Chapitre 7 - Oriana - Destinée

- J’ai été élevé par mon père, commença Fabien. Quand j’étais tout petit, il m’a mis au…

Il chercha ses mots. Comment disait-on ça déjà en français ?

- Le lieu où on amène beaucoup d’enfants pendant que les parents travaillent, périphrasa-t-il.

Gentiment, Oriana proposa :

- Crèche ?

Il secoua la tête. Non, pas exactement. Il y avait un autre terme pour ça.

- Jardin d’enfants ? continua Oriana.

- Oui, jardin d’enfants, confirma Fabien. La première année s’est bien passée. J’étais un enfant facile. Il m’a inscrit pour l’année suivante. J’étais très sociable. J’allais facilement vers les autres enfants pour jouer. J’aimais bien découvrir de nouvelles têtes alors j’étais aux anges. Je suis allé vers un petit garçon et on a commencé à jouer. Pas ensemble, pas vraiment, à deux ans, les enfants jouent au même jeu, au même endroit, mais sans réelles interactions. C’est plus de l’imitation et les balbutiements de la sociabilisation.

Oriana hocha la tête.

- À un moment, nous avons voulu le même jouet en même temps alors nos mains se sont touchées et il…

Fabien dut faire un effort pour garder contenance.

- Il a disparu.

- Disparu ? Comment ça ? demanda Oriana.

- Pouf ! Redevenu poussière. Il ne restait que ses petits vêtement sur le sol. Je venais de toucher un enfant et de le faire disparaître. Un petit garçon adorable. Je n’ai pas pleuré. Je n’ai pas appelé. Je me suis éloigné et j’ai joué tout seul, dans mon coin. Je me suis renfermé sur moi-même, n’osant plus m’approcher des autres.

- Tu m’étonnes ! C’est hyper traumatisant.

- La disparition de l’enfant n’est évidemment pas passé inaperçue mais personne n’aurait accusé un de ses camarades. C’était ridicule. Ils ont pensé à un enlèvement. Mon père a constaté mon changement d’attitude et il m’a interrogé sur l’un de mes dessins. J’ai expliqué, avec mes mots d’enfant, ce qui s’était passé. Il m’a retiré du jardin d’enfants et nous sommes partis, loin de la civilisation, dans les montagnes. Je suis russe, précisa Fabien. Il y a de nombreuses zones naturelles là-bas. On peut marcher des mois sans rencontrer personne. Mon père m’a élevé seul. Il m’a appris tout ce qu’il savait. Comment survivre en milieu naturel mais aussi comment échapper à la surveillance et à la toute puissance numérique. Comment passer entre les mailles du filet. Il m’a appris à utiliser ça, dit Fabien en sortant une puce de sa poche, la meilleure arme en ce monde.

Oriana sourit doucement. Elle semblait comprendre.

- Il m’a obligé à apprendre d’autres langues que le russe. Je portais un traducteur si bien que les mots de mon père m’arrivaient dans une autre langue et si je parlais russe, mon père ne comprenait pas car son traducteur lui envoyait des sons modifiés. J’ai appris douze langues.

- Ouah ! s’exclama Oriana impressionnée. Tu parles bien le français.

- Je te remercie, dit Fabien. J’ai appris à lire sur les lèvres mais mon père refusait obstinément de m’apprendre le maniement des armes à feu, dont il se servait pourtant souvent. Un jour, je me suis rebellé. Je n’étais plus un petit garçon. J’étais un adolescent, presque un homme. Je voulais qu’il me voit pour ce que j’étais. J’ai exigé qu’il m’apprenne. Il a souri et il m’a dit : « Tu es prêt ».

- Prêt à quoi ? demanda Oriana.

- « À embrasser ta destinée », répondit Fabien.

- Ta destinée ? s’exclama Oriana.

- Il m’a expliqué qu’il n’était pas mon père biologique, que j’avais été crée dans un laboratoire.

Oriana frémit et blêmit. Avait-elle devant elle une création de Baptiste ?

- Des scientifiques avaient eu accès à un être génétiquement amélioré par nos ennemis. En l’étudiant, ils ont appris énormément et ont pu réutiliser ce savoir pour me créer.

Oriana comprit son erreur. Fabien n’avait pas été crée par Baptiste mais par ses adversaires, ceux-là même dont le Diable tentait de la protéger, ceux qui n’hésiteraient pas à la couper en petits morceaux pour en tirer un maximum de connaissances. Oriana eut soudain très peur. Son cœur s’emballa et elle respira doucement pour tenter de se calmer. Toute son âme appela Baptiste à l’aide. Si cet homme apprenait ce qu’elle était, que ferait-il ?

- Je suis une arme vivante, dit Fabien et son visage se couvrit de tristesse. Je n’ai pas besoin d’une arme à feu. Le temps que je la sorte, mon adversaire est déjà sur moi. Ça ne me servirait à rien. Mes mains sont bien plus dangereuses.

- Quand tu m’as caressé le visage sous l’eau, j’ai senti… des petites piqûres, confirma Oriana.

- Je libère une… je ne sais pas, je l’appelle toxine mais j’ignore ce que c’est exactement. Je ne suis pas scientifique, admit Fabien. Ce que je sais, c’est que ça les tue, en un claquement de doigts sans affecter les êtres humains. Je suis l’arme ultime contre eux.

Ils les opposaient aux êtres humains, tout comme l’IA dans la navette.

- J’ai sauté de joie en l’apprenant. J’ai dit à mon père à quel point j’étais heureux de pouvoir me battre. Il m’a refroidi instantanément. Je ne devais surtout pas lutter.

- Pourquoi ? demanda Oriana.

- Parce que je suis seul, dit Fabien. Un être humain unique n’est rien. Nous ne sommes puissants que par le nombre. Les scientifiques avaient volontairement crées un garçon afin qu’il puisse féconder le plus de femmes possibles et transmettre le gène.

- Ta destinée est… de te reproduire ? comprit Oriana qui trouva cela horrible.

- Mon père m’a donné un immense paquet de fric. Je n’en avais jamais vu autant. Il m’a donné des papiers d’identité et il m’a dit : « Tu es riche maintenant. Amuse-toi. Va dans toutes les fêtes et baise, autant que tu le peux, toutes les femmes du monde et mets-les en cloque. »

Oriana grimaça. Baiser par envie oui mais sur ordre ! Quelle horreur !

- Au début, j’ai trouvé ça sympa, admit Fabien. J’ai fait la fête. J’ai dragué. J’étais charmant.

Oriana devait admettre que son interlocuteur était mignon. Rien à voir avec Baptiste : le blond contre le brun, les yeux bleus contre les yeux marrons, un corps musclé contre un corps fin. L’un n’avait rien à envier à l’autre. Deux corps différents, deux personnalités différentes, incomparables dans leur différences.

- De nombreuses femmes ont accepté mais… il y avait un petit souci, admit Fabien.

- Lequel ? demanda Oriana.

- Elles avaient un moyen de contraception. Toutes, précisa Fabien. Je ne baisais pas pour le plaisir mais pour me reproduire alors j’ai fini par refuser celles ne pouvant enfanter et rapidement, il n’y eut plus personne.

Fabien fit une pause puis reprit :

- Je devais remplir ma mission, d’une façon ou d’une autre. Il fallait peupler le monde d’armes vivantes. C’était mon objectif, ma destinée. Alors, j’ai commencé à… violer des femmes.

Oriana pâlit.

- J’ai utilisé les réseaux sociaux pour les débusquer. Trouver les jeunes adolescentes fertiles mais pas encore actives sexuellement et donc pas sous contraceptif. Je violais vite et je disparaissais, aussi vite.

Oriana tremblait devant cette terrible confession.

- J’ai agressé tellement de femmes que je ne saurais même pas dire le nombre. Il y en avait parfois dix par jour. Je les traquais sur Internet. C’était si facile. Je prenais celles qui se vantaient de refuser la pilule et de préférer des méthodes plus naturelles de suivi de son corps, ne baisant pas les jours de fertilité, dont elles annonçaient le début sur leur groupe de discussion. Je fondais sur elle avant de disparaître. Je suppose que la police me cherche. Ou pas. Je ne sais pas. Je n’ai jamais été inquiété, jamais poursuivi, jamais interrogé.

- Tu frappais au hasard. Il n’y avait pas de logique. Personne n’a fait le lien avec l’absence de contraception.

- Il faut croire, dit Fabien. Ceci dit, je n’ai pas baisé que sous contrainte. J’ai aussi dragué via des sites de rencontre. J’ai promis à des filles que je prenais un contraceptif masculin ou je mettais des préservatifs que je perçais moi-même.

- Tu n’as pas attrapé de maladie ?

- Étonnamment, non, répondit-il.

S’il ne baisait que des vierges ou des femmes prenant bien soin de leur corps, cela se tenait.

- J’ai agi de cette manière pendant quatre… peut-être cinq ans. Je ne sais pas. Je ne comptais plus. J’étais devenu un prédateur pour ma propre espèce. Je traquais, je chassais, je prenais et je repartais, satisfait. Quel imbécile !

Oriana ne répondit rien. Elle le prenait autant en pitié que ses victimes.

- On ne devrait jamais utiliser les méthodes du mal contre lui. Il faut rester pur sans quoi, on devient ce qu’on abhorre.

Oriana n’afficha qu’une mine triste. Elle ne pouvait s’opposer à cet argument et en même temps, il n’avait fait que suivre les volontés de son père. Tout le monde veut rendre ses parents fiers.

- Un jour, j’ai rencontré une femme via un site de rencontre et… je suis tombé amoureux. J’ai refusé obstinément de baiser, repoussant ce moment le plus possible et plus j’agissais ainsi, plus elle me trouvait craquant, charmant, à l’écoute. Elle me répétait qu’elle n’avait jamais rencontré un homme aussi compréhensif et patient. Je violais dix femmes par jour et elle me couvrait de compliments. Quelle vie de merde !

Oriana plaignit sincèrement le pauvre homme. Cette double vie avait dû être abominable à tenir.

- Nous avons emménagé ensemble et avons fini par faire l’amour, oui, faire l’amour, pas baiser. C’était tendre, doux et sans attendu. Nous nous sommes mariés. Je ne travaillais pas. Elle gagnait suffisamment pour nous deux. J’étais homme au foyer. La journée, je recrutais des femmes pour porter mes enfants que je payais grassement pour ne poser aucune question. Elles promettaient n’avoir que moi comme partenaire sexuel et dès le test de grossesse positif, devaient prendre un avion et partir loin, sans obligation de garder l’enfant après la naissance. J’en ai payé une bonne centaine, grâce à l’argent de ma femme car le pactole fourni par mon père était maintenant vide.

Si son épouse avait su, elle aurait sûrement été dégoûtée.

- Et puis c’est arrivé : ma femme est tombée enceinte. Nous étions ravis. Enfin un enfant que je pourrai tenir dans mes bras, élever, voir grandir. J’étais aux anges !

Oriana l’imagina facilement.

- Au quatrième mois, elle a commencé à avoir très mal au ventre. Nous sommes allés à l’hôpital mais les médecins ne trouvaient pas. Ma femme souffrait de plus en plus. Elle a fini par prendre son téléphone en m’expliquant qu’elle contactait un médecin à son travail, qu’ils étaient compétents, eux, au moins. Un homme en blouse blanche est arrivé et naturellement, nous nous sommes serrés la main.

Il fit une pause.

- Il a disparu en poussière.

- Comme le petit garçon au jardin d’enfants, comprit Oriana.

- Je suis resté figé de stupeur. La réaction de ma femme m’a encore plus surprise. Elle m’a murmuré : « Comment peux-tu tuer l’un d’eux juste en le touchant ? ». L’un d’eux, répéta Fabien. Elle savait. Elle connaissait sa nature. Je n’en revenais pas. Ce type était censé être un médecin de son travail. Cela signifiait qu’elle travaillait pour eux faisant d’elle mon ennemi, ma propre épouse !

Oriana grimaça. Quelle situation horrible !

- Elle m’a envoyé un sourire complet puis m’a demandé : « Tu peux refaire ça ? » d’un regard réjoui. J’ai hoché la tête. Elle a pris les choses en main. Elle m’a dit qu’il fallait s’en aller et vite. Malgré la douleur, elle s’est levée, habillée et nous sommes sortis de l’hôpital. Elle m’a emmené dans les égouts « pour passer inaperçu » m’a-t-elle précisé. Elle connaissait les trucs. Je découvrais une inconnue. Où se trouvait la femme douce et vulnérable que j’avais épousé ?

Fabien cachait sa double vie et son épouse aussi. Ce couple surprenait, en effet.

- Elle m’a fait entrer dans un bunker, comme celui où je t’ai amenée. Elle m’a tout appris, complétant mes manques et il y en avait tellement. Elle m’a expliqué être une sherva.

- Sherva ? répéta Oriana.

- Ce sont des humains que les Vampires payent pour les repérer dans la population.

Vampire ? répéta Oriana. Quoi ? Abasourdie, elle eut toutes les peines du monde à suivre la suite de sa narration.

- Les Vampires leur expliquent tout, toute la vérité, sans mensonge ni omission, puis ils les engagent. Les sherva ont toutes les ressources humaines à leur disposition – ça signifie un compte en banque professionnel illimité - avec pour unique mission : débusquer les Vampires cachés dans la population.

Oriana devait faire une tête de poisson car Fabien annonça :

- Moi non plus je n’ai pas compris. Après tout, pourquoi faire cela ? Pourquoi payer des humains pour les traquer ? Ça n’avait pas de sens. Elle m’a raconté sa formation sans rien omettre. J’ai compris que les tueurs de Vampires étaient loin de la vérité. Tout ce que mon père m’avait expliqué n’était que le haut de l’iceberg. La vérité était bien plus terrible. Elle a fini par raconter le clou de la formation, le moment où les Vampires s’assurent de la soumission des sherva en les forçant à accepter une morsure. Ces salopards les mettent à genoux. S’ils s’opposent à la morsure, ils se font tuer ! Alicia a été la seule survivante de son groupe, la seule ! Elle a vu tous les autres mourir ! J’ai compris qu’ils l’avaient brisée et soudain, j’ai eu peur, qu’elle les prévienne, qu’elle me dénonce. Et puis, j’ai pensé : « Qu’ils viennent. Je les attends. Mes mains en tueront pas mal avant qu’ils ne parviennent à planter leurs dents dans ma gorge ».

Leurs dents, répéta Oriana dans sa tête. Elle revit le baiser mortel de Baptiste. C’était cela ! Il l’avait mordue. Il avait bu son sang et de son goût, en avait déduit son anémie. Il n’avait pas besoin de matériel technologique. Ses papilles surpassaient tous les capteurs électroniques. Oriana serra son bras contre elle en gémissant.

- Oriana, ça va ? demanda Fabien inquiet.

Elle hocha doucement la tête. L’univers se retournait. Tout prenait sens en détruisant le mensonge précédent. Le choc était rude.

- Qu’est-ce qu’il y a ? s’enquit-il.

- Il m’a mordue, gémit Oriana.

- Baptiste ? s’étrangla Fabien. Tu as été mordue par un Vampire vieux de quatre cent mille ans ! Ben ça doit pas faire du bien !

Quatre cent mille ans, répéta Oriana. Son personnel ne mentait pas. Baptiste n’avait jamais menti. Il n’avait jamais confirmé être le Diable. Il utilisait cette métaphore et en jouait pour ne pas dévoiler la vérité. Baptiste qui était homosexuel et couchait avec elle. Il ne le faisait pas par envie. Peut-être même cela le révulsait-il. Il le faisait pour la combler, l’obligeant à monter elle-même les barreaux de sa propre prison. Il avait échoué et devait s’en mordre les doigts.

Fabien essuya une larme sur la joue d’Oriana. Il restait très silencieux, ne comprenant visiblement pas la réaction de son interlocutrice. Au bout d’un moment, il finit par dire :

- Tu ne le savais pas… que tes poursuivants étaient des Vampires.

Oriana acquiesça en sanglotant.

- Je suis désolé, poursuivit-il. Si je l’avais su, je l’aurais annoncé différemment. Qui pensais-tu qu’ils étaient ?

- De riches fous !

- Ils sont riches et fous, alors tu avais raison.

La remarque arracha un sourire à Oriana.

- Tu as réussi à leur échapper sans savoir ce qu’ils sont ? s’étonna Fabien. Ben t’as eu sacrément de la chance.

Oriana ricana.

- J’ai réussi à leur échapper momentanément. Il m’a retrouvée, fit-elle remarquer.

- Et sans mon intervention, tu l’aurais rejoint.

Oriana frémit à ce souvenir. Il avait raison. Elle s’apprêtait à prendre la main du Diable – non, du Vampire.

- Baptiste n’arrête pas de dire que son frère se prend pour Dieu, dit Oriana.

- De ce que j’en sais, non, la contra Fabien. Il est vénéré comme un Dieu…

- Mais déteste ça, dirent-ils en même temps.

Ils sourirent.

- Nos versions correspondent, continua Fabien.

- Est-il un dieu ? demanda Oriana.

- Oui, répondit Fabien sans détour.

Oriana resta muette de stupéfaction à cette annonce.

- À mes yeux, oui, précisa Fabien.

- Tu le vénères ?

- Non, répondit-il immédiatement.

- C’est un dieu mais tu ne le vénères pas.

- Non, je lutte contre lui.

- Contre un dieu ? T’es malade ?

- Non. C’est un Vampire. Il meurt si je pose ma main sur lui, comme tous les autres. Un simple contact et c’est fini. J’ai déjà réussi à l’approcher mais le toucher, non. Il se protège admirablement bien.

- Pourquoi dis-tu que c’est un dieu ?

- Parce que c’est vrai, selon ma vision des choses. Vois-tu, à mes yeux, est un dieu n’importe quoi – de réel ou d’imaginaire, de tangible ou sans forme – se faisant considérer en temps que tel de manière libre et consenti par n’importe quoi. Les initiés vénèrent Chris tel un dieu. Ils le font sans y être forcés, juste parce qu’ils ont entendu une histoire et ont décidé, de leur avis – et crois-moi, Chris préférerait qu’il en soit autrement – de le déifier puis de le vénérer. De ce fait, c’est un dieu, qu’il le veuille ou non n’y change rien.

- Pourquoi ne veut-il pas de ce rôle ? demanda Oriana.

- Imagine qu’un jour, tu parviennes à communiquer avec des fourmis et qu’elles se plaignent de t’avoir fait des offrandes, d’avoir sacrifié des sœurs en ton nom et que tu n’aies rien fait pour elles. Imagine qu’elles t’expliquent avoir mal conçu leur fourmilière, que les conduits sont trop petits par exemple, et attendent de toi que tu résolves le problème.

- Je les enverrai paître ! répliqua Oriana. J’en ai rien à foutre de leur souci. Je ne leur ai rien demandé.

- Voilà, tu comprends.

- Les fourmis, c’est nous, les êtres humains ?

Fabien acquiesça puis continua :

- Les initiés vénèrent Chris mais attendent de lui qu’il résolve leurs problèmes.

- Quels problèmes ?

- La faim, la maladie, le réchauffement climatique, la guerre…

Oriana grimaça. Elle comprenait très bien le problème.

- Qu’est-ce que les initiés donnent à Chris en échange ? demanda-t-elle. Je veux dire : quand on est croyant, on fait des offrandes, on prie, on jeûne, on suit des préceptes, on se prive, on fait vœu de silence ou de pauvreté ou des trucs du genre. Ils lui donnent quoi en échange de son aide ?

- Leur vie, répondit Fabien.

Oriana fronça les sourcils.

- Pour devenir initié, il faut offrir volontairement son bras – ou sa gorge si le Vampire est un salopard – et se laisser mordre, sans se rebeller, sans broncher, sans lutter.

Oriana devint blanche comme neige. Offrir son bras à Baptiste pour recevoir son baiser mortel ? Impossible !

- Tu te souviens dans les égouts, juste avant que je le touche, le Vampire a sorti les dents pour tenter de me faire peur. Qu’as-tu ressenti ?

- De la frayeur, sans aucun doute, mais rien de commun avec le baiser de Baptiste ! Avec lui, c’était…

Oriana ne trouvait pas les mots pour décrire cette horreur.

- C’est parce que plus le Vampire est âgé, et plus c’est difficile. Les volontaires pour devenir initiés choisissent avec soin leur agresseur et personne ne choisit jamais Chris, Baptiste ou Gilles.

- Gilles, répéta Oriana. Baptiste me parlait souvent de lui.

Fabien ne cacha pas sa surprise.

- Baptiste est très loquace dans un cadre intime, précisa Oriana.

Fabien pencha la tête.

- Je n’arrive pas à déterminer si c’était vrai ou s’il me mentait, continua Oriana.

- À propos de quoi ?

- Il a sous-entendu avoir des sentiments pour moi.

- On s’en fout. Ça n’a aucune importance. Tu en as pour lui ?

- Oui, admit Oriana. Je pense tout le temps à lui.

- Ils ont un pouvoir de charme, annonça Fabien. Ils peuvent t’obliger à les aimer. De plus, tu étais sa prisonnière et le syndrome de Stockholm, ils connaissent et en jouent. Tu es en son pouvoir mais crois-moi, rien n’est vrai de ton côté. Si du sien ça l’est, alors je suis heureux de le blesser de cette manière. Si c’est faux, tant pis, ce n’est pas grave. Je l’ai déjà privé de son bijou précieux. Je m’en contenterai.

Oriana se sentait mal, perdue, noyée, impuissante, misérable. Tout n’était-il vraiment que mensonge ? Sa tendresse, ses sourires, sa bienveillance, ses yeux brillants… Fabien se leva, fit le tour de la table et la prit dans ses bras.

- Pardonne-moi, dit-il. J’ai été brutal. Ça n’est pas parce qu’il t’a manipulée que tu en souffres moins. Excuse-moi.

Oriana pleura dans ses bras et le russe lui offrit son épaule en silence.

- Il me manque tellement !

- Je comprends, assura-t-il. Je n’ose même pas imaginer me retrouver entre les griffes de l’un d’eux. Je ne peux que te soutenir et sache que je compatis et que je ferai mon maximum pour t’aider à remonter la pente.

Oriana sanglota et Fabien ne l’en empêcha pas, se contenta de lui offrir son soutien moral. Finalement, Oriana se redressa, essuya ses larmes et dit :

- J’ai faim.

Fabien explosa de rire.

- Je vais te préparer un autre plat… pour dix personnes ?

- Oui, s’il te plaît, répondit Oriana sérieusement.

Il continua à rire tout en allant faire chauffer de quoi nourrir un régiment.

- Donc les initiés offrent leur sang à Chris, continua Oriana alors que Fabien se trouvait aux fourneaux. Je suppose qu’il ne se prive pas de prendre l’offrande.

- Il ne consomme jamais un initié ! répliqua Fabien en faisant une moue dégoûté.

- Pourquoi ?

- Parce qu’ils sont immondes ! Notre corps est plein d’engrais, de pesticides, de polluants, de toxines, d’hormones de synthèse et même de plastiques microscopiques. Chris a chargé Baptiste de lui créer de la nourriture de qualité et il l’a fait. Tu te souviens l’être génétiquement modifié à partir duquel j’ai été crée ? C’est ce qu’elle était : de la nourriture. Son organisme amélioré se nettoyait plus rapidement. Elle fournissait assez de sang pour être mordue trois fois par jour et survivre.

- Ses organes se régénéraient si on les lui retirait, proposa Oriana en sentant une nausée la prendre.

- Je ne sais pas, avoua Fabien. Peut-être… les Vampires les appellent des elfes. Au départ, ils nous ressemblaient mais Baptiste a commencé à modifier leur apparence, on ne sait pas trop pourquoi, sûrement afin de bien les différencier des humains normaux. Il paraît qu’ils ont la peau bleue et les yeux violets. C’est dingue !

Oriana fut prise d’un violent vertige. Cet enfant qu’elle avait porté, cette chose sortie de son ventre, ce n’était que de la nourriture ? Du bétail pour les Vampires ? Elle vomit sur le sol. Fabien sortit de derrière le comptoir où il préparait le repas pour la prendre dans ses bras.

- Qu’est-ce que tu as ?

- C’est tellement atroce, pleura Oriana. Ce pauvre bébé… il sera juste bon à être mordu, encore, et encore ?

Fabien montra qu’il ne comprenait pas. Oriana pleura à chaudes larmes. Toutes ces femmes dans la Clinique, c’était cela qu’elles faisaient : offrir du bétail aux Vampires.

- Les tueurs de Vampires se déchirent sur la question des elfes.

- Comment ça ?

- Certains disent qu’il faut laisser faire, qu’après tout, mieux vaut eux que nous.

Oriana trouva cela très égoïste mais compréhensible.

- D’autres pensent qu’il faut les exterminer.

Oriana blêmit.

- Pourquoi ? Ils n’ont rien fait !

- Parce que si les Vampires n’ont plus besoin de nous pour se nourrir…

- Ils n’ont plus aucune raison de nous garder en vie, comprit Oriana et Fabien acquiesça.

- Tu n’aurais aucun scrupule à détruire la fourmilière parce que tu n’as pas besoin de ses habitantes. Si les fourmis étaient ta seule source de nourriture, m’est avis que tu y réfléchirais à deux fois.

- De là à massacrer ces pauvres créatures innocentes.

- Mieux vaut-il ne rien faire et risquer l’apocalypse ou lutter et devenir le mal qu’on combat ?

Fabien secoua la tête. Il était clair qu’il n’avait pas tranché. Il naviguait dans une zone d’ombre, incapable de choisir son camp.

- J’ai fait tellement de mal dans ma vie. J’envie les ignorants, vivant une vie simple et tranquille.

Oriana le sentit mal. Le câlin devint mutuel, deux êtres en peine se réconfortant tendrement. Une sonnerie obligea Fabien à retourner derrière le comptoir pour s’occuper du repas. Oriana nettoya le sol si bien que lorsque le repas fut prêt, la salle à manger était de nouveau accueillante.

- Ta femme t’a dénoncé ? demanda Oriana.

- Non, dit Fabien. Elle était ravie de pouvoir lutter contre eux. Elle crevait d’envie de croiser un vrai tueur de Vampires pour les enculer bien profonds. Elle a sauté sur l’occasion. Tout en souffrant le martyre, elle m’a tout montré, tout appris. J’ai reçu l’enseignement des êtres les plus puissants du monde. Obligés de nous cacher, nous ne pouvions plus voir de médecins pour Alicia et de toute manière, la médecine classique s’était heurtée à un mur. Alicia espérait le soulagement dans la délivrance.

Oriana aussi avait connu cela : désirer un accouchement rapide pour cesser de souffrir.

- Pendant ce temps, elle trouvait des Vampires et me les désignait. Je faisais en sorte de me trouver près d’eux dans un bus, un métro, sur une terrasse. Je les suivais et dès que l’occasion se présentait – pas trop de témoins – j’entrais en contact. J’ai tué des centaines d’entre eux de cette façon, en binôme. Alicia traquait. Je tuais. Je ne baisais plus. J’étais devenu l’arme vivante. J’espérais avoir mis assez de futurs soldats sur Terre pour pouvoir changer de rôle.

Oriana fut impressionnée. Pour les tuer, ce type devait se rapprocher des démons et il n’avait pas hésité à le faire, encore, et encore, et encore.

- Et puis un jour, en rentrant d’une de mes chasses fructueuses, j’ai trouvé Alicia morte, baignant dans son sang. Quelque chose lors de sa grossesse s’était mal passée. J’ai beaucoup pleuré. Je me suis retrouvé seul et pour la première fois, j’ai pris le temps de penser. J’ai fui, comme mon père et Alicia me l’avaient appris. Reclus, j’ai été pris d’un énorme doute, le genre de truc qui te prend aux tripes. J’ai tenté de prendre contact avec une des femmes que j’avais payée pour être la mère d’un de mes enfants. Je l’ai retrouvée. Elle était morte au sixième mois de grossesse. Une autre : pareil. De recherches en recherches, l’évidence m’a frappée de plein fouet : aucun soldat ne parcourrait jamais cette Terre car tous mes enfants tuaient leur mère avant d’arriver à terme. Ma modification génétique rendait tout enfantement impossible. J’avais échoué.

Oriana sentit une immense tristesse envahir Fabien. Il était clair qu’il racontait cela pour la première fois et que la libération était douloureuse.

- Je les ai tuées, Oriana. Toutes ces femmes que j’ai violées : je les ai condamnées à mort. J’ai tué des milliers de femmes. Je suis un monstre.

- Tu ne le savais pas, le défendit Oriana. Tu ne pouvais pas savoir. Tu as essayé de sauver l’humanité des Vampires.

- Et j’ai échoué !

- Tu as tué des centaines de Vampires. Pour un seul humain, je trouve ça pas mal ! répliqua Oriana.

Fabien ricana.

- Chris serait tellement fier de moi, gronda le russe.

- Comment ça ?

- Tu sais ce qui se passe lorsqu’un sherva trouve un Vampire ? Une fois sur deux environ, le désigné est tué par les siens.

- Quoi ? Pourquoi ?

- Parce qu’ils pourraient réveiller les tueurs de Vampires endormis, indiqua Fabien. J’estime qu’il existe aujourd’hui une dizaine de milliers de Vampires.

- C’est tout ? s’exclama Oriana.

- Malgré ce faible nombre, Chris continue à former des sherva et à tuer les Vampires désignés.

- Ça n’a pas de sens !

- Oh que si ! Chris ne veut pas de millions de Vampires faibles permettant aux tueurs de Vampires de s’aguerrir. Il veut la crème de la crème. Il préfère en avoir peu mais des bons. Il veut que quand un humain se rebelle, il n’ait aucune chance. Pour cela, rien de tel que des experts, des Vampires impossibles à repérer, impossibles à prendre en défaut. En tuant les faibles, je lui ai fait une fleur.

- Si tu ne les tues pas, tu les laisses parcourir librement ce monde et voler du sang. Si tu les tues, tu élimines les faibles, faisant plaisir à leur roi. Quoi que tu fasses, tu perds, comprit Oriana. C’est atroce !

- C’est bien pour ça que je ne cherche pas à les tuer. Quand j’en ai l’occasion, comme dans les égouts, je ne m’en prive pas mais désormais, j’écoute et je cherche comment les faire chier le plus possible.

- C’est pour ça que tu es venu m’aider, comprit Oriana. C’était un excellent moyen de les emmerder.

- Exactement, confirma Fabien. Et puis, pour une fois, je fais une bonne action.

Oriana sourit. Elle avait fini son repas. Elle se sentait repue, en sécurité, détendue.

- J’ai sommeil, indiqua-t-elle.

- Ça change, dit-il en souriant. Viens, je vais te montrer les couchettes.

Il l’emmena jusque dans un dortoir.

- Il y en a un autre. J’irai pour ne pas…

- Dors avec moi, s’il te plaît, le contra Oriana.

Fabien accepta sans discuter. Dans ses bras, elle s’endormit immédiatement. Près de lui, elle ne risquerait rien. Il avait les ressources des tueurs de Vampires, les connaissances de Sherva formés par les Vampires et les mains empoisonnées.

Au réveil, elle se sentait reposée comme jamais mais affamée. Sans réveiller Fabien qui dormait lourdement, elle partit en cuisine où elle avala encore de quoi nourrir un régiment. Son corps devait renouveler les stocks perdus pendant ces six mois de disette. Elle se promena ensuite dans le sous-marin, y trouva des livres et s’installa.

- Salut, lui lança Fabien. Bien dormi ?

- Remarquablement.

- Mais pas longtemps.

- Si tu le dis. Je ne sais pas. Je n’ai pas de montre.

- Oriana, tu sais, dit-il en s’asseyant à côté d’elle, je suis heureux d’avoir fait chier le frère du roi en lui prenant son trésor mais dis-moi, pourquoi une simple humaine est-elle si importante à ses yeux ?

- J’ai réfléchi et il est possible que certains de tes enfants soient en vie, annonça Oriana.

- Comment ça ? lança Fabien en retour.

- Baptiste m’a dit que la première chose qu’il faisait avant de mettre un bébé génétiquement modifié dans le ventre d’une mère porteuse était de changer son groupe sanguin en O négatif, que c’était nécessaire. Donc, peut-être que les femmes O négatif ont mené leur grossesse à terme et mit au monde un de tes enfants. As-tu demandé leur groupe sanguin à certaines de tes conquêtes ?

- Non, admit Fabien. Je ne pensais pas ce facteur déterminant.

Oriana haussa les épaules. Finalement, il existait peut-être des soldats dormants, prêts à tuer au moindre contact. Naturellement, quand Baptiste constaterait leur existence, ils seraient traqués, récupérés, étudiés et une contre mesure serait trouvée mais en attendant, combien d’experts seraient tués ? Contre de démons ramenés en enfer ?

- Et dire que j’ai été si proche de lui, murmura Fabien. Il était presque au bout de mon bras.

- Baptiste ne t’aurait pas laissé le toucher, le contra Oriana. Il est du genre méfiant.

- Chris aussi. Malgré toutes mes tentatives, rien à faire, gronda Fabien.

Une sirène retentit.

- Que se passe-t-il ? demanda Oriana inquiète.

- Nous sommes arrivés, répondit Fabien.

- Où ça ?

- Aucune idée. La destination a été choisie aléatoirement. Le seul interdit est un site radioactif. Sinon, ça peut aussi bien être une île déserte qu’une plage bondée.

- Imprévisibilité, comprit Oriana.

Ils sortirent à la nage pour se retrouver sur des rochers d’une côte qu’ils remontèrent pour tomber sur un pont dans le lointain.

- San Francisco, reconnut Fabien. Tu parles anglais ?

- Je me débrouille, répondit Oriana.

- Parfait, annonça Fabien en américain. On utilise uniquement cette langue maintenant. Fais comme tu peux. Plus tu l’utilises et plus tu apprendras vite. Je ne prononcerai plus un mot en français et je ferai comme si je ne te comprenais pas si tu l’utilises.

Il usait de la méthode de son père. Avance ou crève. Ça avait marché alors après tout, pourquoi pas. Oriana s’y plia de bonne grâce.

Ils restèrent dans les bas-fonds, Fabien utilisant son argent pour acheter des vêtements, de la nourriture et sous-louer un appartement. Fabien se prit un travail au noir pendant qu’Oriana soignait la population contre des objets divers, préférant le troc à l’argent.

Alors qu’elle se promenait dans une rue marchande, Oriana sentit le canon d’une arme sur ses reins.

- Il est où ton pote ? demanda une voix masculine.

- De qui parlez-vous ? trembla Oriana.

- Le mec qui a osé braver Baptiste, gronda la voix.

- Je ne comprends pas.

- Je sais qui tu es, Oriana et ta capture va me rapporter un sacré pognon ! Qu’est-ce que ?

L’arme s’éloigna. Oriana se retourna pour voir Fabien, la main sur l’épaule de l’homme, toujours vivant. C’était un humain. Il dirigea son arme vers Fabien. Oriana s’interposa et se prit la balle. Le coup de feu fit réagir la foule. L’agresseur, constatant qu’il avait blessé la mauvaise personne, perdit complètement pied et s’enfuit, terrorisé.

- Oriana ! hurla Fabien en la prenant dans ses bras.

- Ce n’est rien, dit Oriana en sortant son matériel de chirurgie.

Elle retira la balle puis appuya sur la blessure.

- Tu as besoin de soin ! Je ne peux pas t’amener à l’hôpital ! gémit-il, affolé.

- Ça ne sera pas nécessaire, assura Oriana en retirant le chiffon.

La blessure ne saignait plus. Oriana se leva en grimaçant.

- Oriana, tu vas bien ? demanda Homer, un homme dont elle avait soigné la femme la veille.

- La balle m’a juste effleurée, mentit Oriana en cachant la plaie sous sa veste. Je vais bien.

- Qui était ce malade ?

- Il voulait de l’argent, indiqua Oriana.

- De l’argent ? Personne n’en a ici. C’est ridicule ! gronda Homer. On va l’attraper et le lyncher ! Tu nous soignes presque gratuitement et il s’en prend à toi ? C’est un lâche !

- Merci, Homer.

- Tu es sûre que ça va ? insista Homer.

- La blessure est minime.

Homer s’éloigna en fronçant les sourcils. Plusieurs personnes se dispersèrent à la recherche du tireur.

- Ils utilisent toutes leurs ressources, murmura Fabien. Il s’agissait peut-être d’un sherva, ou d’un initié, ou d’un mercenaire.

- Nous devons même craindre les nôtres ?

- La population nous protégera, assura Fabien. Maintenant qu’ils nous savent en danger, ils ouvriront leurs yeux.

En parlant, Fabien avait amené Oriana à l’écart. Dans l’ombre d’une ruelle, derrière une poubelle, il la plaqua contre un mur et écarta le pan gauche de sa veste pour observer la blessure. Il n’y avait plus rien. La peau était nette.

- Comment est-ce possible ? chuchota Fabien en passant son doigt dans le trou du tee-shirt.

Oriana grimaça. Si elle lui révélait sa modification génétique, la donnerait-il en pâture aux scientifiques des tueurs de Vampires ?

- Oriana ! s’exclama Fabien tout en chuchotant.

Elle secoua la tête. Elle n’avait pas confiance en lui.

- Putain ! T’as pas besoin de respirer. Tu te soignes en deux minutes d’une balle dans le ventre et tu bouffes comme dix. Tu es une création de Baptiste ?

- Non ! cracha Oriana, insultée et apeurée. Je suis née de l’amour entre mon père et ma mère, deux personnes parfaitement normales. Je n’ai pas été façonnée dans une éprouvette.

Sous-entendu : contrairement à toi. Fabien lui envoya un regard noir.

- Tu as connu une modification naturelle t’offrant ces caractéristiques ? C’est pour ça que Baptiste te cherche ? Si nos scientifiques pouvaient…

Oriana attrapa Fabien, le plaqua contre le mur et lui mit son scalpel sous la gorge. Il se figea, le souffle court.

- Tu veux qu’ils me torturent comme la pauvre fille qui a permis ta naissance ? Je préfère Baptiste aux scientifiques humains. Lui, au moins, fait preuve de respect, de bienveillance. Il prend soin de ses patients.

- Les Vampires étaient à leurs trousses, se défendit Fabien. Ils devaient agir vite. Ils n’avaient pas le temps de…

- Parce que les Vampires ne sont pas à notre recherche, peut-être ? répliqua Oriana.

Fabien grimaça. Le scalpel toujours sur sa trachée, il hocha doucement la tête.

- Je suis désolé, dit-il. Je n’aurais pas dû insinuer une telle proposition. Je ne te dénoncerai jamais. Tu ne tomberas entre les mains d’aucun scientifique, humain ou immortel. Oriana, je ne t’ai pas sauvée des griffes d’un mal pour t’amener entre des mains cruelles. Je te le jure. Pardonne-moi. Je n’ai pas réfléchi. Pardon.

Pour toute réponse, Oriana retira son scalpel et embrassa le russe. Dans cette ruelle, personne ne vint les déranger pendant qu’ils consommaient un désir brûlant.

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