Chapitre 4

Par Feydra

Nébuleuse du Dragon – Hypérion 4

           Debout devant l’écran holographique de la passerelle, Dame Iphigénie Hammerhart attendait, fixant sans les voir les images et les diagrammes affichés, les sourcils froncés.  Derrière elle, son équipage s’agitait en tous sens, préparant le vaisseau pour le départ. Elle-même portait un uniforme sali par la crasse et son visage était maculé de traces noires. Elle avait dû aider aux réparations dans la salle des machines et n’avait pas eu le temps de se changer pour rejoindre la passerelle. Tous les passagers étaient arrivés, il serait bientôt temps de quitter le port spatial d’Hypérion 4 et de sortir du système.

           Elle sentit la présence de son officier en second avant même d’entendre sa voix dans son dos.

           - Nous sommes prêts à appareiller dès que tu en donneras l’ordre.

Elle poussa un soupir et se retourna pour l’accueillir. L’homme arborait un uniforme aussi fatigué que le sien, ainsi qu’une barbe de plusieurs jours. Il fronça les sourcils en penchant la tête de côté, l’observant avec intérêt. Iphigénie eut un sourire rassurant et posa une main apaisante sur son épaule . Se penchant vers lui, elle murmura :

           - Cela ne va pas te plaire, mon amour, mais nous avons des invités de dernière minute. Nous ne pouvons partir tant qu’ils ne sont pas arrivés.

           - Quels invités ? fit-il, en effleurant sa main dans un geste tendre.

Iphigénie s’écarta doucement de lui et fit un geste vers le fond de la passerelle et son bureau. Son compagnon lui emboîta le pas, de plus en plus inquiet devant tant de mystère. Ils croisèrent plusieurs officiers ainsi que plusieurs hommes d’équipage, à leur poste. Ils eurent un salut et un regard pour chacun d’eux et ils reçurent en retour un signe amical : l’équipage du Magna crux était uni par une intense camaraderie.

           La porte glissa enfin sans bruit devant eux et Siméon alla immédiatement s’installer sur le fauteuil avec un soupir de soulagement. Son dos et ses articulations fatigués réclamaient le repos depuis des heures. Iphigénie alla à son bureau. Le silence s’étendit pendant quelques minutes.

           - Qu’est-ce qui ne va pas ? murmura l’homme.

Au son de sa voix chaude et riche, le capitaine se retourna et le fixa pendant quelques secondes. Puis un autre soupir franchit ses lèvres.

           - l’Eglise Apocalyptique veut que nous transportions l’une de leur délégation.

L’officier en second laissa échapper un sifflement surpris tout en se redressant dans son siège.

           - Quoi ?! Ils ont leur propre vaisseau…

           - Je sais. Mais il semblerait qu’ils n’en aient aucun de disponible et cette…mission est urgente, fit-elle en regardant fixement un point sur son bureau.

           - Tu n’as pas pu...

Iphigénie leva la tête, une expression dure sur son visage.

           - Tu sais bien que non.

Son mari leva les mains en signe d’apaisement.

           - Oui. Je sais. Excuse-moi.

Il se leva, la rejoignit et l’entoura de ses bras. Elle posa la tête sur son épaule et ses mains rejoignirent ses bras forts. Siméon eut un petit sourire.

           - Avec le groupe de moines qui vient d’arriver, cela risque de faire des étincelles.

Encore un autre soupir.

- Je sais. Espérons qu’ils sauront se tenir.

Siméon allait répondre, quand la porte s’ouvrit en un chuintement doux. Par réflexe, Siméon lâcha son capitaine pour accueillir le nouvel arrivant : une jeune femme blonde, vêtue d’un uniforme en meilleur état que le leur. Un côté de son crâne était rasé et révélait un implant cybernétique, mais cela renforçait encore la beauté de ses traits et l’éclat de ses cheveux s’en trouvait rehaussé. Elle resta dans l’entrebâillement de la porte, attendant l’autorisation d’entrer, nullement gênée par la démonstration d’affection qu’elle venait d’interrompre.

           - Oui, Miriam ? fit le capitaine d’une voix douce et fatiguée.

La main de son mari était toujours calée dans son dos, traçant des cercles discrets et relaxants.

           - La délégation est arrivée, madame. Nous leur avons montré leurs quartiers, à l’opposé de celui des moines. Ils souhaiteraient vous rencontrer pour… « mettre en place certaines règles ».

Siméon grimaça à l’écoute de cette phrase. Il sentit sa femme se tendre soudain.

           Iphigénie croisa à nouveau les bras, le visage fermé.

           - Vraiment ? Je crois que NOUS allons mettre en place quelques règles. Dites donc à M. Ryder de me rejoindre devant leur quartier, disons dans…une heure. Je dois aller me changer.

Miriam eut un sourire et fit demi-tour d’un geste vif. Siméon savait que Miriam, comme les autres, ne se laisseraient pas intimider par ces fanatiques. Il eut un sourire de fierté puis embrassa sa femme dans le cou.

           - Si nous allions nous préparer pour rencontrer nos illustres invités ?

Sa femme leva les yeux vers lui, un sourire complice sur les lèvres.

           Pendant ce temps, sur l’un des ponts inférieurs, Neal D’Lesser et son amant Sierg avait investi la cabine qu’ils allaient partager pour les trois semaines de leur voyage vers leur foyer. Ils étaient arrivés quelques heures auparavant et avaient enfin pu retrouver l’intimité qu’ils avaient perdu depuis leurs aventures sur la planète morte.

Il avait fallu plusieurs semaines de soins dans l’un des hôpitaux de la capitale d’Hypérion 4 pour que Sierg se remettent de ses blessures. Quand il n’était pas à son chevet, l’archéologue avait essayé de contacter le docteur Balti à plusieurs reprises : d’après Sierg, ils devaient lui remettre l’artefact sur Hypérion 4, mais le scientifique semblait avoir disparu. Aucun avant-poste n’étant assez proche, ils en étaient réduits à convoyer l’artefact directement sur la planète-mère. Au grand étonnement de son amant, Sierg n’avait pas paru enchanté par cette idée.

           Ils étaient tendrement enlacés dans les bras l’un de l’autre, leur charge en sécurité dans un coffre scellé dans la soute du vaisseau. Sierg dormait d’un sommeil profond, image même de l’innocence. Neal  l’observa un instant, comme toujours étonné par l’ingénuité de son jeune compagnon, puis il s’installa pour la nuit, serrant très fort le jeune homme dans ses bras. Il tenta de s’endormir mais il savait que le sommeil le fuirait.  Depuis leur excursion sanglante sur la planète de cendres, il n’arrivait pas à dormir plus de deux heures par nuit. Il lui semblait apercevoir des Ombres partout autour de lui, à la périphérie de sa vision, comme si elles le guettaient.

           Deux heures plus tard, elles l’empêchaient toujours de plonger dans un sommeil réparateur : à plusieurs reprises, l’épuisement l’avait fait sombrer mais les cauchemars l’avaient à chaque fois réveillé. Il quittait les ombres de ses rêves pour retrouver les ombres de la cabine, qui lui paraissaient vivantes comme celles qui avaient massacré son équipe et failli tuer son amant. Depuis cette journée, il sentait une obscurité au fond de son esprit, une étreinte de fer enserrant son cœur et le mettant dans un état d’angoisse perpétuelle.

           Il avait essayé d’en parler à Sierg. Le jeune homme avait écouté, puis avait ri, réaction spontanée dont il avait l’habitude mais qui n’en était pas moins blessante pour l’homme plus âgé. Certes, ce n’était pas la première fois qu’il avait ce genre de réaction. Cependant, il se rendait compte de son erreur et revenait toujours s’excuser. Là, toutefois, il ne semblait pas s’être aperçu de la réelle souffrance de son compagnon, et ce changement ne faisait qu’ajouter au sombre pressentiment qui le plongeait dans la nuit un peu plus chaque jour.

           Avec un soupir, Neal  posa un baiser sur la tempe de Sierg puis se dégagea doucement. Il s’habilla et quitta la cabine. Autant se changer les idées puisqu’il ne pouvait pas dormir. Il se rendit donc au dôme d’observation, pris par un brusque désir d’observer les étoiles. À en juger par les vibrations du vaisseau, ils étaient en route. Il savait qu’ils n’entreraient en espace cristallin qu’hors de l’attraction de la planète, c’est-à-dire après un jour de voyage, donc il aurait sans  doute la chance de pouvoir voir quelques étoiles.

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Cynwale
Posté le 31/05/2023
Je crois mieux comprendre la situation, et du coup les chapitres précédents même si je dois avouer être particulièrement étonnée du comportement nonchalant des gens par rapport à ce qui à pu se passer sur la Planète R4-544-A-1.

Les Ombres ne sont peut-être pas si rares finalement?
Feydra
Posté le 31/05/2023
C'est surtout que personne n'est au courant, à part Neal et Sierg et leurs supérieurs. Cela n'a pas été rendu public. ;)
Cynwale
Posté le 31/05/2023
Ah intéressant, et puis j'imagine que s'ils en parlent, personne ne les croira, ou qu'une close leur interdit d'en parler.z
Cynwale
Posté le 31/05/2023
Ah intéressant, et puis j'imagine que s'ils en parlent, personne ne les croira, ou qu'une close leur interdit d'en parler.z
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