Chapitre 33

Assis sur un vieux dolmen froid, Soreth vida son esprit et se concentra sur les lignes qui l’entouraient.

— Visualise le flux, expliqua son mentor à côté de lui, et focalise-toi sur les berdaris.

Il hocha tête puis, se rappelant qu’ils avaient les yeux fermés, ajouta.

— Elles ressemblent à celle de Brevois, mais elles sont si infimes.

— C’est normal, elles ont le temps de se disperser dans les cimetières. Maintenant, fais en monter une en toi et apaise-la.

Appliquant consciencieusement la méthode que Beorthne venait de lui enseigner, Soreth expira pour libérer un peu d’énergie et inspira en ramenant une berdari à lui. Elle se laissa faire, trop faible pour résister, et se mit à tourbillonner autour de ses jambes. Son estomac se noua et ses muscles se crispèrent aussitôt, mais il retint son instinct qui lui criait de repousser le flux. Au contraire, il lui abandonna ses sens et son âme.

Il se retrouva alors entraîné dans un maelström d’émotions qui n’étaient pas les siennes, dégoût, colère, jalousie, et lutta pour en atteindre le cœur tandis que ses pensées s’entrechoquaient avec celles des défunts. Un instant, il eut envie de brûler la ville capricieuse qui l’entourait. Juste après, il voulut se cacher dans la plus profonde des grottes pour ne jamais en sortir. Un peu plus tard, il était prêt à assassiner tous les sénateurs d’Ostrate pour protéger les siens. Finalement, repoussant sans cesse les passions qui le consumaient, il parvint à sa cible et y invoqua la vie : la saveur d’une pomme sucrée, l’odeur de la mousse dans les bois, l’éclat des yeux de Lyne. Ces souvenirs se détachèrent lentement de son esprit et, sans animosité ni violence, entourèrent la berdari avec compassion. Elle tressaillit devant leur chaleur, puis l’accepta avec circonspection, cessant peu à peu de s’agiter. Elle retourna alors au milieu de ses sœurs, apaisée et prête à continuer son chemin. Soreth esquissa un sourire, le visage couvert de sueur, la tête tambourinante. Il avait réussi.

Il s’apprêta à rouvrir les yeux, soulagé, lorsque son estomac se contracta à nouveau. Il fronça les sourcils, constata que la ligne se débattait de plus belle, et inspira profondément pour reprendre son invocation : le chant des oiseaux, les caresses de Lyne, le goût du sang. Il sursauta. Le froid, le feu, la crasse. Une bille amère se forma dans sa gorge. Il serra les dents pour ne pas vomir. L’obscurité, la puanteur, le craquement des os et la douleur. Il hurla, le crâne percé de mille aiguilles, l’âme à l’agonie.

Tandis que les ténèbres dévoraient son cri, il sentit les bras de Beorthne se refermer autour de son corps tremblant.

— Là, tout va bien.

Il s’accrocha à sa voix de toutes ses forces et laissa son mentor le guider dans la nuit.

— C’est bien, petit. Continue comme ça.

Le temps s’étira pour devenir une mélasse infâme. Une minute. Une heure. Un an. Il n’aurait su le dire. Il se contenta d’avancer vers le galweid et la lumière qu’il lui promettait.

Elle arriva sous la forme d’un ciel orangé de début de soirée, et il cligna plusieurs fois des paupières pour s’assurer qu’il était bien réveillé. Toujours collé à lui, Beorthne laissa échapper un soupir de soulagement.

— Comment te sens-tu ?

Soreth déglutit pour repousser sa nausée, attendit que les battements de son cœur s’apaisent, et articula lentement.

— Mal, mais j’y survivrai.

Son interlocuteur hocha la tête et s’écarta de lui.

— Que s’est-il passé ?

— J’avais réussi, puis… j’ai perdu ma concentration.

Beorthne fronça les sourcils, et Soreth frissonna à l’idée qu’il en sache plus qu’il le paraissait. Il ne lui avait jamais parlé des cauchemars et des migraines, mais cela ne voulait pas dire qu’il n’était pas au courant.

— Tu as toujours été le plus attentif de mes élèves. Cela ne te ressemble pas.

Le prince hésita, il s’était promis de faire quelque chose contre ses angoisses, puis haussa nonchalamment les épaules. Il n’avait pas envie d’avoir cette discussion maintenant.

— Je suppose qu’il y a une première fois à tout.

— Tout de même, une aussi petite berdari n’aurait pas dû avoir autant d’effet sur toi. Es-tu sûr qu’il ne s’est rien passé d’autre ?

— J’ai sans doute surréagi, concéda Soreth, mais il est inutile d’y accorder trop d’importance. Je voulais réussir du premier coup. C’était idiot. Je vais réessay…

— Non !

L’exclamation du galweid retentit dans le cimetière, effrayant un groupe de moineau au loin, puis, alors que son apprenti le dévisageait d’un air surpris, il reprit plus calmement.

— Le soleil va bientôt se coucher. Nous continuerons demain.

— La nuit ne nous a jamais arrêtés, fit remarquer Soreth peu enclin à abandonner. Nous devrions nous y rem…

— Nous devrions rentrer à l’ambassade, Votre Altesse.

Joignant le geste à la parole, Beorthne ramassa son bâton et descendit du dolmen. Le prétorien l’imita maladroitement, la tête lui tournait encore, puis insista une nouvelle fois.

— Je suis sûr que je peux réussir. J’y étais presque.

Le galweid laissa échapper un soupir contrit et planta son regard gris dans celui de son élève.

— Moi aussi j’en suis sûr. Toutefois, réparer une berdari n’est pas qu’une histoire de technique. On ne peut pas accorder quelque chose quand on ne l’est pas soi-même. L’aurore sera plus propice pour cela. Nous continuerons demain.

Concluant là leur discussion, il se dirigea vers la sortie du cimetière sans permettre au prince de répliquer. Celui-ci le regarda s’éloigner en se demandant ce qu’il lui cachait, il n’avait jamais vu le soleil influer sur les lignes d’Eff, puis se résigna à lui emboîter le pas. Après ce qu’il venait de se passer, il ne tenait pas à poursuivre sans lui.


 

Debout seul dans les jardins, Soreth resserra sa cape autour de lui et contempla le ciel rougeoyant. Il faisait de plus en plus froid, mais il n’avait aucune envie de rentrer dans l’ambassade. Lyne l’y attendait sûrement et, même si elle lui manquait, il ne se sentait pas prêt à parler de son échec. Il soupira, se demandant comment il était devenu aussi lâche, puis traîna ses idées sombres vers la mare du parc, le pas indécis et la tête ceinte par une nouvelle migraine.

Il s’installa sur un banc en bois blanc, qu’un buisson cachait à la vue des curieux. Il venait souvent s’y reposer plus jeune, s’offrant un peu de répit entre deux exercices et profitant des lignes aquatiques alentour pour se remémorer Lonvois et l’océan.

Tout en massant ses tempes douloureuses, il inspira profondément. Avec les enjeux qui étaient les leurs, il ne pouvait pas se permettre d’échouer. Hélas, il ne savait pas non plus comment réussir. Il fallait qu’il parle à quelqu’un, sans s’esquiver ou s’enfuir, mais il n’était pas sûr d’en être capable. Il n’était que lui après tout.

Alors qu’il ruminait ses pensées depuis plusieurs minutes, il entendit des bruits de pas derrière lui. Il descendit aussitôt la main au stylet qu’il gardait dans sa botte, mais la remonta vide en constatant que le nouvel arrivant ne faisait aucun effort pour camoufler son approche. Au contraire, il traînait presque des pieds et, au rythme saccadé de sa marche, semblait boiter. Il dégageait aussi une odeur de cuir et de sueur, ainsi qu’une autre, moins distincte, mais plus familière.

Soreth esquissa un sourire dans la pénombre du crépuscule.

— Comment m’as-tu retrouvé ?

— C’est mon métier de savoir où est mon prince, répondit Lyne d’une voix amusée

— J’espère qu’ils t’ont fourni une boule de cristal, ou au moins un jeu de cartes.

— Pas vraiment. Je n’ai eu qu’un galweid ronchon et un lieutenant serviable. Heureusement, ce dernier connaît bien tes habitudes.

Tandis qu’elle parlait, la prétorienne contourna le banc et s’arrêta devant son ami, un grand sourire sur le visage. Il sentit son cœur s’emballer. Elle était si belle. D’un air conspirateur, elle jeta un coup d’œil aux environs et demanda à voix basse.

— Sais-tu quand passe la prochaine ronde ?

— D’ici une dizaine de minutes.

— Parfait ! Son Altesse permet-elle que je m’approche ?

Il acquiesça, amusé par la formulation, et l’accueillit sur ses genoux avec plaisir. Elle plaqua ensuite ses paumes chaudes contre ses joues, colla son front au sien et l’embrassa passionnément. Il l’enlaça alors à son tour, oubliant pour un temps son crâne douloureux et les pensées qui le tourmentaient, et s’abandonna à ses lèvres tièdes.

Quelques minutes, et de nombreux baisers, plus tard, Lyne se releva et s’installa plus chastement à côté de lui. L’esprit un peu apaisé, Soreth attrapa sa main et posa la tête sur son épaule.

— Y avait-il une raison particulière à cet engouement ?

— La journée a été longue et difficile. Il fallait faire quelque chose pour remonter le niveau.

Le prétorien s’esclaffa, puis, se remémorant que son amie boitait en arrivant, demanda avec une once d’inquiétude.

— As-tu eu des ennuis ?

Elle ricana et posa un baiser dans ses cheveux.

— Il se pourrait que je me sois entraînée avec le capitaine Tolvan. Mais ne t’en fais pas, j’ai fini par l’avoir.

Il y eut un bref silence, puis Soreth se redressa pour regarder sa partenaire. Il n’y avait qu’elle pour affronter le héros de Hauteroche sans être sûre de son allégeance.

— L’as-tu vraiment battu ?

— Pas exactement, grimaça cette dernière, il faudrait plutôt considérer ça comme un match nul. Voir, une sorte de défaite en moins pire.

Il pouffa devant sa mine déconfite, il était pour sa part soulagé qu’elle n’ait rien de plus que des hématomes, et lui embrassât la joue.

— C’est déjà bien si tu as réussi à le toucher. Tout le monde ne peut pas s’en vanter.

Il s’écarta ensuite, la patrouille ne tarderait pas à passer, et ajouta.

— Moi qui espérais que tu te reposes, voilà que tu t’es blessée encore plus.

— Hé ! s’indigna faussement Lyne. J’essayais d’obtenir des informations et de savoir si nous avions une chance contre lui.

— Et alors, quel est ton verdict ?

— Il faudrait que nous nous y mettions à deux, de préférence avec des arcs.

Soreth eut un rictus moqueur.

— Qui êtes-vous, madame ? Qu’avez-vous fait de Lyne et de son sens de l’honneur ?

La jeune femme éclata de rire en haussant les épaules.

— Il est allé se cacher avec ma fierté pendant que je me faisais botter les fesses. Je ne sais pas si Tolvan travaille pour Mascarade, mais je ne prendrai aucun risque contre lui. En attendant, je peux te dire qu’il piétine sur son enquête et qu’il nous en veut de ne pas avoir partagé nos informations. La bonne nouvelle, c’est que nous devrions avoir encore un peu de marge avant qu’il ne s’énerve pour de bon.

— Tant mieux, parce que nous le tiendrons à l’écart tant que nous ne serons pas sûrs de lui. Il est trop dangereux pour que nous lui donnions quoi que ce soit.

Lyne hocha la tête tandis que deux gardes passaient non loin d’eux. Elles leur jetèrent un regard curieux, puis, avisant les vêtements du prince, continuèrent leur ronde sans s’inquiéter. La prétorienne tourna alors ses yeux vers le ciel, où disparaissaient les derniers firmaments du soleil, se leva, et attrapa la main de son partenaire pour l’obliger à en faire de même.

— Nous avons trop d’ennemis pour rester dehors en pleine nuit. Il va falloir rentrer. En plus, j’ai froid, j’ai faim, et j’ai besoin d’un baume pour mes contusions.

Soreth acquiesça et profita du crépuscule pour voler un nouveau baiser à son amie. Ils repartirent ensuite vers l’ambassade, l’une boitant et l’autre se moquant de sa témérité.


 

Le prince rangea l’onguent dont il avait badigeonné Lyne dans l’armoire à pharmacie. Les pierres d’Eff aidaient pour les hématomes, mais un peu d’huile d’argan ne faisait pas de mal lorsque l’on venait de se battre avec un capitaine énervé. Tandis qu’il revenait vers sa partenaire, occupée à lacer sa chemise, il remarqua qu’elle ne l’avait pas quitté du regard. Cela n’avait rien d’anormal, il passait aussi son temps à la contempler, mais elle semblait plus inquiète et préoccupée que d’habitude.

— Y a-t-il un problème ? demanda-t-il en s’asseyant à ses côtés.

La jeune femme resta un instant silencieuse, puis s’approcha de lui, le prit dans ses bras, et posa la tête sur son épaule. Il la laissa faire et, comme l’étreinte se poursuivait, s’abandonna à la chaleur de son corps. Tout oublier en dehors de Lyne. Ne serait-ce que pour une soirée. Voilà qui était tentant.

Après un long moment, qu’il aurait pourtant voulu prolonger, elle murmura à son oreille.

— Je t’aime, Soreth. Je t’aime, mais à chaque fois que tu te débats avec tes cauchemars, je ne sais pas quoi faire pour t’aider.

Le jeune homme sentit sa gorge se serrer. Son amie avait suffisamment de problèmes pour ne pas porter les siens. D’autant que grâce à elle, il arrivait enfin à dormir, et à oublier.

— Inutile de t’inquiéter, la rassura-t-il en caressant tendrement sa joue, tu en fais déjà beaucoup.

Elle releva doucement la tête et planta ses yeux dans les siens.

— Tout de même, ne voudrais-tu pas en parler à quelqu’un ? Beaucoup de gens seraient prêts à t’écouter.

Il déglutit alors que les battements de son cœur s’amplifiaient, hésita une fois de plus, et repoussa encore l’échéance.

— Si je le faisais, ils n’accepteraient plus de me laisser partir en mission. Je n’ai pas envie d’être à nouveau enfermé à Lonvois.

Le silence retomba un instant, puis Lyne rétorqua.

— Je ne crois pas que qui que ce soit puisse retenir la meilleure arme du royaume contre son gré.

La répartie lui arracha un sourire, puis sa gorge se noua. Son amie avait raison, et il le savait. Tout comme il savait que ce n’était pas le problème. Juste un prétexte. Un prétexte qui ne pouvait plus durer.

Il ferma les yeux, laissant l’étreinte de son aimée lui donner le courage dont il avait besoin, et chuchota dans la nuit.

— J’ai peur que personne ne me croie…

Son corps trembla. Les bras de Lyne se resserrèrent autour de lui.

— Tu n’es pas obligé de parler si tu ne le veux pas, mais, moi, j’aurai toujours foi en toi.

Il hocha la tête dans la pièce obscure. Il fallait qu’il le fasse, même s’il n’en avait pas envie. Et il fallait que ce soit avec elle, parce qu’ils se faisaient confiance. Tout en luttant contre la panique qui l’envahissait, il reprit la parole d’une voix mal assurée.

— On pense que la douleur est ce que la torture fait de pire, mais cela, c’est seulement si on n’y survit pas…

Pour contenir ses tremblements, il posa une main froide sur celle de sa protectrice et la serra contre lui.

— Sais-tu pourquoi ils ont fait cela ? murmura-t-elle avec douceur.

— Au début, pour venger ceux que j’ai tués en essayant de m’enfuir. Après, c’est devenu une sorte de routine. Comme si s’arrêter retirerait le sens de ce qu’ils avaient déjà fait.

Lyne lui effleura la joue, hésita brièvement, et l’interrogea dans un souffle.

— As-tu tenté de t’échapper ?

— Après la première bastonnade j’ai cherché à crocheter ma serrure, mais mes doigts étaient trop engourdis et ils s’en sont rendu compte. C’est pour m’en passer l’envie qu’ils ont apporté les torches…

La voix de Soreth s’étrangla alors que les flammes jaillissaient dans ses souvenirs, mais, pour une fois, il garda le contrôle. Elles ne pouvaient pas l’emmener dans la grotte ; il y était déjà. Il serra la main de son amie, dont les mâchoires s’étaient crispées, et demanda.

— Veux-tu que j’arrête ?

Elle secoua la tête malgré ses yeux rougis.

— Non. Continue, s’il te plaît.

— Les lames sont faites pour trancher proprement, mais la morsure du feu, elle, dure bien après qu’il se soit éteint. J’ai rapidement renoncé à m’évader. Avec le temps, j’ai même abandonné tout espoir.

Il inspira profondément, tentant de contenir l’agitation dans sa voix.

— C’est étrange quand on cesse de prier. Quand on ne croit plus que cela finira et qu’on se contente de subir. Impuissant.

Plus il parlait et plus il ressentait le besoin de continuer. En dépit de sa gorge nouée, de ses yeux humides et de la douleur qui lui déchirait la poitrine, il ne voulait plus s’arrêter. Il fallait qu’il poursuive. Qu’il se libère de la prison qu’il n’avait jamais quittée.

— Avec le temps, ils sont devenus négligents. Une fois l’un d’eux est venu me voir avec un couteau. Je ne sais plus ce qu’il s’est passé, mais il s’est retrouvé dans ma main, puis dans son orbite.

Il fronça les sourcils en essayant donner un sens à ses souvenirs.

— Libéré de mes fers, j’ai couru jusqu’à la sortie. Je ne me rappelle pas grand-chose. Seulement des hurlements, du goût du sang, et de m’être réveillé au bord d’une rivière.

Lyne acquiesça doucement, ses yeux brillant d’une colère qu’il lui connaissait bien. Il s’en sentit curieusement soulagé. Ce n’était pas juste son imagination. C’était vrai. Il eut envie de sourire, mais un sanglot se forma dans sa gorge et il se retrouva submergé par toutes les émotions qu’il avait trop longtemps refoulées.

— J’ai été imprudent, balbutia-t-il alors qu’une larme roulait le long de sa joue, et infichu de me sauver. Je me suis tellement entraîné. Ça n’aurait pas dû arriver.

Ses lèvres se mirent à trembler. De nouvelles larmes coulèrent sur son visage. Il hoqueta en cherchant sa respiration.

— Je m’en veux Lyne. Si tu savais comme je m’en veux.

Incapable de s’arrêter, il enfouit sa tête dans l’épaule de sa protectrice et se blottit contre elle pour pleurer. Elle y répondit en caressant doucement sa nuque, et ses sanglots redoublèrent d’intensité.

— Je n’avais jamais été aussi vulnérable. Maintenant, j’ai toujours peur que cela recommence. Je ne tiendrai pas. Je ne suis pas assez fort pour cela…

Dans un silence entrecoupé de pleurs, Lyne le serra contre elle sans jamais le lâcher. Puis, quand il se fut un peu calmé, elle déclara d’une voix pleine d’assurance.

— Cela n’arrivera plus mon amour. Je te protégerais.

Ce n’était pas vrai, mais ce n’était pas un mensonge non plus. Plutôt un espoir assorti d’une nouvelle promesse. Celle que maintenant, ils seraient ensemble.

Les yeux encore fermés, Soreth sentit la main de Lyne se poser sur son visage.

— C’est normal d’avoir peur ou de ne pas aller bien. Quoi qu’en disent vos stupides traditions, tu n’es qu’un humain. Personne ne peut sortir indemne de ce que tu as vécu.

Des larmes perlèrent à nouveau sur les joues du prince.

— Par contre, reprit doucement son amie, il faut que tu cesses de t’en vouloir. Tu n’es ni un pillard ni un bourreau. Ce sont eux les responsables, aussi bien de leur sort que du tien.

Les battements du cœur de Soreth ralentirent peu à peu. Les propos de Lyne l’apaisaient plus qu’il ne l’aurait cru possible. C’était à se demander s’il ne les attendait pas depuis des mois.

— J’aimerais tellement pouvoir oublier…

— Il est vrai que nos vies sont déjà assez mouvementées.

Le ton de son amie le fit s’esclaffer, puis elle reprit d’une voix plus sérieuse.

— Si je pouvais t’y aider, je le ferais sans hésiter. Hélas, nous ne pouvons que compter sur le temps pour estomper ces souvenirs.

Malgré leur dureté, les mots de la prétorienne avaient quelque chose de réconfortant. Soreth hocha silencieusement la tête. Apprendre à vivre avec son passé ne serait pas aisé, mais il lui semblait déjà un peu moins lourd. Comme si l’évoquer avait suffi à l’éroder. Lyne devait penser la même chose, car elle ajouta rapidement.

— Si tu as besoin de parler, je serais toujours là pour t’écouter.

Il opina et se redressa pour faire face à son interlocutrice. Malgré ses yeux rougis par les larmes, elle lui souriait tendrement. Il l’imita, puis vint poser un baiser sur ses lèvres. Il était heureux de l’avoir rencontrée.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Camille Octavie
Posté le 08/03/2023
Bonjour !
Me voici, me voilà ! XD

J'aime beaucoup ce chapitre, on commence enfin à savoir ce qui tourmente tant Soreth ! Je trouve que tu abordes cela de façon très juste.
Je me doutais qu'il allait s'ouvrir à Lyne ^^ mais ça fait plaisir haha je trouve tout ceci bien plus "romantique" et touchant que le batifolage XD
Et du coup, je trouve que ce chapitre fait beaucoup avancer l'histoire, j'ai hâte de savoir comment ça va se développer ensuite.

Je n'ai pas remarqué de coquilles / typos ;)

A bientôt !
Vincent Meriel
Posté le 08/03/2023
Bonjour ! (Quelle célérité ^^)

Merci pour ton retour ! Ce n'était pas un chapitre simple à écrire (ni très joyeux ^^'), mais il me semble effectivement important aussi bien pour Soreth que le couple.
Je comprend ce que tu veux dire sur l'aspect romantique, c'est important d'être là quand cela va mal aussi ^^ après ça ne met pas forcément d'aussi bonne humeur à la lecture :P

À bientôt !
Camille Octavie
Posté le 08/03/2023
Tu restes assez "sobre" je trouve :) les émotions sont juste, on peut bien imaginer ce qui lui est arrivé, précisément, entre les lignes, mais tu n'es pas rentré dans le glauque du sujet.
C'est un choix intéressant, certains pourront te dire qu'ils ne "voient" pas l'horreur du truc. Moi je trouve que c'est intelligent, et plutôt réaliste, sur ces sujets, les victimes ont rarement envie de rentrer dans le détail quand elles racontent.
Vous lisez