Chapitre 56 - ‘‘Quand l’un sombre, l’autre le relève’’

Sur la route entre les régions de Kentronakan et de Yacuiba.

 

Le temps avait filé entre le départ des Oripeaux en début septembre et la fin de leur voyage fin octobre. Ils en avaient parcouru des cirques avant de poser leurs premiers pas en terres physées. Beaucoup de choses avaient changé depuis. Les Yeghes n’étaient plus les enfants ignorants qu’ils avaient été autrefois. À présent, ils faisaient tous partie de la troupe et travaillaient pour gagner leurs pains.

 

_ Tu as vu, bientôt j’aurais un numéro solo ! s’enthousiasma Ferza en s’adressant à Elpi, une des Yeghes.

_ Bientôt, on sera arrivé. On estime deux jours de marche avant la fameuse grotte ! la reprit la femme paon.

_ Tu as raison, bientôt nous ne serons plus des troubadours, mais des résistants ! s’écria encore Ferza.

_ On restera des hors-la-loi quoiqu’il arrive !

_ Rabat-joie ! la taquina la femme nuage.

 

Au fur et à mesure de leur voyage, les Yeghes avaient affirmé leurs caractères, leurs personnalités. Ils étaient finalement plus complexes que ce qu’on leur avait fait croire. Ils n’avaient pas d’intérêts personnels, ils ne convoitaient rien, mais pourtant ils avaient chacun leurs particularités et leurs humeurs.

Tomàs avait un sens aigu de la justice, il était un bon arbitre du bien et du mal. Fin psychologue, il comprenait facilement les convictions et les gestes des humains et des siréliens. Il savait que le monde n’était ni noir, ni tout blanc, mais fait de belles nuances de gris. Grâce à cela, Les Oripeaux le considéraient comme un sage, une guide spirituelle qu’on venait voir quand on broyait du noir ou qu’on ne savait plus où on en était. Il était toujours de bon conseil et ouvert d’esprit.

 

Ferza, la femme nuage quant à elle était connue pour sa bonne humeur. Son enthousiasme ne s’avouait jamais vaincu. Elle adorait aussi apprendre sans cesse et se réjouissait de tout ce qu’elle vivait maintenant qu’elle était libre. Elpi quant à elle, était plus pessimiste. La femme paon avait la tête sur les épaules et elle était prévoyante. C’est à elle qu’on avait confiait la garde des enfants, c’était un vrai puits de science et elle savait tenir les garnements de la troupe. Hiwi quant à lui aurait fait un bon professeur d’histoire. Il connaissait sur le bout des doigts l’histoire humaine et Sirélienne. Il notait tout ce qu’il vivait au fur et à mesure, pour l’intégrer à son savoir.

 

_ Des personnes sont passées par là, affirma Silk.

_ Oui, on se rapproche surement de la cachette dont nous a parlé Vikthor, acquiesça Marthe.

_ Ils devraient déjà nous avoir rejoints avec Flopin, s’inquiéta Mirà en serrant la main écaillée de Silk.

_ Ils ont surement eu un contre temps à cause de l’automne, la rassura-t-elle.

 

La femme serpent avait l’âme d’une vraie traqueuse. Accompagnée de l’audition surprenante de Mirà, elle repérait les chemins accessibles, la nourriture et toute trace d’activités suspectes. À croire que Silk avait toujours été faite pour vivre dehors et non enfermée au sein du conseil ministériel. Quant à Marthe, la femme rocher, elle parlait d’une voix douce qui tranchait avec son physique de pierre. Pourtant, c’était auprés d’elle qu’on allait chercher de l’affection. Elle avait toujours un mot pour guérir les pensées les plus sombres. Les Oripeaux avaient appris à tous les connaitre et en étaient sortis enrichis.

 

_ Silk, j’entends quelqu’un au loin ! s’écria Mirà d’un coup.

_ Où ça ? Nous n’avons nulle part où nous cacher dans ce désert, s’inquiéta la femme serpent en roulant sa langue fourchue.

_ Trop proche, avoua Mirà alors qu’une première flèche ne fusa pas loin d’eux.

_ Reculez ! cria Tomàs.

 

Dans un mouvement de foule peu discret, les Oripeaux firent dévaler leurs caravanes sur la pente qu’ils venaient tout juste de gravir. Cependant, ils étaient bien trop chargés pour rebrousser chemin aussi facilement. Sans qu’ils ne comprennent pour quoi, d’un coup leurs chevaux se mirent à hennir et s’enfuir vers là où la flèche avait été tirée.

 

_ Il faut les rattraper ! On va perdre nos carrioles, nos affaires, tout ! s’inquiéta Elpi.

_ Suivez-moi, on y va ! intervint Böm, l’un des jongleurs.

 

Tous ceux qui savaient à peu près se battre se mirent alors à courir derrière les chevaux. À chacune de leurs avancées, des flèches fusaient. Cependant, aucune ne les atteignait. Rassurés par la maladresse de leurs assaillants, ils poursuivirent ainsi jusqu’à rattraper les chevaux. Cette fois, une flèche se rapprocha cependant. 

 

_ Oh, mais… balbutia Tomàs en constatant la flèche qui avait transpercé sa capuche en se logeant dans la charrette qu’il tentait de ramener.

_ Lâchez tout ! ordonna une voix de femme.

_ Ne bougez plus ! Ils savent très bien viser finalement vu comment son tir a réussi à m'ôter la capuche. C’étaient juste des avertissements, constata Tomàs.

_ En effet, si nous avions voulu vous tuer, nous l’aurions déjà fait. Abandonnez tout et repartez ! surenchérit la femme toujours invisible.

_ Si vous faites ça, vous nous condamnez à la mort ! s’offusqua Böm prêt à se battre.

_ Vous ne devriez pas être là !

_ Vous avez raison et tord en même temps, les coupa Hiwi.

_ Ah oui ? J’ai tort ? s’énerva la voix fantôme.

_ Elle n’est pas seule, faites attention, ajouta Mirà qui avait entendu d’autres respirations.

_ Ah oui, et comment pouvez-vous le savoir ?

_ Sans compter le nombre de flèches ? plaisanta Hiwi.

_ L’enfant a un don particulier, avoua Tomàs.

_ Un don ? Une Sirélienne ? reprit la voix.

_ Pas tout à fait, avoua Tomàs sous le regard courroucé des Oripeaux qui avait peur de ses révélations.

_ Voyons voir, ajouta la femme qui les avait attaquées en sortant enfin de sa cachette.

 Habillée de beige, elle était difficile à voir dans les plaines désertiques. Elle avait le visage dissimulé dans un turban de la même couleur. Son arc dans le dos et ses bottes en cuir lui donnait les traits d’une vraie guerrière qui rappela à Tomàs le courage qu’il avait lu sur le visage de Sonfà à son procès. Elle s’approcha lentement, sans que ses amis ne sortent de leur cachette pour autant.

 

_ Qui êtes-vous ? demanda-t-elle en s’adressant uniquement à Tomàs.

 

Il hésita longuement avant de repérer le telsman rouge qu’elle arborait au tour du cou. Si elle était une physée, elle devait connaitre Vikthor. Surtout si elle se baladait, là où il cherchait la fameuse grotte de la résistance.

 

_ Nous sommes des exilés de Kentrony. Nous recherchons une jeune physée, lui répondit alors le Yeghe.

_ Son nom ? insista la femme mystère.

_ Sophya Peyrache, vous la connaissez ?

_ Que lui voulez-vous ? s’emporta encore la sirélienne.

_ Son frère, Vikthor, nous envoie la retrouver ! avoua enfin Tomàs.

_ Vikthor ? balbutia-t-elle

 

Après avoir constaté de ses propres yeux que le convoi n’avait pas l’air dangereux, elle siffla d’un coup. À ce son, des dizaines d’hommes et de femmes apparurent derrière les collines. L’un d’eux menait fièrement des animaux sauvages qui le suivaient sans laisse. Tomàs fut instantanément émerveillé par la vision et par l’aura qui de dégageaient de l’homme brun.

_ Ils prétendent venir de la part de Vikthor, expliqua la femme au Sirélien qui maitrisait un ours et des loups.

_ Vous pouvez le prouver ? les questionna l’homme en question.

_ Oui, nous avons un message à transmettre à sa sœur, que seule elle pourra comprendre, affirma Tomàs.

_ Dites et nous lui transmettrons, déclara la femme.

Tomàs acquiesça et fît alors rassembler sa troupe autour de lui, il devait tous se tenir en ligne pour effectuer mots pour mots ce que Vikthor leur avait dit. Ils priaient pour que le message soit compris et transmis à temps à la sœur Peyrache. Toutefois, ils avaient peur d’être mal tombés en voyant cette tireuse folle. Après que chacun d’eux ait pris le petit doigt de son voisin avec le sien, ils parlèrent d’une seule voix.

 

_ Quand l’un sombre, l’autre le relève, formula la troupe en cœur en levant les mains bien haut pour qu’on voie comment ils se tenaient tous le petit doigt.

_ Flopin avait raison, ils vont nous tuer sur le pas de la porte de cette fameuse grotte, chuchota Mirà en voyant le peu de réactions de ses assaillants.

 

Ils s’apprêtaient à recommencer plus ardemment quand la mystérieuse sirélienne les arrêta.

 

_ Ils disent vrai. C’était notre truc à nous et à Vikthor, avoua-t-elle.

_ Très bien alors à toi de les accueillir, conclut Bénédit en commandant à ses animaux de s’éloigner.

_ Je suis Sophya, la sœur de Vikthor. Bienvenue dans le berceau de la résistance ! les rassura enfin la sœur Peyrache.

_ Vous avez sa fougue ! avoua Hiwi en se jetant dans ses bras.

_ Oui par contre, je suis moins extravertie que lui, je préfère vous prévenir. Comment le connaissez-vous, où est-il ? le questionna Sophya en le repoussant gentiment.

 

 Les six Yeghes entreprirent alors de tout lui raconter à elle et à Bénédit. Ils ne tarirent pas d’éloge sur Vikthor et son ami Arthur, ils leur avaient sauvé la vie après tout. Ils racontèrent leurs rencontres, la découverte des Oripeaux, mais surtout leur exploit au sein du conseil ministériel avec le vol des plans.

 

_ Je ne comprends pas, ne devrait-il pas déjà être de retour ? s’inquiéta Sophya.

_ Ils devaient s’introduire chez le ministre Asage, libérer les filles et nous rejoindre, mais c’est peut-être plus long que prévu, avoua Tomàs.

_ Et ce Flopin, peut-on le contacter pour en savoir plus ?

_ Je ne vois pas comment, c’est un vagabond comme nous. Rien de plus.

_ Ici, nous avons installé la radio et nous arrivons à écouter les dernières informations par intermittence. Nous allons essayer de savoir s’il n’y en a pas qui concerne mon frère ou Arthur. Nous avons accès à la liste des admissions aux camps, aux dernières nouvelles de la capitale, s’il y a une information officielle sur eux nous l’apprendrons ! dévoila Sophya.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Elenna
Posté le 13/11/2020
C'est vraiment à chaque fois qu'il y a les Oripeaux je suis morte de rire... Sinon plus sérieusement, c'est une bonne nouvelles qu'ils se regroupent et se rassemblent. Ils auront besoin d'être unis pour... euh... la suite.
ludivinecrtx
Posté le 13/11/2020
Ça n'a pas spécialement vocation à étre comique même si Flopin est drôle lol
Renarde
Posté le 14/07/2020
Coucou,

Je suis sur mon téléphone et je maîtrise moins bien cet outil...

Cela fait plaisir de voir la résistance s'organiser et j'ai bon espoir que les différentes radios arrivent à se connecter.

Cela m'a bien fait sourire comme les Yeghes s'adaptent finalement tout à fait bien à la vie "réelle".
ludivinecrtx
Posté le 14/07/2020
Coucou !

Oui il faut bien une opposition à Garnel !

On verra si la résistance arrive à se lier ou non !

Ahaha oui finalement, ils vivent bien comme ça 🙂
UnePasseMiroir
Posté le 18/06/2020
Ah vu le titre je vois de quoi ça parle et je sens que je vais aimer ! (Ou pas ???)

Les Yeghes c’est atroce comme je les aime, ils sont si choupi !!!

« Ils étaient finalement plus complexes que ce qu’on leur avait fait croire. » Ouaaais ! C’est tellement bien de les voir évoluer, alors qu’à la base on les tenait juste pour des mecs sans opinion, sans volonté, sans rien… c’est des êtres vivants aussi, bande de pignoufs T_T

Tomas c’est devenu le papy psy de la bande que tu vas voir quand t’as un bobo quoi xD c’est adorable <333

« Son enthousiasme ne s’avouait jamais vaincu. » je sais pas pourquoi je kiffe cette phrase, elle est trop jolie <3

« _ Ils ont surement eu un contre temps à cause de l’automne, la rassura-t-elle. » Ouais… on peut dire ça…

Wtfff ? Des flèches ? Ah mais non je veux pas un accueil merdique avec un traquenard et des morts moi je te préviens !
Mdr c’est la débandage complète les pauvres xDD

Yeeees, here is Sophya !

« Toutefois, ils avaient peur d’être mal tombés en voyant cette tireuse folle. » Vous êtes sérieux les mecs, mais soyez sympas avec Sophya quoi xDD Ah ok ils ont pas compris que c’était elle !

« _ Vous avez sa fougue ! avoua Hiwi en se jetant dans ses bras. » Wtf mais Hiwi tu fais quoi là ? Tu as cru que c’était free hug land ici ? xDD

« Ils ne tarirent pas d’éloge sur Vikthor et son ami Arthur, ils leur avaient sauvé la vie après tout. » Voilà qui s’appelle du léchage de pompes en règle… mais ils sont beaucoup trop adorables les Yeghes, je veux en adopter un maintenant xD

Ahah, la radio ! Je sens que ça va servir pour nos amis qui prennent le soleil dans les camps de concentration xD

Trop bien ce chapitre, les gens commencent enfin à se regrouper, la résistance ça devient du sérieux… fin y’a juste Vikthor et Arthur les gros boulets qui font des otages de qualité, mais à part ça, aucun soucis…

Le retour des coquille paumées :
Pourtant, c’était au pré d’elle qu’on allait chercher de l’affection. => auprès d’elle
Ils savent très bien viser finalement vu comment son tir a réussi à me hotter la capuche. => m’ôter
ludivinecrtx
Posté le 18/06/2020
Oui tu devrais aimer je pense ;).

Oui c'est des bébés les Yeghes, ils sont joyeux pétillants et naïfs en général ahaha ^^. Chou quoi. Il en faut bien dans mon monde aussi !

PIGNOUFS ? ça c'est de l'insulte ou je m'y connais pas !

Bah tu crois que la résistance ouvre ses portes à tout le monde comme ça ?

Bah je te rappelle qu'ils l'ont jamais vu donc non ils savent pas que c'est elle. D'ailleurs le lecteur n'est pas certains avant que je le dise. Il y a plusieurs lanceurs de flèches!

Hiwi, il est gentil et à le cœur sur la main x). C'est le premier à danser avec les Oripeaux par exemple ahaha.

Ca prend un peu de place je te préviens mais c'est une excellente compagnie !

Ahaha oui peut-être bien que je vais rapprocher les deux camps de résistance par la radio ;).

Ahaha oui mais bon on pas faire un truc joyeux pour tout le monde, un peu de diversité !

Merci pour les coquillettes.
Vous lisez