ai vu Walt figé, la bouche ouverte, une manche encore passée à un bras et l’autre pendouillant dans le vide. J’ai suivi son regard. Devant la porte béante, Mercy essorait sa tresse. Elle avait enlevé son manteau et la toile ruisselante de sa robe se plaquait sur son ventre. Un ventre rond, tendu, qui donnait l’impression de pas lui appartenir tellement il se démarquait sur sa silhouette fine.

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!Brune!
Posté le 09/03/2023
Bonjour,
Encore un chapitre que j'ai découvert avec plaisir ! Avec les mots de Sam, tu décris tout en finesse la relation qui se noue entre les trois protagonistes, les blessures secrètes de Mercy, ses silences douloureux et ce ventre qui présume d'un passé tragique (mais qui annonce aussi la vie). C'est vraiment très réussi ; bravo !
Quelques bricoles de rien du tout :
"Je ne voulais pas que ça dégénère, mais l’idée de partir sans notre dû me donner envie de casser quelque chose." me donnait ;
"On a dû parcourir au petit trot presque trois miles pour apercevoir afin les premières constructions du ranch" enfin.
À bientôt !
Isapass
Posté le 16/03/2023
Hello !
Décidément, tes commentaires sont très encourageants. Je suis ravie que cette histoire continue à te plaire, et notamment les relations entre les personnages, puisque c'est ce qui m'intéresse le plus dans ce récit.
Merci pour les coquilles (moches !) et pour ton adorable retour.
A+
Akiria
Posté le 15/01/2023
Le trio fonctionne bien, il a bien raison. Sam et Mercy se rapprochent doucement.
Parfois et heureusement pour eux, ils font de bonnes rencontres. Les bons moments ne durent jamais trop longtemps juste le tps de les laisser respirer et bam les problèmes reprennent. C’est ce qui les rapprochera sûrement davantage.
Je trouve que le perso Sam évolue pas mal, il semble plus ouvert et compréhensif. Après il n’a que 15 ans mais à cet âge, vu l’époque et les conditions de vie, il peut être considéré comme adulte.
« On a dû parcourir au petit trot presque trois miles pour apercevoir afin les premières constructions du ranch » enfin les premières… ? Non ?

Je suis pas là mieux placée pour proposer ça lol mais j’aurais plutôt mis « de » au lieu de « sur sa silhouette fine.
Isapass
Posté le 19/01/2023
Contente de voir que l'histoire continue à te convaincre. C'est vrai que je ne leur laisse pas beaucoup de répit, à mes persos, mais sinon il n'y aurait pas d'histoire !
Je suis aussi ravie de voir que l'évolution de Sam est visible. Je pense quand même que ce sera un des sujets sur lesquels je devrai sérieusement me pencher en correction, mais si déjà tu vois qu'il évolue, c'est encourageant !
Merci pour la coquille afin/enfin, je vais corriger.
Merci pour ta lecture et ton retour ! J'espère que la suite te plaira.
Jowie
Posté le 09/10/2022
Sam qui essaie d'être sympa envers Mercy sans savoir comment s'y prendre, c'était drôle à lire ! Jusqu'à ce qu'elle interprète le fait qu'il la trouve jolie d'une autre manière... ce passage est super bien écrit d'ailleurs, tout est dit sans le dire, mais il met vraiment froid dans le dos. Pour qu'elle réagisse comme ça, elle a dû vivre des choses atroces :(
Déjà, être le jouet de Miss Helen, sans famille vers qui se tourner, ça doit pas mal traumatiser, mais comme Sam, je ne me doute pas que Mercy a passé plein de choses sous silence :(
En tout cas, c'est beau de voir qu'elle s'ouvre gentiment aux autres et qu'ils fonctionnent comme un trio en s'entraidant ! Une vraie team, quoi !
Quant à la fin, je ne l'ai pas vue venir ! Et moi qui croyais que la fin serait paisible, eh bien non, voilà que tu nous annonces de nouveaux ennuis ! Je ne doute pas que Sam et Walt s'occuperont d'elle, mais j'ai peur de voir comment elle sera traitée par les autres (elle ne pourra peut-être plus travailler) et surtout, d'apprendre comment tout cela est arrivé :(
Sinon, rien à redire, cette histoire est un vrai plaisir à lire, je me réjouis de découvrir la suite !
Bonne scribouille :) et à bientôt !
Isapass
Posté le 11/10/2022
Merci pour la scène du malentendu, je suis contente qu'elle plaise. En effet, tout est dans la suggestion, ce que j'ai du mal à faire. Là, je me suis forcée à supprimer toute la narration et les répliques qui étaient trop explicatives, pour faire plus confiance aux intuitions des lecteurices. C'est ce que je m'efforce de faire dans tout le roman, d'ailleurs.
Tu devines bien : sa "relation" tordue avec Miss Helen n'est pas la seule chose difficile que Mercy ait vécue. Et en effet, dans ce chapitre, Sam, Walt et Mercy commence à former une vraie équipe.
Pour ce qui est de la suite, tu as lu ces chapitres au bon moment : après une pause de presque un mois, je me suis enfin mise au chapitre suivant et il est presque fini.
Merci pour ta lecture et tes adorables commentaires !
LionneBlanche
Posté le 08/09/2022
C’est re-moi ! ^^

J’ai été contente pour les chaussures. Vraiment, quelle générosité ! Walt était fier de Sam, ça faisait plaisir à voir.
C’est vraiment chouette de les voir évoluer, eux et leur relation. Ils ont l’air si vrais ! Je passe de très bon moments, riches en émotions en lisant cette histoire. Elle fait beaucoup de bien.
Mercy n’était pas si heureuse que ça. Ils l’ont véritablement sauvée, même si elle a mis du temps à s’en rendre compte. Le changement, ça fait peur. Une jolie poupée qu’elle était, et en grandissant, elle a perdu la protection de sa Miss Helen. À mon avis, ce n’était pas la première fois qu’on la touchait quand ils sont intervenus. Son comportement le montre bien. En tout cas elle commence à s’ouvrir et à gouter à la liberté. C’est chouette. Par contre le vol ! Franchement ! Gr !
Elle n’a pas encore compris pour Walt, mais forcément, ça arrivera et j’ai peur de sa réaction.
Tu m’as tellement surprise avec le bébé ! Et hop ! Les ennuis sont de retour ! ^^
J’ai hâte de lire la suite et de voir comment ils vont s’en sortir.
À bientôt, Isa ! Et écris, surtout ! C’est super bien ! Pleins de ronrons ;)
Isapass
Posté le 09/09/2022
Mwooo ♥ ton retour me touche beaucoup, je suis ravie que tu aimes ta lecture et que tu trouves mes persos attachants. Quand je lis, c'est surtout pour avoir des émotions, bonnes ou mauvaises. Du coup, c'est aussi ce que je cherche à faire passer quand j'écris. Donc, je suis vraiment ravie si ça marche.
En effet, la vie de Mercy n'était pas très réjouissante, finalement. La question est de savoir ce qu'elle a perdu et ce qu'elle a gagné avec Sam et Walt.
"Elle n’a pas encore compris pour Walt, mais forcément, ça arrivera et j’ai peur de sa réaction." tu as raison, ça va évidemment arriver, héhé !
Quant à la dernière partie, ben oui, je n'allais pas les laisser dans une aussi bonne phase trop longtemps, sinon on s'ennuierait ;)
La suite, je dois avouer que je n'ai même pas commencé le prochain chapitre, pour cause d'IRL un peu compliquée. Mais en général, j'arrive à écrire un chapitre en deux ou trois jours. Il faut juste que je m'y mette XD
Quoi qu'il en soit, ta lecture express et tes adorables commentaires sont très encourageants et me donnent très envie de m'y jeter ! Merci beaucoup pour ton passage, j'espère que la suite sera à la hauteur !
Tac
Posté le 01/09/2022
Yo !
C'est le chapitre tout le monde tisse des liens et tout le monde est content. ça fait un peu épisode de série animée je trouve, si je pousse le bouchon de mon imaginaire et en appliquant les bons graphismes ! Y a un peu cette promesse inconscientes de "le monde n'est pas tout rose mais ça va bien se finir / ça va bien aller car on est toustes ensemble", je pense que c'est en ça que ça m'évoque cet univers-là. (oui j'ai mentionné précédemment que je suis fatigué, d'où le mix un brin inattendu xD )
J'ai quand même un point important à soulever : je trouve que Sam se focalise un peu trop sur Mercy. On a vraiment une vague d'infos sur elle et je me demande si tout est pertinent pour le moment, ou si c'est si cohérent que Sam y réfléchisse autant. Dans un sens il a pas grand chose auquel réfléchir et comme beaucoup de temps s'écoule, la narration est condensée, donc forcément c'est l'essentiel qui est retransmis. J'arrive pas à trop préciser ce qui me dérange, en tout cas j'ai une petite sensation de déséquilibre.
Et aussi je trouve que Sam ne fait vraiment pas ses 15 ans dans ce chapitre. Je le trouve très (trop ?) perspicace, et mature aussi, et ce dernier point me semble arriver trop vite par rapport à ce dont il a fait preuve au début du roman.
Un petit point que j'ai oublié de soulever au chapitre précédnet : c'est trop cool que Mercy prenne l'initiative d'aller travailler, et bim dans les dents le trope de la fille à sauver pas débrouillarde. Je trouve que ça marche du tonnerre avec la vision très restreinte de sam qui la voit comme une incompétente assistée, et j'ai trouvé ça jouissif et malin de ta part la scène où elle ramène son salaire. En plus avec l'amorce des odeurs de linge, bêtement j'ai cru qu'elle avait lavé leurs vêtements en mode "bon j'ai voulu me rendre utile mais je savais pas trop comment" , mais en fait c'était encore plus intelligent.
Plein de bisous !
Isapass
Posté le 03/09/2022
Oui, les liens commencent à se tisser, en effet. J'aurais aimé que ça se passe moins vite, mais je ne vois pas bien comment faire parce qu'il faut quand même que je fasse avancer l'intrigue. Or, pour ce qui se passe ensuite, il faut qu'ils soient un peu soudés, tous les trois. Mais peut-être que le changement est un peu trop radical. Il faudrait peut-être que je modère l'enthousiasme de Sam. Faire en sorte qu'il tolère Mercy plutôt que l'accepter complètement pour le moment. Je vais garder ça dans un coin de ma tête et voir ce que j'en fais en correction.
Ca résoudrait peut-être l'excès de maturité que tu as vu chez Sam, d'ailleurs (et dont tu n'es pas le premier à me parler). Ca aussi, je l'ai bien en tête et j'essaierai de travailler dessus.
Ton retour sur Mercy qui trouve du boulot me fait plaisir : j'avais peur que ce soit trop attendu. Elle aurait pu faire leur lessive (ça n'aurait pas été incohérent avec le personnage de Mercy ni avec son histoire), mais je pense que Sam et Walt n'auraient pas tellement apprécié (pour le coup, se faire servir n'est pas vraiment dans leurs habitudes ni dans leurs valeurs) et ça n'aurait pas du tout eu le même impact, au contraire. Je voulais montrer que Mercy est une battante, même si ce n'est pas forcément pour les bonnes raisons (puisque là, elle le fait surtout pour remettre Sam à sa place).
Enorme merci pour ta lecture express, tous tes commentaires et tes remarques très pertinentes ! Je compte sur toi pour me botter les fesses (voire me tenir la main) pour la suite :)

PS : tu sais que je pense à ton perso de JdR à chaque fois que j'écris "Mercy" ? XD
Tac
Posté le 03/09/2022
Alors si je puis me permettre, te tenir la main pendant que tu écris, ça ne va pas forcément t'aider car il me semble qu'on tape plus vite sur un clavier avec deux mains (pour nous qui y sommes habitué.es) :P
Avec plaisir pour la lecture ! Comme quoi, finalement, j'avais bien fait de pas lire avant, comme ça je peux te rebooster maintenant !

Huhuhu j'en suis fort honoré B)
Rachael
Posté le 31/08/2022
On (re)trouve un élément de burlesque dans la scène du réveil qui allège l’atmosphère. Là, Sam, il craque un petit peu pour Mercy, non ? Bon, mais dans la suite, ça se complique, avec la scène entre eux. Elle est très réussie, d’ailleurs, tout en retenue. Tu laisses le lecteur comprendre les choses sans avoir besoin d’expliquer.
Quant au passé de Mercy, là non plus tu n’en fais pas trop, on devine en effet qu’il reste bien des choses à apprendre de sa vie passée... surtout après le ventre rond de la fin, oh ma doué, ce cliffhanger ! (vivement la suite !!)
Mercy devient bavarde, mais cela reste un peu abstrait, tu ne nous en donnes pas d’extraits, je l'ai un peu regretté.
Concernant le style (j’ai lu le commentaire de Nothe) je suis allée revoir le début (chap 1). Alors oui, il y a probablement une différence dans les longueurs de phrases, mais elle n’est pas si frappante que ça... C’est plus dans la syntaxe et le vocabulaire utilisés (plus élaboré en chap 7 et 8) que j’ai senti une différence, mais là encore, ce n’est pas monstrueux. Je dirais que c’est quelque chose que tu pourras revoir facilement en relecture, sans laisser ça te perturber pour le moment. Et ce sera peut-être dans un sens ou dans l’autre, parce qu’il y a éventuellement un moyen terme à trouver entre un vocabulaire trop « simple » au début qui pourrait devenir répétitif et un vocabulaire plus complexe, par exemple.

Détails
"Je repensais à toutes ces fois où ses airs méprisants m’avaient fait sortir de mes gonds" : y a pas eu tant de fois que ça, si ? leur relation est quand même récente.
"Elle avait déjà trop subi, j’en étais sûr". Dans les chapitres précédents, il me semble qu’il la voyait plutôt comme une privilégiée qui a vécu une vie « facile », alors ce commentaire m’a surprise. Il prendrait tout son sens après la scène entre eux plutôt qu’avant.
Isapass
Posté le 01/09/2022
"Elle est très réussie, d’ailleurs, tout en retenue. Tu laisses le lecteur comprendre les choses sans avoir besoin d’expliquer." : merci ! C'est exactement ce que je te disais dans ma réponse précédente : j'ai tendance à en dire trop. Mais cette fois, je l'ai vu à temps et j'ai supprimé plein de répliques et de narration trop explicatives. Du coup, ça rend mieux. Ouf ! Et double "ouf" pour le récit de Mercy : je craignais que ce soit trop détaillé. Je pense quand même qu'il faudrait que je le reprenne pour lui donner une syntaxe plus "Mercy", mais peu importe, ce n'est que de la forme.

Je note ta remarque pour les exemples de bavardages de Mercy. Ceci dit, dans ma tête, Sam raconte l'histoire à quelqu'un, ce qui explique pourquoi je mets l'accent sur la narration et pourquoi je ne mets que peu de dialogues. Mais si ça donne l'impression d'y perdre quelque chose, je peux effectivement en mettre un peu plus.

En effet, les chapitres 7 et 8 (et même le 6) sont plus littéraires que ceux du début, mais comme je te disais, je vais continuer à poser ce premier jet et reprendre ensuite la syntaxe et les évolutions des persos.

Je note tes remarques de détails. Pour la seconde, je voulais justement montrer que l'apparition de Mercy dans sa robe toute simple frappait Sam et lui faisait réaliser qu'il s'était sans doute tromper sur toute la ligne à son propos. Il faudra que je fasse plus apparaître ça. Ou comme tu dis, que je déplace cette phrase après la scène du quiproquo.

Merci pour ta lecture et tes commentaires (et pour ton petit mot sur discord qui me disait que tu prenais plaisir à cette lecture ♥). Je n'ai pas commencé à écrire le chapitre suivant, mais je ne vais pas tarder !
Nothe
Posté le 21/08/2022
Salut Isapass ! Ca fait un très, très long moment que je n’ai rien commenté sur PA (je me suis refait un compte tout exprès), j’espère ne pas dire de bêtises, et en plus je viens de découvrir que lorsqu’on était inactifs pendant trop de temps sur le site, il te déconnectait subrepticement, alors j’ai perdu tout mon commentaire précédent… Je vais essayer de le retaper, mais du coup j’espère être aussi clair qu’au premier essai ! :p
Bref ! Tout ça pour dire que ton histoire m’a vraiment tapé dans l’œil, je suis vraiment très fan ! Je me suis réinscrit l y a quelques jours, j’ai un peu regardé ce qu’il se faisait récemment et j’ai vraiment flashé sur ton récit. Ca m’a d’ailleurs un peu étonné au début, parce qu’habituellement je ne me dirige pas vers des fictions ancrées dans le réel, mais le style était si percutant dès les premières lignes que j’ai tout lu d’une traite ou presque ! Tu as vraiment trouvé la manière parfaite d’écrire un discours familier qui paraisse naturel sans tomber dans le vaudeville ou le familier hyper théâtral, et je trouve que la fluidité de la narration saute immédiatement aux yeux. J’ai d’ailleurs réalisé en écrivant mon premier commentaire que c’était également un très bon exemple de narration à la première personne ! J’ai d’habitude beaucoup de mal avec ce type de narration parce que l’auteur.e tombe souvent dans un style plus ampoulé ou explicatif, qui convient à un texte à la troisième personne, mais moins à une narration hyper subjective en FPS qui veut se donner l’illusion d’un flot de pensées. Je sais que dans ces cas-là, ça me sort immédiatement du bouquin, et j’ai beaucoup de mal à m’y replonger, mais là je ne me suis jamais posé la question ! Sam n’explique jamais trop ouvertement les choses, et le lecteur doit prendre le train en marche, mais en même temps l’action s’enchaîne avec tellement de simplicité que c’est quasi impossible d’être perdu. On ne sait que ce qu’on doit/peut savoir, et le reste on peut le deviner : pas besoin que Sam nous raconte tout. Un moment qui me vient en tête par exemple, c’est lorsque Sam parle de Mercy et dit quelque chose comme « on ne peut pas l’emmener avec nous : elle est noire ». Il ne se jette pas immédiatement sur l’occasion pour expliquer au lecteur (qui n’est pas censé exister du coup !) *pourquoi* ce serait une mauvaise idée. Pour lui, c’est évident, et du coup, il ne passe pas mille ans dessus. C’est très bien fait ! Je pense que la seule fois où j’ai un peu tiqué, c’est pendant la scène du rêve de Walter, où Sam surprend un dialogue plus clair que les autres : je trouve que le dialogue à ce moment-là, surtout la phrase du Directeur, est un peu trop claire, et ça se sent que c’est à l’attention du lecteur pour qu’il comprenne ce que Walter a pu subir. Je ne sais pas si c’est très nécessaire à ce moment-là, surtout que Walter discute de son passé avec Sam quelques paragraphes plus tard. Je pense que tu pourrais t’autoriser à être un peu plus cryptique à ce moment-là, ça pourrait peut-être même garder une certaine tension jusqu’à l’éclaircissement de Walter, un mystère ? Mais c’est un avis hyper subjectif bien sûr !
D’ailleurs, en parlant de tension, tu gères tellement bien les fins de chapitre, tu fais des cliffhangers de fou ! Je pense que celui du chapitre un était le plus marquant pour moi, surtout parce que je ne m’attendais pas à une bascule dans le fantastique, mais c’est vraiment ce moment qui m’a fait me dire « ok, je suis harponné » (j’ai même arrêté de lire à ce moment-là pour dire aux amis avec qui j’étais que c’était vachement bien ahah). Ca a l’air bête dit comme ça mais en vrai c’est une vraie force d’à ce point savoir donner envie de tourner les pages, et c’est très évident dans ton texte ! Même ce chapitre huit en est la preuve !
Un dernier point sur lequel j’aimerais revenir, c’est le style que tu utilises. D’après ce que j’ai compris, ça fait un moment que tu écris cette histoire et tu as du mal à retrouver le style des premiers chapitres ? C’est vrai qu’on sent l’évolution de la narration, surtout dans le chapitre sept, tu utilises beaucoup plus d’adjectifs, les phrases sont plus longues, plus littéraires (il y a même plus de ponctuation). On retrouve moins ce côté abrupt et sans exclamations des premiers chapitres. C’est un style qui se lit très bien, qui est encore très impeccable, mais c’est vrai que l’ambiance s’en retrouve changée. J’ai pas de conseils particuliers à donner sans une bêta lecture hyper poussée (qui n’est sûrement pas voulue ni nécessaire à ce stade), mais par contre j’espère sincèrement que ça ne te bloque pas dans l’écriture des prochains chapitres, parce que je suis vraiment hypé et j’ai super hâte de lire la suite ! Ce qui est bien avec les soucis stylistiques, c’est qu’ils peuvent facilement être corrigés plus tard, donc ce n’est pas grave. L’histoire n’en pâtit pas, et c’est toujours très prenant à lire !
Bref ! Tout ça pour dire que je suis fan ahah ! Je suis content de voir qu’il y a encore de vraies bonnes découvertes sur PA :D Je vais mettre cette histoire dans mes favoris et attendre impatiemment le chapitre neuf ! Bon courage pour la suite !!
Isapass
Posté le 23/08/2022
Salut Nothe !
Je suis flattée que tu aies rouvert un compte PA pour me commenter ! Flattée aussi par ton commentaire plus qu'encourageant.
Ah oui, j'ai pris l'habitude de copier mes messages pour le cas où le site me déconnecte inopinément. Mais dans le cas où ça t'arrive, il est possible de ne pas perdre ton commentaire : si tu as une popup qui te dit que tu dois être connecté au moment où tu le soumets, vas sur connexion, identifie-toi, valide, puis reviens en arrière 2 fois jusqu'à la page du commentaire et rafraichis. En principe, le site va te proposer de resoumettre le formulaire et tu peux retrouver la fenêtre de saisie avec ton commentaire encore présent. Voilà pour la technique ;)
Pour ce qui est du reste, c'est très bon signe que tu aies lu tout le récit d'une traite jusqu'ici :) Comme tu as pu le voir, ce n'est pas tout à fait ancré dans le réel mais c'est vrai que le fantastique est assez peu présent dans ces 8 premiers chapitres. Je suis toujours plus intéressée par le développement des personnages et de leurs relations que par le worldbuilding. J'ai une saga fantasy à mon actif, mais je ne suis pas sûre que l'univers soit son point fort non plus. Ici, l'idée de départ était de rester très floue sur l'époque et l'univers, quitte même à semer des indices pouvant laisser croire que ce n'était pas dans notre monde. Mais comme l'inspiration est quand même très "USA début 20ème siècle" et que je m'appuie sur des références plus ou moins universelles pour éviter les descriptions trop précises, je me suis aperçue que finalement, ça troublait le lecteur plus qu'autre chose. Du coup, je suis revenue dans notre monde, j'ai choisi une date sur laquelle me fixer (même si je ne l'évoque pas) et j'essaie de m'y tenir (en faisant le minimum de recherches).
Le langage oral pour la narration, c'est venu tout seul quand j'ai commencé à écrire, sans doute à cause de l'origine modeste de mon narrateur et parce que je voulais qu'on soit tout de suite immergé. C'était un pari un peu casse-gueule, mais ça semble avoir fonctionné. La première personne en revanche c'était un vrai choix. Plutôt un choix technique d'ailleurs : je voulais m'y essayer et je voulais aussi m'efforcer de travailler sur le "show don't tell" en évitant les explications et les trop longues introspections dans lesquelles j'ai souvent tendance à me perdre. Avec une narration à la première personne, à moins d'avoir un narrateur friand de psychologie ou complètement autocentré, les introspections ne sont pas naturelles du tout. Du coup, ça me permet d'avoir un garde-fou. Et puis comme j'ai trouvé la "voix" du personnage assez facilement, ça m'a bien plu.
Je l'ai un peu perdue, cette voix, d'ailleurs : les derniers chapitres sont plus littéraires (ce qui est mon style habituel : j'aime les longues phrases et les grands mots XD), comme tu l'as remarqué. Mais comme tu dis, je préfère avancer dans le récit et je retravaillerai ça ensuite.
Ca me fait plaisir que tu trouves que ça sonne juste en tout cas.
Ca me rassure aussi si tu trouves que je n'en dis pas trop. J'ai toujours un peu de mal à faire confiance au lecteur pour comprendre ce qu'il y a à comprendre. Ici, je lutte donc contre ma nature et là encore, c'est un très bon exercice !
Et tu as raison : je vois tout à fait de quoi tu parles quand tu dis que c'est un peu raté dans la scène où Walt parle dans son sommeil. Je n'en étais d'ailleurs pas très satisfaite. Mais je sais que je n'exploite pas cet arc-là comme il faut. Ca fait partie des choses qu'il faudra que je retravaille en correction. Pour être tout à fait honnête, même si je travaille maintenant avec un plan (j'écrivais au fil de la plume jusqu'au chapitre 5), il n'est pas très détaillé et comporte encore des flous.
Ah ah ! Mes fins de chapitres... Ca fait partie de mes côtés un peu sadiques. Ca et le fait que je me sente obligée de tuer un cheval dans tout mes romans (inconsciemment, en plus...) ce qui me vaut pas mal de reproches XD. J'adore l'idée que les gens qui me lisent aient envie de tuer pour avoir le chapitre suivant ;P Donc, oui, je soigne mes cliffhangers. Et encore, là je fais soft, mais dans les Princes liés (ma saga fantasy) j'ai misé plusieurs fois sur le gros scoop qui change tout, balancé dans les dernières lignes. Je ne peux pas m'empêcher, c'est plus fort que moi ! Mais comme ça semble fonctionner (ton commentaire me le confirme ;) ), je crois que je vais continuer !

Merci beaucoup pour ta lecture et ton commentaire boostant ! Pour ce qui est de la suite, je vais tenter de ne pas trop tarder mais j'ai un rythme d'écriture assez lent en ce moment. Ceci dit, après une interruption d'un an, je suis déjà ravie de m'y être remise. J'espère que je n'impatienterai pas trop les plumes qui ont la gentillesse de me suivre !
Merci encore !
A+
Sorryf
Posté le 15/08/2022
Oh Mercy ;_;
La scene du malentendu est excellente, tellement triste et pas de leur faute :( puis le silence de Mercy parce qu'elle a honte... Mais ensuite, quel plaisir de la voir s'ouvrir enfin aux autres, devenir bavarde et plus joyeuse et même se confier! Trop émouvant !
Si je peux pinailler, j'aurais même aimé en lire plus sur son changement de caractère, surtout la surprise de ses compagnons de voyage quand elle se met a bavarder pour la première fois... Ce que tu as écrit est suffisant mais si t'avais envie de détailler plus, pour moi ce serait bienvenu <3
J'aime tellement ton trio je te jure ! Je répète ca a chaque chapitre lol! J'ai envie de rouvrir les crayons PAens juste pour les dessiner *v*
Miss Helen est vraiment une personne complètement tordue (ou le fruit logique d'un monde complètement tordu) j'espère qu'elle va pas vouloir récupérer sa jolie poupée.

Les dernières lignes de ton chapitre laissent prévoir de sacrées complications :O
Isapass
Posté le 16/08/2022
Ah oui, la scène du malentendu, je voulais en effet la rendre émouvante. J'ai d'ailleurs supprimé pas mal d'introspection et de lignes de dialogue (ce que j'ai beaucoup de mal à faire d'habitude), pour laisser plus de place au silence et à l'interprétation des lecteurices. Je pense que ça marche mieux. #autricetropbavarde
Je note ta remarque, elle est très intéressante. C'est vrai que Sam et Walt pourraient montrer plus de surprise face aux premiers bavardages de Mercy. Ca rendrait l'évolution plus progressive et ce serait mieux, tu as raison !
Ecoute, si tu as de très grosses envies de dessins, c'est pas moi qui vais te freiner, hein XD Plus sérieusement, je suis ravie que tu aimes mon trio. Je commence à beaucoup les aimer aussi (ça m'aide à me remettre des Princes Liés, d'ailleurs XD).
Miss Helen est tordue, oui, ou comme tu dis, elle vient d'un système tordu. Est-ce qu'elle va chercher à récupérer Mercy ? Evidemment, je ne répondrai pas à cette question ;P
La fin du chapitre... en effet, ça risque de ne pas leur faciliter la vie... du tout !
Merci pour tes super retours et pour être fidèle au rendez-vous ! ♥
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