Chapitre 5

Ce fut au son de coups sourds frappés à la porte d'entrée qu'Elerinna se réveilla. Encore à moitié endormie, elle enfila de quoi se couvrir et se rendit rapidement au rez de chaussée mais se stoppa net en voyant sa mère pétrifiée devant la porte. Tylline se tourna vers sa fille, le regard emplit de peur :

- C'est Falathar...Il sait que tu veux partir. Il vient pour toi... s'étrangla la mère.

  A l'entente de ces paroles, Elerinna sentit la peur monter en elle. Falathar ? Le grand sage avait-il perdu la tête ? Pourquoi venir l’empêcher de partir ? Voyant sa fille terrifiée, Tylline se reprit et se précipita vers elle :

- Tu dois partir ! Maintenant !

- Quoi ? Non ! Protesta Elerinna la voix tremblante.

- Si ! Va faire tes affaires. Pendant ce temps là je vais envoyer mon pigeon à Delvaar et celui de ton père aux aventuriers. Je vais te gagner le plus de temps possible alors dépêche toi ! Lui ordonna sa mère.

  Les larmes aux yeux, Elerinna se précipita vers sa chambre et s'y enferma. Tout en sanglotant, elle s'empara de son sac en cuir et y enfourna sa bourses, ses carnets et outils de guérisseuse, Quelques fioles de potions qu'elle gardait en cas d'urgence, son vieux carnet d'exploration et le poignard de son père. Elle s'apprêtait à sortir mais se stoppa net en remarquant sa paire de boucle d'oreille en forme de plume sur sa coiffeuse.

  « Celle que je portais pour la cérémonie... » Se rappela-t-elle. Elle s'en empara et les fourra également dans son sac. Lorsqu'elle redescendit, sa mère avait placé la commode devant l'entrée afin de ralentir Falathar et ses soldats.

En voyant sa fille revenir avec son sac, Tylline se saisit d'une cape en fourrure d'ours et l'attacha autour des épaules de sa fille :

- Pas le temps de t'habiller ni même de te faire un sac de vêtements. J'ai dit aux aventuriers de te retrouver à l'entrée du village. Je vais sortir par derrière et les leurrer jusqu'à la clairière des dragons. Toi, va dans l'atelier de ton père et passe par la trappe je sais que tu l'as déjà empruntée pour aller à la caserne. Delvaar t'y attendras et auras fait en sorte qu'elle soit vide. Je t'aime ma fille. Énonça Tylline d'une voix ferme malgré les larmes qui coulaient désormais par dizaines sur ses joues bleutées.

- Maman...Pleura Elerinna. Je ne peux pas partir comme ça...Je ne veux pas te quitter de cette manière ! Que vont-ils te faire lorsque je ne serais plus là ? Je ne peux pas t'abandonner !

- Ne dis pas de bêtises Elerinna Ferilliane Malgya ! Hurla Tylline désespérée. Tu vas partir et maintenant jeune fille ! Prend ça ! Ordonna-t-elle en tendant à sa fille sa propre bourse, gonflée de toute ses économies.

- Je t'aime maman. Sanglota Elerinna en enlaçant sa mère.

- Moi aussi mon flocon. Répondit Tylline. Maintenant part ! Et n'oublie pas. Si jamais le ciel pleure, réconforte-le et je saurais que tu vas bien. Termina-t-elle avec un petit sourire empreint de tendresse

  Pleurant désormais à chaude larmes, Elerinna embrassa sa mère et se précipita vers l'atelier de son père. Quant à Tylline, Elle resta là, stoïque, face à la porte craquant un peu plus face aux assaut de Falathar.

  Dans le souterrain, Elerinna pleurait en rampant, se forçant à avancer pour sa mère et pour Delvaar. Ça y est, elle allait partir mais pas comme elle l'avait imaginé. Elle aurait voulu dire au revoir à tout le monde, elle aurait voulu les rassurer, leur dire qu'elle ne les abandonnerait pas mais à présent, elle avait l'impression de fuir comme une voleuse, une traîtresse.

  Lorsqu'elle arriva enfin à la caserne, Delvaar l'attendait. Il lui tendit une main et la hissa hors du tunnel souterrain. Comme prévu, la caserne était déserte.

  En voyant sa meilleure amie couverte de terre, le visage plein de larmes, les coudes et genoux égratignés, Delvaar la serras dans ses bras et se mit à lui caresser les cheveux en lui murmurant que tout allait bien se passer bien qu'au fond, il n'avait actuellement qu'une envie : faire payer à Falathar le malheur de la jeune elfe sanglotant dans ses bras.

  Il serra les dents et inspira avant de saisir Elerinna par les épaules afin de l'éloigner de lui et mieux lui parler :

- Hey ! Elerinna regarde-moi, on a pas beaucoup de temps. Les soldats vont finir par revenir. Il va falloir qu'on traverse le village à la vue de tous et pour ça, il va falloir qu'on te déguise. D'accord ? Dit-il du ton le plus calme dont il était capable.

- Comment ? Hoqueta Elerinna en essuyant quelques larmes.

- Je suis désolé de te dire ça par ce que je sais que tu y tenais mais on va devoir commencer par te couper les cheveux...Le plus court possible.

  Bien que réticente à l'idée, Elerinna, comprenant l'urgence et la dangerosité de la situation pour son ami, acquiesça.

  Son approbation acquise, Delvaar s'approcha d'elle et s’occupa de lui couper grossièrement sa magnifique chevelure blonde de manière à ce qu'elle s'approche de celle d'un homme. Il lui tendit ensuite une tenue de soldat et des bandages :

- Il va falloir que tu comprime ta poitrine avec les bandages et que tu enfiles l'uniforme. Je te laisse faire, je reviens dans un instant. Si quoi que ce soit arrive, cries le plus fort possible d'accord ?

  Elerinna hocha la tête en reniflant et une fois son meilleur ami hors de vue, se dévêtit et commença à enrouler les bandes de coton blanches autour de son buste afin de cacher ses attributs féminins. Elle enfila ensuite la tunique et le pantalon de l'uniforme et termina par le plastron, les gants, les bottines et la ceinture, tous fait d'un épais cuir.

  Delvaar revint pile à ce moment là et lâcha un petit sourire bienveillant :

- L'uniforme te va plutôt bien. La complimenta-t-il

- Merci...répondit Elerinna sans grand enthousiasme.

- J'ai vérifié les alentours la voie est libre. On y va. Fit Delvaar en reprenant son sérieux.

  Elerinna hocha la tête silencieusement et lui emboîta le pas. A mi-chemin, Delvaar se stoppa et lui demanda si elle avait emmené une arme. Elerinna répondit positivement en tirant la dague de son père hors de son sac :

- Bien. Nous approchons d'un lieu public donc il va falloir être prudents. Dans quelques mètres à peine nous serons à découvert et il faudra se fondre dans la masse. Viens je vais te montrer comment transformer l'emplacement à épée à ta ceinture pour un poignard. Fit-il en s'approchant d'elle.

  Il lui expliqua donc comment régler la taille de l'emplacement à sa ceinture en fonction de son arme. Une fois à la taille de son poignard, Elerinna l'y glissa, prit une grande inspiration, bomba le torse et se tourna vers son meilleur ami : elle était prête.

 

***

 

  La traversée du village fut étonnamment simple... Personne ne les reconnu et personne ne posa de question. Tous étaient bien trop occupés à discuter de la présence de Falathar et de la garde ailée chez Tylline et sa fille.

  Une fois arrivés à l'entrée du hameau, les deux elfes soufflèrent un peu et Delvaar siffla trois coups. Le petit groupe d'aventuriers sortis des fourrés, toujours sur la défensive. A la vue qu'Elerinna, tous se détendirent se précipitèrent vers elle.

  Maya se posa sur son épaule et tenta malgré ses petits bras de faire ce qui ressemblait à un câlin au cou de la jeune femme. Ferlonn baissa les yeux et marmonna ce qui ressemblait à des excuses. Quant au prince Ethan, il saisit Elerinna par les bras, lui lança un regard emplit de compassion et lui demanda si elle allait bien.

  Devant tant de gentillesse, Elerinna ne put s'empêcher de verser quelques larmes mais répondit par l'affirmative avant de remercier chacun de ses nouveaux amis.

- Ne perdons pas de temps. On va accrocher ton sac à la selle du cheval de sire Ferlonn. Les reprit Delvaar.

- Il a raison. Confirma Maya. D'ailleurs c'est avec lui que tu chevaucheras le temps qu'on te trouve un cheval. Allez ! En selle.

A ces paroles Elerinna sentit la peur lui nouer le ventre :

- Attendez ! Je n'ai toujours pas trouvé quel était le moyen de rester en contact avec le village, je dois y retourner ! Paniqua-t-elle

- Elerinna ! On a pas le temps pour aller te chercher un stupide pigeon ! L'interrompit Delvaar. Tu dois partir !

- Je...Voulu-t-elle protester, la gorge nouée. D'accord...Je...Je voudrais juste que tu me tiennes la main jusqu'à ce que la barrière te force à lâcher. Demanda Elerinna, la voix toujours chargée d'émotions.

  Delvaar sourit et sentit la boule dans sa gorge se faire plus pesante tandis qu'une larme s'échappait de son œil droit.

- Oui. Je vais faire ça. Accepta-t-il d'une voix tremblante.

  Les deux amis se prirent la main et avancèrent vers l'entrée du village en suivant le route principale. A chaque pas, Elerinna sentait la peur monter en elle. A chaque pas, Delvaar souhaitais fermer les yeux pour ne pas voir partir loin de lui celle qu'il aimait.

Tous deux s'arrêtèrent face à la ligne tracée par les anciens, indiquant l'emplacement de la barrière, tous deux prirent une grande inspiration et firent un simple pas en avant.

C'est alors qu'à la surprise générale, Delvaar passa lui aussi à travers la barrière !

- Comment ? S'étonna Delvaar en se palpant de haut en bas.

- Delvaar...Je crois que mon moyen de communication... C'est toi...réalisa Elerinna.

- Mais...Comment les dieux ont-ils pu permettre cela ?

- Je ne pense pas qu’ils l’aient permis Delvaar. Je pense qu'ils ont simplement décidés de laisser passer quelque chose que je tiendrais au moment de mon passage de la barrière et si je ne me trompe pas. Selon les leçon sur les lois élémentaires de la magie que nous donnaient maître Galbar, la barrière devrait désormais être imprégnée de ta signature magique et biologique ce qui signifie que tu peux peut-être désormais repasser la barrière sans moi. Raisonna Elerinna.

- Quoi qu'il en soit, on ne va pas vraiment pouvoir en faire le test pour être sûrs...répliqua Ethan en pointant du doigt Falathar et ses troupes, s'approchant de la barrière.

- Bon... Petite monte. Quant à toi gamin monte avec le prince. Ordonna Ferlonn, les ramenant à la réalité.

  Tous deux opinèrent du chef et s'exécutèrent. Une fois tout le monde en selle, Ferlonn et Ethan lancèrent leurs chevaux au galop, s'éloignant à grande vitesse du village enneigé.

  Elerinna contempla longtemps ce dernier jusqu'à apercevoir au loin les magiciens de Galbar, encerclant les forces de Falathar. Elerinna se retourna, le cœur plus tranquille : sa mère serait en sécurité et justice serait rendue.

  Au fur et à mesure qu'ils s'éloignaient, la nature semblait revivre et prenait des couleurs. Pour Elerinna, c'était une joie de revoir ce qui l'avait tant fascinée enfant mais pour Delvaar, c'était une véritable découverte.

  Pour la première fois, ses yeux gris titane voyaient le soleil tel qu'il était et non à travers une couche nuageuse. Il découvrit des fleurs de milles couleurs différentes. Des arbres qu'il n'avait encore jamais vus, chargés de fruits inconnus.

  A la vue des yeux pétillants de son meilleur ami, Elerinna sourit. Elle savait bien ce qu'il ressentait. Après tout, elle aussi était passée par là.

  Après quelques heures, à chevaucher, le petit groupe s'arrêta le long d'une rivière afin de se reposer et se repérer. Grâce à ses compétences acquises à la caserne lors de ses cours, Delvaar pu aisément aider Ethan et Ferlonn à déterminer leur position sur leur carte.

  Pendant ce temps, Elerinna et Maya exploraient les environs afin de trouver de quoi constituer des vivres. L'elfe de glace apprit ainsi le nom de nombreux fruit, des arbres qui les portaient mais aussi de divers champignons. Sans perdre une minute, Elerinna nota à toute vitesse ces informations dans l'un de ses carnets.

  Alors qu'elle buvait les paroles de Maya, Elerinna se fit la réflexion qu'elle se sentait de plus en plus à l'aise dans cette nouvelle vie qui s'offrait à elle.

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