Chapitre 66 - L'exil

Notes de l’auteur : Etant en vacance la semaine prochaine, je prends un peu d'avance.

À Eybure

 

L’horloge du salon qui sonna le premier coup d’un nouveau jour vint ressaisir sa propriétaire. Hestia venait d’en apprendre beaucoup sur son mari et elle n’avait pas besoin d’en savoir plus. Les mains tremblantes, elle retrouva sa chambre pour récupérer de quoi s’habiller. Le sommeil lourd de Paskhal lui offrait un peu de répit. Elle avait l’impression d’être dans un tournant ou plutôt dans un virage à tête d’épingle et sa vie venait de lui offrir l’occasion de faire demi-tour. Elle devait partir au plus vite, sans voir son mari. Si elle croisait son regard, elle se risquait à changer d’avis. La loi des âmes sœurs éprouvait sa fidélité, elle devait choisir entre Paskhal et ses enfants.

 

Endzasouffla Hestia en s’habillant dans le salon.

 

Elle se rapprocha de la porte de la chambre de sa fille et prit le risque de l’entrebâiller pour lui adresser un dernier regard. Elle aurait voulu l’emmener avec elle, mais c’était impossible. En lisant la sacoche, elle avait aussi vu l’emprise qu’avait son époux sur sa fille et sur presque tout le village. Si elle la réveillait, Endza ne serait pas de son côté. Elle devait laisser une partie de sa vie pour sauver Solenne et Arthur.

 

Elle ne s’y prit pas à deux fois avant d’ouvrir la porte de la maison, pourtant quand elle l’eut refermé il lui fut plus difficile de descendre les marches. Au fond d’elle, son cœur l’appelait à rester proche de son âme sœur, mais sa raison la pousser à fuir. Le vent frais venait lui claquer le visage, comme s’il s’amusait à la réveiller d’un cauchemar. La main posée sur les pierres de sa longère, elle adressa un dernier au revoir muet à sa vie.

 

_ Marie, réveille-toi. C’est plus grave que ce que je pensais prépare tes affaires. Nous devons partir cette nuit, il en va de la vie d’Arthur, prévenu Hestia.

_ Je suis déjà réveillé, quelque chose est arrivé à Arthur. La douleur qui me paralyse en est la preuve.

 

Hestia se mit à courir comme si sa vie en dépendait, elle avait besoin de fuir la vision qu’elle avait eue de son mari. À grandes enjambées, elle arriva sur la place centrale d’Eybure. Au bout, Marie l’attendait devant sa maison presque pliée en deux. Ses cheveux longs en bataille trahissaient sa précipitation alors qu’elle avait déjà passé sa robe.

 

_ Oh, ma fille, Paskhal a voulu tout ça… sanglota Hestia dès que la porte se referma derrière elle.

_ Je ne comprends pas, que veux-tu dire ? la questionna Solenne en gémissant.

_ C’est lui… Lui qui a tenu à faire enlever Manon, il a passé un accord avec le ministre pour qu’on la tue après avoir utilisé ses dons, s’exclama la mère Agape.

_ Tu es sure ? Mais pourquoi aurait-il fait ça ? frissonna Marie de douleur.

_ Il l’a haï depuis le jour où il a su qu’elle lui succèderait, souffla Hestia. Un jour monsieur Asage est venu lui demander son aide pour détourner le pouvoir et Paskhal a accepté à la condition qu’il l’aide à se débarrasser de Manon. Ainsi, il retardait son intronisation et récupérait sa force.

_ Hestia, je… souffla Marie effrayée.

 

Elle savait que sa belle-mère ne mentait pas, ses yeux écarquillés, sa tension haute, son souffle court trahissaient son état d’esprit désemparé.  Découvrir une telle trahison aurait mis à terre n’importe qui, mais quitter consciemment son âme sœur demandait une force inimaginable. Marie la prit alors dans ses bras pour la serrer fort. C’était comme si c’était la seule chose à faire et que leur vie en dépendait.

 

_ Maintenant qu’elle est morte, il est certain que son successeur ne viendra plus de la génération des Kalokas doués que nous connaissons, mais de la prochaine. Il s’est accordé un long sursis, continua Hestia.

_ Arthur est en danger, je peux sentir sa douleur, insista la jeune femme. 

_ Il ne mourra pas, Manon n’aurait pas dû succomber non plus. Il ne mourra pas ! s’exclama Hestia. Nous devons partir dès à présent, on prend les jumeaux et on file.

_ Oui tout de suite, tu veux tenter de les retrouver ? la questionna Marie en préparant ses fils.

_ Non, nous allons en terre physée. Nous allons essayer de trouver la résistance, eux pourront nous aider. Ils ont besoin de savoir ce qu’a fait mon mari pour combattre le ministre Asage, reprit la dame de cœur en aidant sa belle-fille à faire ses affaires.

_ Nous devrions prévenir Zaven. Quelqu’un ici doit être au courant de tout ça, il n’est pas sous son emprise contrairement à son frère, proposa Marie.

 

Avec l’accord d’Hestia, la blondinette s’employa à le réveiller. Il habitait la maison juste en face de la sienne. Grande et imposante, elle ornait la place centrale. La fenêtre de la chambre de Zaven se situait aux deuxièmes étages, côté rue. Naturellement sous les appels incessants de Marie, il se leva et alluma la lumière pour se diriger à sa fenêtre.

 

_ Zaven, je vais devoir partir avec Hestia. L’enlèvement de Manon et de Solenne n’est qu’un coup monté de Paskhal. Je n’ai pas le temps de t’expliquer, mais c’est lui qui a commandité la mort de Manon auprès du ministre Asage. Nous partons rejoindre la résistance dans les alentours de Mÿrre, nous te recontacterons, lui indiqua Marie dans son telsman. 

 

Sous le choc, le jeune homme ne répondit pas. La lumière allumée de sa chambre trahissait pourtant son éveil. Sans attendre plus longtemps, les deux femmes sortirent de chez Marie. Chacun avait un des garçons dans les bras et un sac dans l’autre. Elle n’avait pas vraiment de plan, aucun transport ne les emmènerait à Erden en plein milieu de la nuit alors elles allaient devoir marcher.

 

_ Je viens avec vous, les rattrapa alors Zaven en leur courant après avec son baluchon.

_ C’est impossible, tu n’as que quinze ans. On ne peut pas t’emmener avec nous, tes parents nous tueraient, le stoppa Hestia.

_ Vous avez envoyé un inconnu à pleine plus âgé que moi pour aller chercher vos filles. Vikthor est peut-être un Élu, mais moi aussi j’ai de la force à revendre. Je ne pourrais rester ici sans piper mot. Je vous accompagne, je le dois à Solenne, insista Zaven.

 

Devant les mines hésitantes des deux femmes, il reprit :

 

_ J’ai pris les clés du garage, nous allons partir d’ici en voiture. On se décidera ensuite où prendre un train pour la région de Yacuiba, conclut le jeune homme en reprenant la marche.

 

Déterminé, il les emmena jusqu’au garage de son entreprise familiale. Ses parents détenaient une entreprise automobile prospère qui était vouée à être cédée à leurs deux fils. Silencieusement, Zaven sortit une voiture noire classique. Neuve, mais non ostentatoire, elle n’attirerait pas les soupçons. Élevé dans le garage depuis tout bébé, il savait très bien conduire malgré son jeune âge. À l’avenir, il voulait devenir ingénieur pour l’entreprise.

 

_ Votre carrosse est avancé. Grimpez, nous ne devons pas nous attarder.

 

Ils ne savaient pas encore bien comment ils allaient y parvenir, mais les trois amis allaient rentrer dans la résistance à leur tour. Les sourires innocents des jumeaux qui babillaient à l’arrière dans leur couffin, à côté de leur mère, leur donnaient de l’espoir. Personne ne les arrêterait, ils répareraient les actions de Paskhal coute que coute.

 

_ Hestia vous aviez raison, votre fils ne souffre plus. Je ne ressens plus sa douleur, Vikthor a dû le sauver ! s’enthousiasma Marie.

_ Comment nous allons les retrouver sur place ? les questionna Zaven.

_ Mes mains vont nous aider à lire tout ce qu’on peut apprendre sur la résistance. Je toucherais toute personne qu’on croisera là-bas, toutes pierres qu’ils sont susceptibles d’avoir foulées. Bénédit est un ami de longue date, je le retrouverais, affirma Hestia sure d’elle.

_ Quant à toi, ta super force sera là pour nous protéger ! ajouta Marie.

_ Pour Solenne et Arthur… répondit simplement l’adolescent.

_ Pour mes enfants et vos âmes sœurs, acquiesça Hestia. 

 

Ils n’étaient que trois et ça paraissait une goutte d’eau dans cette guerre civile. Pourtant, il n’avait fallu que trois frères pour l’initier. Peut-être qu’une mère, sa belle-fille et son gendre suffiraient à y mettre fin. C’est dans les moments où on n’a plus rien à perdre qu’on trouve le courage de se battre après tout. La dame de cœur avait encore des cartes à jouer contre ceux qui se prenaient pour les rois du Nouveau Monde. Bien qu’Hestia n’avait rien découvert sur les liens de parentés qui unissaient son mari au ministre Asage, c’est en famille qu’elle s’emploierait à les défaire. Ce que la haine, transmise par le sang, avait détruit pendant plusieurs années se devait d’être reconstruit par l’amour inconditionnelle d’âmes sœurs et d’une mère.

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Elenna
Posté le 13/11/2020
Mis à part le fait que ce chapitre est juste magnifique et que ça doit être l'enfer pour Hestia (la déesse du foyer) de quitter son âme-soeur...
Je dois dire que j'aime beaucoup les "croisements" que tu fais entre les chapitres. Je m'explique... (je ne sais pas comment l'exprimer)... Mais il arrive quelque chose à quelqu'un (par exemple ici Arthur), nous on sait ce qu'il se passe (il s'est prit une balle)... Puis tu changes de point de vue et d'autres personnages l'apprennent (son âme-soeur a mal), et on a la suite mais sans explications ou presque (il est guérit). Mais du coup ça rassure à la fois car on se dit que ça va aller, mais ça donne aussi envie de poursuivre car on se demande comment ils ont fait...
Bref...
Ton chapitre était encore une fois génial... (je crois que je vais finir aujourd'hui par contre)
ludivinecrtx
Posté le 13/11/2020
Mais arrête de dire que tout est génial et bien écrit... Je suis une grande sensible et ça me met les larmes aux yeux roh ><

Oui cets pas la première fois qu'on a ça et ça m'a demandé d'élaborer quelques plan de chapitre mdr notamment lors de la cérémonie d'intronisation de Vikthor ou pour le décès de Manon, de sonfà lol

Oui je crois que tu vas finir aujourd'hui en effet
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