Chapitre 62 : Hans

Par Zoju
Notes de l’auteur : Bonne lecture :-) Modifié le 23/11/2020

Je contemple amèrement mes cheveux dans le lavabo. Il s’arrache de mon crâne par poignée entière. Encore un foutu effet secondaire du produit. Je prends une paire de ciseaux et me met à couper le plus court possible. Chaque mèche qui tombe me serre le cœur. Même ça, Tellin me retire. Lorsque j’ai fini ma tâche, je fixe mon reflet dans le miroir. J’ai dû mal à le reconnaitre. L’homme qui se trouve en face de moi semble si fragile. Je passe une main sur ma joue. L’inconnu fait de même. Je me retiens de briser la glace de rage. Je ravale ma colère et me tourne pour ne plus voir cette image de moi. Je ne flancherais pas, je l’ai promis à Elena. Je souris en pensant à elle, mais me rembrunis aussitôt. Si elle n’était pas intervenue plus tôt, je ne serais plus là. Je n’arrive toujours pas à savoir si c’est une bonne chose. Je secoue la tête pour chasser cette idée. Je suis vivant et cela n’a pas de prix. Je lui suis redevable. Une douleur à la poitrine m’oblige à m’assoir. Combien de temps pourrais-je tenir dans cet état ? Après quelques minutes sans bouger, la douleur s’atténue, mais reste là comme pour me rappeler sa présence. C’est supportable, mais c’est déjà trop. Je regarde l’heure. Il serait peut-être temps que j’aille travailler pour ne pas éveiller les soupçons. D’un côté, je veux prouver à Tellin son échec. Avant de quitter ma chambre, je cache dans ma poche un tube d’antidouleur qui sait quand j’en aurais besoin. Ma main tremble quand je la pose sur la poignée. Je respire calmement pour me détendre et sors. Les soldats se retournent sur mon passage, mais ne font aucun commentaire. C’est finalement mon frère qui se décide à me questionner. Je n’ai qu’une envie, me jeter dans ses bras et pleurer tout mon soûl. Toutefois, je me retiens et me contente de réponses laconiques. Je remarque directement qu’il n’est pas dupe. Il m’amène de force dans son bureau pour avoir une discussion sérieuse.

- Ne mens pas, Hans, s’exclame-t-il.

- Je ne mens pas.

- Pourquoi maintenant ? Cela fait six ans que tu es comme ça.

- Qu’est-ce que j’en sais ? répondis-je irrité. J’avais envie de changer de tête, voilà tout.

Je m’apprête à partir, mais il me retient. Son regard me scrute. Une nouvelle douleur remonte en moi. Grâce à un effort surhumain, j’arrive à garder un visage neutre. Je m’écarte de mon frère.

- J’ai du travail, déclaré-je. Je t’assure que je vais bien.

Nikolaï reste silencieux et se contente de hocher la tête. Je dois être prudent avec lui, il serait capable de me démasquer. Je quitte son bureau avec soulagement et me dépêche de rejoindre le mien. Dès que la porte est fermée à clé, je m’effondre au sol. D’une main tremblante, j’avale deux cachets d’antidouleur et attends qu’ils agissent. J’étouffe dans ma veste. Je la déboutonne à la hâte et la jette au sol. Sentant une nouvelle quinte de toux arriver, je sors mon mouchoir et le plaque sur ma bouche. Je tousse. Un goût métallique m’envahit le palais. Je me lève péniblement pour me désaltérer. J’attrape une bouteille sur ma table et bois avidement. Une atroce migraine surgit et je recrache ce que je viens d’ingurgiter. En remarquant mon état pitoyable, je ne peux retenir un sanglot. J’ai beau l’exiger, je n’arrive pas à accepter la situation. Je ne veux pas continuer comme ça. Ce n’est pas une vie. Alors que je suis au plus mal, on frappe à ma porte. Je ne bouge pas. Je refuse que l’on me voie dans cet état. Les coups se font plus insistants. La personne m’appelle et je reconnais Vincent. Je me décide à ouvrir. Dès que j’ai déverrouillé la serrure, il pénètre dans la salle. Étant à terre, il ne me remarque pas directement. Lorsque son regard se pose sur moi, j’y lis la même pitié que j’ai cru distinguer chez Elena. Rien que pour ça, je lui en veux. Il referme à clé derrière lui et s’accroupit à ma hauteur. Avant qu’il ne puisse parler, je lui demande :

- C’est Elena qui t’envoie ?

- Non, elle est passée, mais uniquement pour entendre mon avis.

- Que lui as-tu dit ?

Il se tait avant de répondre :

- La même chose qu’à toi. Sinon comment te sens-tu ?

- Tu sais que je ne vais pas bien, Vincent. Alors s’il te plait, ne me demande pas ça, m’exclamé-je acerbe.

Je m’attends à ce qu’il s’excuse. C’est ce que tout le monde ferait, mais il m’épargne au moins cela. 

- Pourquoi es-tu là ? Si ce n’est pas elle.

- Écoute Hans, j’ai réfléchi à ton problème. Je pense avoir été trop hâtif hier dans mon diagnostic.  

- C’est vrai que me donner pour seul remède de la morphine, ce n’est pas du tout expéditif, ricané-je.

- Ne m’en veux pas, j’ai été pris de court. Après que tu sois parti, j’ai mené des recherches.

- Je croyais que tu n’avais pas accès au dossier du Projet, m’étonné-je.

- C’est exact, mais avec les symptômes que tu as et ceux que je remarque maintenant, cela peut m’aider à trouver une solution.

Je le fixe sceptique.

- Je doute que tu trouves une solution de cette manière. Si nous ignorons la nature du projet, nous n’irons nulle part.

- Laisse-moi finir. Je sais tout cela. Parmi toutes les hypothèses possibles, la plus probable est que tu es victime d’un virus. S’il y a bien une piste que je peux écarter, c’est que Tellin t’ait injecté un poison. Si c’était le cas, je pense que tu serais déjà mort. Ce n’est pas non plus une drogue à mon avis. Il ne me reste que le virus.

- Quand bien même, tu aurais raison, sans test cela ne mènera à rien.

Vincent fouille dans sa poche et en sort une seringue. Inconsciemment, je recule paniquer.

- C’est pourquoi j’ai besoin de ton sang Hans avant de pouvoir t’aider.

Je me détends quelque peu. Pour toute réponse, je relève ma manche et lui tends mon bras. Avec des gestes précis et directs, il plante l’aiguille dans ma peau.

- Penses-tu pouvoir me guérir ? demandé-je un espoir dans la voix.

- Honnêtement, je l’ignore. Ce serait te mentir si je te le certifiais.

Son affirmation me refroidit d’un coup.

- Sois franc ! Quelles sont mes chances ?

Le docteur sort l’aiguille de mon bras.

- Cinquante pour cent, trente pour cent, un pour cent. Je n’en ai pas la moindre idée, Hans, mais je vais tout faire pour trouver le remède.

- Quand penses-tu pouvoir me le proposer ?

- Le plus rapidement possible. Désolé de ne pas pouvoir de rassurer.

Je tente de me relever, mais la douleur m’en empêche. Vincent m’aide et m’installe à mon bureau. Il s’apprête à s’éloigner, mais je le retiens.

- J’ai besoin de savoir. Si tu ne trouves rien.

J’ai du mal à terminer ma phrase, car au fond de moi, je crains le pire. J’arrive finalement à demander d’une voix tremblante :

- Combien de temps me reste-t-il ?

C’est presque imperceptible, mais je remarque qu’il se tend.

- Ne te préoccupe pas de ça, déclare-t-il.

Je me redresse, les poings serrés par la tension qui s’est accumulée en moi.

- Réponds. Combien de temps ai-je ?

- Cela ne te servira à rien.

- J’ai besoin de savoir.

Mon médecin fait mine de partir sans rajouter quoi que ce soit.

- Réponds, hurlé-je.

Je suis surpris par ma réaction. Ce point me préoccupe plus que je ne le souhaiterais. Vincent fait volte de face et revient vers moi à grandes enjambées. Il pose brutalement ses mains à plat sur mon bureau et c’est la voix gorgée d’émotion qu’il me dit :

- Tu veux savoir si cela vaut la peine de te tuer.

Je ne trouve rien à lui répondre. Trop étonné par la tournure que prend la discussion. Il continue :

- Elena m’a appris ce que tu avais été sur le point de commettre.

Un malaise s’installe entre nous. Pourquoi faut-il qu’il aborde le sujet ? Lorsque je croise le regard de Vincent, je me rends compte qu’il peine à contrôler ses émotions.

- Retiens bien une chose, Hans, finit-il par lâcher. Je t’interdis de mourir. Tu m’entends ? Je trouverais un remède et tu vivras.

Je ricane.

- Quel beau rêve !

- Je suis sérieux, Hans. Ne compte pas sur moi pour te laisser tomber. 

Je m’accorde enfin un sourire.

- C’est bien d’être optimiste, mais j’ai besoin de savoir, Vincent. Si tu ne trouves rien, combien de temps ?

- Un mois, lâche-t-il finalement à contrecœur. C’est ce que j’aimerais te promettre comme minimum, mais honnêtement je n’en sais rien. Il faut voir comment la maladie évolue. Cela peut se dégrader, comme s’améliorer.

- Si peu, ne puis-je m’empêcher de murmurer.

Vincent pose une main sur mon épaule dans un geste amical.

- Tu n’es pas seul, Hans. Ne l’oublie jamais. Promets-moi ou du moins promets à Elena que tu te battras ! Tu sais que nous sommes là pour te soutenir alors s’il te plait, Hans, il est encore trop tôt pour baisser les bras.

- Promis, affirmé-je, mais j’ignore si je suis sincère en déclarant cela.

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annececile
Posté le 09/06/2020
Un peu d'espoir, ca fait plaisir! Et tout a fait dans le fil du temps, un virus oui, on est tout a fait pret a suivre Vincent dans son hypothese. Et ca peut expliquer aussi pourquoi tout le monde ne reagit pas de la meme facon une fois infectes.

Ca surprend un peu que Nikolai ne remarque que la difference de coupe de cheveux chez son frere et non le fait qu'il a une mine epouvantable, mais peut-etre le remarque-t-il et il n'ose pas le mentionner?

Ca me gene un peu (mais c'est plus une opinion personnelle qu'une remarque objective) toute la honte qui entoure sa tentative de suicide. Vouloir en finir plutot que de subir de longues souffrances sans espoir de remission, c'est une option valide et qui ne me semble pas un manque de courage ou un acte de supidite.. Ca me paraitrait plus logique que Vincent insiste pour que Hans reste en vie parce que s'il essaie de le traiter, il peut faire des decouvertes qui aideront les autres personnes contaminees. Mais bon, c'est juste moi!

Bon courage!
Zoju
Posté le 10/06/2020
En ce qui concerne Nikolaï, il se rend compte qu'il y a quelque chose d'étrange avec Hans. Je l'ai sans doute écrit de manière un peu maladroite. Toutefois, même s'il évoque juste son crâne rasé, il sous-entend clairement qu'il s'est passé quelque chose Je vais réfléchir à la manière de mieux tourner ça
Pour la tentative d'Hans, c'est une option que ni Elena ni Vincent ne cautionne. Ils craignent tous les deux qu'Hans réitère son acte. En effet, il faudrait que ce soit moins violent chez Vincent en tout cas, je vais changer la dernière phrase. Merci pour ton retour.
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