Chapitre 48 - Rivalité

Dans la citadelle Asage.

 

Garnel Asage était revenu à temps de son séjour au dôme du conseil. Sans son intervention, son frère serait surement mort et il aurait perdu Manon à tout jamais. Malheureusement, pour en venir à ses fins, il avait dû dévoiler son jeu à la jeune Kalokas. S’il avait réussi à avoir le dessus sur elle, c’était uniquement grâce à Solenne et il en était bien conscient.

 

Depuis sa résurrection, Manon semblait beaucoup plus forte. Elle avait résisté à son attaque pendant un temps si long qu’elle aurait dû être mourante à présent. Pourtant, elle se portait comme un charme à ce niveau-là. Elle était bouleversée, apeurée, perdue, mais en bonne santé. À présent, c’était Garnel qui avait mal à la main, pas elle. La main qui avait retenu Manon pendant plusieurs minutes était devenue douloureuse depuis, mais ce n’était pas cela qui l’inquiétait le plus. Maintenant que les deux sœurs étaient de nouveau sous contrôle, il devait gérer son propre frère. Alors qu’ils se tenaient seul, l’un face à l’autre, Loris fulminait.

 

_ Elle est si douée que tu as dû tomber le masque pour avoir le dessus, ça n’aurait jamais dû arriver. Moins elle en savait sur toi, mieux c’était, s’emporta Loris en se rapprochant de son ainé.

_ Elle avait déjà un doute. Quand elle a survécu à la mort, ses pouvoirs ont dû s’accroitre. Depuis, elle n’a fait qu’appeler mon telsman alors qu’elle ne le repérait pas avant. Elle savait qu’il y avait un physé parmi nous et elle essayait de le contacter. Mon jaspe voulait communiquer avec sa topaze et j’entendais mon telsman me murmurer de le porter malgré sa place derrière le portrait, avoua Garnel à contrecœur en s’asseyant sur son trône pour remettre de la distance avec son frère.

 

Loris ne se découragea pas, au contraire, et continua à hausser le ton faisant résonner sa voix dans la pièce vide.

 

_ C’est impossible ou alors tu deviens fou, putain !  Le médaillon marche comme un… Un talisman. Une fois ton amulette dedans, personne ne peut le repérer. Alors pourquoi cette sorcière le pourrait tout d’un coup ? Souviens-toi mon frère, elle a tenu ce médaillon entre ses mains sans se rendre compte de ce qu’il renfermait malgré son poids, surenchérit son frère rouge de colère.

_ Je ne sais pas, mais regarde, reprit Garnel en lui montrant le portrait de la déesse que renfermer le médaillon à la tête de loup.

_ Des mèches bleues y sont apparues, comme pour Manon, constata Loris étonné.

 

Pour la première fois son visage, habituellement impassible, trahissait sa crainte. Ladite adolescente lui faisait peur.

 

_ Oui et depuis son passage au cratère ministériel, il en est pareil pour l’immense peinture dans le dôme, avoua Garnel impressionné.

_ Dans ce cas-là, tu es fou ! On aurait déjà dû la tuer depuis un bon moment ! Elle devait juste nous servir à écarter les Yeghes. Depuis, elle devenu trop dangereuse et maintenant elle s’est même liée avec les représentations de Namon, s’exclama Loris en touchant du doigt le costume de son frère.

_ Oui, mais j’ai changé d’avis ! Tu ne les toucheras plus et finalement on ne les tuera pas, rétorqua Garnel calmement en repoussant la main de son cadet.

 

Surpris par la décision, Loris ne se démonta pas. Il voulait que Manon souffre et à tous prix.

 

_ Ce n’est pas ce qui était convenu, tu joues avec le feu mon frère. Pourquoi les garder si elle nous ne serve plus à rien ? Fais-en des objets de torture ou de luxure qu’elles servent à quelque chose au moins ! s’insurgea le petit frère en serrant les poings.

_ Plus jamais tu ne les toucheras, tu m’entends ! Ni toi, ni personne. Tu t’enlèves Solenne de la tête et tu ne regardes même plus Manon. Ai-je été clair ?

_ Mais pourquoi ? s’agita Loris en mettant un coup de pied dans les débris restaient au sol.

_ Elle a déjà assez changé comme ça depuis qu’on l’a enlevé. Son cœur ne doit pas se noircir plus. Fais-moi confiance, Loris. Tu sais tout ce que j’ai fait pour toi ? Je te demande de me suivre encore une fois, vas-tu t’opposer à moi ? s’inquiéta Garnel en plantant son regard sombre dans celui de son cadet.

 

Un silence pesant s’installa, Loris hésitait à continuer de défier son ainé. Il l’avait toujours respecté jusque-là.

 

_ Sans toi je ne serais même plus de ce monde, reprit enfin Loris en baissant la tête. Je te dois la vie, mon éducation et mon bonheur. Moi, l’enfant de sang pur, né pourtant, ni tout à fait humain, ni tout à fait Sirélien, je n’ai survécu sous les coups de notre père que grâce à toi. Je ne te désobéirais pas.

_ Bien, alors c’est bon nous sommes en phase.

_ Tu n’as jamais eu honte de moi, bien que mon père me vît comme un monstre à n’avoir aucun don, à ne pouvoir interagir à aucun telsman. J’ai été rejeté par Namon bien que j’aurais dû hériter soit des pouvoirs de ma mère, soit de notre père. Tu as su me relever malgré tout et à faire des naitre des forces que je ne soupçonnais pas, ajouta le petit frère d’une voix tremblante.

 

Le temps d’un instant, il était redevenu vulnérable. On aurait dit un enfant attendant l’approbation de son paternel.

 

_ Notre père a toujours vu en toi qu’un moins que rien, tu n’as pas de dons, mais tu es plus solide qu’un simple humain. Regarde comment nos miliciens ont sombré face à Manon, toi tu n’es pas tombé et tu as continué à te défendre. Tu es robuste, endurant avec une force de caractère qui ne cède pas comme celle des humains. Tu es aussi hermétique à mon pouvoir, ce n’est pas un don sirélien, mais tu n’es pas un humain pour autant, mon frère.

_ Oui, mais tant de fois notre père a voulu m’abandonner. Tu as dû te battre pour m’apprendre à lire, écrire et compter. Tu as un fait de moi ton bras armé, un homme avec un but. Tu ne m’as jamais rejeté ni vu comme un monstre.

_ À ses yeux j’étais tout aussi une bête affreuse que toi, ne t’inquiète pas ! le rassura Garnel ému.

 

Malgré l’émotion, Loris serrait les dents. Il avait besoin de cracher ses quatre vérités à son ainé. Il lui en voulait de ne plus s’en tenir au plan, il lui en voulait de prendre des risques pour une adolescente qui n’en valait pas la peine.

 

_ Tu m’as vu grandir et souffrir, mais tu m’as toujours protégé, et cela contre notre famille et le monde entier. Maintenant, je fais partie de ceux qui comptent. Tu as fait mon bonheur en me nommant chef de la milice et en me donnant le droit de gérer les camps de déportations. Je te dois la vie, mais je te vois changer, mon frère.

_ Je serais toujours là pour toi Loris, rétorqua Garnel surpris. Quand bien même je serais bientôt le roi du Nouveau Monde, tu seras toujours mon bras droit, mon frère. Ne sois pas troublé par ce que tu ne comprends pas ! ajouta-t-il pour réassoir son autorité.

_ Tu as eu beau tout m’apprendre, m’éduquer, me conseiller, je n’ai jamais su lire le fond de tes pensées, s’inquiéta le chef de la milice les larmes aux yeux.

_ Et c’est parce que tu n’arrives pas à me comprendre totalement que tu as peur pour moi ? Je suis imprévisible, sombre et secret. Tu ne connaitras jamais mon âme entièrement, mais cela ne doit pas nous éloigner. Pourrais-tu me défier parce que tu ne me comprends plus ? le questionna Garnel en se réinstallant plus confortablement sur son trône.

 

Les jambes croisées et les mains serrées sur le haut de ses cuisses, Garnel défiait son frère de surenchérir.

 

_ Je te suis fidèle et redevable. Mes pensées, mes actes et mon corps te sont dévoués. Je suivrais toujours mon maitre, lui répondit son petit frère en courbant l’échine.

_ Très bien. J’ai d’autres desseins pour Manon et Solenne. C’est ainsi et ma parole est d’or, ne la remet pas en question pour des doutes.

 

En face de l’estrade, devant son ainé, Loris s’agenouilla comme pour lui prêter allégeance. Il lui avait désobéi en torturant Solenne et Manon pendant son absence, il se devait de retrouver la confiance de son frère bien aimé. Après tout, il lui devait tout et il avait été pour lui une figure paternelle.

 

_ L’incident est clos, relève-toi. C’est oublié ! lui ordonna le ministre en rangeant son médaillon dans la doublure de son costume sombre.

 

Loris releva la tête en jalousant le geste de son frère. Lui aussi, il aurait aimé avoir une amulette comme n’importe quel sirélien, mais il n’avait jamais pu en faire marcher une. Sur lui, c’était une simple pierre, sans artifice, sans caractéristiques hors du commun. Elle était là sa malédiction ; ni tout à fait humain, ni tout à fait Sirélien. Il était un rien qui faisait partie d’un tout.  

 

Face à son frère, il ne pouvait pas faire partir cette jalousie qui le hantait depuis toujours. Garnel avait tout fait pour lui, mais il manquait toujours quelque chose à son petit frère. Il le savait, Loris serait toujours en quête de reconnaissance. Tant qu’il l’avait sous contrôle, c’était l’essentiel. Sa haine pouvait le rendre fou et incontrôlable. Le ministre et l’homme de pouvoir qu’il était, savait qu’il valait mieux avoir son demi-frère dans son camp et sous sa coupe que de s’opposer à lui.

 

_ Je t’appartiens Garnel, je te suivrais n’importe où, comme jamais un loup n’a suivi son maitre. Cependant… reprit Loris avant de quitter la salle de réception.

_ Cependant quoi ? le reprit Garnel en haussant la voix et en se levant de son trône pour montrer son agacement.

_ Dans une meute, un alpha vieillissant peut se montrer de plus en plus faible. Dans ce cas, il ne garde jamais son rôle très longtemps et le bêta se doit de l’attaquer à la gorge pour le tuer et prendre sa place. C’est ainsi qu’on protège la meute, mon frère. Ne deviens jamais faible ou je me verrais obligé de reprendre le flambeau, le prévenu Loris avant de retrouver ses appartements.

 

Garnel se retrouva coi dans la salle vide. Il n’avait jamais imaginé que Loris puisse remettre en doute son autorité. Pourtant, il avait vu sa lueur de rage dans ses yeux et il savait que c’était dangereux de se mettre Loris à dos. Seul dans la salle du trône, Garnel eut peur de l’avenir pour la première fois. Assis sur son trône, il avait l’impression de s’être affaibli.

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Elenna
Posté le 12/11/2020
Ben ok, maintenant la ressemblance Manon/Namon est de plus en plus évidente si même les dessins ont les cheveux bleus. D'ailleurs je me demande si c'est lié à cette histoire de coeur noirci, ou au fait que les pouvoirs de Manon ne cessent de croitre, ou si c'est totalement autre chose... A voir
ludivinecrtx
Posté le 12/11/2020
En tout cas bientôt elle ne sera plus brune mdr
Renarde
Posté le 30/06/2020
Coucou ludivinecrtx,

J'avoue que le dialogue entre les deux frères peine à me convaincre. Je ne le trouve pas très "naturel". Il est clairement là pour qu'on en apprenne plus sur leur passé commun, mais cela se ressent. Et c'est peut-être moi, mais je trouve que Loris parle trop bien... Ses répliques sonnent "écrit" et pas "oral". Après, il est peut-être plus intelligent qu'il en a l'air mais je le voyais plus comme une brute sans cervelle jusqu'à maintenant.

En revanche, pour le fond, cela explique pas mal de choses. Et la fin du chapitre laisse entrevoir une trahison à moyen terme qui va complexifier le tout. Je me demande comment Garnel va réagir, entre sa soif de pouvoir et son amour pour son frère.
ludivinecrtx
Posté le 30/06/2020
Coucou !

Oui cets vrai qu'il est la pour que ce soit plus clair ! Pour Loris oui c'est une brute mais il a été éduqué par son frère malgré tout qui est une personne importante et instruite.

Oui la relation entre Garnel et Loris est tendue !
UnePasseMiroir
Posté le 26/05/2020
Rhalàlà, les histoires des frères Asage mériteraient un préquel je crois ^^ bon clairement c'est détente par rapport au chapitre précédent, même si ça apporte son lot de tension ! et ça explique quelques trucs aussi.
Bon je t'ai dit que j'avais une petite envie de faire un câlin à Loris, mais je pense que ça ne va pas durer ^^ juste c'est bien de le voir un peu humain de temps en temps, ça repose... mais bon le petit frère soit-disant dévoué est surtout en train de crever de jalousie, on dirait une jolie petite bombe à retardement qui va péter un jour ou l'autre !
En fait j'ai rien à dire de constructif vi que tu as déjà eu mon avis en live, donc, heu... voilà ? x)
Et encore une fois GKHRRGRZRHZOIRHG je l'avais pas vu venir cette bombe-là. Putain.
Trop hâte de lire la suite !!!
ludivinecrtx
Posté le 26/05/2020
Tu sais même pas a quel point xD.

Ouais mais je pense que ce chapitre est obligé de se lire avec le précédent. Déjà dans un livre tu t'arrêterais jamais sans continuer après cette révélation. Enfin pas moi !! Lol

Oui, je voulais vous expliquer son personnage. Oui il dévoué dans un sens mais jaloux de son grand frère avant tout. Je crois que cets ce qui l'a rendu ainsi aussi. Il déteste tout le monde où presque pour ce qu'il est où plutôt ce qu'il n'est pas et a éprouve une haine pour tout ceux qui sont différents, qui ne vivent pas dans sa norme. Il hait donc les couples mixte et ceux qui les protège, cets pour cela qu'il a tué les parents de Solenne et de Gaultier, je te le rappelle avant que tu veuilles le serrer encore dans tes bras.

Tant mieux si je l'ai bien caché du coup.
! Lundi prochain je pense
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