Chapitre 6 - Présentez-vous et nous les combattrons

En Zorrèce.

 

Garnel avait agi seul en demandant à Paskhal de rentrer en guerre contre les autres peuples siréliens. Il ne l’avait pas consulté et s’était contenté de le mettre au pied du mur. L’Élu des jaunes était donc bien embêté pour justifier cette nouvelle prise de position. Ses amis les plus proches, dont les Bauthmy faisaient partit, connaissaient le rôle présumé des frères Asage dans l’enlèvement des filles. Paskhal se demandait donc comment il allait encore retourner la situation à son avantage et couvrir son changement de camp.

 

_ Mon ami, tout le monde parle de l’appel du ministre Asage. Comment vas-tu y répondre ? s’inquiéta Zeroual.

_ Je n’ai pas vraiment le choix, tu sais. C’est en qualité de gouverneur qu’il me demande de sauver le Nouveau Monde, répondit froidement Paskhal en refermant la porte de son bureau.

_ Oui, mais cet homme est un traitre, il a joué un rôle dans l’enlèvement et l’assassinat de tes filles. Votre relation t’a déjà couté assez cher ! s’emporta le père Bauthmy.

_ Ce n’est pas le ministre qui a organisé l’enlèvement de Manon et Solenne, le coupa Paskhal les larmes aux yeux en recoiffant ses cheveux dans une queue parfaite.

_ Que dis-tu ?

_ Avec Endza nous avons découvert que si Hestia était partie du jour au lendemain, c’est parce que c’était elle le corbeau. Dans notre grenier, nous avons trouvé des centaines de lettres qui témoignent de sa culpabilité. Elle et moi, nous n’aurions jamais dû avoir d’enfant. En échange de fonder une famille, elle devait donner deux de ses enfants, expliqua Paskhal en tendant une lettre à son meilleur ami.

_ Ma famille fut fondée à la seule condition que j’accepte que mes filles soient vouées à un destin funeste. Un jour, il les rappellera à lui dans la douleur et loin de moi elles devront réparer le passé. Telle est leur destinée, lut Zeroual à voix haute pendant que son ami déploya son aura noire autour d’eux pour user de son don.

_ Paskhal… Nous avons donc fait erreur depuis tout ce temps. Nous nous sommes trompés d’ennemi… La personne qui vous a aidé à avoir des enfants c’est Bénédit…

_ Il n’a jamais trouvé son âme sœur et n’a donc jamais eu sa propre famille. À part sa nièce, Sonfà… confirma Paskhal en prenant son ami dans les bras pour mieux le manipuler.

_ C’est la seule personne qui pouvait réclamer la vie d’enfants qu’il avait permis de mettre au monde… souffla le père Bauthmy.

_ Je crois qu’Hestia l’a aidé à organiser l’enlèvement de nos enfants. La balle qui l’a atteint n’a touché aucun organe vital et comme par hasard, Vikthor a vu la scène quand il s’est lié à Bénédit, lui permettant de sauver à temps ma femme !

_ Ils sont tous dans le coup… Je ne sais pas ce que Bénédit voulait à tes filles, mais il a tenté de faire porter le chapeau au gouvernement qu’il veut renverser depuis longtemps… Je pense qu’il a orchestré lui-même l’attentat de Mÿrre ! s’exclama Zeroual.

_ En faisant ça, il retournait Vikthor contre le gouvernement avant qu’il ne le succède. Ainsi, ses idéaux n’étaient pas perdus et dire que maintenant il mène la résistance, crut comprendre la mère Bauthmy.

_ En plus de tes deux filles, il a réussi à te prendre ta femme, Arthur, Marie et mon fils cadet… Par la Déesse, c’est un homme fourbe ! s’énerva Zeroual en tapant du poing dans un mur.

_ Vous comprenez donc pourquoi nous devons aider le ministre Asage à les arrêter ? insista Paskhal en resserrant son catogan nerveusement.

 

La discussion entre ses trois amis s’acheva sur un conciliabule de guerre. Ils devaient former une armée et pour ça rassembler les talents kalokas. Ils s’entourèrent de leurs plus proches alliés dans l’idée de monter une propagande qui rameuterait les jeunes les plus prometteurs. Chacun alla de son idée pour donner envie de les rejoindre et trois jours plus tard Paskhal répondit à l’appel du ministre par un discours radiophonique.

 

 

‘‘ Mes chères Kalokas,

Nous sommes à l’aube d’une guerre qui peut anéantir le Nouveau Monde. En six mois, nous avons fait face à de nombreux attentats et à une tentative de prise de pouvoir des Yeghes par la force. Derrière chacune de ces trahisons se trouvait la volonté de Siréliens. Des Physés et des Hylés ont manigancé pour reprendre le pouvoir aux humains. Ils ont agi sous les ordres d’un seul homme, Bénédit Karmir. Le même qui est à la tête de la résistance et qui vous appelle à combattre pour lui. Sachez que comme un lâche, il a abandonné son peuple pour se terrer dans le désert ! Manipulé tout comme vous, j’ai tenté de lui venir en aide dans sa rébellion. Puis j’ai appris sa traitrise. Cet homme ne cherche qu’à gagner plus de pouvoir et à démolir les fondements de notre monde. Rappelez-vous que chaque bain de sang que nous avons connu s’est déroulé en terre physée. Ils se sont opposés aux lois du conseil ministériel puis ont violenté des miliciens innocents. Aujourd’hui, ils viennent encore de prendre la vie d’une ministre. Celle de la justice. Nous nous devons de lever notre glaive et sabrer leur défaite. Namon a donné aux Kalokas des pouvoirs de supériorité physique et psychique. Il est grand temps de nous en servir. Nous sommes les successeurs du premier frère Sirel et nous nous devons de guider les peuples comme il l’a fait avant nous. Enki a fondé le Nouveau Monde en rassemblant les humains et en les éduquant. Aujourd’hui, c’est à nous que revient cette tâche. Rassemblons-nous pour ramener à la raison ces brebis égarées. Amis kalokas, montrons l’exemple et unissons nos forces. Erden sera notre point de ralliement. Présentez-vous et nous vous choisirons. Présentez-vous et nous vous élèverons. Présentez-vous et nous les combattrons.’’

 

À peine diffusé, le discours souleva les foules kalokas et humaines. Une partie voulait répondre à l’appel avec fierté et l’autre était émue de cet engagement sirélien. Eux qui s’étaient toujours senti supérieurs aux autres, étaient à présent aveuglés par leur condescendance. Bien qu’ils ne détestaient pas les autres, les Kalokas étaient connus pour être un peuple centré sur lui-même et sa prospérité. Aucun d’eux ne se rendaient donc vraiment compte de ce qu’ils pouvaient se passer dans les autres régions siréliennes. En admiration pour Paskhal, cet Elu et conciliateur reconnu, ils buvaient ses paroles. Jusqu’ici, ils avaient été protégés par toutes ces protestations. Epargnés par les nouvelles lois et les arrestations, ils ne pouvaient comprendre la réalité des Lendemains Sans Peur, ni la révolte de la résistance. Paskhal le savait et en avait joué. A l’aide d’une bonne propagande, de son pouvoir et de ses relations politiques, il avait réussi à leur cacher tant de choses. Les Kalokas ne pouvaient voir la légitimité de la rebellions des autres peuples. Au contraire, ils pensaient que la résistance mettait en danger l’équilibre du Nouveau Monde. S’il continuait ainsi Bénédict Karmir, l’ancien Elu des rouges, allait provoquer une guerre bien plus grave. Il fallait donc s’y opposer et déclarer la guerre à tous ceux qui le soutiendrait. Endoctrinés, ils en étaient tous convaincus. Pour le bien de tous, pour celui du Nouveau Monde et pour leur prospérité.

 

En guise de rédemption pour la trahison de son fils cadet, Zeroual tenu à offrir les talents de Nazar à cette armée kalokas.

 

_ Mon fils ainé sera ton bras droit dans cette bataille, ton premier combattant. Son pouvoir te permettra de tenir le moral de ton armée et il pourrait même retourner nos adversaires. Ceci est un gage de ma foi. Aucun autre Bauthmy ne te trahira. Je t’en fais la promesse ! s’exclama Zeroual peiné.

_ Ma fille et moi serons ravies de vous avoir à nos côtés, le réconforta Paskhal touché par ce geste.

 

D’ici quelques jours, des centaines de Kalokas allaient se présenter à Erden. La capitale de Zorrèce allait bientôt grouiller de jeunes talents, mais en attendant, Paskhal voulait former ses plus proches disciples pour qu’ils puissent être à la tête de son armée.

 

_ Endza, Nazar… je vous ai demandé de me suivre à Erden, car vous êtes peut-être appelé à me succéder un jour. Vous avez toujours fait partie des Siréliens prometteurs, mais il faut vous en montrer digne à présent. Zeroual, avec son don de super force, est le mieux placé pour vous former aux arts du combat. Il saura mettre en avant vos atouts. Endza, tu mettras ta souplesse et ton élasticité au service de la lutte armée tandis que Zaven s’aidera des combats rapprochés pour perturber les émotions de ses adversaires, expliqua Paskhal à ses deux jeunes recrues.

_ Nous sommes honorés, Père, d’être à la tête de votre rassemblement, s’enthousiasma Endza en prenant en main l’épée qu’on lui tendait.

 

Fière de cette reconnaissance, la rouquine observa longuement le pommeau sculpté de l’arme. De nombreux triangles entremêlés habillaient la monture de la lame argentée où se reflétaient les yeux verts d’Endza. Habile, la cadette la souleva avec aisance dans les airs en la faisant tournoyer avec légèreté. Ses bras élastiques dessinèrent des arabesques en jouant avec l’épée qu’on aurait dit conçue pour elle. Intelligente et dégourdie, la rouquine mit peu de temps à maitriser les bases du combat d’épée. Contrôlée par son père qui lui faisait ingérer des images de combats, elle se montra même douée pour cet art après plusieurs jours passés à s’entrainer. Nazar fut lui formé aux corps à corps afin de profiter de chaque contact pour neutraliser son adversaire en changeant ses émotions par le toucher.

_ L’épée nichée dans ma paume, je pars en lutte ! s’écria Endza à la fin de son ultime entrainement devant un public de plus en plus nombreux.

_ Contre nos ennemis qui mènent le Nouveau Monde à sa chute, je me lève, lui répondit Nazar également aveuglé par la haine de Paskhal.

_ Nous nous présentons à vous pour les combattre ! répliqua la foule en chœur en applaudissant leur Élu et ses jeunes disciples.

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