Chapitre 5

Par C05i
Notes de l’auteur : Libre à toi, cher lecteur, de commenter et de me dire ce que tu penses de ce chapitre ! ;)

Toc toc toc. J'ouvre un oeil et tourne la tête vers la fenêtre. Je vois par l'écart laissé entre les deux rideaux une tête masculine. Je repense à Bertie et chasse vivement l'image de ma tête : c'était mon père. La clé tourne dans la serrure. Il entre, suivi de Tutu qui saute sur ma couette.

- Bonjour !

- B'jour… Je grogne.

Il ouvre les rideaux puis s'assoit sur le bord de mon lit. Je tourne ma tête vers le mur. Je n'avais aucune envie qu'il voit les larmes sur mon visage. J'avais encore fait un cauchemar dans lequel apparaissait ma mère. En plus, je n'avais pas envie de voir la lumière du jour. C'était comme si le ciel se moquait de moi.

- Tu veux faire quoi aujourd'hui ? Dit il en me caressant les cheveux.

- Rien…

- Sif, tu passes tes journées entières dans ton lit ou à la danse, 'faut bien que tu fasses autre chose !

Pendant un instant, je crois que ce qui se passe lui est égal, mais quand je vois son visage, les cernes creusées sous ses yeux, je change d'avis.

- Qu'est ce que ça peut bien te faire, je ne t'empêche pas de faire ce que tu veux. Je dis.

- J'ai pensé qu'on pourrait rentrer les chèvres aujourd'hui. L'herbe est assez haute maintenant.

- J'ai bien vu ça.

- En tout cas le frigo est vide, je dois aller faire les courses.

- D'accord, je peux rentrer les filles pendant ce temps là.

- Super, et ne te rendors pas hein ! Dit il en se levant.

Je n'allais jamais à la danse le week end, d'une part pour profiter de mon père car il ne travaillait pas, et d'autre part pour me reposer. Il sort et je m'assoie après avoir posé délicatement Tutu sur le sol. Je me penche en avant pour ouvrir le tiroir sous mon lit et attrape une combi-short. Je l'enfile et brosse mes longs cheveux. Quand je ne sortais pas, je ne mettais jamais mes lunettes, je les laisse donc sur ma table de nuit.

Je vais rejoindre mon père qui était en train de me beurrer une tartine.

-  Ah parfait, je t'ai fait ton petit dej', j'y vais, à tout à l'heure.

- Ouais.

Je m'installe sur la chaise en bois et commence à boire ma potion, que mon père avait déposé sur la table.

Le téléphone sonne. Je réfléchis, dois-je y aller ou non ? Je décide quand même d'y jeter un coup d'oeil.

- Oui allô ?

- Salut Sif, c'est Alicia.

- Tu crois que je ne reconnais pas ta voix. Je dis en souriant.

- Mais non, comment ça va ?

Je ne répond pas.

- Sif, t'es toujours là ?

- Comment ça devrait aller ? Je dis d'un air accusateur.

- On est tous dans la même situation tu sais, il faut pas perdre espoir, ce n'est pas exclu qu'elle se réveille.

Je suis choquée et réplique :

- Ah tu penses comme ça toi, tu continues tranquillement ta vie en pensant qu'elle va se réveiller alors qu'il a plus de chances qu'elle ne se réveille pas !

- Mais qu'est ce que tu veux qu'on fasse, on ne peut rien changer, je ne pense pas qu'elle aurait voulu qu'on soit malheureux…

Est ce qu'elle n'était pas… Brisée, elle ?

- Bon, tu voulais quoi ? Je demande les lèvres pincées.

- Papa est là ?

- Non.

- Dis lui qu'on confirme pour les vacances.

- Pardon ?

- Bah, il t'as pas dit qu'on venait ?

- Non, qui vient ?

- Tout le monde quoi, Constantin, Guillaume et moi.

Je laisse tomber mon bras avec lequel je tenais le combiné. S'ils étaient tous dans le même état d'esprit qu'Alicia, je ne tiendrais sûrement pas. Je presse mon doigt sur le bouton afin de raccrocher. Tout cela m'avait coupé le petit appétit que j'avais, je décide donc d'enfiler directement mes chaussures et de sortir.

Je contourne la maison pour me rendre à l'abri des chèvres situé au fond du jardin. C'était une sorte de cabane en bois comportant un box et un espace ouvert mais couvert, où se trouvait un râtelier à foin et une malle dans laquelle était stocké le maïs. Les chèvres ne rentraient ici qu'en période de grand froid et ressortaient au début du printemps. Elles passaient une partie de l'année dans un petit pré situé en face de la maison. À présent, l'herbe était assez haute dans le jardin pour qu'elles puissent la manger à leur aise. J'attrape les deux licols dans la malle. Un violet en polaire Teddy pour Tomate et un turquoise pour Lili. Je traverse ensuite la pelouse, sors par la vieille porte et franchit la route éclairée par le soleil matinal.

- Tomate, Lili ! Je crie en sautant par dessus la clôture. La brune, qui était en train de brouter paisiblement lève la tête et arrive vers moi au petit trot. Je la gratouille entre les oreilles.

- Alors Lili, où reste ta coéquipière ?

Celle ci avait une touffe d'herbe dans la bouche et ne se pressait pas. J'enfile son licol à Lili qui se laisse faire au contraire de l'autre qui veut commencer un petit jeu. Avant que j'ai le temps de l'en empêcher, elle attrape le bout de la longe entre ses dents et part en se trémoussant.

- Hep hep hep ! Reste là toi !

Je commence à la suivre mais Lili, qui s'est arrêtée pour grignoter je ne sais quoi m'empêche de continuer mon chemin. Je m'assois donc sur le sol en attendant que Tomate se lasse elle même de son jeu, ce qu'elle fait sans trop attendre. Les deux animaux à la longe, j'ouvre la clôture pour les laisser passer puis la referme. Elles restent sagement à mes côtés lorsque je pousse la porte avec mon coude.

- Allez ouste la compagnie ! Je fais en leur détachant la longe des licols, une fois la porte passée.

Les chèvres, aucunement perturbées par le changement d'environnement se mettent à brouter. J'entre dans mon QG et récupère mes lunettes sur ma table de nuit, à droite de mon lit défait, ainsi que quelques magazines. Je laisse la porte ouverte quand je ressors. Je balance les brochures sur le toit puis m'agrippe à la gouttière qui longe le mur droit pour me hisser là haut. La plupart du temps, je prenais une échelle pour monter mais quand je n'avais pas le courage d'aller en chercher une, comme maintenant j'essayais de grimper le mieux possible en m'aidant de la gouttière. Là haut, je me sentais bien, c'était comme si je pouvais dominer le monde. En plus, je voyais ce qui se passais dans la rue, même si il ne se passait pas grand chose. Je m'allonge à plat ventre et appuie mon menton sur mes mains en surveillant les chèvres qui grignotaient par ci par là.

Après être restée plus d'une demie heure à feuilleter les magazines, j'entend des rires dans la rue.

- Ého ! Salut !

Je tourne vivement la tête : je vois Bertie dans un jogging gris clair accompagné d'un autre garçon qui lui ressemblait beaucoup. Ils avaient tous les deux une fille sur le dos. Mais qu'est ce qu'ils faisaient ici ? Cette route était de loin une des plus rares que les gens empruntaient pour aller à la plage, bien qu'elle se trouvait à deux kilomètres d'ici. Cette fois, j'essaye de ne pas me poser trop de questions comme la dernière fois, même si mon coeur battait à vive allure. Je lui répond par un signe de main et un sourire. Je pense qu'il s'apprête à me dire autre chose mais à ce moment là, je vois Lili en train de commencer à manger dans le parterre de fleurs qui borde la maison. Je descends tant bien que mal du toit, ce à quoi je m'étais beaucoup entraînée l'été dernier, puis cours vers la chèvre.

- Et toi t'est obligée de manger les fleurs PILE à ce moment là alors que t'aurais pu le faire y'a trente minutes hein.

Elle n'a pas l'air de comprendre. Logique. Je la prend donc par le montant du licol et la lâche quand je suis sûre qu'elle soit dans mon axe de vision. Je me demande quel effet ça pouvait faire de voir un telle scène. Quand je reviens sur le toit, ils sont déjà partis.

J'entends un bruit de moteur. Je lève la tête et aperçois la petite voiture de mon père qui s'arrête devant le portail situé à quelques mètres de la porte d'entrée. Je me laisse glisser du toit et atterrit souplement sur mes pieds, en position grenouille, avant de perdre l'équilibre et de tomber. Je me relève et me hâte jusqu'au portail que j'ouvre tout en gardant un oeil vigilant sur les chèvres. Mon père gare la voiture sur un coin d'herbe déjà aplati par ses roues. J'ouvre le coffre et attrape le panier rempli.

- Salut ! Dit mon père en sortant de la voiture.

- Salut.

- Je vois qu'on a de la compagnie, elles étaient sages ? Fait il en désignant Tomate et Lili.

- Ouais plutôt…

Je trimballe la panier jusqu'à la cuisine et commence à ranger efficacement les achats de mon père dans le frigo. Il arrive lorsque j'ai presque fini et fait de même.

- Sif ? Fait il d'une voix hésitante.

- Mmm …

- Tu veux aller à l'hôpital cet après-midi ?

Je tourne brusquement la tête vers lui, le fixe un instant, puis me remet à ranger.

- Non.

Pendant un moment, nous nous activions en silence.

- Il reste les bouteilles d'eau dans la voiture, dit finalement mon père.

- J'y vais.

Je me dirige vers la porte mais me retourne au dernier moment,

- Pourquoi tu ne m'avais pas dis qu'ils venaient ?

Il me regarde pendant un moment, étonné, puis dit :

- Alicia a appelé ?

- Oui, elle voulait confirmer, mais pourquoi tu ne m'en a pas parlé ?

- J'avais oublié, je suis désolé …

Je ne pouvais pas lui en vouloir, il semblait avoir la tête ailleurs, lui aussi.

- Ah.

Je franchis la porte de la cuisine et je vois Tomate, deux sabots à l'intérieur, les autres dehors en train de jouer avec les lacets de mes converses.

- Coquine ! Je m'exclame en frappant des mains.

Elle sursaute mais reste à sa place. Je la prend au licol pour la relâcher dix mètres plus loin. Mais elle me suit. Tant pis. Un pacque d'eau dans chaque main, je referme le coffre du mieux que je peux et retourne à la maison, toujours suivie de la chèvre curieuse.

 

Le salon de bricolage de mon père était au Rez de chaussée, à deux pas de la porte d'entrée. Pour un "atelier", il avait de la classe. Le mur blanc du fond était dégagé de tout matériel, seule une fine planche en bois présentait ses deux trophées. Les autres murs étaient bordés d'étagères qu'il avait lui même construites : mon père était vraiment monsieur bricolage. Sur ces étagères reposait son matériel, et au centre de la pièce, se trouvait une grande planche en bois posée sur des tréteaux.

Pendant que j'installe les éclairages, mon père dégote le matériel nécessaire de ses étagères.

- Tu vas au kiosque lundi ? Demande t-il.

- Oui, Albane m'a appelé.

L'été, j'avais un job au stand de glace situé à quelques pas de la plage. C'était un petit camion, qui s'installait là en période estivale. Il était tenu par Albane et Lucie, deux sœurs qui avaient moins d'un an d'écart. Elles travaillaient en temps qu'institutrice le reste de l'année. Les deux sœurs qui étaient passionnées de pâtisserie, avaient d'abord fait les études nécessaires pour devenir institutrices puis, suivant leur instinct, avaient fait un CAP.

Une fois tout le matériel installé et mon père derrière sa table, je déclenche l'enregistrement.       

- Bonjour à tous, aujourd'hui on se retrouve dans mon salon de bricolage. Nous allons revoir une des bases de la plomberie que beaucoup de gens dans la communauté m'ont demandé : la soudure.

J'essaye de retenir mon rire en contractant mon visage. Ça faisait longtemps que je ne l'avais pas filmé. D'habitude, il avait un caméraman qui l'accompagnait pour filmer son travail chez certains clients. En voyant ma tête, il commence à bégayer et oublie complètement ce qu'il voulait dire. Il se tape la cuisse :

- Sif ! Bah bravo, maintenant je dois recommencer mon intro ! Dit il en rigolant.

- Pardon mais j'avais oublié les effets du direct…

En effet, lorsque je voyais ses vidéos sur youtube, tout paraissait plus professionnel. En trois ans, il avait accumulé plus d'un million d'abonnés. Je déclenche à nouveau la vidéo et il refait le même manège.

Après une bonne quantité d'explications il s'exclame, avant de commencer sa soudure :

- Surtout ne jamais regarder en direction de l'opération sans lunettes de protections !

Je prends ça pour un avertissement et me retourne.

La vidéo bouclée, je me lève de la chaise sur laquelle j'étais assise.

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