CHAPITRE 6: Une frétillante friandise

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   Quand le géant entra dans la chambre, il trouva sa femme assoupie pendant que l’enfant terminait de plier le linge. Alors qu’il avait chargé sa douce de ramener le petit garçon au sous-sol une fois ses tâches accomplies, celle-ci s’offrait du repos, le laissant sans la moindre surveillance. L’homme roula des yeux et soupira de colère en empoignant Zack par le bras pour le ramener à sa mère, le faisant lâcher le linge qu’il avait en main. Il le fouilla rapidement avant de le descendre à la cave mais puisque ce dernier ne portait que des guenilles sans plis ni poches l’inspection fut rapide. 

    Une fois seul avec sa mère, le petit Zack prouva son courage. Il sortit par le petit trou de sa bouche à demi cousue, difficilement et non pas sans souffrance, coupe fil et clés, sous le regard estomaqué de sa mère. Peu après qu’Iris eut coupé les hideux points de suture de son courageux et silencieux petit garçon, elle apprit de sa pauvre bouche meurtrie que le couple avait un plan pour elle ; une raison de la garder en vie. Elle rassura son fils. Grâce à son courage, ils allaient pouvoir s’enfuir et éviter que l’abomination ne se produise. Ils commencèrent par défaire les liens qui les enchaînaient au sol de la cave, puis passèrent une partie de la nuit à élaborer le plan d’évasion qu’ils espéraient être leur chance. 
    
      Ils furent brusquement rejoints par l’homme au courant de la nuit qui, cherchant des explications au sujet de l’état de confusion de sa femme depuis son réveil, était venu chercher des réponses auprès du petit garçon. Il le savait coupable de quelque chose. Tous deux emmitouflés pour cacher leurs liens défaits, l’homme tenta d’arracher la couverture de Zack qui s’agrippa de tout son poids à cette dernière. Mais tandis que le grand barbu se baissa pour attraper la cheville du maigre garçonnet; qu’il avait trouvée libre tant des lèvres que des pieds, Iris lui sauta dessus. D’une force qu’elle n’aurait jamais pensé encore posséder après tant de temps passé captive et affamée, elle enroula la lourde chaine qui quelques heures plus tôt la maintenait encore prisonnière autour du cou de l’homme et le tira vers l’arrière. L’homme, surpris, bascula. Ainsi, Zack lui planta sauvagement le coupe fil dans l’œil droit. Le vieillard, vêtu d’un pyjama beige en lin à présent tâché du sang giclant de son œil, n’eut qu’un instant de faiblesse avant de tenter de se relever. Mais cela fut suffisant à Iris pour refermer le cadenas de la chaine. Il était, à son tour, à présent prisonnier de l’anneau de métal ancré dans le sol de sa propre demeure. 
    
      La mère et son fils se ruèrent sur le vieil escalier de la cave et terminèrent leur course au rez-de-chaussée du chalet. Ils fermèrent les épais verrous qui maintenait la porte de la cave close. Iris demanda à son fils de se cacher tandis qu’elle partait à la recherche de Rosie. Le garçon refusa, l’assurant qu’ils devaient fuir sans elle et s’agrippa à sa mère qui n’eut d’autre choix que de l’emporter avec elle dans sa quête. Le petit Zack eut bel et bien raison de vouloir partir sans sa sœur puisqu’à présent éveillée par le remue-ménage, elle s’était déjà réfugiée au chevet d’Hedga. La vieille femme était toujours déboussolée de la dose d’on ne sait quoi reçue dans son lait, mais cela ne l’avait pas empêché d’empoigner son plus fidèle fusil. 

      C’est lorsqu’Iris entendit le premier coup de fusil tiré en direction de la porte de la chambre d’Hedga qu’elle décida d’écouter son fils ; bien qu’elle aimait Rosie de tout son cœur, il n’y avait plus rien à faire pour elle. Elle se promis qu’une fois sorti de leur cauchemar, elle mettrait tout en œuvre pour la récupérer. 
    
      Zack et sa mère arpentèrent le rez-de-chaussée à la recherche d’une issue mais puisque la porte du chalet était close, la clé introuvable, et que les fenêtres parées de grilles en fer forgé à l’extérieur ne leur permettaient pas de fuir de cette façon, ils n’eurent d’autre choix que d’emprunter la sortie menant à la grange. 
    
      A présent dans l’écarlate et suffocant repaire des rennes, ils prirent la direction qui leur permettrait de s’en échapper. Mais alors qu’ils cherchaient un moyen d’ouvrir l’issue maintenant close par un nouveau cadenas ; si neuf et brillant que l’on pouvait deviner qu’il avait récemment été posé, ils furent saisis par un son qui leur était devenu trop familier. Tandis que la lointaine mélodie se rapprochait de la grange en laissant deviner que l’homme s’était libéré, ils se cachèrent parmi les ballots de paille entreposés entre les box des rennes et la sortie de la grange. Il fit son entrée par une trappe située à l’opposé des malheureux, aux environs de sa pièce de découpe. L’envoutant chant des grelots mêlé à celui des chaines toujours enroulées autour du cou de l’homme résonnait à chacun de ses pas. De son incommensurable force, il était parvenu à déraciner l’anneaux de métal qui le maintenait prisonnier au sol de la cave.  
    
      La partie de cache-cache ne dura pas car lorsqu’il fut à la hauteur de leur cachette et qu’ils cessèrent presque de respirer, dans l’espoir que le monstre ne finisse par passer son chemin, ce dernier harponna de ses deux mains la tête de Zack avant de le lancer telle une molle et frétillante friandise dans l’un des box. Les bêtes se jetèrent sur le pauvre enfant, lui déchirant le visage alors qu’il luttait pour sauver sa vie avant de s’attaquer au reste de son corps. Les rennes le dévorèrent dans sa quasi-totalité en un temps record. Les quelques minutes de calvaire que vécu Zack semblèrent durer une éternité pour Iris. A cet instant, assistant à l’une des pires scènes de sa vie, elle perdit pieds et laissa échapper un pleur qui attira l’attention du meurtrier. Le robuste vieil homme plongea ainsi de tout son poids dans les ballots de paille à la recherche de sa fugitive et coinça le cou de cette dernière entre sa main droite. Il la souleva et la frappa violement plusieurs fois contre la paroi de la grange qui se mit à trembler, lui blessant l’arrière de la tête, et la laissa tomber sur la paille jonchant à présent le sol. Iris fut traînée par les pieds, traversant le long couloir des box où elle entrevit les restes de son fils que quelques-uns des animaux non rassasiés continuaient de manger, puis fut ramenée dans sa prison souterraine. Ainsi, la triste Iris se retrouva de nouveau prisonnière du sinistre sous-sol du chalet qu’elle pensait ne jamais revoir. 

    Désormais enchaînée par les deux chevilles, dans un espace que l’homme avait renforcé en tous points pour qu’elle ne puisse jamais plus s’en extirper, Iris se laissa dépérir. Durant deux mois de profonde dépression, totalement coupée du monde, elle s’était résolue à son misérable sort. Ainsi après quelques jours supplémentaires de lutte après son retour, elle avait commencé à boire et à manger ce qu’on lui apportait ; qu’il s’agissait de restes de cadavres des nombreux malheureux qu’elle avait pu entendre appeler à l’aide et souffrir en provenance de la grange ces derniers mois ou encore de simples plats cuisinés. Peu l’importait, elle avait faim. 

      Il lui arrivait souvent de se réveiller dans l’hystérie la plus totale, sortant son être d’affreux et malsains cauchemars dans lequel l’homme accompagné de sa femme abusaient de son corps et de son esprit, mais chaque fois elle se réveillait seule. Et même si elle se sentait faible et épuisée, elle préférait croire que cela découlait de sa captivité. Elle accepta l’ignoble vérité au terme de ces deux mois qui l’avaient menée à la folie lorsqu’elle comprit que le responsable du secret bien gardé n’était autre que le lait chaud et qu’il ne s’agissait plus là de cauchemars ; elle attendait un enfant. Zack l’avait prévenue: ils avaient une raison de la garder en vie. Iris lâcha alors lentement prise sur sa vie et puisqu’elle n’avait en sa possession aucun autre moyen de mourir que de faim, elle cessa de continuer à s’alimenter

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