Chapitre 7

Newton pressa le pas.

Quelques craquements derrière l’érable japonais mirent tous ses sens en éveil et ses oreilles, qui répondaient d’habitude à la stricte loi de la gravité, réussirent à se soulever pour mieux laisser passer les sons. Un raclement rauque lui parvint. Prit de panique, il se mis à mouliner des pattes arrières. Courir vite n’était pas chose aisée par un temps pareil. Newton ne cessait de déraper sur les pavés tapissés de feuilles trempées et ses oreilles s’emmêlaient inextricablement.

Si Winnie s’était retournée à cet instant précis, elle aurait vu que les yeux du détective criaient ce que sa voix ne pouvait hurler : « ATTEND-MOI ! ».

Trop tard, la fillette ne s’était évidemment pas aperçue qu’elle avait laissé Newton derrière elle et elle ferma la porte. Le nez du lapin s’écrasa contre le battant en bois tandis que le reste de son corps décrivit les mouvements d’un accordéon. Au fond du jardin, les poules piaillaient de panique.

Excitées par la peur, les narines de Newton s’ouvraient et se fermaient au rythme de la cavalcade de son cœur. Dans un ultime élan de courage, il se retourna. Doucement. Il aperçut alors une silhouette ébouriffée sortir de la pénombre d’une haie. La dernière chose qu’il vit fut une paire de crocs saillants, blanchis par les rayons de la lune.

 

Quand il reprit connaissance, Newton, resta allongé sur le flanc et s’efforça de bloquer sa respiration. N’allez pas croire : il en faut du courage pour faire le mort ! Le détective pensait en effet que cette technique était encore sa meilleure chance de rester en vie. Si son agresseur croyait qu’il était mort, peut-être s’en irait-il. Pourtant, une truffe humide ne cessait de parcourir son pelage. Sentir le souffle chaud et l’haleine fétide de la créature qui l’avait pris en chasse le rendait de plus en plus nerveux. Tout à coup, le monstre se mit à lui donner de légers coup de pattes.

 — Allez l’ami, calme toi, ordonna-t-il.

Newton n’ouvrit qu’un œil.

— Si j’étais v’nu là pour t’faire la peau, j’me donnerais pas la peine de t’ranimer. Maintenant, faut faire un effort, hein. J’peux encore changer d’avis.

C’est alors qu’il reconnut Bernie, le berger australien du vieux Harold, le fermier du village.

Newton articula faiblement :

— C’est le colonel Doug qui t’envoie ?

— Moins fort, imbécile. J’suis là d’mon propre chef, grogna Bernie.

Newton se redressa, pas encore tout à fait rassuré.

— Qu’est-ce qui t’amène ? demanda-t-il.

— J’ai b’soin d’toi.

Si Newton n’était pas certain que Bernie pouvait lui tailler les oreilles en pointes, il aurait probablement éclaté d’un rire franc.

— C’est Halloween, Bernie. Tu es en avance pour le premier avril !

Le sarcasme de Newton éclaira une lueur mauvaise dans les yeux du chien. Il n’aimait visiblement pas qu’on se moque de lui.

— J’me serais bien passé de v’nir te sonner. Seulement, j’ai un sacré pépin…

Newton arqua un sourcil. Il fallait un pépin de la taille d’un noyau d’avocat pour qu’un chien de la bande de Doug vienne le chercher.

Bernie s’assit sur son postérieur. Lui non plus de semblait pas rassuré. Il épiait l’obscurité avec nervosité.

— Les citrouilles veulent saboter halloween, dit-il enfin.

Newton ne parvint même pas à rire. Les mots qui composaient la phrase de Bernie ricochaient sur chacun de ses neurones comme l’écureuil l’avait fait sur les murs de la cuisine.

Tout ça n’avait strictement AUCUN sens.

— T’as entendu c’que je t’ai dit espèce de lapin crétin ?

Pour seule réponse, Newton ouvrit des yeux ronds comme des moules à sablés.

— Une bande de cucurbitacées enragées vont mettre à feu et à sang la ville. C’est tout l’effet que ça t’fait ?

Un petit bruit fit alors sursauter Bernie. Sa tête, légèrement rentrée entre ses omoplates saillantes, visait l’obscurité avec appréhension. Tout à coup, Newton comprit que le chien était effrayé.

En réalité, il était même terrifié.

Cela suffit au détective pour comprendre que la situation était sérieuse. Suffisamment sérieuse pour qu’il écoute d’une oreille attentive ce que le pauvre bougre avait à lui dire.

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ClaireDeLune
Posté le 20/10/2022
Des citrouilles ? Le mystère s'épaissit ! Et pauvre chien...
Les compliments du premier commentaire restent valables pour ces derniers chapitres, la palette de personnages s'agrandit mais c'est sympa de voir leurs interactions, et aussi l'arrivée des humains ! Je suis contente que Newton ait été adopté, c'est quand même une vie plus agréable !
Cocochoup
Posté le 06/06/2021
Il faut un sacré courage pour faire le mort
XD
J'avais jamais vu sous cet angle mais c'est sacrément vrai !
Ah ah j'espère que la suite de l'histoire arrivera vite pour qu'on en sache plus de cette histoire de cucurbitacees
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