Chapitre 69 - La trêve

 

Dans la citadelle Agape.

 

Solenne, Arthur et Vikthor furent regroupés dans la même cellule. Ils sentaient que c’était provisoire, Garnel avait pris la décision dans la précipitation, mais ils ne pouvaient pas les laisser ainsi longtemps. Tous assis sur le lit de Vikthor, ils écoutèrent Arthur leur raconter la fin du diner. Il leur répéta ce qu’il avait appris sur son père. Solenne qui pleurait à chaude l’arme avait du mal à le croire. Vikthor serrait les dents, il se promettait de le tuer s’il recroisait sa route, pour Louise, pour Sonfà, pour Manon. Déciment Paskhal avait l’art de s’en prendre aux femmes qui faisaient partie de sa vie.

 

Quand Arthur eût fini de détailler ses révélations, le silence se montra pesant.  Chacun attendait le bon vouloir de Garnel sans rien dire. S’ils se montraient silencieux, leurs pensées allaient à tout va. Vikthor les jambes repliées sur son torse et la tête posée dans les bras se mit à penser à Manon. Il avait si peur pour elle qu’il se mit à faire quelque chose qui n’avait jamais fait. Il adressa une pensée à la Déesse, comme l’avait fait Hestia avant lui.

 

Namon, toi qui sembles vouloir nous mettre au défi, vois comment certains de tes enfants souffrent. Toi qui nous es venu du ciel pour réparer les erreurs faites sur terre, entends mes pensées.  C’est le cri de l’un de tes Siréliens, celui pour qui le futur ne vaut d’être vécu sans les sourires de celle qu’il aime. Namon, sa destinée est funeste et je lui porte dans ce cas un amour mortel. Regarde-nous, tout faire pour réparer les erreurs d’un passé qui ne nous appartient pas. Aide-nous à venir à bout de ces êtres faits de haine. Ce sera ma seule lamentation, je te pleure toute ma détresse pour que tu offres la félicité à celle qui te ressemble. Je donnerais ma vie pour qu’elle n’ait plus jamais à craindre sa famille. Namon, ne voix tu pas comment elle souffre ? pria Vikthor.

 

Le jeune Élu était désespéré, il se lamentait sur lui-même. Il était prêt à offrir son futur pour racheter le passé familial de Manon. Il se doutait que ce ne serait pas si simple, mais il n’avait plus ça à donner. Il ne savait pas ce que leurs lendemains allaient devenir. Il ne pouvait pas se résoudre à faire confiance à Garnel bien qu’il ait tout fait pour sauver Manon. Lui aussi avait l’air si perdu en la retrouvant dans ses appartements.

 

Garnel avait assommé son propre frère pour lui venir en aide. Il ne se reconnaissait pas dans ce choix, mais il l’avait fait. Il ne pouvait pas se permettre de perdre Manon. Pourtant, elle n’était toujours pas sortie d’affaire. Son frère allait bientôt reprendre connaissance et si son deuxième frère apprenait pour la résurrection de Manon, il ne donnait pas cher de sa peau.  Alors qu’il venait seulement de se rendre compte qu’Andzrev avait disparu dans la cohue, il préféra s’entretenir avec Manon pendant que des miliciens cherchaient son fils. 

 

_ Ce feu, cette passion qui remplit mon cœur ont causé ma déraison. Tu m’as éloigné de mes projets. Tu es en train de causer ma perte, déclara Garnel.

 

Elle était assise sur le lit de son oncle, sans chaines. Pourtant, elle n’avait aucune envie de fuir. Elle devait faire confiance à la Déesse, elle savait que sa destinée ne s’arrêtait pas là.

 

_ Laisse-nous partir, je n’ai rien voulu de tout ça, se défendit Manon.

_ Il est trois heures du matin, d’ici deux heures vous serez loin dit-il en regardant sa montre.

_ Alors dans deux heures, vous serez bien, le reprit l’adolescente.

_ Quand ton père a su pour Arthur, il lui a demandé de revenir au plus vite sinon il ne pourrait plus rien pour lui. Il a pris son refus pour une trahison et m’a demandé sa tête à lui aussi. Je ne peux donc vous libérer, ce serait vous condamné avec mes frères sur vos traces. Je ne le permettrais pas, confessa Garnel en s’asseyant à côté d’elle.

_ Qui aurait cru que vous aviez un cœur qui pouvait aimer ?

_ Depuis que j’ai croisé tes yeux verts, j’ai senti que tu avais plus d’importance que n’importe lequel de nos projets. Si je n’ai pas voulu y prêter attention avant de te voir sombrer, je n’ai pas pu t’ignorer plus longtemps en te voyant reprendre vie.  Jour après jour, je t’ai observé et convoité. Lentement, j’ai plongé dans cette envie de te connaitre, continua Garnel en prenant son telsman dans sa main.

_ Vous avez des remords de ne pas avoir respecté les volontés de mon père ? en déduit Manon.

_ Non, personne ne pouvait me retenir. Cependant, tu es devenu une obsession pour moi. Je n’arrive pas à t’éviter, à m’éloigner. Tu vas finir par causer ma perte et je ne peux pas me le permettre.

 

Il ne la regardait pas dans les yeux, il ne le pouvait pas. Il lui avouait ses sentiments incestueux et il ne voulait pas de son jugement. Pourtant, il avait besoin qu’elle lui réponde.

 

_ Je vous croyais fait de fer, sans sentiment, sans regret, avoua la Kalokas.

_ Tu es ma nièce et je n’ai pas le droit de te regarder ainsi, mais mon cœur s’illumine à chaque fois que je te vois.

_ N’ayez pas d’illusions sur notre relation. Je ne serais jamais vôtre, le reprit Manon.

_ Oui, tu vas me repousser et je vais m’en rendre fou. Cela va me détruire, j’aurais dû le savoir dès notre première rencontre, continua son oncle. Égoïstement, j’aimerais que vous ne puissiez appartenir à personne puisque je ne peux vous avoir, mais ce n’est pas raisonnable. Je ne serais pas non plus heureux de vous voir me haïr plus que vous ne le faites déjà.

_ Vous n’êtes pas le fils Agape que je déteste le plus, si cela peut vous réconforter.

_ Ne me tourne pas en dérision ! s’offusqua Garnel en se relevant du lit énervé.

_ Je crois qu’après vos révélations, c’est à mon père que j’en veux le plus. Pas à vous, le rassura Manon avec sincérité.

_ Vraiment ? s’exclama Garnel chamboulé en se retournant vers elle pour la regarder en face pour la première fois.

_ Oh, ne vous méprenez pas, vous garderez toujours une bonne place dans mes ennemis ! la taquina l’adolescente.

 

Contre toute attente, elle venait de détendre l’atmosphère. Garnel lui rendit un rire franc en guise réponse.

 

_ Dans ce cas-là, si vous ne pouvez pas me garder ici, qu’allez-vous faire de nous ?

_ Pour calmer Loris et pour vous éloigner de votre père, je vais vous envoyer dans les terres australes. Paskhal n’ira pas vous chercher là-bas et cela freinera la haine de Loris, lui répondit son oncle.

 

Les Élus des hylés et des physés vont être réunis, si je compte comme celle des Kalokas, la divine triade va être réunie, songea Manon en pensant à la présence de Gaultier dans ces camps.

 

_ Oui si je ne le fais pas tu vas me détruite petit à petit et je vais te maudire moi aussi. Je ne peux me permettre de vivre toute ma vie ainsi. En t’éloignant tu auras la vie sauve et j’aurais la conscience tranquille, reprit Garnel.

_ Pourquoi vous ne portez plus qu’un gant ? le coupa Manon.

_ J’ai posé une main sur toi et ta puissance me l’a rendue douloureuse. Mon don semble s’être un peu consumé à ton contact, ma main gauche n’a plus d’emprise sur lui. Si un jour je pose une seconde main sur toi, tu détruiras peut-être mon poison en entier. Ce jour-là, je te maudirais, mais tu seras libre, avoua Garnel en regardant sa main nue.

 

Le milicien qui frappa alors à la porte interrompit leurs discussions. Il était temps, on venait les chercher pour les amener au train. Garnel lui repassa ses chaines avec délicatesse et la fit descendre l’escalier. En bas, Vikthor l’attendait avec son frère et sa sœur. On les fit monter séparément dans des camionnettes. Aucune d’elles ne prit le même chemin pour rejoindre la gare.

 

_ Alors ça y est, on se dit adieu ? conclut Manon en montant dans la dernière voiture.

_ Un jour, tu reviendras pour moi, pour me combattre, lui répondit Garnel.

_ Un jour… Oui, lui confirma Manon tandis qu’on referma la porte sur elle.

 

À son arrivée à la gare, seule Solenne l’attendait, ils avaient fait monter les deux garçons en avance pour séparer le quatuor. Ainsi, Garnel savait qu’aucun d’eux ne tenterait de s’échapper s’ils n’étaient pas ensemble. Manon avait voulu donner sa vie pour Vikthor tandis que lui était revenu à leur secours. Même Solenne n’avait pas pu les abandonner. Garnel avait donné des ordres précis pour les accueillir aux Lendemains sans peur. 

 

C’était à moindre mal, mais la joyeuse bande n’allait pas passer des jours heureux dans les terres australes. Cependant, enfin éloignée des frères Agape, Manon allait peut-être réussir à répondre aux attentes de Namon. Les pieds dans les terres enneigées, la nouvelle femme qu’elle était serait surement prête à relever la tête pour combattre. Une fois que le rouge, l’orange et le jaune seraient là pour protéger les argentés, la chanson disait qu’une vague bleue viendrait les aider. Manon rêvait de cette délivrance et elle s’en montrerait digne pour réparer les erreurs du passé.

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Elenna
Posté le 13/11/2020
Je ne sais pas comment qualifier ce chapitre. Plein d'espoir, doux, triste ?
Je ne sais pas... Mais en tout cas il est très bien écrit comme le reste de l'histoire... On a beau être sur la fin, je n'arrive pas à faire des commentaires plus long mais sache que c'est un très beau chapitre.
ludivinecrtx
Posté le 13/11/2020
Ahaha faut arrêter les compliments je suis entrain de rougir et de me cacher sous la table ❤️
Elenna
Posté le 13/11/2020
Ben cache toi sous la table car le commentaire sur l'épilogue j'y ais mit de l'énergie (jamais écrit un commentaire aussi long)
ludivinecrtx
Posté le 13/11/2020
En PLS mdr
Renarde
Posté le 21/09/2020
Coucou ludivinecrtx,

Je me réjouis que tout le monde se retrouve aux camps, même si l'endroit est tout sauf joyeux ! Les trois élus côte à côte, cela risque d'être explosif.

J'ai plus de peine à comprendre Garnel, qui prend une sorte de demi-décision. Il l'a laisse libre en sachant qu'elle reviendra le combattre ? Pourquoi ? Que cherche-t-il vraiment au final ? J'avoue que ses motivations deviennent de plus en plus floues pour moi dans ces derniers chapitres.

Loris est une brute avec un fort complexe d'inferiorité, Paskhal veut le pouvoir et surtout, ne pas mourir, mais Garnel ? Que veut-il ?
ludivinecrtx
Posté le 23/09/2020
Ahaha je promets de belles retrouvailles 😉.

Garnel ne peut se résoudre a la tuer... Mais sil la garde ainsi, Loris se rebellera.. il n'a pas fait son choix entre son amour pour Manon et son envie de pouvoir. Choix qu'il pensait avoir fait depuis longtemps.. il prend cette décision car il l'a sauve tout en gardant la face envers ses frères. Dis toi aussi que tant qu'elle n'est pas dans la nature, il peut la contrôler.. avoir de ses nouvelles, la protéger également.

Garnel il voulait l'amour... L'amour de son père.. de son peuple.. il a fuit ce dernier quand il a compris qu'il serait toujours traité comme un monstre. A la capitale il a trouvé l'amour , celui qu'il avait toujours voulu... Son âme sœur mais son pouvoir a coûté la vie a sa femme. S'il avait su il aurait ravalé sa fierté et tenté de la faire soigner par le peuple qu'il déteste tant mais il n'en a pas été ainsi. Il a hérité d'un fils qui porte les traits de sa femme, un enfant malade qui lui rappelle sa culpabilité à tout va et donc le dégoûte. Il a alors cherché l'amour par le respect et le pouvoir et a suivi les traces de son frère cadet en cherchant à diriger un peuple. Il a choisi les humains puisqu'il était certains que son peuple d'origine ne voudrait pas de lui. Il veut régner et être indispensable.. être aimer et respecté et il pense que ça passe par la crainte... la manipulation, Comme son père lui a appris, puis son frère cadet. Il cherche a faire payer le peuple qui l'a régné selon lui. Pour lui les Sireliens se reposent sur leur acquis. Ils doivent faire de la terre une corne d'abondance et non se contenter d'utiliser leur pouvoirs par ci par là. Il hait son peuple parce qu'il ne l'ont jamais reconnu...

En tombant sur Manon , il est tombé amoureux. Il aimerait qu'elle l'aime en retour mais il se dit que personne ne peut l'aimer.. même pas lui. Mais il ne se permettra pas de perdre une seconde fois une femme qu'il aime... Enfin il ne le sait pas vraiment mais l'ombre de sa femme appuie sur ses décisions bizarre. Alors voilà contre toute attente Garnel voudrait juste être aimé... Il pense juste que la tyrannie lui apportera le respect et donc l'amour du nouveau monde.. il se trompe mais à voir s'il s'en rend compte un jour.
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