Chapitre 5 : La vérité

Par Ayunna
Notes de l’auteur : Hello les jolies plumes !
Envolez-vous vers ces mystères...
Bonne lecture, et n'hésitez pas à me partager vos suggestions :)
Ayunna

Je ne percevais plus la voix. J’avais beau appeler, chercher… Rien.

D’abord je voyais des fées, puis des fantômes, et maintenant, j’entendais des voix ; dans mon chêne favori en plus !

À croire que j’étais la digne réincarnation de Jeanne d’Arc !

Le soleil déclinait déjà. Je rentrai à la maison avec ma chienne, complètement chamboulée. Je me cloîtrai aussitôt dans ma chambre, prétextant à mes parents le besoin d’être seule.

 

Je m’allongeai sur mon lit. Quelle sensation curieuse ! Je n’arrivais plus à me souvenir des paroles exactes de cette étrange voix. En y réfléchissant, j’étais presque certaine qu’elle avait parlé dans une autre langue, que j’avais traduite instantanément. Incapable de me remémorer des mots ou de retrouver leur signification, j’imaginais déjà la scène :

« Bonjour, j’ai entendu mon arbre me parler dans une langue étrangère ! Et euh… je vois aussi des fantômes et des fées. »

« D’accord, on vous emmène en psychiatrie ! »

Ce constat m’évoquait quelque chose. Un détail pour le moins étonnant. Mais oui ! La gitane ! Elle aussi s’était exprimée dans un langage inconnu. Voilà pourquoi je ne parvenais pas à me souvenir correctement de notre discussion. Mais d’où me provenait cette capacité à comprendre leurs paroles sans même m’en rendre compte ?

Je caressais le doux pelage de mon petit chat, blotti contre moi, l’esprit complètement embrouillé.

    Alors que je sombrais dans un demi sommeil, des éclats de voix me réveillèrent. Mes parents se disputaient. Chose rarissime. Surtout à l’heure du dîner !

Ils formaient pourtant un duo complice. J’admirais leurs valeurs : cette volonté de réduire leur impact sur l’environnement. Nous mangions végétariens, cultivions notre potager en permaculture. Ils m’inculquaient leur savoir-faire, m’apprenaient des choses variées dans les domaines culturels, philosophiques, parfois même métaphysiques. Grâce à eux, les arts prenaient une grande place dans ma vie.

Une chance presque insolente. Une vie de rêve.

Je descendis l’escalier le plus silencieusement possible. Poussée par ma curiosité, je ne pus m’empêcher d’aller écouter derrière la porte qui donnait accès au salon.

J’entendis ma mère dire :

– Nous ne pouvons plus la laisser seule, c’est trop dangereux.

– On ne peut pas constamment la surveiller !

– Nous devons trouver une solution. Ce n’est plus possible ! insista-t-elle

– Mais quoi ? Que veux-tu faire ? On n’a jamais compris ce qui s’est passé.

Un silence pesant s’abattit.

– Je ne serais pas capable de supporter un autre deuil.

Cette confession de ma mère me coupa le souffle.

Elle devait parler de son frère jumeau, Jian[1]. Je ne l’avais pas connu. Depuis sa disparition, Sijia se sentait comme coupée en deux. Elle évoquait de temps à autre leur si grande complicité, leur lien indéfectible, même au-delà de la mort.

– Nous devrions en discuter avec elle, tout simplement…, suggéra mon père d’une voix douce. Elle doit savoir. Elle est grande maintenant.

– Je ne veux pas la perdre… ni qu’elle souffre.

– Elle s’en rendra compte tôt ou tard. On ne peut pas rendre les gens heureux par le mensonge, en leur disant ce qu’ils ont envie d’entendre. C’est contraire à nos convictions. Je comprends que tu veuilles la protéger… Je connais bien son hypersensibilité !

Ils me cachaient quelque chose d’important.

J’entendis un sanglot étouffé.

– Tu as raison, concéda ma mère.

– Le moment est venu. Je sens qu’elle se pose des questions. Nêryah sombre peu à peu dans la mélancolie ; mais elle le dissimule, comme toujours, pour nous préserver.

Mon père me connaissait bien mieux que je ne le croyais !

Le silence retomba. Je collai l’oreille au battant. Rien.

Quelques secondes plus tard, ma mère annonça sur un ton résolu :

– Allons lui parler.

– Me parler de quoi ? répétai-je d’un ton exaspéré en ouvrant brusquement la porte.

– Nêryah, tu as écouté ! s’exclama mon père, contrarié.

Je m’immobilisai, avalant bruyamment ma salive. Je ne voulais pas décevoir mes parents.

– Tu veux bien t’asseoir un moment ? me suggéra-t-il.

– Je suis très bien debout, rétorquai-je froidement, les larmes aux yeux.

– Nous comprenons toute cette pression que tu accumules, commença ma mère. La danse, ton professeur qui te mène la vie dure, les épreuves du baccalauréat pour bientôt, et… tes dons particuliers. Nous aimerions tellement pouvoir t’aider, t’alléger d’un poids.

– Et donc ? m’impatientai-je.

– Ce dont nous voulons te parler ne vient pas au moment opportun, malheureusement, ajouta mon père. Mais tu as le droit de savoir. C’est à propos de ton adoption.

Il marqua une pause, comme pour réfléchir à la manière de m’expliquer la suite. Je le regardai droit dans les yeux. Il reprit :

– Je vais dire les choses telles qu’elles sont. Tout simplement. Sans pincettes, ni fioritures, car c’est la façon la plus saine d’expliquer ce qui s’est passé. Tu ne viens pas d’un orphelinat. Nous t’avons trouvée ici, au pied du chêne. Précisément là où tu as entendu le bruit hier matin.

Je restai interdite, choquée par cette révélation.

– Et ce n’est pas tout… depuis toute petite, tu retournes fréquemment là-bas, comme si tu attendais quelqu’un. Tu disais entendre des voix près de l’arbre.

Des voix ! Comme celle que je venais d’entendre ! Mes fameux amis de l’arbre !

– Et alors ? Les enfants inventent souvent des amis imaginaires, répliquai-je pour me donner une contenance.

Étant donné mes problèmes de harcèlement, cela me paraissait normal. Pourtant, mes parents avaient l’air de l’entendre autrement. Et je pouvais les comprendre, puisque je voyais l’esprit d’une chiromancienne, qu’une fée me rendait fréquemment visite, et que mon chêne me parlait.

– Ce n’est pas seulement cela, Nêryah, intervint ma mère. Il t’arrivait souvent de parler une autre langue. Cela semblait tellement sophistiqué. Je pensais que cela venait de mes propres origines, mais tes mots n’ont rien en commun avec le chinois. Nous avons noté quelques phrases que tu répétais, et malgré nos recherches, impossible d’en identifier la provenance.

C’est vrai que je me souviens de ça… j’en garde une vague impression, une consonance douce et agréable à entendre. La voix dans le chêne devait parler cette même langue.

– Nêryah, aucun docteur n’a su expliquer tes ongles nacrés, continua-t-elle, ni la curieuse forme de ton nombril, et encore moins le fait que tu n’aies jamais attrapé de maladies infantiles.

Pour mes ongles, hormis Chloé, mes amies demandaient fréquemment la marque de mon « super vernis » si impeccablement posé et jamais écaillé. Cela me mettait bien dans l’embarras ! À la plage ou à la piscine, je portais toujours un maillot de bain une pièce pour cacher mon nombril, de la forme d’une minuscule spirale. On voyait bien l’emplacement du cordon ombilical, mais la peau s’enroulait ensuite autour, comme une petite coquille d’escargot. On supposait que c’était dû à une lésion bénigne, ou à un problème lié à l’accouchement. Impossible de déterminer avec exactitude la cause de cette curiosité, puisque l’on ignorait tout de mes parents biologiques et des circonstances de ma naissance.

– Tu as comme « hérité » des longs cheveux de Sijia, de ses yeux noisette en amandes, ajouta mon père. Si bien que la plupart des gens pensent que tu es véritablement notre enfant. On pourrait croire que quelqu’un t’a délibérément emmenée chez nous, sachant que tu ressemblerais à ta mère en grandissant.

Il paraissait soudainement essoufflé, anéanti. Sa peau vira soudainement au rouge brique. Il se mordit les doigts, comme pour s’empêcher de pleurer ou de crier. 

– Où voulez-vous en venir ?

– Nous pensons que tu ne viens pas d’ici, avoua-t-il.

 

[1] Se prononce « Dji-anne », signifie « santé » en Chinois.

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filoutem
Posté le 22/01/2023
Re-coucou Ayunna,

Ouiiiii ça commence les révélations ! C'est chouette, hâte d'en savoir plus ! ça m'a un peu perturbée que tu donnes les prénoms des parents plutôt que de les appeler "papa" ou "maman", j'avais l'impression que d'autres personnes étaient avec eux.
Hâte d'en savoir plus sur ce monde parallèle !

À très vite :)
Ayunna
Posté le 23/01/2023
Coucou !

Merci pour tes retours
Nêryah appelle beaucoup ses parents adoptifs par leurs prénoms, elle l'explique dans le chapitre suivant. Je vais voir si c'est trop gênant ^^

A très vite !
Art of You
Posté le 07/10/2022
Bien trouvé, cette relation avec le chêne, comme si les deux planètes étaient reliées par l'entremise de leur monde végétal. Un peu comme ces êtres de deuxièmes dimensions qui y vivent...
Ayunna
Posté le 07/10/2022
Exactement ! C'est tout à fait ça ^^
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