Chapitre 5: La Knight Academy

  Les hauts murs du château de Lacrima se dressaient devant elle tandis que la lumière orangée du soleil projetait son ombre sur les dalles de pierre à ses pieds. La rosée du matin semblait briller sous une lumière timide. Le jour chassait la nuit qu’elle avait passée à vagabonder dans les rues avec Tim. Elle poussa un petit bâillement. Son ami avait voulu lui faire oublier le temps d’un instant tous les problèmes qui pesait sur la jeune fille. Ils avaient ainsi regardé le ciel étoilé accoudés à une fontaine sur une petite place pas très loin de l’auberge où ils vivaient. Le bruit clair de l'eau raisonnait dans leurs oreilles comme lorsqu'ils étaient enfants. La sang-mêlé se souvenait encore de quand Tim et elle s’échappaient de chez eux. Elle se rappelait les larmes que le petit garçon versait au pied de la fontaine après la mort de sa mère. Elle avait été emportée par l'épidémie de peste qui avait ravagé toute la contrée. C’était une femme douce qui avait pris soin d’elle, même si elle n'était pas sa fille. Laria n’en avait que de vagues souvenirs car la mère de Tim était rapidement tombée malade et avait dû être isolée avant de décéder loin de ceux qu’elle aimait. La petite maisonnée avait au moins pu s'estimer heureuse qu'elle n'ait pas contaminé d'autres personnes. La nuit à vagabonder dans les rues avec son ami s'était illuminée d'une douce nostalgie. Les premiers moments qu’ils avaient partagé ensemble c'était ravivé à côté de celui qu'elle considérait comme un frère. Il n'avait pas eu besoin de mots pour se comprendre. Elle savait que Tim la protégeait et au fond d'elle son cœur de glace se réchauffait un peu grâce à lui. La brise du matin la ramena à la réalité et emporta avec elle ce qu’il restait de cette nuit où elle avait eu l’impression de retrouver une famille. Elle vit alors un petit groupe d'élèves se diriger dans sa direction. Le bruit de leur conversation fit fuir les oiseaux qui s’envolèrent en quelques battements d’aile. Elle se demandait si elle aussi elle aurait pu voler dans ce ciel bleu azur. Maintenant c’était trop tard, elle serait à jamais obligée de rester sur cette terre corrompue sans pouvoir fuir cette réalité qui lui avait tout pris. Autour d’elle une foule commençait à se rassembler devant les immenses remparts tandis que la fraîcheur matinale caressait leurs joues rougies. C’est alors qu’un silence assourdissant se fit. Le chef de la garde s’approchait d’un pas solennel accompagné des évaluateurs des épreuves éliminatoires. Un raclement de gorge bruyant marqua leur présence. Tous les regards étaient tournés vers eux tandis qu’ils s’approchaient de l’immense grille de fer forgé qui se leva dans un grand fracas métallique. Des regards inquiets les scrutaient dans l’attente des résultats. Les instructeurs se retournèrent alors en direction des élèves et le commandant dit d’un ton solennel :

« -Vous êtes maintenant tous acceptés en tant qu’apprentis chevaliers. Tachez d’y faire honneur. Avant de vous jetez sur la feuille des résultats placée sur le mur de l’arrière-cour, j’aimerais vous souhaitez la bienvenue à la Knight Academy. Je vous rappelle qu’en fonction de votre classe on vous assignera des tâches différentes mais toutes aussi importantes. Ceux de la classe 3 se verront envoyer à l’escouade dans les forêts elfiques de l’Empire, pour se battre contre ces êtres maléfiques. La classe 2 aura donc pour mission de protéger le Royaume d’Aima et pourra aussi être envoyé en renfort contre les ennemis d’autres royaumes. Ils seront supervisés par l’escouade 2. Enfin les dix premiers du tournoi seront dans la classe d’élite qui aura ses quartiers au château et qui sera formée par moi-même, ajoute-t-il en riant avant de reprendre son air grave. Vous devrez protéger le soleil de cet Empire au péril de votre vie. Notre Empereur devra alors devenir votre priorité. Ce grand honneur vous est accordé donc montrez vous en digne. Que vous soyez noble ou roturier, il n’y aura pas de traitement de faveur. Les résultats ne correspondent pas à vos victoires mais à votre technique lors des combats de la seconde épreuve. Je vous rappelle que vous n’êtes encore que de simples apprentis et que vous devez montrer une conduite exemplaire. Les règles vous seront rappelées par le chef de l’escouade en charge de votre classe. Il sera votre professeur mais aussi votre supérieur hiérarchique donc montrez lui le respect qui lui est dû. Mais cesse de bavardages, vous pouvez dès maintenant accéder aux résultats mais n’oubliez pas d’y aller dans le calme et la discipline. »

  Le chef de la garde se décala sur le côté et les jeunes garçons rentrèrent l’un après l’autre dans l’enceinte du château. Ses hauts murs seraient maintenant leur nouvelle maison. L’atmosphère se faisait plus pesante tandis qu’ils s’approchaient dans le calme de la feuille des résultats. Laria se hissa sur la pointe des pieds dans l’espoir fébrile d’apercevoir son nom. Tout son être se détendit lorsqu’elle vit marqué en lettres manuscrites Lorens Carter dans la liste de la classe 1. Elle poussa alors un long soupir de soulagement avant de se décaler. Elle pouvait observer autour d’elle les rires et les larmes de ceux qui deviendrait les futurs soldats du royaume d’Aima. Elle rejoignit tranquillement le groupe devant les évaluateurs. Le capitaine d’arme souriait d’un air satisfait révélant des dents jaunies par le temps. Il ajouta alors impassiblement :

« -Ceux qui sont assignés à la classe 3, installez-vous en rang calmement à gauche et ceux de la classe 1 à droite. Laisser un petit espace pour la classe 2 au milieu. »

  Les jeunes hommes se regardèrent avant de s’avancer dans la direction indiquée. Laria suivit le mouvement et alla se placer à côté de ses camarades de classe. Son attention fut attirée par un homme aux cheveux noirs de jais et aux yeux bleu saphir. Il portait des bandages aux cous et elle pouvait devinez sous sa tunique des bandes de tissus qui lui compressaient le torse pour stopper le fin écoulement de sang à côté de son cœur. C’était le fils du duc de l’Ombre et à sa vue son bras sembla la brûler. Il lui avait asséné, lors de leur dernier combat, une blessure vers l’épaule qui avait formé une croute. Tim l’avait pansé avant de lui prêter une tunique intacte pour cacher ses blessures. Il lui avait donné sa chemise et avait pris celle de Laria trop petite pour lui. La jeune fille avait beaucoup ri ce soir-là en le voyant dans son T-shirt trop serré, et sa poitrine avait fini par lui faire mal, à force d’être compressée par les bandes de tissus qui servaient à donner l’impression d’un torse à ceux qui la regardait. La voix tonnante de leur nouvel instructeur fit taire le groupe d’étudiants.

« -Vous me connaissez déjà, clame-t-il. Je suis le capitaine d’arme du château de Lacrima et je m’occupe de la garde personnelle de l’Empereur. A partir d’aujourd’hui je suis votre professeur principal. Si vous êtes ici c’est pour devenir l’élite des chevaliers. Vous construirez votre avenir et deviendrez des adultes responsables en participant au bon fonctionnement de la société. Il vous sera demandé de suivre quelques règles importantes. Premièrement, vous devrez toujours suivre le code de la chevalerie. »

  Il marqua une pause tandis que Laria levait les yeux au ciel d’un air dédaigneux. Quel code de la chevalerie ? Massacrer mères et enfants comme ils l’avaient fait était chevaleresque d’après eux. Les hommes sont hypocrites et égoïstes et les soldats ne faisaient pas exception. Ils suivaient le plus puissant et tuaient tous ceux que se mettaient en travers de leur chemin. Le chef de la garde continua son discours et dit :

« -Deuxièmement, vous devrez toujours obéir à votre supérieur, et enfin interdiction d’introduire toute femme ici. L’année dernière, des petits malins se sont amusés à amener des prostituées donc j’espère que ça ne se reproduira plus, sous peine d’une lourde sanction. »

  Quelques ricanements se firent entendre avant qu’il ne continue :

« -Je pense qu’il est temps de vous présenter vos dortoirs. Vous serez donc deux par chambrée. Je le dis d’ors et déjà, je ne veux entendre aucune plainte. »

  Laria entendit quelques soupirs dans l’auditoire mais cela ne la dérangeait pas. Son colocataire ne serait pas un problème tant qu’il n’était pas intrusif. De toute façon, elle avait déjà l’habitude de dormir dans la même chambre que Tim. Ils avaient été élevés comme des frères et elle ne pouvait pas trouver pire camarade de chambre. Il mettait ses affaires sales par terre et il lui arrivait même de ronfler. A chaque fois, Laria le réveillait en lui lançant un coussin à la figure pour dormir tranquille. Il avait le don de l’énerver mais c’était aussi la seule personne sur Terre qui la faisait se sentir vivante. Il lui arrivait de voir le monde comme un immense spectacle de marionnettes où les destins se jouaient sans aucun contrôle dessus. Dans ces moments, Tim était sa dernière lueur d’espoir. Il était le frère qu’elle avait choisi, et le dernier être humain à lui donner foi dans cette espèce qui ne jurait que par l’argent et le pouvoir. Laria reprit alors ses esprits tandis que le petit groupe commençait à suivre leur professeur. Les pas lourds des apprentis chevaliers soulevaient de fines particules de sable tandis qu’ils s’approchaient de l’aile Ouest du château. Des hauts murs de pierre se dressaient devant eux. Un poste de garde se trouvait au sommet de la tour et sur les remparts, on pouvait apercevoir la silhouette des soldats dessinée par le contrejour de la lumière du soleil. Le groupe s’engouffra alors dans le château par la porte de bois entourée de lierre. Une odeur de renfermé et de sueur s’en dégagea. L’atmosphère tiède de la pièce rappelait celle d’un grenier tandis qu’ils passaient devant des chambres où l’on pouvait entrevoir des affaires sales sous la faible lumière filtrée par les lucarnes. Le chef de la garde les conduisit au fond du couloir où une ombre semblait planer. Il commença alors à citer des noms dans l’ordre alphabétique.

« -Cardan Allbrain, clame-t-il. Chambre 5. »

Il marqua une légère pause avant de dire :

« -Lorens Carter chambre 3. »

  L’instituteur lui indiqua la direction et Laria s’approcha d’un pas trainant jusqu’à sa nouvelle maison. Elle entendait derrière elle les rires et les soupirs des élèves découvrant leur colocataire. La jeune fille alla s’installer sur un des lits avant d’entendre la porte grincée derrière elle. Elle se retourna alors et ne put retenir un hoquètement d’étonnement. Pourquoi lui ?

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