Chapitre 6 - Le voyage - Ira

Notes de l’auteur : MAJ 18/09/2023

Comment les choses avaient-elles pu tourner ainsi ?

 

Ce voyage avait pourtant commencé d’une manière extraordinaire, elle était sortie. Kerst ne lui avait annoncé que le matin même. « Aujourd’hui est un grand jour pour toi, nous allons à la capitale ». Elle en était restée bouche bée. Depuis le temps qu’ils vivaient ensemble, elle n’avait jamais quitté leur maison sans fenêtre, où la température était toujours la même. Elle était sombre, humide, au confort rudimentaire. Il y avait un long couloir central, dont l’une des extrémités, jamais éclairée, ouvrait sa gueule noire et sinistre sur l’inconnu.

À l’opposé se trouvaient les appartements de Kerst. La chambre d’Ira, sans fantaisie, disposait d’un lit en bois avec un matelas de paille, et d’une armoire presque vide, puisqu’elle ne possédait que peu de choses.

Elle connaissait l’existence de la capitale car Kerst lui dispensait des leçons presque tous les jours. Elle savait qu’il leur faudrait de longues heures de marche pour l’atteindre. Elle avait hâte de voir d’autres paysages, de découvrir à quoi ressemblent les montagnes, les rivières, les villes, le jour, le soleil.

Pour l’occasion, Kerst lui avait offert de nouveaux vêtements : des braies, un chemisier et une longue cape à capuche, le tout, noir. Elle s’habilla, essuya le rouge sur son visage, fit un brin de toilette, puis essaya de coiffer sa longue chevelure ébène du mieux qu’elle put. Elle se résigna. Sa tête serait dissimulée sous la capuche. Kerst lui avait formellement interdit de l’enlever. Elle ne devait pas non plus le quitter lui, ni parler avec qui que ce soit. Ce dernier point ne la dérangeait pas outre mesure, elle n’était pas certaine d’avoir envie de parler à des inconnus. Son monde se résumait à Kerst, que pourrait-elle bien avoir à dire ?

Elle se contempla une dernière fois dans le morceau de miroir ébréché accroché dans sa chambre et sortit dans le couloir où il l’attendait déjà. Ils se dirigèrent vers l’extrémité du corridor toujours obscure, mais, à la lueur d’une torche vacillante, un escalier se révéla. Il menait vers une trappe en bois fermée de l’intérieur par un système complexe de verrous qui semblait inviolable. Kerst prit plusieurs minutes pour parvenir à l’ouvrir et l’entrebâilla. Il scruta quelques minutes l’extérieur avant de pousser complètement la trappe et de laisser Ira s’extirper dehors.

Pendant qu’il refermait avec soin leur maison, Ira resta paralysée. Saisie par la brise fraîche et légère qui caressait l’herbe mouillée de rosée, par cet air frais et pur qui s’infiltra dans ses poumons qui se gonflèrent à en éclater, elle crut que ses yeux pleuraient de rencontrer le soleil pour la première fois, mais c’était son cœur qui n’avait pu retenir son émotion de voir le ciel et son immensité. Elle s’agenouilla, caressa l’herbe grasse du bout des doigts. Elle aperçut, à travers la végétation, les montagnes de l’ouest, majestueuses, aux pointes blanches scintillant sous la lumière de l’aube. Elle essuya prestement ses larmes, et la vue de Kerst qui l’observait sans mot dire lui fit reprendre ses esprits instantanément. Elle ne lui avait jamais vu cette expression, et pourtant, elle la connaissait, sa bouche, car c’était tout ce qu’il laissait paraître de lui. Toujours dissimulé sous un manteau à capuche noir qui lui masquait la moitié du visage, elle ne pouvait évaluer son humeur qu’à travers ses lèvres pincées et son rictus nerveux.

Ils marchèrent deux jours durant, sans dormir, s’arrêtant à peine pour manger. Ira était habituée. Depuis qu’elle était enfant, elle s’entraînait à ce genre de choses, entre autres. Elle oublia la fatigue qui commençait à peser sur ses paupières quand ils arrivèrent enfin à Aimsir : elle n’aurait jamais imaginé qu’il puisse vivre autant de monde sur ces terres, que l’on puisse construire des bâtiments si hauts et si beaux. Elle aperçut enfin tous ces animaux qu’elle n’avait étudiés que dans les livres usés que Kerst daignait lui donner. Quel changement d’atmosphère ! Kerst lui intima de le suivre et la guida à travers les rues bondées, qu’il semblait connaître par cœur.

  - Tu es déjà venu ici ?

  - Non, répondit-il sans se retourner.

Ira n’insista pas, mais elle resta perplexe. Il n’avait jamais été très bavard ni très expansif, mais il lui sembla que c’était la première fois qu’il lui mentait aussi grossièrement. Ils s’arrêtèrent finalement dans un coin, non loin d’une immense place.

  - Admire le spectacle.

  - Quel spectacle ?

  - Le défilé des mystiques.

Ira en attendait un peu plus. Il n’était pas franchement loquace.

  - Qu’est-ce qu’un Mystique ? se risqua-t-elle à demander.

Kerst ne répondit pas immédiatement. Il prit une inspiration et expliqua d’une voix grinçante :

  - Dans ce royaume, il existe des personnes élues, choisies par les chefs des cités pour disposer d’un certain pouvoir, comme celui du feu ou de l’eau. Ces personnes sont précieuses aux yeux de tous ces imbéciles. Aujourd’hui, ils vont tous se réunir pour assister au couronnement de la nouvelle reine. C’est un évènement très rare, c’est pour cette raison que ces abrutis en ont fait tout un spectacle.

Ira ne connaissait pas l’existence de la magie ni des Mystiques, il ne lui en avait jamais parlé. Elle brûlait d’en savoir plus, mais le ton de Kerst l’en dissuada. Elle s’interrogea sur les raisons qui avait poussé ce dernier à ne pas lui révéler quelque chose d’aussi important. Il lui sembla que cela s’apparentait à un mensonge de plus. Allait-elle en découvrir encore beaucoup d’autres de ce genre ?

Soudain, des cris réveillèrent la foule. Les convois des Mystiques arrivaient. Ira trouva ce spectacle extraordinaire. Elle se surprit à sourire comme elle ne l’avait jamais fait. Elle regarda Kerst du coin de l’œil pour observer sa réaction, et son sourire s’effaça de lui-même quand elle aperçut l’expression de son visage. Le regard invisible et fixe sur la procession qui passait, il ne bougeait plus. Les poings fermés et crispés, sa mâchoire saillait sous sa peau. La jeune femme était habituée à ses accès de colère, mais elle réalisa qu’elle n’avait peut-être pas tout vu.

Une fois que les Mystiques furent arrivés au château, Kerst la guida plus près du château où allait se tenir la cérémonie.

  - Tu vois ce balcon Ira ? Toutes les Mystiques sont rassemblées dessus. Ce sont les femmes sur les chaises, à gauche, ainsi que la princesse. Tu les aperçois ?

  - Oui.

Elle ne les distinguait pas vraiment, mais elle préférait ne pas le contrarier.

  - Parfait. Je veux que tu les regardes. Je veux que tu mémorises chacun de leurs visages.

  - Pourquoi ?

  - Fais ce que je te dis.

Ira s’exécuta tant bien que mal. Son observation fut facilitée lorsqu’elles se levèrent et saluèrent la foule. Elle se concentra pour inscrire leurs visages et leurs silhouettes dans sa mémoire. Elle fut interpellée par les armes qu’elles portaient, qui semblaient toutes magnifiques et de grande valeur. Ira connaissait bien le sujet.

À la fin de la cérémonie, elle fut surprise par la rapidité avec laquelle les choses se mirent à bouger autour d’elle. Des milliers de personnes se déplacèrent au même instant, dans des directions différentes, et bousculèrent Ira. Elle fut poussée, promenée à droite, puis à gauche, en avant, en arrière, elle avait beau protester, personne ne semblait faire attention à elle. Elle aperçut Kerst à quelques mètres d’elle, qui fendait la foule sans un regard pour elle. Elle s’approcha de lui, mais lorsqu’elle fut presque à sa portée, elle fut ramenée d’une manière extraordinaire en arrière, puis de nouveau en avant, quelques secondes plus tard, tant et si bien qu’elle avait perdu de vue Kerst. Elle resta abasourdie au milieu des badauds qui continuèrent à la bousculer. Après des minutes sans fin, elle parvint enfin à s’extraire et à se blottir contre un muret. Elle réalisa alors qu’elle était seule, elle ne voyait plus du tout Kerst. Elle prit le temps de récupérer son souffle et ses esprits, puis décida de suivre le muret.

Après une dizaine de mètres, elle se retrouva devant l’entrée d’un grand parc luxuriant où se trouvait un étang immense en son centre. Canards, cygnes et autres poules d’eau barbotaient paisiblement. Quelques promeneurs déambulaient dans les allées, mais il y régnait un plus grand calme qu’en plein cœur de la ville. Ira songea que Kerst pourrait la retrouver plus aisément dans un endroit comme celui-là. Elle marcha vers un coin désert, enleva ses bottes et trempa ses pieds douloureux dans l’eau fraîche avec délectation. Elle s’allongea dans l’herbe, et sombra dans le sommeil sans même s’en rendre compte.

 

Elle fut tirée de ses songes par une voix qu’elle ne connaissait pas et une main sur son épaule. Elle ouvrit brusquement les yeux. Elle réalisa qu’elle s’était assoupie au beau milieu d’une ville inconnue et qu’il y avait à présent un homme penché au-dessus d’elle. Elle tenta de parler mais aucun son ne sortit de sa bouche.

  - Ah, elle se réveille.

  - Il semblerait.

Ira tourna la tête, il y avait aussi une femme. Une petite blonde au visage rond qui la dévisageait avec dédain. L’homme reprit :

  - Vous deviez être très fatiguée, cela fait un moment que je tente de vous réveiller. Je craignais que vous ayez fait un malaise, heureusement, il n’en est rien, mais il ne faut pas s’endormir n’importe où ici !

  - Pardon, balbutia Ira. Merci pour l’avertissement…

Il lui était difficile de s’exprimer. Elle avait la tête et la bouche embrumées par ce sommeil si lourd, elle arrivait à peine à se relever. Elle se passa un peu d’eau sur le visage. Sa vision se faisant plus précise, elle observa son interlocuteur. C’était un jeune homme aux cheveux blonds, foncés par l’âge, fins et vaporeux, coupés court. Il avait des traits tout aussi fins, des yeux en amande couleur noisette au travers desquels on pouvait lire à la fois beaucoup de malice et de douceur. Ses lèvres charnues affichaient un sourire tendre et généreux. Il était vêtu d’une armure chatoyante, une épée à la ceinture. Un chevalier.

  - Vous êtes perdue ?

  - En quelque sorte. J’ai été séparée de mon… compagnon, par la foule.

Il se releva et lui tendit la main :

  - Je me présente, Iwan Caoran. Chevalier au service de Sa Majesté. J’ai terminé ma journée et nous rentrions chez nous. Voici ma fiancée, Aurore Grian.

  - Enchantée.

Il l’aida à se hisser sur ses deux jambes, puis demanda :

  - Et vous, comment doit-on vous appeler ?

  - Ira.

  - Vous n’avez pas de nom de famille ? s’étonna Aurore.

  - Qu’est-ce qu’un nom de famille ?

Ils la regardèrent avec une telle surprise que cela aurait presque pu être comique, si Ira ne s’était pas sentie aussi honteuse.

  - Eh bien, c’est le nom que l’on hérite de notre famille à notre naissance. Moi, c’est Caoran. Mes parents portent aussi ce patronyme, expliqua Iwan.

  - Ah, d’accord. Je n’en ai pas alors.

  - C’est étrange, fit remarquer la fiancée au regard dédaigneux.

  - Peut-être.

Iwan resta dubitatif quelques instants.

  - Avez-vous un point de rendez-vous avec votre compagnon ? Un endroit où il serait susceptible de vous attendre ?

  - Non. C’est la première fois que nous venons ici.

  - Bon… Nous allons raccompagner Aurore et nous chercherons ensemble, si vous voulez. Je suis né ici, je vous guiderai.

  - Hors de question, siffla sa fiancée.

Iwan se retourna vers elle, surpris. Aux regards qu’ils échangèrent, Ira comprit qu’elle était un problème, mais n’en saisit pas la raison.  

  - Ne vous embêtez pas, intervint Ira pour calmer la situation, je pense l’attendre ici.

  - C’est une mauvaise idée, rétorqua Iwan. La nuit, c’est assez dangereux par ici. Je vous en prie, venez avec nous. Nous allons vous faire visiter. Il serait dommage que vous ne profitiez pas de notre belle cité.

Ira ne sut que répondre. Avait-elle vraiment le choix ? Elle était désarmée, et la dernière chose qu’elle voulait, c’était attirer l’attention. En ce qui concernait la fiancée d’Iwan, c’était raté. Cette dernière la regardait avec tout le feu dans les yeux qu’on puisse imaginer. Ira ne comprenait pas vraiment. Les relations humaines étaient pour elle une grande inconnue. Elle ne connaissait que Kerst et… l’autre. Mais l’autre, elle ne considérait pas vraiment cela comme une relation. Elle avait même du mal à l’envisager comme une personne. Elle hocha la tête et se leva fébrilement.

  - Je vous remercie de vous donner cette peine.

  - Je suis chevalier, c’est mon rôle d’aider les autres.

  - Tu as fini ton service, fit remarquer Aurore.

Il ne répondit rien. Il ne semblait pas l’écouter, ce qui renforça la colère de sa fiancée. Ira se sentait très mal à l’aise, mais elle les suivit malgré tout. Il dégageait quelque chose de particulier qui inspirait confiance.

Elle ne regretta pas de s’être laissé guider. Elle passa les heures les plus merveilleuses de sa courte vie. Elle tenta tant bien que mal d’ignorer les regards pesants et les remarques cinglantes d’Aurore, pour apprécier Aimsir à sa juste valeur. Iwan lui raconta tout ce qu’il savait de la famille royale, du château, du temple. Il lui montra les plus belles maisons, les plus beaux magasins, la fontaine grandiose à l’ouest de la ville, les statues de marbre…

Il lui expliqua que le temps, entre ces murs, était capricieux. Elle comprit alors ce qui lui était arrivé après la cérémonie.

Elle avait enfreint toutes les règles imposées par Kerst, mais elle s’en fichait. Elle aurait voulu que les heures s’éternisent, mais le temps ne lui offrit pas ce cadeau. Le sourire qu’elle avait porté toute la journée mourut sur ses lèvres lorsque, au détour d’une ruelle déserte, elle vit la silhouette si familière de Kerst, qui semblait les attendre de pied ferme.

  - Bonsoir, Ira, lança-t-il.

Sa voix se voulait feutrée et maîtrisée, mais Ira le connaissait bien. Elle sentit sous la surface la colère qui grondait.

Elle n’avait jamais eu peur de lui. Elle ne s’était jamais vraiment posée de question sur leurs relations, sur son existence, car elle n’avait jamais rien connu d’autre. Cela avait changé désormais. Elle se mit alors à trembler de terreur.

Iwan le remarqua. Son visage doux se durcit, et il observa avec attention l’inconnu qui se tenait devant eux. Instinctivement, il rapprocha la main de son épée.

  - C’est votre compagnon ? demanda-t-il à Ira.

  - Oui, souffla-t-elle. Merci beaucoup pour auj…

  - C’est à ça que tu as passé ta journée ?

  - Je te cherchais, balbutia-t-elle.

  - Mensonge.

  - C’est la vérité, intervint Iwan. Nous en avons simplement profité pour lui faire une visite de la ville. Nous l’avons trouvée perdue, et nous avons insisté pour l’aider.

  - Qui es-tu, toi ?

Le cœur d’Ira bondit dans sa poitrine. Kerst avait changé de ton. Il semblait vexé qu’un étranger l’interrompe. Avant qu’Ira ne puisse répondre, Iwan lança :

  - Iwan Caoran, chevalier de Sa Majesté la Reine Ariana Trath.

  - Un chevalier, hein ? Eh bien, sieur chevalier, je vous remercie. Je vais désormais récupérer ce qui m’appartient et nous allons tous repartir chez nous. Ira ! Viens.

Ira fit un pas, mais elle fut retenue par une main ferme. Elle se retourna avec stupeur vers Iwan, qui ne fixait que Kerst. Aurore, qui n’avait montré aucune autre expression que le mépris et la colère de la journée, sembla être capable d’être inquiète.

  - Iwan, on rentre, ordonna-t-elle.

  - Non.

  - Iwan, je vous remercie, mais lâchez-moi, ça va aller. Je vous en prie…

  - Il est hors de question que je vous laisse repartir avec un homme qui vous considère comme sa chose, et qui, de toute évidence, ne vous veut pas du bien. Je manquerai à tous mes devoirs.

La tension s’installa et imposa son silence. Ira implorait Iwan des yeux mais il restait focalisé sur Kerst, prêt à dégainer à tout instant. Elle finit par se dégager brutalement de la poigne du chevalier.

  - Merci, dit-elle simplement en s’éloignant.

Il ne répondit rien. Il ramena son regard sur elle, interrogateur. Elle n’avait pas le choix. Il lui sembla alors qu’elle ne l’avait jamais eu. Quelle décision avait-elle prise de sa propre initiative depuis vingt ans ?

Elle se rapprocha de Kerst, et elle constata, au fur et à mesure qu’elle pouvait mieux distinguer sa bouche, que sa mâchoire était serrée à s’en faire exploser les dents. Elle comprit pourquoi il ne répondait plus : sa rage l’en empêchait. Il tourna les talons, Ira le suivit. Elle se fit violence pour ne pas jeter un regard en arrière. Quand ils eurent tourné dans une autre ruelle, Ira fut subitement sonnée. Ses oreilles se mirent à siffler, sa vue se troubla. La stupeur fut telle qu’elle ne cria même pas. Kerst la rattrapa par le cou alors qu’elle s’effondrait au sol. Il colla son visage au sien :

  - On ne se joue pas de moi, Ira, c’est la plus importante des leçons. C’est moi qui décide. Ta vie dépend de moi, et de moi seul, tu entends ?

Elle ne put répondre, il serrait si fort que sa respiration devenait difficile. Il ne desserra pas son emprise et lui asséna des gifles en plein visage. Elle était terrorisée. Elle aurait pu se défendre, elle était formée pour ça depuis sa naissance, mais son corps ne répondait pas. Elle était comme une marionnette entre ces mains cruelles qui s’acharnaient sur elle.

  - Lâche-là !

Kerst s’arrêta net. Ira n’en croyait pas ses yeux : Iwan les avait suivis, il se tenait devant eux, l’arme brandie.

  - Tu n’es qu’un idiot. Risquer sa vie pour ça

  - C’est mon devoir, écarte-toi !

Kerst relâcha enfin Ira, qui s’écroula au sol. Elle tenta de se relever, car elle comprenait enfin de quelle matière était faite celui qui était sa vie, elle savait qu’Iwan était en danger. Elle regarda Kerst dégainer une dague sombre et foncer sur Iwan à une vitesse inhumaine. Le chevalier réussit à parer l’attaque, mais la violence du choc le propulsa au sol. Aurore surgit alors de nulle part en hurlant le prénom de son fiancé et se précipita sur lui.

  - Va-t’en ! lui cria Iwan en la poussant sans ménagement.

Mais il était trop tard. Kerst dévoila alors un sourire carnassier, et d’un coup de dague, il égorgea la jeune femme. La stupeur paralysa Ira. Il n’y avait pas eu une seconde d’hésitation dans le geste de Kerst. Il avait fait le choix d’être cruel sans y réfléchir. Iwan poussa alors un cri qui déchira la nuit et le cœur d’Ira déjà à l’agonie. Kerst courut vers elle, la souleva comme si elle ne pesait pas plus lourd qu’une plume, et entama une course folle à travers la ville, alors que les lumières s’allumaient déjà aux fenêtres et que les curieux sortaient dans la rue.

 

Lorsqu’ils arrivèrent chez eux, Kerst la balança lourdement dans sa chambre. Il l’avait portée depuis Aimsir et n’était même pas essoufflé.

  - Tu restes là jusqu’à nouvel ordre. Et d’ici là, fais ton choix : ou tu me sers, ou je te tue. Réfléchis bien.

Elle ne répondit rien. Elle se contenta de le fixer avec défiance jusqu’à ce qu’il referme la porte à clef.  Elle se releva et se dirigea vers le morceau de miroir. Elle ne se reconnut pas. Son visage était déformé par les coups, on percevait à peine un bout de peau qui ne soit pas rouge, bleu, ou jaune. Du sang séché avait craquelé sur toute sa face, elle ne parvenait pas à se débarrasser de ce goût dans sa bouche tuméfiée. Elle songea qu’elle venait de découvrir le vrai visage de Kerst, et il n’était pas plaisant, c’était le moins que l’on puisse dire. Quand elle se remémora toutes ces années passées à ses côtés, pourtant, cela lui apparut comme une évidence. Son aveuglement l’écœura. Elle se rendit compte qu’elle était dans une situation difficile, et qu’elle n’avait certainement pas le niveau pour affronter Kerst ou s’enfuir.

Elle saisit une serviette et la trempa dans sa bassine d’eau pour nettoyer les traces. L’eau glacée lui remit les idées en place. Elle repensa alors à ce qu’elle venait de vivre, à Iwan. Son cœur se serra. Elle se sentait affreusement coupable. Kerst avait raison. Elle ne valait rien. Peut-être devrait-elle choisir la mort plutôt qu’une vie à la solde d’un monstre ?

 

 

Comment les choses avaient-elles pu tourner ainsi ? Cela avait si bien commencé.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Maric
Posté le 19/04/2022
Hello
Un très bon chapitre. J'ai du mal à voir où tu veux en venir. Mais chaque chapitre a son propre intérêt. On découvre toujours d'autres personnages tous aussi intéressants.
Mathmana
Posté le 19/04/2022
Merci!
C'est sûr qu'avec tous les personnages je comprends que cela puisse être déroutant! Ce chapitre présente tout simplement ceux à qui on doit de mettre le bazar, pour être polie! A l'origine, Ira est mon personnage principal même si dans la manière dont j'ai structuré le roman ce n'est peut-être pas évident.
J'ai hâte d'avoir ton retour sur la suite!
Audrey
Posté le 12/03/2022
Bonjour,
C'est un très bon chapitre encore. J'étais prise dans l'histoire.

Je n'ai pas grand-chose à te dire à part qu'il y a des répétitions çà et là ("l’ouvrir et l’entrebâilla" par exemple) et que certains détails, comme le nombre de pièces de leur maison ne me semblent pas très utiles pour la suite du chapitre.

Et que de personnages dans ton histoire. Il y en a combien en tout ?

À bientôt
Mathmana
Posté le 14/03/2022
Merci beaucoup! Les choses sérieuses commencent ;)

Oui en effet il y a pas mal de persos, 7 narrateurs principaux et 2/3 occasionnels. Je sais que ça peut faire pas mal, mais par rapport à ma première version, j'ai réduit de moitié... Je me suis rendue compte que ça ne fonctionnait pas toujours, c'était difficile à suivre pour les lecteurs, et tous les persos ne se valaient pas, certains n'étaient vraiment pas développés, sans aucun charisme, j'ai donc réduit la voilure même si ça m'a été dur, pour autant, je ne regrette pas!
A bientôt!
Vous lisez