👑 CHAPITRE 42 👑

Les paroles d’Isidora résonnaient encore en moi tandis que mon corps, pour s’occuper, s’est trouvé pour occupation de traverser la grande pièce en faisant les cent pas sous le regard intrigué du Duc resté assis sur le canapé tandis que le Baron s’affaire derrière son écran depuis bientôt deux heures. Le temps me paraît long et ma patience se rétrécit au fur et à mesure que ce dernier défile. Malgré les points soulevés par ma sœur aînée, je devais à contre cœur lui donner raison, mais pour son propre bien et par politesse, elle aurait dû prendre le temps de m’entendre car quand bien même Isidora serait l’incarnation de la Princesse parfaite, il n’existe rien de tel que la perfection en ce bas monde. Chaque humain à ses torts. Chaque humain à ses travers.

Et chaque humain à ses secrets.

- C’est prêt ! siffle alors Valerian en levant les bras en l’air en guise de victoire.

- Alors, tu sais ce qu’il te reste à faire. Je suis certaine que Cybele et Kybele vont aimer ça.

Après tout, ne dit-on pas communément : «A la guerre comme à la guerre» ?

Regardant Valerian du coin de l’oeil pour vérifier que son doigt vienne trouver la bonne touche sur le clavier, au clic, un sourire satisfait m’échappe tandis que je me laisse tomber dans le fauteuil le plus proche. D’ici le début de soirée, l’image d’Isidora Camilla Boùrbon sera détruite. D’ici quelques heures, il n’existera plus rien si ce n’est la prétention à la perfection que ma soeur a mit presque vingt ans à atteindre. Dommage que vingt ans d’efforts viennent de s’écrouler tel un château de cartes sur lequel on soufflerait. Grâce aux efforts acharnés de Valerian, nous avons été mesure de retrouver quelques petites crasses extrêmement bien dissimulées de la part de la Deuxième Maîtresse du Roi : Visiblement pour tenir face à la pression, la Princesse Isidora verserait dans le trafic de drogues plus ou moins douces et serait notamment l’une des premières fournisseuses des soirées délurées du Palais. Cela ne m’étonne même pas. Byron et Ivory ont sûrement bien des qualités dissimulées, mais le sens des affaires n’en fait définitivement pas partie. Tandis qu’Isidora, c’est différent...Elle est trop «parfaite» pour que cela soit vrai. Tout chez elle est calculé, cadré, comme un rôle. Comme si toute sa vie n’était qu’une immense répétition devant un public attentif alors qu’en coulisse la réalité est toute autre.

Et bien entendu tout ça a été soigneusement enregistré, filmé, photographié, échangé... ne dit-on pas qu’il ne faut rien laisser traîner sur le réseau car ce dernier garde tout ? Pauvre Isidora.

On dit aussi «Qui cherche trouve». Apparemment, je n’avais rien à offrir, visiblement ce fut le cas contraire.

C’est dans ce genre de petit moment savoureux que je me rends compte de l’importance et de la valeur que peut avoir Valerian. Mes aînés, beaucoup trop focalisés sur leurs petits nombrils l’ont totalement oubliés ou n’ont pas su ouvrir les yeux au bon moment. Quel dommage. Quel gâchis qu’il aurait été de le laisser entre leurs mains.

- Ne craignez-vous pas les représailles ? me demande alors le Duc en se retournant vers moi.

- Le temps qu’elle se remette de ceci et qu’elle se débarrasse d’un tel scandale, nous serons hors de sa portée. Isidora ne me fera rien.

- Comment en être certains ?

- Parce que je sais que deux personnes constamment mal intentionnées vont profiter de la situation pour lui assainir le coup de grâce. Elle sera hors jeu bien avant que l’on ait le temps de dire «Ruler Game», sourié-je satisfaite.

- Ne fêterons-nous pas cette première victoire ? propose Valerian en nous rejoignant

- N’avez-vous pas besoin de sommeil ? Vous avez une mine affreuse, relève Owen en indiquant les immenses cernes trônant sous ses yeux épuisés.

- Son Excellence a le don de gâcher le moindre petit moment de légèreté que l’on peut s’offrir dans ce sinistre endroit.

- Vous me remercierez plus tard Baron. Allez donc dormir, nous pouvons tous convenir que vous avez suffisamment travaillé pour aujourd’hui.

Nous le saluons avant que ce dernier ne disparaisse complètement derrière la porte de la grande salle, nous laissant seuls le Duc et moi-même. Pour la première fois depuis que nous avons mit les pieds à Celestia, je me sens heureuse..non...satisfaite.

- Vous ne devriez pas crier victoire trop vite. Ne dit-on pas qu’il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué ?

- Valerian a raison : Vous gâchez tout le plaisir du moment. N’êtes-vous pas heureux de voir qu’une concurrente quitte la compétition ?

- Je le suis quand je verrais l’annonce officielle.

- C’est une question de temps.

- Magdalena, quand j’ai déclaré être votre ami et que par conséquent, cette position m’imposait d’être honnête avec vous... Je vous conjure de ne pas vous laisser emporter par cela. Une victoire certes, mais simplement sur une bataille. Il nous faut remporter la guerre et vous le savez.

- Ne vous accorderez-nous donc jamais de répits ?

- Pas un instant car je suis persuadé qu’à l’instant présent, vous ne saisissez toujours pas l’ampleur de votre acte, n’est-ce pas ?

- Si, j’ai viré ma sœur du jeu, quoi que je laisse le plaisir aux jumeaux d’en finir avec elle. Je suis certaine qu’ils ont dénichés quelques petites choses aussi de leur côté, pouffé-je

- Princesse...

- Quoi ? relevé-je mécontente de le voir m’interrompre dans la délectation de mon moment de gloire

- Vous venez d’ouvrir les hostilités. En avez-vous conscience ? Vous venez de montrer à tout le Royaume, que vous êtes prête à vous battre et que par conséquent, il va de soit que les autres peuvent en faire autant.

Mais la guerre ne fut-elle pas déclarée à l’instant où nous nous sommes séparés et que nous avons foulés les terres de nos provinces respectives ? A ce que je sache, Ivory ne s’est pas retenu quant au fait d’être maître chanteur et Byron n’est retenu que par cette dernière qui doit très certainement le tenir en laisse, attendant le moment propice pour frapper.

Je ne me laisserais pas faire. Je ne la laisserais pas me prendre toutes les choses que j’ai pu construire jusqu’à maintenant ou bien même les liens que j’ai pu tisser.

- Jouer la carte de l’inconscience ne serait que folie, je le sais. Néanmoins, je ne peux pas avoir peur à la simple pensée d’être menacée. Je ne peux pas vivre comme ça toute ma vie durant, vous comprenez ? J’y ai déjà passé quinze ans et je ne peux pas recommencer. Au Palais, il n’y avait pas un seul domestique ou petit noble ne sachant pas ce qu’il se passait ou ce que l’on pouvait parfois me faire, mais personne n’est jamais intervenu. Comme dirait Isidora «ils ont fermés les yeux» et j’ai cette même intention présentement. Quoi qu’il arrive à cette dernière, je vais fermer les yeux. Vous savez ce que l’on dit ? On récolte ce que l’on sème.

- Mais qui sème le vent, récolte la tempête. Je ne peux pas être autre que sceptique en pensant qu’il ne se passera rien pour vous. Je me fiche que de ce qu’il adviendra à la Troisième Princesse du Royaume. Ce que je veux, c’est pouvoir garantir votre sécurité.

- Loin de moi l’idée de vous vexer, mais vous n’êtes rien de moins qu’un homme Owen. Un homme ne peut être sur tous les fronts. Il y a un front que vous ne pourrez pas défendre et je compte bien apprendre à me défendre moi-même à vos côtés.

- D’où la mention des «choses sérieuses» tout à l’heure, n’est-ce pas ?

- Donc vous faites bel et bien attention à ce que je dis ! soulevé-je surprise mais également amusé par sa position sur le sujet

- Vous serez certainement surprise d’apprendre que je bois chacune de vos paroles et que je garde en moi chacun de vos mots.

- Cela serait bien trop beau pour être vrai.

- Vous seriez surprise.

Pendant un court instant, j’ai bien cru que ce dernier était des plus sérieux en voyant les traits de son visage se tendre, faisant ainsi disparaître le léger sourire en coin qu’il portait depuis un petit moment au coin de ses lèvres finement dessinées.

- Vous savez que le charme n’opère pas avec moi, n’est-ce pas ? lancé-je inquiète en suivant son regard

- Quel charme ? Je suis un homme honnête ! affirme-t-il tout à fait sûr de lui

- Faute d’être un honnête homme, murmuré-je alors à haute voix

- Je vous entends, vous le savez ?

- Et moi qui pensais qu’à votre grand âge on commençait déjà à perdre l’audition. Quel dommage !

- Oseriez-vous vous moquer de moi, Princesse ?

- Cela ne me viendrait même pas à l’esprit que de m’attirer les foudres de Son Excellence ! soufflé-je ironiquement

- Pourtant, vous tendez le bâton pour vous faire battre.

- Nullement, je n’oserais point.

Nous échangeons alors un regard complice avant d’éclater mutuellement de rire comme si l’endroit nous appartenait. Il y a de fortes chances qu’avec la pluie s’abattant à l’extérieur tel un déluge, le Baron se reposant, ne nous entendent même pas.

- Princesse, Princesse, Princesse, soupire-t-il en ne lâchant pas mes yeux pétillants amusés par notre discussion, Si vous n’existiez pas, il faudrait alors vous inventer.

- Je crains qu’il n’y ait nul génie suffisant pour m’inventer malheureusement. Néanmoins, chance pour vous cher Duc, j’existe déjà bel et bien.

- Parfois vous me semblez irréelle tant je cherche encore à vous comprendre.

- Ne cherchez pas bien loin, il n’y a rien à comprendre. Je ne suis pas si compliquée que cela, mais si je ne vous surpreniez pas de temps en temps, alors je suis certaine que tout serait beaucoup plus ennuyant pour vous.

- Il est vrai qu’à vos côtés, le mot «ennuie» semble perdre tout son sens.

- Pourtant, je suis un livre ouvert ! Vous n’avez juste pas les bons mots pour me lire.

- Les aurais-je un jour ?

- Cela ne dépend que de vous. Souhaitez-vous apprendre ?

- Si et seulement si cet enseignement m’est réservé. Sinon, quel est l’intérêt d’être un livre que tout le monde peut lire ?

Un rire m’échappe et je me rends compte seulement maintenant que nos yeux ne se détachent pas. J’ai toujours eu une sorte de sensation d’immersion à chaque fois que je posais mes yeux sur cet homme et pourtant, ce n’est seulement maintenant que je remarque ce simple fait et la drôle de sensation que cela provoque en moi. C’est plaisant. J’aime nos conversations, j’aime à savoir que nos échanges sont les toiles de fonds de notre relation que nous tissons en commun et j’aime à constater que malgré tout le chemin que nous avons fait lui et moi pour nous mettre raccord, il nous reste encore un bon bout à parcourir avant d’être entièrement et complètement sur la même longueur d’ondes. Néanmoins, je ne doute en rien qu’un jour nous y parvenions au rythme où vont les choses.

- Dans ce cas, fis-je en me levant pour me planter devant lui, N’est-il pas grand temps de passer à la première des leçons ? Êtes-vous prêt ?  

Se redressant légèrement afin d’être à ma hauteur, sa tête ne se tient qu’à quelques centimètres de la mienne à peine tandis que son sourire s’élargit et s’étire d’une oreille à l’autre.

- Je suis prêt.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Elora
Posté le 12/04/2021
Je ne m'attendais vraiment pas à ça !
Je pensais que Magdalena ferait du chantage à Isidora, mais elle a fait trois fois mieux ! La sortir ainsi de la compétition était grandiose, mais le duc à raison c'est risqué.
La relation entre les deux s'améliore, ça fait plaisir à voir et à lire ! J'espère que ça va continuer ainsi, et qu'il n'y aura pas d'autre problème. (bien que je me doute que si, on est dans the ruler game quand même ! )
Les jumeaux m'ont l'air d'être de sacrés zigotos, et même s'ils ont l'air sympa, je ne le sens pas. C'est trop beau pour être vrai, il ne laisseront pas Magdalena prendre le trône.
J'ai juste une question : Si les jumeaux venaient à gagner, ils régneraient tous les deux ou un seul le pourra ?
Alison CXC
Posté le 04/11/2020
Je suis prête aussi ! *wink wink*
Owen n'a pas tort: Magda vient de lancer les hostilités et si je ne doute pas qu'elle ait les armes (bonjour Valerian) pour attaquer, est-elle réellement capable de se défendre ? Rien est moins sûr...

J'aime toujours autant le rapprochement entre Magda et Owen ! Qu'ils s'écoutent, se parlent, sans qu'un vase vole ou qu'un pistolet paralysant ne soit utilisé, c'est quand même agréable ^^

Attendons maintenant de voir ce que les jumeaux Fake News réservent à Ivory ! J'espère qu'ils penseront à envoyer une lettre de remerciement à Magda ;)
ManonSeguin
Posté le 05/11/2020
Les connaissant ? Même pas ! Mais oui Magda et Owen se rapprochent...Petit à petit, ça arrive ;)
Lydasa.
Posté le 26/10/2020
Ah elle a pensé au jumeau sans leur parler, c'est fourbe mdr. J'aime beaucoup ce rapprochement a la fin du chapitre. Vraiment entre les deux ça deviens de plus en plus mignon.
La guerre est déclarer et elle est plus dangereuse sur les réseaux qu'en vrai.
ManonSeguin
Posté le 27/10/2020
Et oui, ça y est y'a un rapprochement... Enfin !! :')
MissRedInHell
Posté le 21/10/2020
Dernier chapitre dispo :(

Mais très bon chapitre !
J'aime beaucoup qu'on voie le revers de la soeur. Elle paraissait parfaite le chapitre précédent et bam, on découvre que pas tant que ça. C'était prévisible, mais vraiment efficace. :3

Comme toujours, j'adore les interactions du Duc et Magdalena. Surtout que ça risque de devenir de plus en plus tendu tout ce bordel. Je suis curieuse de voir s'ils vont réussir à rester aussi soudés :3
ManonSeguin
Posté le 22/10/2020
:D Mouhahaha ! Personne n'est parfait en ce bas monde, absolument personne, surtout pas notre chère et grande famille royale voyons !

J'aime beaucoup aussi leurs interactions à tous les deux, ils sont ma dose de fluff dans ce jeu de brut ;__;
MissRedInHell
Posté le 22/10/2020
Tellement ! Personne n'y échappe (':

Pour une fois, j'aime bien du fluff si c'est celui-ci x')
Vous lisez