Chapitre 31 - Un craquement sinistre

Aube était allée à l’école en traînant les pieds. Elle s’était levée les traits tirés, après une nuit agitée de mauvais rêves. Devant son bol de céréales, elle avait exagéré son état, prétextant des maux de ventre pour convaincre sa mère de la garder à la maison. Sans succès.

— Tu vas faire un effort. Je suis certaine que ce soir tu iras déjà mieux. Je n’ai pas le choix, je travaille toute la journée et je n’ai personne pour te garder.

— On a toujours le choix, répondit Aube.

— Ne sois pas impertinente.

— Et papa ?

— Parce que tu as déjà vu ton père rester la journée ici, toi ?

— Je pourrais aller au travail avec lui.

— Je vois que tu te portes déjà mieux, constata sa mère. Va t’habiller. On part dans dix minutes.

Aube n’insista pas. Elle ne savait comment, mais sa maman n’avait pas cru à son mensonge et n’était pas dupe de ses manœuvres. Aucune chance. Elle n’était pas assez bonne comédienne ou sa mère lisait en elle. C’était énervant.

 

En classe, Aube ne parvint pas à se concentrer. Au grand désespoir de Noémie qui craignait que cela n’attire l’attention et les reproches de leur institutrice. Les pensées de son amie étaient trop agitées pour qu’elle puisse les déchiffrer. Il y était en même temps question d’arbres abandonnés, de son père en danger et de Moyrah qui se mourait. Aube, inquiète et tourmentée, ne savait comment se confier.

— Aube et Noémie ?

Les deux fillettes n’avaient pas remarqué que Max venait d’entrer dans la classe. Il se tenait près du bureau de leur institutrice.

— Aube et Noémie ! répéta madame Claire. Prenez vos affaires ! Monsieur Pierre vous attend pour que vous terminiez votre travail.

Hébétées, elles sortirent en silence.

 

— Qu’est-ce que vous avez les filles ?

— Rien, répondit Noémie. Et toi ? Qu’est-ce que tu fais là ?

— Mais enfin, qu’est-ce qui vous arrive ? s’étonna Max. On doit juste terminer notre expérience ? C’était prévu, non ? Qu’est-ce qui se passe ?

— C’est Aube. Elle n’a pas l’air bien.

— Je sais, dit le garçon. Maman n’a pas voulu la croire...

— Non, ce n’est pas ça, le coupa-t-elle. Elle est perdue dans des pensées qui la rendent malade.

Max observa sa sœur. Il ne la comprenait pas, mais il avait tellement envie de l’aider. Il la prit par les épaules.

— Venez ! Je vais vous montrer ce que j’ai trouvé. On va faire pousser des graines.

Il entraîna les filles dans le local de sciences. Il avait disposé deux petites jardinières remplies de terreau.

— Les premières, on va les laisser pousser tranquillement.

Il sortit quelques graines d’un sachet et les enfonça délicatement dans la terre.

— Les autres, on va les mettre tous les jours à côté d’un mobile allumé.

Il vida le reste des graines dans la deuxième jardinière.

— Et on va comparer les résultats.

— Mais comment on va faire pour le mobile ? demanda Noémie.

— Monsieur Pierre a accepté de nous prêter le sien...

Max sortit l’appareil de sa poche. Il le déposa près des graines de l’expérience. Soudain, Aube se plia en deux et se prit la tête dans les mains, comme victime d’un malaise, d’une crise de migraine.

— Aaah !

Son frère et son amie se précipitèrent.

— Aube ? Réponds-moi ! dit Noémie. Qu’est-ce qu’il y a ?

La fillette s’accrochait à leurs bras en gémissant.

— Ne t’inquiète pas ! Je ne laisserai pas le téléphone allumé longtemps, tenta de la rassurer son frère.

Aube secoua la tête.

— Ce n’est pas ça, le coupa son amie. Écoute-la !

— Les arbres...

— Est-ce que tu as mal ?

La petite fille s’était accroupie.

— Ils attaquent les arbres !

Elle criait et elle pleurait en même temps. Max et Noémie, qui s’étaient penchés sur elle, front contre front, entendirent alors dans sa tête le long déchirement des troncs. Ils craquaient au milieu du fracas des tronçonneuses. Au loin leur parvenait le bruit de la circulation et de la ville. Aube s’agitait.

— Papa ! Pourquoi ?

Les arbres tombèrent les uns après les autres comme les larmes de la fillette. Mais où était donc son père quand elle avait tant besoin de lui ?

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Elly Rose
Posté le 29/11/2022
Bonjour Michael,
Ces lignes sont comme pour les derniers chapitres, magnifiques et tristes à la fois. J'ai énormément de peine pour Aube, pour toutes ces émotions qu'elle ressent, mais je m'interroge de plus en plus sur le rôle que va tenir son papa par la suite!
Encore une fois, une très belle lecture
MichaelLambert
Posté le 29/11/2022
Bonjour Elly !
Oui c'est sûr que Aube est dans un creux de son histoire... mais c'est pour mieux rebondir ! J'espère que la suite te laissera avec des émotions un peu plus positives ! Merci encore pour tes encouragements !
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