Chapitre 4

Par Imane

Theia et Keiôs échangèrent un regard. Elle espérait voir dans les yeux de son ami cet éclair de compréhension qu’il avait souvent, mais tout ce qu’elle y voyait c’était le reflet de sa propre perplexité. De quoi parlaient ces deux inconnus ? D’où venaient-ils ? Que pouvait bien être Xmucane et surtout que cherchaient-ils ? Il surveillèrent les étrangers et se relayèrent pour monter la garde. Le garçon montait la garde pendant que son acolyte dormait. Au bout d’une heure, il ne semblait plus pouvoir lutter. Après avoir secoué la tête probablement pour rester éveillé, il s’assoupit à son tour. Theia ne tenait plus. Elle ne pouvait attendre plus longtemps. Elle sortit discrètement de derrière les arbres et se dirigea vers les étrangers. Elle vit Keiôs lui faire de grands signes pour l’arrêter mais elle prit soin de l’ignorer. Arrivée près d’eux, elle redoubla de précaution et attrapa la lance du dénommé Chaahk. Elle s’apprêtait à faire le tour pour récupérer la massue de sa camarade mais Keiôs, résigné, l’avait déjà fait. Aux aguets, la lance tendue, elle piqua le jeune homme endormi avec le bout de son arme. Il se réveilla instantanément et ouvrit grand les yeux. Les paumes en l’air, son regard passait calmement de Theia à Keiôs. Il semblait avoir peur pour son acolyte et ne voulait pas la réveiller. 

— Bonjour, chuchota-t-il, nous ne recherchons pas le conflit. Peut-être pourriez-vous baisser vos armes et discuter ?

— Nous allons discuter, mais je déciderai si je dois baisser les armes ou non, rétorqua Theia. Que faites-vous ici ?

— Je veux bien répondre à vos questions si vous répondez aux nôtres. Et si je puis me permettre, je vous conseille de baisser cette lance avant qu’elle ne se réveille, elle n’est pas aussi magnanime que moi. 

Comme s’il avait prononcé une incantation, sa phrase achevée, la guerrière se jeta sur Keiôs, dague en main et dents sorties. Celui-ci ne se laissa pas surprendre, il brandit la massue et se tint prêt à faire face. Theia, le regard incandescent, se montra plus menaçante avec sa lance.

Chaahk reprit la parole :

— Ixchel, calme-toi ! Comme je vous l’ai dit, nous venons en paix. À vrai dire, nous ne pensions pas rencontrer qui que ce soit. Vous admettrez qu’être réveillés de la sorte peut créer une certaine animosité. 

À contrecœur, Theia et Ixchel baissèrent leurs armes, sans toutefois les ranger. La tension était palpable. Chaahk leur expliqua qu’ils étaient à la recherche d’une parente disparue. Keiôs leur servit la fable des éleveurs en quête d’un troupeau. Theia ne leur faisait aucunement confiance mais elle ne dit rien, se contentant d’observer.

Le reste de la journée permit d’amoindrir la tension. Elle se demandait d’où venaient ses inconnus. Leurs noms étaient si étranges, presqu’inventés. Ensemble, ils quittèrent la forêt et Theia vit l’ampleur des dégâts. Bien que la Grande Inondation ait eu lieu des siècles auparavant, elle n’avait jamais pu voir le monde extérieur. Les habitants de Neoacheos avaient l’interdiction absolue de sortir du village, sauf mission spéciale, ainsi tout ce qu’elle savait du monde, elle l’avait appris d’autres. Si les environs n’étaient pas uniquement ruines et destruction, la nature portait tout de même les stigmates d’un profond traumatisme. D’après Chaahk, en dehors de quelques villages de survivants, il n’y avait plus grand chose. Certaines parcelles de terre commençaient à être de nouveau praticables, mais, cela, au prix d’un dur labeur.

Lorsqu’elle rejoignit les deux garçons qui discutaient, Chaahk leva les yeux vers elle et lui adressa un sourire amical. Le temps d’une seconde, son attention se déporta sur la marque de son poignet. Quelque chose changea dans son regard, une sorte de perplexité mêlée d’excitation. Bien qu’il reprit vite contenance et fit mine de rien, Theia avait vu son trouble. À quelques mètres de là, Ixchel n’avait rien manqué de la scène. 

Cette nuit-là, Theia, méfiante, voulait garder un œil sur eux. Elle luttait contre le sommeil et l’épuisement qui l’emportèrent très vite. À travers sa torpeur, elle entendit deux voix :

— Tu ne peux pas faire ça, il faut trouver une autre solution.

— Il n’y en a pas.

C’est à ce moment que Theia ouvrit les yeux et vit une massue s’abattre sur son crâne.

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