Je reculai, alarmée, une main contre ma bouche. L’argent donné à la chiromancienne était réapparu dans ma chambre, comme par magie ! Je reconnaissais les pièces, pas de doute. Comment était-ce possible ?
Je réfléchis aux paroles de cette gitane-fantôme, apparue de nulle-part.
Tant de questions me taraudaient. Deux incidents étranges m’arrivent le même jour, ce n’est un hasard, raisonnai-je. Il y a forcément un lien entre eux.
Je voulais en avoir le cœur net.
En descendant au salon, je remis l’argent dans le portemonnaie de ma mère, toujours affairée en cuisine. Elle ne me remarqua même pas. Mon père devait certainement prendre sa douche.
Une fois dehors, je me mis à courir jusqu’au fameux chêne. Ma chienne Mina me suivit, toute joyeuse, l’air de dire : « Oh, chic ! Encore une promenade ! ».
Qu’est-ce qui avait bien pu me faire tomber, moi, la sportive pleine de réflexes, parfaitement ancrée au sol ?
J’inspectai l’arbre en le contournant, m’agenouillai pour fouiller les buissons… rien ! Exaspérée, je portai mon regard vers le ciel, respirant à fond pour me calmer. Les derniers rayons du soleil filtraient à travers les branchages. J’aimais m’enivrer de cette lumière mordorée, annonçant le crépuscule.
– Nêryah, que fais-tu dehors, sans manteau ? m’interpela ma mère en se frottant les bras.
– J’arrive !
Elle savait pourtant très bien que je ne pouvais pas attraper froid.
Lorsque je rentrai à la maison avec Mina, bredouille, elle ajouta :
– Ma chérie, ce n’était pas la peine de me rembourser avec ton argent de poche ! Je suis tout à fait d’accord avec le fait de donner quelques pièces aux plus démunis !
Je ne pouvais rien répondre. Comment lui expliquer cette soudaine apparition ?
– Bon, ce n’est pas tout, mais j’ai quelques devoirs à faire pour la rentrée. Autant les finir maintenant. Au fait, ce matin j’ai entendu un bruit bizarre à côté du chêne. C’est pour ça que je suis allée voir.
– Le vieux chêne que tu escalades encore malgré ton grand âge ? railla mon père qui sortait de la salle de bain.
– Oui… c’est ça, confirmai-je, vexée. Et… j’ai aussi croisé une personne curieuse à la boulangerie… personne ne la voyait à part moi. En fait, j’ai passé une drôle de journée.
Mes parents échangèrent un regard. Je n’arrivais pas à interpréter l’expression de leur visage, mais ils ne semblaient nullement surpris par ma remarque.
Puisqu’ils demeuraient silencieux, je montai dans ma chambre, boudeuse.
– Nêryah, attends ! me héla ma mère.
Je fis mine de rien, fermant la porte derrière moi pour être enfin tranquille.
Absorbée par mes devoirs de vacances, j’entendis à peine Sijia m’appeler pour le dîner.
Nous mangeâmes des nouilles de riz sautées aux légumes. Un délice !
Je me couchai tôt, histoire d’être à peu près en forme pour mon cours de danse du lendemain.
Au petit matin, à peine sortie du lit, je me douchai en vitesse et commençai à m’échauffer. Je réalisai une barre au sol, terminant par mes écarts. Je nouai mes longs cheveux en un chignon bien serré, puis descendis prendre mon petit-déjeuner.
Mon père m’emmena, ce premier samedi des vacances de Noël, au conservatoire pour mon cours de danse – classique et contemporain. Nous préparions un spectacle. Notre professeur m’avait choisie comme soliste – encore ! Le théorème de « miss parfaite » battait son plein !
Il fallait que je travaille dur pour présenter une chorégraphie émouvante et au point techniquement.
Olivier me déposa sur le parking. Je marchai jusqu’au conservatoire, rejoignis la section danse, puis descendis quelques marches pour atteindre le vestiaire destiné à ma classe.
– Hello, les filles ! lançai-je en ouvrant la porte.
Quelques-unes me répondirent. Je m’installai à côté de Tania et commençai à me changer pour mettre mon justaucorps. Cinq filles de notre troisième cycle m’épiaient du coin de l’œil en chuchotant, le visage fermé. Je fis mine de ne pas les remarquer. Notre vestiaire n’étant pas bien grand, je saisis quelques phrases.
– Encore la même qui danse le solo, cette année…
– Deux années de suite ! C’est abusé…
– Y’en a que pour Nêryah de toute façon… Nêryah et son jeu de jambe parfait, Nêryah et son port de bras grâcieux…, susurrait sèchement Jade, que je pensais pourtant être une bonne camarade.
Elles savaient très bien que j’entendais leurs offenses.
Une main douce se posa délicatement sur mon bras. Tania.
– Ne prêtes pas attention à leur jalousie, me glissa-t-elle à l’oreille. Cette place, tu l’as Ô combien méritée. Tes qualités de danseuse, tu ne les dois qu’à toi, Nêryah.
– Ouais, c’est carrément nul ces rivalités, renchérit Irène. Dans le monde de la danse, ça marche comme ça, le solo est toujours attribué à la danseuse qui donne tout. Point final. Et si c’est la même ballerine deux années de suite, c’est parce qu’elle déchire. Y’a rien à redire !
– Merci les filles, vous êtes adorables. Mais je suis désolée d’avoir encore le solo cette année. Je me sens redevable et vraiment mal pour vous autres. Ce n’est pas une place facile…
Je n’en voulais pas, de ce solo. Notre professeur en avait décidé ainsi, et nous devions suivre ses directives. Impossible de parlementer avec lui !
Alors que nous nous dirigions dans la salle de danse, les regards sournois des cinq envieuses persistaient.
Nous nous plaçâmes à la barre pour commencer l’échauffement sur les pliés. Notre pianiste débuta la mélodie en rythmes ternaires.
– Demi-plié, grand-plié, demi… et on tend. Port de bras… Plus de rondeur dans les bras, les filles ! clamait Yvan, notre professeur de danse. Allez, buste en avant, puis on cambre bien le dos.
Le cours continuait avec les battements. Le pianiste joua de façon plus rythmée.
– Battement, développé ! Plus hauts, vos battements ! Arabesque ! Non mais, c’est quoi ces mouvements mous, les filles ? On vous a demandé d’être des « corps beaux », pas de ressembler à des corbeaux !
À la fin des exercices, nous échangeâmes quelques mots.
– Yvan est toujours d’humeur exécrable quand un spectacle approche, nous confia Tania.
– Moi, je trouve ça mignon les corbeaux, plaisantai-je. Ils sont très intelligents, leurs plumes brillent et…
– Nêryah !! Qui t’a permis de parler ? vociféra Yvan.
Je me tus instantanément.
– Allez, mettez vos pointes les filles, on s’échauffe rapidement. Et ne prenez pas tout votre temps avec les embouts !
J’apposai mon embout de silicone protecteur sur mes orteils, puis chaussai mes pointes, nouant leurs rubans roses aux chevilles. Après quelques exercices, le professeur m’interpella :
– Nêryah, place-toi au milieu. On répète ton solo.
– Pardon, mais je préfère vous prévenir : mes pointes sont trop souples, et j’ai encore mal aux chevilles. Avec mon fort coup de pied, je risque de me faire une entorse, lui expliquai-je.
– On n’a pas le temps pour ça ! Préserve tes chevilles et évite de te blesser avant le spectacle, s’il te plaît. Si tes pointes sont cassées, il faut en racheter ! Prends le masque et place-toi en quatrième position.
Les chaussons de danse coutaient chers. Bien trop chers ! Je cassais régulièrement mes pointes à cause de la souplesse de mes pieds. Mes parents ne pouvaient pas me soutenir financièrement, entre le coût du conservatoire, des accessoires et de mes autres cours. Ils faisaient déjà tellement d’efforts pour moi !
J’enfilai le masque, entièrement blanc. La musique de mon solo débuta.
Dans ma danse, je simulais un personnage tourmenté par des mouvements saccadés.
– Nêryah, m’interrompit Yvan, le regard sévère, je ne ressens aucune énergie dans tes gestes ! Rappelle-moi ton thème ?
La musique venait de s’arrêter.
– Eh bien… je porte au début de la danse un masque blanc, dénué d’expression, pour figurer l’absence d’humanité.
– Exactement ! Ensuite, ton personnage développe petit à petit sa propre sensibilité, retrouve son identité profonde, et parvient à se libérer de ses entraves. Tu enlèves le masque à ce moment précis pour exprimer la fin de l’aliénation. Les mouvements se font grâcieux pour symboliser cette délivrance. Alors recommence… et fais-le correctement !
Le piano reprit. Je me concentrai, me donnant à fond dans chaque mouvement, utilisant mon désarroi comme moteur pour exprimer toutes mes émotions dans ma danse. Le masque me gênait dans mes tours et me faisait perdre tous mes points de repères habituels. Avec ces si petites fentes pour les yeux, impossible de me corriger à l’aide du miroir. Je risquais de tomber à chaque instant.
– Je veux voir plus d’intensité dans tes bras !
Pourquoi me pousser à bout ? Mes pieds me faisaient atrocement souffrir, et je commençais à ressentir les effets de ma chute d’hier sur mon dos. Je me sentais comme sur un fil, les pointes trop molles, mes chevilles à deux doigts de vriller et de se tordre.
– Nêryah ! Je ne t’ai pas choisie une nouvelle fois cette année pour rien ! Tu es ma meilleure danseuse, alors prouve-le moi ! T’as intérêt à briller, l’école a une réputation à tenir !
Je poursuivais ma chorégraphie, dans un état d’anxiété croissant.
– Tu peux faire mieux que ça ! tança-t-il le visage rouge de colère. C’est quoi, ces pointes de pieds ?
Pourquoi s’acharnait-il sur moi ? J’arrivais au point culminant du solo. En retirant mon masque, j’affrontai mon professeur du regard, la rage au ventre, transpirant à grosses gouttes. Mon cœur battait la chamade. Je suffoquais, en sueur et déshydratée. Je réalisai, malgré tout, mes tours piqués, exécutant un ample arc-de-cercle dans la salle. La plupart de mes « camarades » de danse me lançaient des sourires narquois, satisfaites de me voir souffrir, défaillir, attendant que je chute enfin pour pouvoir me remplacer. Je ne leur fis pas ce plaisir. Je terminai mes derniers pas avec grâce, me grandissant le plus possible, soutenant mon dos pour soulager un peu mes pauvres chevilles.
– Qu’est-ce qui se passe, aujourd’hui ? me demanda Yvan d’un ton énervé, une fois ma chorégraphie terminée.
– J’ai fait une chute hier. La douleur se réveille, et mes chevilles sont très fragilisées à cause des pointes.
J’entendis des ricanements derrière moi.
– Je connais ta souplesse des pieds. Tu n’avais qu’à t’échauffer chez toi. Et change tes pointes !
D’autres rires étouffés, se voulant discrets. Leur regard mesquin se reflétait dans le miroir de la salle de danse. Mon ventre se noua davantage.
– Je me suis échauffée, mais…
– Pas assez, manifestement, m’interrompit Yvan. Le spectacle est dans quelques semaines. Je veux te voir au top. Évite de tomber, désormais. Je compte sur toi, Nêryah. Tu es notre pépite. Ne me déçois pas.
Chapitre 4 : Sa voix
Je ne prêtai pas attention aux chuchotements et aux regards insistants dans le vestiaire. Je m’habillai à la hâte pour rejoindre mon père.
Je traversai à pas rapides les couloirs du conservatoire, courus dans le parking, et fondis en larmes en ouvrant la portière de notre voiture.
– Nêryah ? s’inquiéta mon père.
Je m’assis en penchant mon buste vers lui pour me réfugier dans ses bras, secouée de sanglots.
– Que s’est-il passé ? me souffla-t-il en frottant vigoureusement mon dos.
– Le prof… les filles… Moi !
Mon père me serra un peu plus fort.
– Mon petit santon de Noël, on quitte le parking, et tu me racontes tout ça en route, d’accord ?
Il relâcha son étreinte pour m’étudier de son regard émeraude. J’acquiesçai d’un hochement de tête. Des larmes glissaient le long de mes joues.
Nous quittâmes la ville pour rouler sur les petites routes de campagne. La beauté du paysage enneigé m’aida à réorganiser mes pensées.
J’adoptais depuis trop longtemps ce rôle du pantin docile, irréprochable de ces messieurs-dames, façonné par leurs projections pour bien correspondre à leurs attentes. Les gens n’arrivaient pas à me jauger, ni à me comprendre.
C’était moi le robot sans identité de ma danse.
Pourquoi me comportais-je ainsi ? Pour me sentir aimée ?
– Papa… le fait d’être constamment « choisie » est trop lourd à porter.
– Je comprends… cela suscite la jalousie des autres, résuma-t-il.
– Au final, on me colle tout le temps cette étiquette de « mademoiselle perfection ». Yvan me croit toujours capable d’exécuter tout ce qu’il me demande. Je me mets une grosse pression pour être à la hauteur. Et là, c’est trop ! Je n’y arrive plus ! Je suis complètement dépassée !
Il garda un moment le silence, l’air songeur, son regard centré sur la route. Après quelques minutes, il finit par dire :
– Ma chérie, je sais que tu fais beaucoup d’efforts, dans toutes les disciplines. Tu as obtenu le solo pour ton travail, ta persévérance. Tu es une bosseuse, et une artiste, comme tes parents ! Ces mêmes sarcasmes, je les ai vécus enfant, moi aussi. Je sais qu’on ne cause pas beaucoup tous les deux, mais… sache que je te comprends, et que je suis là pour toi, en toutes circonstances.
Je me sentis profondément touchée. Je séchai mes larmes, taries par ces paroles réconfortantes. Nous demeurâmes silencieux pendant le reste du trajet.
Une fois arrivée à la maison, je pris une douche, puis descendis pour le déjeuner.
– Ton père m’a raconté…, commença ma mère.
Elle me prit dans ses bras.
Nous déjeunâmes dans un silence pesant.
– C’était vraiment bon, maman. Je vais promener Mina, prévins-je mes parents à la fin du repas.
Ma chienne sursauta à son nom et se mit à sautiller partout à l’évocation de la « promenade », mot qu’elle connaissait par cœur.
– Oui… oui, on y va, ma douce.
Je partis faire le tour de la mare verglacée. Tous ces mots durs des danseuses, tous leurs regards fourbes tournaient dans ma tête. Et en même temps, j’avais honte de me plaindre et de réfléchir ainsi à ma condition, moi, adolescente comblée par ses parents et par la vie. Et puis… j’aimais tellement la danse ! Au-delà de ces aspects rigides et contraignants, je me sentais profondément vivante quand je dansais. Je retrouvais en quelque sorte ma véritable identité. Pourquoi Yvan me gâchait-il même cela ? Alors que l’Art demeurait mon remède à moi contre les maux du monde ? La danse et la musique m’amenaient à me dépasser, me relier à quelque chose de plus grand, d’indicible.
Je pris mon téléphone pour appeler Chloé. Elle seule pouvait comprendre ma souffrance.
– Hello ma louloute, qu’est-ce qui t’amène ? Tu as revu ton fantôme aujourd’hui ?
– Non, excuse-moi de te déranger encore, Chloé. Je ne me sens pas bien. Mon cours de danse a été désastreux !
– Vas-y, raconte-moi, m’encouragea-t-elle.
Je lui relatai tout ce que je venais de vivre. Elle ne répondit pas tout de suite. Je commençai à me demander si la conversation avait été coupée. Je regardai l’écran de mon téléphone, pestant intérieurement contre la mauvaise couverture réseau dans notre coin perdu en campagne. Mais j’entendis à nouveau sa voix :
– Bon, écoute-moi bien, ma belle. Un véritable ami, ce n’est pas quelqu’un qui va te caresser dans le sens du poil pour te faire plaisir. Alors je vais te dire tes quatre vérités. Pas pour te faire du mal, au contraire. Pour t’aider, te bousculer, afin que tu lâches prise, bordel ! Ça fait un moment que je te vois perdue dans ton monde. En fait, tu as toujours été comme ça. Je te connais depuis la maternelle. Tu passes ton temps à rêvasser. Depuis toute petite tu cumules sport-danse-piano.
– Je sais. Ma psy me dit atteinte du syndrome d’hyperactivité. Heureusement que je suis fille unique : mes parents n’auraient jamais tenu le coup avec deux enfants comme moi !
– Arrête tes sarcasmes. Chuis ultra sérieuse, là ! T’es en train de fuir la conservation ! Nêryah, t’es le gentil petit singe savant de tes parents, de tes profs. À cinq ans, t’étais déjà capable de tenir une conversation à un bureaucrate. C’est n’importe quoi ! Et les gens te reprocheraient presque d’être « surdouée ».
Elle exagérait un peu, comme souvent, mais au fond, elle disait juste.
– Comme si ces mots supposaient d’être née sous une bonne étoile, de vivre dans un monde parfait où tout vous est dû, l’interrompis-je, les larmes aux yeux.
– En grandissant, tu as continué dans cette voie de miss parfaite : tu t’appliques grave dans tes études, et te comportes en une ado modèle, si polie !
– Parce que je me sens vraiment privilégiée, gâtée par ma famille. Où veux-tu en venir, Chloé ?
– À ceci : on te bassine sans arrêt avec tes capacités, on te fout la pression, ma belle. Tu en as trop sur les épaules ! Nêryah, je sais que tu ne vas pas bien. Vraiment pas bien ! Et je comprends ce que c’est, bordel ! Au regard des autres, on est les amies insupportablement belles, brillantes, les intellos de la classe. Soit on nous jalouse, soit on nous adore. Parce qu’au final, on est juste des filles bien !
Petite, j’avais sauté une classe, et cette si petite différence d’âge avec mes camarades m’avait valu de grands malheurs en primaire et au collège. Durant cette période, j’incarnais la gamine enviée et détestée. Jalousie, bousculades, harcèlement et surnoms comme : « chouchoute des profs », « lève-la-main-sagement-pour-répondre-à-la-question ». Que pouvais-je y faire, moi, si mon cerveau fonctionnait correctement, à plein régime ?
Depuis le lycée, les moqueries avaient enfin cessé : je ne côtoyais plus les mêmes personnes – à part Chloé, mon seul soutien lors de ces années difficiles, d’où nos taquineries quotidiennes pour supporter celles des envieux ; notre façon à nous de surmonter les obstacles, par le biais de l’humour. À seize ans, je me préparais maintenant pour mon baccalauréat, en terminale littéraire. Je me sentais enfin un peu plus épanouie dans cet établissement.
– Qu’est-ce que t’essaies de me dire, à la fin ? Je vois bien qu’il y a autre chose…
– Nêryah, t’as le droit de baisser les bras, de tout balancer et de dire « merde », bordel !
Je ne savais pas quoi répondre. Devant mon silence, elle ajouta d’une voix plus douce :
– Tu sais… je trouve que ta psy avait raison, l’autre fois.
– Quand elle me demandait si je ne me sentais pas légitime ici, dans cette famille, parce que j’ai été adoptée ? Que je participe activement aux tâches de la maison parce que je crois que je ne mérite pas tout ce que je reçois ?
J’appelais souvent mes parents par leur prénom pour cette raison. Biologiquement, ils n’étaient pas les miens. D’où ce respect, cette déférence envers eux, pour les remercier de m’avoir recueillie, moi, l’enfant abandonné. Je soupirai longuement, et repris :
– Qu’apparemment, je continue ce « cirque d’enfant prodige » pour contenter tout le monde, plaire à la galerie, et que je ne veux surtout pas me l’avouer ? Et que ce grand vide en moi est le reflet de toutes les infos qui manquent sur mon passé ? Merci de me le rappeler ! De toute façon ma psy m’a simplement posé une multitude de questions. Ça n’a rien résolu du tout !
– Chuis désolée de ramener ça sur le tapis. Si t’as besoin de pleurer, vas-y. Tu sais que je suis toujours là pour toi, ma belle !
Je me rendis compte de mon agressivité, alors que ma meilleure amie essayait simplement de m’aider, et qu’elle venait de décrocher une nouvelle fois son téléphone pour entendre mes déboires.
– Merci. Chloé, t’es incroyable !
– Je sais. Bon, je dois raccrocher, on fait une sortie au marché de Noël avec ma grand-mère. Ça va aller ?
– Oui, oui, t’inquiètes pas. Amusez-vous bien !
Je raccrochai. Elle avait raison. Sur toute la ligne. Je sentis un dégoût en moi. Je voulais me libérer de ce poids sur mes épaules, comme dans ma chorégraphie.
Je me dirigeai vers mon chêne favori. Mina me suivit, tout enjouée, ignorant mes états d’âmes.
J’enlaçai le tronc rugueux, glacial, et lâchai encore quelques sanglots. L’énergie de l’arbre me ramena à mon corps, chassant peu à peu mes pensées.
Le soleil de l’après-midi commençait à faire fondre la neige. J’offris mon visage à ses chaleureux rayons, humant l’air frais et humide. Les larmes coulaient encore. Je ne parvenais plus à les retenir. Chloé venait de briser ma carapace. Quelle force de caractère ! Elle m’impressionnait.
« Pourquoi pleures-tu ? »
J’entendis soudain une voix me poser cette question. Je tressaillis, trébuchant dans la neige par la même occasion. Les yeux grands ouverts, j’observai attentivement autour de moi. Rien. Cette vibration semblait provenir de l’arbre même ! Un timbre masculin, doux et chantant.
– Qui êtes-vous ? répondis-je alors que je demeurais seule dans les environs.
« Sèvenoir. Ne sois pas si triste. Je vais venir te chercher. Bientôt. »
J'aime bien ce chapitre, il définit un peu plus Nêryah, ainsi que son amie et leur relation. Elle sont touchantes toutes les deux.
J’adore quand l’arbre qu’elle enlace se met à parler, je trouve ça vraiment magique, mais je pense que ça peut être mieux amené : je m’attends à ce qu’elle soit choquée quand elle se rend compte que la voix vient de l’arbre, qu’elle recule, trébuche dans la neige… Elle pourrait être au sol, lui demander "qui êtes-vous" effrayée, et l'arbre répond calmement. Ou une autre réaction, comme toi ou moi aurait réagi si un arbre s’était mis à nous parler ! Là ça donne un peu l’impression que c’est normal pour elle cette situation.
"À seize ans, j’étais déjà en terminale littéraire. Cette si petite différence d’âge avec mes camarades m’avait valu de grands malheurs en primaire et au collège."
=> Pourquoi ne pas plutôt dire qu’à 12 ou 13 ans elle était déjà en troisième ? Ou juste qu’elle avait un an d’avance sur ses camarades ? Parce que là tu parles de terminale, puis du collège, puis de la terminale à nouveau. Ce va et viens n’est pas très clair et j’ai du relire pour comprendre que les malheurs étaient au collège et non en terminale quand ensuite tu dis « depuis le lycée, les moqueries avaient cessé ».
À très vite pour la suite !
Merci beaucoup pour ton regard avisé !
Au sujet de l'arbre, dans le chapitre 2 Chloé, l'amie de Nêryah, évoque que cette dernière parle aux arbres, et que la nature lui répond, que c'est naturel pour elle, du coup je n'ai pas reprécisé ici, par peur de redondance" tu penses qu'il faut que j'en reparle ?
Tu as raison au sujet du paragraphe qui explique qu'elle a sauté une classe et qu'elle a subi du harcèlement, je vais rendre les choses plus claires pour que l'on comprenne bien que, comme il est dit au chapitre 1, elle est au Lycée, en terminal, et que les moqueries étaient en primaire et au collège.
C'est vraiment bien que tu relèves ce genre de chose, le regard extérieur est tellement important. Je vais réécrire ça du coup
Merci beaucoup et à très vite !
Sarah
Merci !
Superbe chapitre qui explique encore plus les particularités et le cheminement de ton héroïne.
Et la fin... m'a rappelé une anecdote qui arrive également à mon héros, tu verras.
D'accord, je vais découvrir ça alors, décidément on voit pas mal de scènes en écho dans nos histoires (je viens de t'écrire un commentaire où je fais remarquer la même chose ^^)
"– Nêryah ? s’inquiéta Olivier, l’air surpris."
La encore,comme dans le chapitre précédent, on passe à la narration à la troisième personne. A la première personne ça donne "s'inquiéta mon père, l'air surpris."
"Je lui relatai tout ce que je venais de vivre. Mes ressentis avec. " Là il manque un bout!
Sinon, tu retranscris bien les émotions de ton personnage et son coté contrôle freak. L'exposition est terminée, le twist de fin annonce le début des aventures.
Le personnage parle de son père en l'appelant par son prénom, c'est pour ça qu'elle dit souvent "Olivier", mais ce n'était pas à la troisième personne en fait. Je vais voir pour la lisibilité. J'explique cela dans le prochain chapitre...
Il ne manque pas un bout, l'expression est sans doute mal formulée. Elle raconte son expérience avec ses ressentis. Je vais tourner la phrase autrement puisque ce n'est pas clair ^^
Bon, je vais être assez critique sur ce chapitre. J'espère ne pas te décourager, je m'excuse par avance si cela te semble un peu rude et tu as le droit de ne pas être d'accord avec moi !
Alors, ce chapitre est bien écrit, fluide, comme d'habitude, (sur la forme, c'est top !) mais pour moi, il n'apporte rien de nouveau à l'histoire.
Toute la première partie où elle raconte ce qu'il s'est passé à son père est redondante et ne semble pas nécessaire à l'histoire (surtout si on ne revoit plus le père durant le reste du roman...). Tu pourrais tout à fait commencer le chapitre avec la conversation avec sa meilleure amie où elle lui dit qu'elle a parlé des moqueries des élèves à son père. De plus, le dialogue en lui même m'a semblé peu vraisemblable entre deux ados. Je suis prof, j'ai des lycéens et même mes meilleurs élèves (et j'enseigne dans un bon lycée) ne parlent pas ainsi et n'ont pas l'analyse psychologique que Chloé adresse à l'héroïne. Ce n'est pas impossible d'avoir cette maturité, je l'entends, mais je ne sais pas si des lecteurs adolescents trouveraient les échanges crédibles. J'avais plus l'impression que c'était une psychologue qui s'adressait à ton héroïne. Les propos auraient été alors cohérents. D'ailleurs, ça pourrait être intéressant de faire intervenir une psychologue, c'est encore assez tabou de dire qu'on en voit une quand on est adolescent (même parfois adulte^^).
Sinon, il faudrait que le dialogue soit plus simple, j'ai l'impression que tu te répètes et que tu pourrais aller plus à l'essentiel.
Surtout que le propos est vraiment intéressant, j'aime vraiment ce travail autour de la notion de perfection que tu mènes et qui est peu exploitée dans les romans pour jeunes adultes mais je suis sûre que tu peux être plus concise et être tout autant pertinente !
Voilà, j'espère que tu vois ce que je veux dire !
Au plaisir d'avoir ton avis sur la question :p
Makara <3
Ne t'inquiète pas, les conseils et les retours me sont très précieux, et je suis ravie d'avoir une super prof comme lectrice, quelle chance !!!!
alors, je ne suis pas du tout susceptible quand on apporte son avis, rassure-toi. Ce que tu expliques m'apporte beaucoup. Je viens d'écrire ce dialogue, j'ai eu beaucoup de mal en fait. J'aimerais y apporter plus de naturel, de légèreté. Je suis complètement d'accord avec toi.
Par contre, j'ai vraiment envie de développer la relation entre Nêryah et son père, que l'on puisse voir qu'il soutient sa fille (ce dialogue est cours il me semble ?) et qu'elle lui explique ce qui s'est passé, pour que ce soit cohérent : elle rentre de la danse.
Je vais voir comment changer tout ça. Je vais écourter le dialogue avec Chloé et le rendre plus...logique ^^
Merci, je suis contente que tu apprécies mon travail autour des jeunes surdoués, souvent harcelés et incompris à l'école. La plupart des romans fantastiques science-fiction partent d'un héros/héroïne assez simple, sans grandes particularités pour que tout le monde puisse s'identifier à eux, puis il leur arrive des choses incroyables et ils se métamorphosent. Pour ma part je fais exactement l'inverse. Nêryah est particulière, en tout point. Et c'est dur à porter sur ses épaules.
J'espère avoir ton retour lorsque je rééditerai ce chapitre, pour savoir si c'est mieux ;)
Merci pour tout Makra !! T'es une chouette lectrice (et je poursuis la lecture de ton histoire)
bravo pour ce travail de réécriture ! Tu en vois le bout !
Le dialogue apporte énormément d'informations sur ton héroïne, et on voit bien la belle relation qu'elle entretient avec son amie. Mais il apporte un peu trop d'informations et leur échange manque de naturel à mon avis.
Je vais continuer à lire la suite avec plaisir, je pense.
Merci pour tes conseils, j'ai eu beaucoup de mal sur ce dialogue, je ne sais pas encore comment faire ^^ j'espère trouver une légèreté et plus de naturel en effet ^^
Tu as bien deviné pour l'arbre
Merci pour ta lecture, les retours sont précieux !!
Contente que mon avis te soit utile.
Je trouve que les arbres ont une symbolique et une puissance d'évocation extraordinaires, dans les récits d'imagination.
En ce qui concerne le dialogue, je peux te dire ce que je fais quand je ne suis pas contente d'une scène et que j'ai du mal à la réécrire. J'ai remarqué que cela m'est difficile parfois de réécrire une scène, car je suis comme "coincée" dans mes premières idées. Donc je reprends tout à zéro; je refais entièrement la scène en me détachant de mon premier jet, pour écrire avec un autre regard.
ah, merci pour ce conseil ! C'est vrai que c'est difficile de tout reprendre à zéro et de se détacher de la première idée. C'est pourtant effectivement ce qu'il faudrait faire :)
Merci !