Chapitre 5

Notes de l’auteur : Trigger Warning : crise d’angoisse

 

« Lae tuteurice assigné·e à la personne se révélant néostème se verra mandaté· par le Centre de Soin et d'Analyse opérateur du recensement. »

art.212-2, C3PM

(Code Pour la Protection des Populations Melkiennes)

 

 

Dans sa solitude, Erin repensa aux agents : leur uniforme imposant, le sifflement de leurs masques, les caissons qui grondaient, leurs armes. Un frisson remonta son échine quand la scène d'attaque lui revint. Impossible de savoir si elle sortait vraiment gagnante de cette mésaventure. Au moins, elle n'était plus livrée à elle-même, mais pour combien de temps ? La chance lui avait permis de passer deux ans sans que le CSA la remarque ; désormais, seul l'inconnu l'attendait. L'avenue commerciale était vidéo-surveillée, alors ils devaient déjà avoir des photos de son visage. La jeune femme espéra que Monsieur Lacroix ne serait pas inquiété lui aussi, ni ses parents. Enfin, concernant ces derniers, c'était peu probable : elle avait coupé tout contact depuis qu'elle avait quitté son logement. Se les remémorer lui fit monter quelques larmes : ils lui manquaient énormément. D'un mouvement de tête, elle effaça ces pensées accablantes et se recentra sur sa mission : monter la garde.

Les cloches du beffroy lui permettaient de garder la notion du temps. Erin laissa Meïron dormir deux heures, avant que la fatigue s'attaque à elle. Son tour de garde fut calme : rien à signaler, rien d'autre que la pluie.

Ce fut son bond de l'échelle qui réveilla le néostème. Il se redressa, encore groggy de sommeil, et lui tendit son manteau pour qu'elle puisse à son tour profiter d'un confort plus attrayant qu'à l'accoutumée. Ils ne partagèrent que quelques mots avant d'échanger leurs places. Pouvoir baisser sa vigilance permit à Erin d'apprécier un repos plus lourd que la normale. Elle fut réveillée avant l'aube, par le carillon de cinq heures. Meïron était toujours sur la passerelle, une jambe dans le vide. L'autre lui servait de support pour son bras. Son regard était perdu dans l'horizon de la ville. Il ne pleuvait plus, seuls des restes de gouttes perçaient le silence qui régnait.

La jeune femme se leva pour le rejoindre. Son ascension fit branler la plateforme, ce qui attira l'attention de son camarade. Il la suivit du regard, sans rien dire, quand elle vint s'installer à côté de lui.

« Rien de nouveau ? » lui demanda-t-elle.

Il secoua la tête.

« Calme plat. Ça fait du bien. »

Le silence tomba de nouveau. Erin avait peur de le rompre, mais une curiosité nouvelle lui forçait les lèvres. Elle jeta quelques petits coups d'œil au néostème sans oser parler. Cette attention soudaine n'échappa pas à Meïron. Sans lâcher les tranches des toits des yeux, il lança à sa camarade : « oes ag ceaistean gennücheis , nah bi diogeis. »

Il n'obtint pour réponse que des yeux comme des soucoupes. Surpris, le fugitif imita le regard de la jeune femme.

« Quoi ? » Lui demanda-t-il.

« Qu'est ce que tu as dit ? »

Il fronça les sourcils.

« Tu ne parles pas Abrien ? »

Elle secoua la tête. Une gêne s'installa alors. Après un dernier regard entre les planches, le néostème se redressa.

« Le jour va se lever, on descend ? » Lança-t-il.

Erin acquiesça et le suivit. Une fois de retour près de leurs affaires, Meïron se laissa retomber contre le sol.

« C'est étrange que tu ne parles pas Abrien. Même pas un tout petit peu ?

— Bonjour, au revoir, oui, non, va chier, ce genre de choses. Pas plus. » Grogna la jeune femme.

« Je sais que c'est pas beaucoup parlé en ville, mais on l'apprend dès l'élémentaire ! » Insista son camarade.

Erin serra ses bras sur sa poitrine puis partit s'asseoir plus loin. Meïron la suivit, toujours aussi curieux de cette affaire.

« Mais comment ça se fait ? Tu m'as dit venir d'ici.

— Je sais ! » s'agaça-t-elle, la voix serrée.

Ce changement d'humeur surprit le néostème. Il observa la fébrilité de sa camarade. Une de ses joues tremblait, sa mâchoire était crispée au point de faire grincer ses dents. Face à un tel malaise, il décida de la laisser tranquille. Ils restèrent là, sans bouger, dans cette ambiance tendue.

 

Dehors les nuages disparaissaient et les Kalies reprenaient leurs droits. Un rayon éclaira l'intérieur de la pièce. Il traversait l'ouverture et frappait la passerelle. Les trous qui l'ajouraient mouchetaient le sol. Erin se trouvait en dessous. Cette lumière soudaine permit à Meïron de distinguer ses yeux rougis. La jeune femme mordillait l'ongle de son pouce aplati par cette manie ; un détail retint alors l'attention du néostème. La main de sa camarade était écarlate, la peau fripée, brillante. Une cicatrice de brûlure grave.

« Où est-ce que t'as eu ça ? » S'inquiéta-t-il.

Il s'approcha pour mieux voir.

« Qu'est ce que tu... » s'alarma-t-elle en le repoussant, prise au dépourvu.

Erin prit alors conscience de son geste. Elle revint à elle, désolée, puis elle s'éloigna, avant de cacher ses blessures dans ses manches.

« J'en sais rien. » Souffla-t-elle finalement.

« Comment ça t'en sais rien ? » S'agita Meïron. « Et t'en as sur les deux ?

«Oui, mais je veux pas en parler. »

Son camarade n'écouta pas cette dernière phrase. Il se rapprocha de nouveau, inquiet.

« C'est que ça peut être grave. Ça ressemble à... »

Les tremblements brusques et les larmes de son amie le coupèrent dans son élan. Elle perdait complètement ses moyens. Sa respiration devint difficile, saccadée. Meïron comprit immédiatement qu'il était allé trop loin. Navré, il chercha à venir en aide à sa camarade.

« Merde... Pardon. Qu'est ce que je peux faire ? »

Erin, incapable d'articuler, désigna son sac du doigt. Il se précipita dessus pour lui apporter, puis reprit ses distances. Fébrile, elle se débattit avec la fermeture pour sortir une longue écharpe rouge et l'enrouler autour du cou. Elle la remonta jusqu'à son nez. La jeune femme se réfugia dans la laine pour en humer l'odeur. Aux yeux du néostème, elle mit une éternité à se calmer. Sa respiration heurtée se coupait de sanglots silencieux. Ses doigts crispés sur les mailles serraient le tissu contre sa figure. Une main tremblante retira son élastique pour lâcher ses cheveux blonds pour cacher son visage. Au bout de quelques minutes, le calme revint à petits pas, mais Erin ne bougeait toujours pas. Elle restait camouflée derrière ses nœuds et son écharpe, les paumes encore secouées de légers spasmes, comme si ses nerfs échappaient à son contrôle.

Finalement, elle se redressa, les yeux bouffis, le visage honteux. Meïron resta à sa place, confus.

« Excuse-moi. » S'empressa-t-il de dire.

« C'est rien. » Marmonna Erin en s'essuyant les joues. « Tu pouvais pas savoir.

— Tu fais souvent des crises comme ça ?

— Quand on me parle de ça, oui. »

La réponse était claire, cinglante. De nouvelles questions brûlaient aux lèvres du néostème, mais la raison les retint. Il préféra s'intéresser à cette écharpe qu'elle portait. Un air rassurant sur le visage, il la désigna : « Elle est longue, elle mesure combien ? »

La jeune femme baissa la tête sur la laine, quelque peu surprise de la question.

« Quatre mètres cinquante, je crois.

— Tu m'étonnes que ton sac est confortable ! » Lâcha le fugitif.

Cette remarque décocha un sourire à Erin, à la satisfaction de Meïron. Un bref silence s'installa, qu'elle décida à briser. Toujours les yeux sur les mailles, elle commença à mener la discussion sur un sujet plus plaisant.

« C'est mon père qui me l'a tricotée,» expliqua-t-elle « et mon chien dormait tout le temps dessus. Elle ne sent plus rien, mais avant, elle sentait comme lui, et comme chez moi, alors ça me rassurait au début de ma vie dehors.

— Ton chien ? » S'amusa son camarade.

— Oui, mais il était propre, il aimait bien les bains. C'était un chien long et court sur pattes, tu sais ? »

En un clin d'œil, elle s'était adoucie. L'absence de réponse de Meïron la poussa à enchainer. Il l'écoutait, intéressé par cette douce histoire.

« Ils sont couleur sable et ont de grandes oreilles droites, les fesses qui flottent dans l'eau ; elles ressemblent à de la brioche, d'ailleurs. » Précisa Erin.

Cette information fit éclater Meïron d'un rire qui étonna son amie. Elle releva finalement les yeux vers lui, avant de rire à son tour : « Mais quoi ? »

— Rien, je ne m'y attendais pas. » Gloussa-t-il. « De la brioche donc. Il s'appelait comment ?

— Bri.

— Évidemment ! »

Erin garda son sourire puis l'invita à se rapprocher.

« C'est un prénom deux en un.

— Dis-m'en plus ! » s'intéressa Meïron.

Elle jouait avec les franges de son écharpe tout en racontant son histoire : « Il s'appelle Abriel sur les papiers.

— C'est pas un personnage de livre, ça ? »

Erin hocha la tête.

« Si, un héros explorateur, un peu bourlingueur, qui chasse des trésors. Bref, j'adore ce livre, et j'avais un sacré coup de cœur pour le personnage. Sauf que j'ai pris l'habitude de surnommer mon chien « Bri » pour le diminutif d'Abriel, et ça se rapproche de la brioche aussi. Et au moins, ça ne sonne pas trop comme « Abriale ».

— hm... Et il y a une corrélation entre les fesses du chien et du personnage ou bien ? »

Meïron réussit à tirer un nouveau ricanement de la jeune femme, à son plus grand plaisir.

« Pas que je sache. » S'amusa-t-elle. « Mais c'est possible.

— Il est où maintenant ?

— Bri ? Mes parents l'ont récupéré quand j'ai dû partir de mon appartement.

— Je vois... » Souffla Meïron.

Cette dernière information alourdit l'ambiance ; leur réalité n'était jamais bien loin. Le calme reprit ses droits non sans les partager avec un léger malaise. Dans cette attente, le néostème remarqua que les doigts d'Erin se tordaient encore de faibles spasmes. Il demanda, la voix plus grave : « Tu as mal ? »

Elle baissa les yeux sur ses mains.

« Je ne sais pas trop. Parfois, ça me fait ça, surtout après une crise, mais c'est plus comme des douleurs fantômes. Heureusement, c'est rare. Ça va se calmer, t'en fais pas.

— Et sinon, tu peux les bouger comme tu veux ? »

La jeune femme acquiesça. Elle appuya sur la base de son pouce gauche.

« Je suis un peu raide ici, et je ne sens pas vraiment quand je touche. » Précisa la néostème. « Mais non, je n'ai pas de gros problèmes. Disons que les zones les plus marquées manquent de sensibilité. Ça ne m'a jamais dérangée plus que ça.

Erin appuya l'arrière de sa tête contre le mur et ferma les yeux. Elle massait ses mains pour calmer ses spasmes. Meïron la laissa se détendre sans l'importuner plus. Il préféra lui offrir un peu de répit et entreprit une inspection détaillée de la pièce. Enfin, ce fut la néostème qui choisit de reprendre la conversation : « Du coup qu'est-ce que tu m'as dit sur la passerelle ?

— En abrien ?

— Oui. »

Elle lui fit signe de lui donner la gourde. Il profita qu'elle boive pour répondre.

« Je te disais juste que si t'avais des questions, tu n'avais pas à être gênée. »

La jeune femme gardait ses yeux sur lui, en pleine réflexion. Ses interrogations n'attendirent pas plus longtemps pour lui revenir. Elle reposa la gourde en hochant la tête.

« Quand tu m'as séchée, une partie de l'eau est partie, tu as assimilé l'autre, pourquoi ?

— Me réhydrater. » Répondit-il avec sa nonchalance habituelle.

« Comment ça ? »

Meïron ouvrit une paume et activa ses récepteurs comme les fois précédentes. De l'eau s'échappa de sa peau et se modela en une boule mouvante.

« Quand je la crée, j'utilise celle de mon corps, ou l'humidité ambiante. En ce moment, je n'ai pas de problème avec la saison. Mais quand il fait sec, je dois faire attention. Et comme j'avais rempli ta gourde avant, autant récupérer ce que j'ai perdu. C'est comme ça que mon dekte fonctionne. »

Erin plongea dans ses pensées, le regard noyé dans la création de Meïron. La masse disparut, mais la jeune femme resta les yeux fixés dans le vide.

« Tu es le seul de ta famille ? » Lâcha-t-elle enfin.

— Aux dernières nouvelles, oui. Je suis le seul à m'être révélé ; mais bon, ça fait un petit moment maintenant. Donc je sais pas si d'autres sont néos ou non. Par contre, ma compagne l'est. Elle l'a appris avant moi.

— Elle avait quel âge ? » Continua la jeune femme.

« Vers treize ans. Moi je l'ai su quand j'en ai eu dix-neuf. »

Ses yeux brillaient quand il parlait d'elle, de quoi faire sourire Erin, attendrie.

« Comment elle s'appelle ? » s'intéressa-t-elle.

« Wella. Et on est ensemble depuis six ans, si tu veux tout savoir.

— Tu as l'air de beaucoup l'aimer. »

Il acquiesça. Son affection se lisait sur son visage. Il enchaina : « Même si c'était compliqué avec l'ambiance générale, on était bien. J'avais l'avantage de ne pas être recensé.

— Du coup, tu étais considéré comme son tuteur ?

— Oui, jusqu'à ce que je me fasse choper, il y a un an et demi. » avoua-t-il.

« Et... vous avez fait comment ? »

Meïron s'étira tout en cherchant une réponse qui ne risquait pas de mettre en danger qui que ce soit. Il s'aventura alors à expliquer leur situation : « Je ne vais pas pouvoir être très clair... Disons qu'on a eu de l'aide, au début. Ensuite, c'était plus compliqué, mais on a pu se débrouiller.

— Et... maintenant, vous faites comment ?

— On s'est arrangé, je ne peux pas te donner des détails. Mais là, c'est principalement moi qui sors, elle ne peut plus trop. »

Plana alors un lourd silence, qu'Erin s'aventura à briser : « Elle est malade... ? »

« Enceinte, surtout. De quatre mois, presque cinq.

— Oh... » souffla-t-elle

Erin pouvait bien imaginer les difficultés qui accompagnaient son état. La conversation s'arrêta là. Malgré leur entraide nouvelle, ils ne pouvaient se permettre de risquer la sécurité de leurs entourages respectifs. Meïron était entre l'inquiétude et la fierté de sa paternité à venir. Au fond d'elle, Erin espérait de tout cœur que leur situation allait s'arranger.

La cloche de six heures les prévint d'une nouvelle journée qui commençait. Il était encore trop tôt pour que le soleil se lève, mais trop tard pour sortir du bâtiment sans se faire repérer. La jeune femme fixa l'ouverture puis fouilla dans son sac.

 

« À cette heure-ci, les premiers travailleurs sont en route : ça risque d'être compliqué de retourner dehors. » Informa-t-elle. « Mais personne ne vient jamais ici. Tu penses qu'on peut rester la journée ?

 

— Ça me paraît périlleux, mais on a plus vraiment le choix. »

 

Erin tira de son sac une carte qu'elle étala sur le sol. Elle était complétée de croix, de cercles, de flèches. Le papier était jauni et renforcé par du ruban adhésif à certains endroits. La ville y était détaillée et annotée. Meïron s'intéressa tout de suite au plan. Il se pencha par-dessus l'épaule de la jeune femme.

 

« T'as pas chômé ! Où est-ce que tu as eu ça ?

 

— La carte ? Quelqu'un qui m'aide me l'a donnée ; les informations c'est en écoutant ou en les échangeant contre des rations de nourritures avec des personnes que j'ai croisées. En rouge, c'est les habitudes du CSA. Mais visiblement, c'est pas à jour. »

 

Pendant qu'il étudiait ses notes, elle sortit de son sac plusieurs morceaux de crayons abîmés. Elle en prit un dont la mine n'était pas trop cassée et dont la couleur n'était pas encore utilisée, gratta le graphite avec l'ongle pour le tailler un peu, puis entoura la rue de l'attaque de la veille.

 

« Donc il y avait une patrouille ici, mais normalement ils devaient être... » Elle traça un trait jusqu'à une zone plus éloignée dans la ville. « ... là-bas.

 

— Et aujourd'hui ?

 

— Aujourd'hui, le gros des patrouilles devrait être déployé au Sud-Est. Mais si ça se trouve, ça a changé. Après, il y en avait hier, pas loin. Je sais pas trop s'ils seront encore là ou non. »

 

Soucieuse, Erin mordillait le bout du crayon. Meïron passa une main dans ses cheveux noirs puis gratta sa joue. Ses ongles firent crisser son début de barbe.

 

« Le truc c'est qu'à cause de nous, ils risquent aussi d'avoir renforcé la surveillance du secteur. » Souleva-t-il.

 

« On n'a pas trop d'autres choix que de rester tranquilles, et de partir pendant la nuit, c'est ça ?

 

— Je pense. »

 

Le néostème étudia la carte avec attention. Il pointa un quartier qui entourait le parc central. Les rues se croisaient et s'entrelaçaient, les bâtiments étaient serrés par endroit ; Erin avait très peu annoté cette partie.

 

« Les camions du CSA passent mal ici ?

 

— Oui.

 

— Et le parc est tellement grand qu'ils ne peuvent pas tout surveiller. » Déduit-il.

 

Erin hocha la tête puis termina son raisonnement : « Ça me semble un bon objectif pour après, même si on nous tombe dessus. Surtout pour toi avec ce lac.

 

— Toi qui es dehors depuis deux ans, tu sais si beaucoup de néostèmes y vont ?

 

— Non, pas vraiment. Enfin, je n'en croise pas énormément ailleurs, » précisa-t-elle « mais le parc la journée c'est la pire idée qui soit quand t'es seul, et la nuit les grilles sont trop hautes pour grimper.

 

— Oui, ça, je sais. Je parle des alentours. C'est triste à dire, mais plus on est nombreux au même endroit, plus c'est risqué. » Conclut Meïron.

 

— Je pourrais pas te dire, on bouge tous tellement... »

 

Les deux compères semblaient désemparés, mais aucun n'osa montrer sa détresse à l'autre. La jeune femme dressait un parcours dans sa tête pendant que son ami continuait de suivre les rues des yeux. Elle pointa finalement des lotissements :

 

« Ici : c'est une zone résidentielle. Les rues sont plus ouvertes, c'est plus accessible pour les agents, mais c'est pas loin du parc et des quartiers étroits, et pas loin non plus de ceux aisés. C'est une bonne escale. Je me souviens avoir entendu parler d'une purge dans ce coin. Si le CSA est vraiment passé par là, des maisons doivent être vides. Soit ils ont été emmenés soit ils ont fuis.

 

— C'est suite à une purge de ton immeuble que tu es partie ? » lui demanda son ami.

 

Elle acquiesça sans lever les yeux du papier ni se replonger dans ce sombre évènement. Elle resta superficielle dans ses informations : « Mon appart' était au nom de mes parents, alors j'ai pu être mise au courant. Mais j'ai des voisins qui ont été envoyés en centre.

 

— Tiens, tu les appelles encore comme ça. » Constata Meïron.

 

Erin l'interrogea du regard.

 

« On appelle ça des demostères entre nous. » L'éclaira-t-il.

 

— Nous ?

 

— Je t'expliquerai plus tard. »

 

Elle n'insista pas et se reconcentra sur leur itinéraire : « Enfin bref, il doit y avoir de quoi se ravitailler, et ensuite on peut repartir vers la zone industrielle. On fait un grand L dans toute la ville, ça risque de prendre un, deux jours, si le CSA s'est déployé, mais si on reste en mouvement on n'aura pas trop d'ennuis. Enfin, j'en ai pas eu jusque-là.

 

— La zone industrielle... » marmonna Meïron.

 

Erin fronça les sourcils : « Un problème ?

 

— Non, non. C'est plutôt bien. Je réfléchis juste.

 

— On part là-dessus du coup ? » proposa la jeune femme.

 

Il approuva et la laissa ranger la carte. Ils espéraient tous deux que la journée se passerait sans encombre. Ils n'avaient pas d'autre choix que de laisser le temps s'égrainer. Erin en profita pour compter ses rations.

 

« Tu as combien de repas sur toi ? » lui demanda-t-elle.

 

Le néostème attrapa son manteau et vida ses poches.

 

« Six sachets, et toi ?

 

— Onze, et des fruits secs.

 

— On a de quoi faire. »

 

La jeune femme approuva. Elle se redressa en s'attachant les cheveux. Meïron continua à planifier leur rationnement : « On n'a pas à s'inquiéter de l'eau, donc c'est ça en moins à se soucier. Et pour manger, on n'aura pas à chercher des tuyaux ou des chaufferies.

 

— C'est vrai. » Opina sa camarade.

 

Ils commençaient enfin à entrevoir une issue à leur situation. Erin éprouvait un mélange de soulagement et d'appréhension. Elle peinait à se dire que tout serait aussi simple, mais le soutien précieux de Meïron la rassurait. Son esprit se libéra de quelques poids : elle pouvait désormais partager son fardeau, cesser de diviser son attention entre les multiples facteurs qui pouvaient la mener à la catastrophe.

 

Durant la matinée, ils devaient rester au sol : l'ouverture donnait sur l'Est et les rayons du petit jour risquaient de les révéler aux curieux. Ils pourraient reprendre leurs tours de garde vers quinze heures.

 

Déjà, la vie se faisait entendre derrière la pierre. Le service du tramway avait commencé depuis une bonne heure, les premiers bus se joignaient au ballet, accompagnés de voitures et des camions-bennes. La ville en éveil protégeait leurs discrètes conversations. Ils occupèrent leur temps en discussions : Erin préférait écouter son ami, toujours aussi enjoué. Il lui parla de ses études, des bêtises faites dans sa vie étudiante, de ses aventures militantes. Parfois, ils se taisaient et l'un d'eux fermait ses yeux. Elle ne reconnaissait plus vraiment l'ennui à force de l'avoir trop côtoyé, alors le ressentir de nouveau, même pour quelques minutes, la reposait au plus haut point.

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AislinnTLawson
Posté le 25/06/2021
Là aussi je drop mon commentaire, ma lecture se fait un peu ancienne pour le coup, mais j'attendais la suite des aventures de Kalie (mais tmtc ce que ça a donné bref) mais maintenant que tu signes son grand retour sur PA et WP ça va être le retour de mes commentaires de grande fangirl incroyable

Et je me dis que pfiou bosser avec toi ça va être d'enfer

Parce que Kalies est un putain de roman de SF (oui toi aussi qui lis mais qui n'es pas encore sûr de toi, je te le dis, il faut lire Kalies !)
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