Chapitre 51 : Elena

Par Zoju
Notes de l’auteur : J'espère que ce chapitre vous plaira :-) Bonne lecture

Rageusement, je tente d’allumer ma lampe de chevet. Je dois me rendre à l’évidence, les plombs ont sauté. L’alarme qui tourne en boucle dans les couloirs m’explose les tympans. Pourquoi s’est-elle déclenchée ? C’est bien la première fois en dehors des exercices qu’elle fonctionne. Mes muscles se tendent tandis que je me remémore les codes liés aux alarmes. Plusieurs couleurs. Rouge : intrus, orange : attaques extérieures, jaune : coupure de courant et vert : exercice. Celui-ci est le jaune. Je me détends quelque peu, mais reste inquiète. Ce n’est pas normal. Toutefois, qu’importe le code, je dois me rendre immédiatement dans la cour centrale. Je me relève brusquement et retiens un juron quand je me prends violemment le mur en face de moi. C’est bien ma veine ! Je ne distingue absolument rien et j’ai laissé ma lampe de poche dans mon bureau. J’ai intérêt à me dépêcher si je ne veux pas recevoir un blâme. À tâtons, je me dirige vers mon armoire. C’est à grande peine que je parviens à empoigner mon uniforme et une chemise. Alors que je retire mes vêtements de nuit, la lumière revient enfin. Le courant vient de se rétablir. Je respire à nouveau plus calmement. Mon réveil affiche quatre heures du matin. Après avoir repris mes esprits, je m’habille en vitesse. Pendant que j’enfile mes bottes, une réalité me frappe en plein cœur. Et Hans ? Il est de garde cette nuit. Je me redresse violemment. Je dois savoir s’il va bien. Je me stoppe net dans mon élan. Je ne peux montrer à personne que je m’inquiète pour lui. Je serre les poings. Je dois attendre notre heure de rendez-vous. Ce qui signifie une éternité. J’ignore même si nous pourrons nous voir. Je sens que je vais flancher. Je dois me ressaisir. Hans va bien. Je me décide finalement à quitter ma chambre après avoir empoigné ma veste. Je veux savoir ce qui est arrivé. Le couloir grouille de monde. Isis guette le va-et-vient. Lorsqu’elle remarque ma présence, son inquiétude se dissipe quelque peu.

- Que se passe-t-il ? demande-t-elle.

- Aucune idée, avoué-je. Je pars me renseigner. Reste ici tant que je ne suis pas revenue.

Mon aide de camp hoche la tête et retourne dans sa chambre. Je m’élance dans le couloir pour me rendre dans la cour centrale. Aussitôt à l’extérieur, le froid me pique les joues. Je regrette immédiatement d’avoir oublié mon bonnet dans ma chambre. Impossible pour moi de faire marche arrière, il y a trop de monde. Je me faufile à travers la masse. Quelqu’un pose une main sur mon épaule. Je me retourne et me retrouve face à Nikolaï.

- Suis-moi, m’ordonne-t-il. Les hauts gradés doivent se regrouper dans la tour nord. Tellin te cherche partout.

- Que se passe-t-il ?

- Nous avons été attaqués, pour le reste je l’ignore, on m’a demandé de te ramener.

L’angoisse commence à me gagner. Je me mets à la suite de mon ami.

- Ne le faisons pas attendre plus longtemps, répondis-je d’un ton neutre.

Nous arrivons rapidement à la tour. J’ai toujours aussi froid lorsque je pénètre à l’intérieur. Évidemment, personne n’a eu la bonne idée d’installer le chauffage ici.

- La voici, mon major général ! s’exclame Nikolaï par-dessus le brouhaha qui emplit la pièce.

Tellin redresse la tête et ses yeux se posent sur moi.

- Ce n’est pas trop tôt ! Bon travail, lieutenant-colonel Wolfgard.

Il tousse puis reprend d’une voix plus forte pour parler au reste de l’assemblée :

- Vous pouvez disposer. Chacun sait ce qu’il faut faire. Darkan, vous restez. J’ai à m’entretenir avec vous.

Les officiers s’en vont. Je ne vois Hans nulle part. Ma gorge se serre. Il ne me reste que trois possibilités, soit il est mort, soit il est blessé, soit il continue à monter la garde. Je préfère de loin la troisième option. Je m’avance vers Tellin et le salue en faisant claquer mes bottes. Il m’ignore et poursuit l’étude de ses cartes qui se trouvent sur une table. Je me tiens silencieuse et immobile à côté de lui. Il finit par détourner son attention de ses feuilles et la porter sur moi.

- Des cobayes se sont échappés, m’apprend-il de but en blanc.

- Comment le sais-tu ? m’étonné-je.

- Assic vient de me prévenir. Plus d’une dizaine ont disparu.

- Tu veux que j’aille les récupérer avec une escouade ? demandé-je hésitante.

- Tu n’y arriverais pas, les rebelles sont dans le coup.

Je commence à comprendre.

- La coupure, c’était eux ?

- Leur complice l’a fait.

J’écarquille les yeux. Il y a un espoir pour que Hans ne soit plus soupçonné.

- Qui est-ce ?

- Nous l’ignorons. Par je ne sais quel moyen, ils ont empêché les caméras de filmer. Le capitaine Vanraad cherche une solution, mais je doute qu’il réussisse.

- Il est le meilleur dans son domaine. Il y arrivera.

La réponse de Tellin m’a refroidie d’un coup. Je serre les poings. Nous devons savoir. J’espère que Liam fera du bon boulot. Tellin m’apprend ensuite le reste des évènements. Les rebelles avaient une longueur d’avance sur nous. Ils nous ont pris par surprise. Toutefois, de nombreux éléments m’interpellent. Il y a quelque chose qui cloche concernant les rebelles. Pourquoi avoir coupé le courant ? Ils auraient très bien pu partir sans se faire remarquer. On dirait qu’ils nous narguent, mais là encore, cette hypothèse ne me convainc guère. Tout en réfléchissant, je demande à mon supérieur :

- Au fait pourquoi voulais-tu me voir ?

- Où étais-tu quand l’alarme s’est déclenchée ? Peu après que les rebelles ont lancé leurs attaques, j’ai réuni les hauts gradés, mais tu n’étais nulle part.

- Dans ma chambre, en train de dormir. Il est quatre heures du matin, je te rappelle. Où voulais-tu que je sois ?

- Près du disjoncteur peut-être, déclare-t-il comme si de rien n’était.

- Personne ne le surveillait ?

- Un garde a été assommé.

Une pointe de colère émerge en moi. Décidément, cet homme ne me fera jamais confiance. Je réponds d’un ton neutre :

- Tellin, quand je te dis que je ne suis pas le traitre, je suis sincère.

- Ils disent tous cela.

Je soupire, exaspérée.

- Fais comme tu veux ! Et puis je ne pouvais pas deviner que l’on m’avait demandée, personne n’est venu me prévenir. Je ne suis pas encore médium à ce que je sache, m’énervé-je en m’étonnant moi-même de mon insolence.

Je frotte mes yeux pour tenter de calmer mes nerfs. Quand je suis fatiguée, je ne contrôle vraiment plus rien. On gratte à la porte mettant fin à notre discussion.

- Quoi ? hurle Tellin.

Un soldat entre avec appréhension dans la salle.

- Le colonel Bévier vous informe qu’ils ont retrouvé le colonel Wolfgard.

Je retiens ma respiration à l’évocation de Hans.

- Dites à Wolfgard de venir immédiatement.

Le soldat jette un coup d’œil incertain à l’extérieur.

- Je crains que cela soit impossible, dit-il avec prudence.

Une joie malsaine apparait brièvement sur le visage de Tellin. Je manque de perdre l’équilibre.

- Pourquoi ? Je vous prie, soldat, demande-t-il d’une voix mielleuse qui m’écœure.

- Le colonel a été retrouvé inconscient dans les bois. Les médecins s’occupent de lui. Ils ont affirmé qu’il sera bientôt sur pied.

La jubilation de mon supérieur disparait aussitôt.

- Dans combien de temps ? s’enquiert Tellin en grinçant des dents.

- Je l’ignore, mon major général. Voulez-vous que je me renseigne ?

- Inutile, amenez-le-moi dès qu’il se réveille.

- À vos ordres, mon major général.

Le soldat nous salue puis sort de la pièce. Je suis soulagée, mais d’un autre côté, je bouillonne de rage. J’ai ma petite idée sur le pourquoi Hans se trouvait dans la forêt. Tellin me la confirme l’instant d’après. 

- J’avais envoyé Wolfgard en éclaireur. Je dois avouer qu’il me déçoit, me dit-il.

Je ne réponds rien. Le silence s’installe de nouveau entre nous. Tellin s’est replongé dans ses documents. Je frotte mes mains les unes contre les autres pour me réchauffer. Le temps passe. Bon sang, mais qu’attend Tellin ? On frappe à la porte.

- Entrez ! s’exclame mon supérieur.

C’est enfin au tour de Hans de pénétrer dans la pièce. Un gros bandage lui entoure la tête. Comment a-t-il fait son coup ? Un léger agrandissement de ses yeux me prouve qu’il est surpris de me voir ici. Je ne bouge pas. Il serait stupide que nous nous trahissions en présence de Tellin.

- Ce n’est pas trop tôt ! crache Tellin. Que vous est-il arrivé cette fois-ci ?

- Je suis tombé, répond simplement Hans.

- Décidément, vous me décevez de plus en plus. J’espère que vous m’apportez des nouvelles intéressantes.

- Ce sont les rebelles qui nous ont attaqués.

- Vous ne m’apprenez rien, colonel. Combien étaient-ils ?

- Une trentaine.

Je vois bien que Hans souffre de sa blessure au crâne. Il vient à peine d’émerger. Il peine à tenir debout. Il me rappelle l’état de Tellin lors de notre mission d’espionnage. Cela semble remonter à si longtemps.

- Quoi d’autre ? s’exclame notre supérieur furieux. Accouchez Wolfgard, je n’ai pas que ça à faire !

Hans se passe une main sur le front en grimaçant puis reprend d’une voix un peu plus forte :

- Les rebelles étaient divisés en deux groupes. L’un a infiltré la base pour voler du matériel électronique alors que d’autres nous tiraient dessus. Ils étaient relativement bien armés. L’alarme a été actionnée par l’un des leurs à l’intérieur de la base. Le déclenchement était un moyen de faciliter leur fuite.

Tellin coupe Hans d’un geste.

- Avez-vous reconnu des personnes ?

- Négatif. Certains visages me disaient quelque chose, mais j’ai dû les croiser lors de la bataille de la dernière fois.

- Autre chose ?

Un grognement, puis une excuse lui parviennent comme seule réponse. Voyant qu’il n’obtiendra rien de plus, le major soupire :

- Vous pouvez disposer, Wolfgard.

Après avoir salué, Hans sort d’un pas chancelant. Je me retiens de lui venir en aide. Dès qu’il est parti, Tellin reporte son attention vers moi :

- Qu’en penses-tu ?

- Aucune idée. Je crois que tu devrais attendre un peu avant de lui reparler. Il était assez sonné.

- Il n’a pas évoqué des cobayes, dit-il en m’ignorant.

- Pourquoi voudrais-tu qu’il en parle ? Il ne connait même pas leur existence.

- Des gens en vêtement médical, cela ne court pas les rues.

Je hausse les épaules. Qu’essaye-t-il de démontrer ? Que Hans est en train de nous mentir ?

- Je doute qu’il ait fait attention à ça. Peut-être que les cobayes ne les avaient plus sur eux.

Tellin se frotte le menton pensivement puis finit par reconnaitre :

- Peut-être en effet.

Il jette un dernier coup d’œil à ses feuilles avant de lâcher :

- Au fait, tu peux disposer.

J’ai vraiment l’impression qu’il se fout de moi. Évidemment qu’il n’a pas besoin de moi pour la suite. S’il m’a fait venir ici, c’était en partie pour vérifier que je ne lui avais pas menti concernant ma relation avec Hans. J’avais vu juste. Il ne lâchera pas l’affaire aussi facilement. Je me retiens de répliquer. Cela n’arrangera en rien la situation, au contraire il trouvera cela suspect. Je le salue et sors. Ce n’est que loin de son regard que je me permets d’extérioriser ce trop-plein d’émotion en insultant le major copieusement. Il faut que je tienne. Je lève les yeux vers le ciel. Il est toujours aussi noir. C’est inutile de retourner me coucher. Après avoir rassuré Isis en omettant toutefois la vraie raison du déclenchement de l’alarme, je me dirige vers la salle d’entrainement. J’ignore s’il viendra après les évènements, mais je n’ai pas envie de le manquer. Je m’assois derrière les gradins et me recroqueville le plus possible. Il faudrait que je trouve un meilleur endroit, mais pour aujourd’hui cela devrait faire l’affaire. Je pose ma tête sur mes genoux. Je n’ai plus qu’à attendre et c’est cela le plus pénible.

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annececile
Posté le 30/05/2020
Un chapitre qu'on lit avec grand interet et impatience d'en savoir plus! Au debut, j'etais surprise qu'Elena panique presque dans le noir. A-t-elle une phobie du noir que j'aurais oublie? Elle a vecu des choses si dramatiques, ca surprend qu'elle perde presque ses moyens. J'etais surprise aussi que ce soit la premiere fois qu'elle entende l'alarme. Elle est dans ce centre depuis pas mal d'annees, je crois? On se dit qu'ils doivent avoir des exercices d'alertes de temps a autres?

"Personne ne le surveillait, m’étonné-je." n'oublie pas de mettre un point d'interrogation quand c'est une question, sinon on s'egare! :-)

"Et puis je ne pouvais pas deviner que l’on m’avait demandé, personne n’est venu me prévenir. Je ne suis pas encore devin à ce que je sais," petite repetition deviner / devin. Medium? Voyante extra lucide? ;-)

Oui, on dirait que Tellin voulait voir si Elena reagirait avec emotion en voyant Hans blesse. Mais ils tiennent bon!
Zoju
Posté le 30/05/2020
Je vais corriger ce que tu as mentionné. Concernant l'alarme, je vais changer car c'est vrai qu'il y a les exercices. Je les avais oublié. Pour l'angoisse d'Elena, ce n'est pas qu'elle a peur du noir, mais je pense que si elle panique à ce point, c'est parce qu'elle a été réveillée en sursaut. Elle ignore ce qui se passe. Elle a eu une petite crise passagère. C'est vrai que cela peut étonner. Je vais y réfléchir.
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