Chapitre 3 : L'attaque

Chapitre 3

L’attaque

ANGELA

 

Angela n’arrivait pas à y croire : les réserves avaient été pillées. La porte, arrachée. Seul un Imagis pouvait faire ça.

  • Peut-être que les fées ont pris toute la nourriture avant de partir ? supposa-t-elle

Rosélia haussa les sourcils.

  • Tu prends des réserves de nourriture avec toi quand tu fuis un incendie ?
  • Non, soupira-t-elle. Mais si ce ne sont pas les fées qui les ont emportés…

Angela ne voulait pas croire que quelqu’un ait pillé les réserves. Qui l’aurait fait ? Pourquoi ? Dans un monde où tous les peuples partageaient leurs vivres et où personne ne manquait de nourriture, cela paraissait insensé. Elle ne voulait pas donner du crédit à l’idée qui germait dans son esprit. Et si l’incendie n’avait été qu’une diversion ? Non, c’était impossible. Aucun Imagis ne saccagerait la nature pour arriver à ses fins.

  • Il y a un moyen de savoir, dit Rosélia en sortant du réduit. Si ce sont les fées qui ont pris toute la nourriture, elles auraient aussi vidé les réserves secrètes.

Bien sûr ! Ça paraissait évident. Chaque pays gardait une partie de leurs vivres dans une réserve cachée, contrairement aux réserves normales où n’importe qui pouvait se servir. C’était un vieil héritage de la guerre, à l’époque où les pays ne partageaient plus leurs biens.

Quelques minutes plus tard, assise à même le sol, Angela grignotait une pomme, maussade. Elle en donna une au sillim qui la croqua avec délice. Elle devait bien se résoudre à l’évidence : les réserves cachées n’avaient pas été pillés, ce qui signifiait :

  • Quelqu’un a déclenché l’incendie et volé notre nourriture, affirma-t-elle
  • Plusieurs quelqu’un, ajouta Rosélia en se servant dans leur piquenique improvisé. L’incendie s’est déclenché partout, une personne seule n’aurait pas pu faire ça.

Angela hocha la tête, avant d’entendre la fée jurer.

  • Mais pourquoi quelqu’un aurait fait un truc pareil ?

Angela n’en avait aucune idée. Elle se sentait dépassée. La peur grandissait en elle.

  • Si l’incendie a été déclenché à dessein, alors le fait qu’on ne retrouve pas les imagis…
  • Tu penses qu’ils sont en danger, que quelqu’un s’en est pris à eux ? réagit Rosélia
  • Ils seraient déjà revenus, s’ils avaient juste fui l’incendie, affirma Angela

Les yeux de la fée se remplirent d’horreur et de larmes, mais elle les essuya d’un geste rageur.

  • Qui pourrait vouloir retenir les Imagis ? Et où ?

Angela secoua la tête. Elle n’avait aucune explication. Tout ce qu’il s’était passé depuis la veille n’avait aucun sens. Qui voudrait incendier Magical, qui voudrait s’en prendre aux Imagis ? Personne ! L’amitié des royaumes était solide, il était impossible qu’une des cités ait attaquée l’autre. Et puis de ce qu’elle avait vu, le feu n’avait épargné personne. Comment une population entière pouvait-elle disparaitre comme ça ?

  • Il faut retrouver les Imagis, décida Rosélia, même si pour ça on doit envisager que quelqu’un ait sciemment détruit nos cités. Où est-ce qu’on pourrait cacher quatre peuples, selon toi ?

L’ange réfléchit un instant avant de répondre.

  • Il faudrait que ce soit discret, un endroit qu’on ne voit pas, même en le survolant.

Rosélia renchérit.

  • Assez grand pour cacher tout le monde
  • Immense et discret, résuma Angela.

Elles restèrent silencieuses quelques instants, perdues dans leurs réflexions.

  • Ça exclue Flora et Angelica qui sont des territoires à découvert. Ce qui nous laisse la mer d’Acqua et tout le territoire de Silṽus…soupira Rosélia.
  • Acqua n’était qu’un grand nuage de vapeur quand je me suis réveillé, il n’y avait pas d’eau pour cacher les Imagis, et il n’y a que les sirènes qui peuvent rester au fond de l’eau pendant plus d’une journée, retorqua Angela.
  • Donc il nous reste Silṽus, dit Rosélia. Et franchement entre Les Pins, les Alpages, et le Macki, je ne vois pas comment on pourrait départager. Ces trois territoires sont aussi immenses et discrets les uns que les autres.
  • On a plus qu’à tout explorer. 

Rosélia l’observa avec des yeux ronds :

  • Ça nous prendrait des mois !
  • Est-ce qu’on a le choix ? s’énerva Angela.

La fée détourna la tête d’un geste brusque, mais Angela vit de nouvelles larmes couler sur ses joues. Elle pouvait presque voir le reflet de ceux qu’elle avait perdus dans ses yeux. L’ange respecta sa douleur et se tut. Rosélia finit par reprendre la parole, déterminée :

  • Le problème, c’est que Magoste, la cité du Macki, est bien cachée. C’est une cité souterraine. J’y suis allé quelques fois mais je n’arriverais pas en retrouver l’entrée. Quant aux Pins, on risque de s’y perdre.

Du fond de ses souvenirs, Angela vit surgir une immense forêt de pins qui se ressemblaient tous : même les elphes des autres territoires s’y perdaient, s’ils n’étaient pas guidés.

  • On n’a qu’à aller à Virossa, et ensuite on avisera, proposa Angela.

Elle n’aimait pas trop avancer à vue, mais si elles restaient là à se prendre la tête et à s’angoisser dans cette cité vide, elles allaient toutes les deux finir par devenir folles. Virossa, la cité des Alpages, leur offrirait un bon point de départ.

Rosélia réfléchit un moment puis hocha la tête :

  • Tu as raison, allons à Virossa. On n’est pas loin des Pins, on devrait passer par la frontière terrestre et retrouver le fleuve Oléo. On suivra la rive jusqu’au premier pont pour traverser.
  • Je te suis, accepta Angela en se levant.

Rosélia l’observa avec un air mi-perplexe, mi-moqueur.

  • Quoi ?
  • Tu es encore en pyjama.

Angela jeta un regard sur sa robe et vit qu’effectivement, elle était en chemise de nuit. Rosélia se releva à son tour :

  • Si on doit traverser tout Silṽus, il va nous falloir du matériel.

Quelques minutes plus tard, munies de deux sacs à dos remplis de nourriture et habillées correctement grâce aux réserves secrètes, Angela et Rosélia quittèrent Aestas pour s’enfoncer dans la forêt, suivies de près par le sillim. Une heure plus tard, elles atteignirent la frontière du royaume de Silṽus.

La forêt s’étendait à leurs pieds. Angela observa les lignes interminables des pins parasols qui s’entrecroisaient, leurs longs troncs lisses qui s’étendaient jusqu’au ciel, et le soleil qui filtrait en rais dorés jusque sur le sol entièrement tapissé d’aiguilles. Les bruits étaient feutrés, étouffés. Le silence, épais. Le terrain était plat sur autant de kilomètres qu’Angela pouvait en apercevoir. Rosélia avait raison : cette forêt n’offrait aucun point de repère fiable. Elle était déjà venue en visite, mais Angela aurait été incapable de dire dans quelle direction se trouvait Zacada, la cité des elphes chasseurs.

Elle chercha le fleuve des yeux, mais il était probablement trop loin pour qu’elle l’aperçoive.

  • Comment on va faire pour longer l’Oléo, si on ne voit pas l’Oléo ?

Rosélia lui intima de se taire, l’air concentré. Le silence se fit plus dense, et au bout de quelques secondes, elle s’enfonça dans la forêt en essayant de faire le moins de bruit possible.

Angela s’efforça de lui faire confiance et de la suivre le plus discrètement possible, jusqu’à ce que la fée lui montre du doigt une petite rivière qui serpentait entre les arbres en glougloutant.

  • Il ne nous reste plus qu’à la suivre en sens inverse, toutes les rivières du coin prennent leur source dans l’Oléo, s’exclama Rosélia avec sourire fier, un des premiers qu’Angela lui voyait.

L’action apaisait visiblement ses inquiétudes. Angela, elle, se réjouissait de l’ouïe fine des fées. Sans Rosélia, elle n’aurait jamais trouvé cette rivière. Elles se mirent donc en marche. Si la situation n’avait pas été aussi embrouillée, Angela aurait apprécié la promenade : il n’y avait ni montée difficile ni pente pénible, la température était agréable. C’était le printemps et le monde était jeune et beau.

Les heures passèrent sans encombre et elles trouvèrent bientôt l’Oléo : le fleuve rugissait et se jetait contre les rochers. De temps à autre, un poisson sautait en l’air, faisant sursauter Rosélia. Angela s’efforçait de ne pas rire, mais c’était plutôt difficile. La fée râlait alors, mais avec le sourire. Elle en profitait pour lui raconter sa vie et toutes ces fois où Roméo, son ami d’enfance et prince des fées de la nuit, s’amusait à lui faire peur. Angela devinait alors toute l’affection qu’elle lui portait et l’angoisse qui accompagnait chacun de ses pas.

Elles longèrent la rive si longtemps que leurs discutions, de leur enfance aux théories plus ou moins farfelues pour expliquer la disparition des Imagis, s’effacèrent dans un silence fatigué. Le chemin avait beau être facile à parcourir, la journée avait été plus que longue et quand le soleil commença à se coucher, Angela était épuisée. Elle ne rêvait que de se mettre en boule et de dormir. Seule l’inquiétude de Rosélia, qui se rongeait les ongles depuis des heures sans avoir l’air de vouloir s’arrêter, la poussait à continuer de marcher.

Enfin, aux derniers rayons du soleil, la fée décréta qu’il était temps de s’arrêter, avant qu’elles ne voient plus leurs pieds. Angela s’effondra à même le sol en dissimulant un soupir de soulagement. Bien sûr, elle voulait retrouver les Imagis plus que tout, et elle aurait marché toute la nuit s’il l’avait fallu, mais elle se serait probablement endormie debout et réveillée quelque part dans la forêt. Elle avait l’impression que ses pieds allaient exploser : contrairement aux fées et aux elphes qui avaient l’habitude de marcher, les anges n’étaient pas franchement adeptes des longues randonnées.

Le sillim s’allongea à côté d’elle pendant que Rosélia sortait de son sac des fruits, des céréales, de la viande séchée, du fromage et tout ce qu’elles avaient pu trouver de transportable dans les réserves des fées. L’obscurité les entourait. D’un murmure, Angela créa une limfe. La boule de lumière flotta autour des deux Imagis, les éclairant l’une après l’autre.

  • Tu peux aller chercher de l’eau ? lui demanda Rosélia en lui tendant deux gourdes d’herbe tressé.

Angela pris les gourdes en se demandant comment les fées réussissaient à les faire si solides à partir d’herbe, mais le tissage et le tressage étaient leur spécialité après tout. Elle déploya ses ailes avec délice et se pencha au-dessus de l’Oléo, suivie de près par la limfe qui s’était scindée en deux pour permettre à Rosélia de voir quels aliments elle sortait de son sac. L’ange se reposa ensuite aux côtés de la fée et but une gorgée de l’eau glacée du fleuve, avant d’accepter la tartine de pain, de fromage et de viande séchée que Rosélia lui tendait.

Rassasiée, elle prit conscience de l’étrangeté de la situation : elle était assise en pleine forêt, avec une fée qu’elle venait de rencontrer, alors que la nuit transformait le paysage en une de ces peintures bleu-grise qui ornaient les couloirs de la Lintorna. Elles avaient fui leurs cités, et à présent elles parcouraient les Pins à la recherche de leurs peuples, qui étaient probablement retenus quelque part, sans avoir aucune idée du qui ou du pourquoi, ni même du comment.  On ne déclenchait pas un incendie d’une telle envergure avec une simple dae de feu. Si Angela avait su que ce serait ça, sa nouvelle vie d’ange ailée et majeure… Ce n’était pas tout à fait la vie qu’elle s’était promis.

Soudain, le sillim s’agita.

  • Qu’est-ce qu’il y a ? s’inquiéta Rosélia.

Il commença à frapper le sol de ses sabots. Son attitude fit dresser les cheveux d’Angela sur sa tête. Les battements de son cœur s’accélérèrent en même temps que son instinct* l’alertait : un danger approchait.

A peine quelques secondes plus tard, un homme sorti de la forêt. Grand, musclé, robuste. Mais étrangement maigre. Angela et Rosélia se levèrent de concert, et il darda sur elles des yeux furieux. Son visage était dur, fermé. Angela n’osait pas bouger. Il la mettait mal à l’aise et la terrifiait tout à la fois. Son allure de guerrier malade, son regard dur et insensible, elle n’avait jamais rencontré quelqu’un comme lui.

Il bougea si vite qu’Angela le perdit de vue. L’instant d’après, des flèches de feu striaient le ciel pour se planter en cercle autour d’elles. Rosélia hurla de peur. Le sol, maculé d’aiguilles de Pins, s’embrasait à une vitesse vertigineuse. Les flammes, qui déjà atteignaient deux mètres de hauteur, rampèrent jusqu’au pin le plus proche, le transformant en torche géante. Angela était paralysée. Le feu craquait et crépitait. La chaleur était affreuse. C’était les mêmes sons que dans sa cité détruite, la même odeur âcre. Magical allait encore s’enflammer, et cette fois, elle n’y échapperait pas.

Elle commença à trembler de tous ses membres : Angela avait peur des espaces clos, et elle se retrouvait enfermée dans un mur de flammes ! C’était trop ! Trop ! L’incendie, la disparition des Imagis et maintenant ça ? Elle n’en pouvait plus, elle voulait juste que tout cela cesse, elle voulait juste se retrouver dans son lit, dans sa cité, en train de prendre un petit-déjeuner à la Spazzia, sur une terrasse ouverte à tous les vents. Elle sanglota sans pouvoir s’en empêcher : au lieu de la vie qu’elle avait imaginé, elle allait finir rôtie à point par un homme dont elle ne connaissait rien. Si ça se trouve, les Imagis avaient déjà été tués.

  • Angela !

La voix autoritaire de Rosélia la ramena au moment présent. Elle toussa après avoir avalé beaucoup trop de fumée et remarqua la chaleur insupportable et les flèches de feu qui continuaient à tomber. Elle en évita une de justesse. Une seconde de plus et elle aurait été défigurée.

Angela chercha Rosélia du regard, mais elle avait disparu, comme le Sillim. Pendant un terrible instant, elle envisagea qu’ils se soient enfuis sans elle. Une fois de plus, elle était seule.

  • Ici ! hurla de nouveau la voix de la fée.

L’ange leva la tête et vit Rosélia juchée sur le sillim. Ils flottaient juste au-dessus d’elle, coincés par le mur de flamme qui atteignait à présent les trois mètres. Le sillim replia brusquement une de ses ailes pour éviter une nouvelle flèche. Comment l’homme pouvait-t-il viser si haut ? Angela finit par repérer l’archer, juché entre deux branches d’un grand Pin. Il encochait déjà une nouvelle flèche, sans la moindre émotion. Elle aurait voulu bouger, faire quelque chose, mais la peur la clouait sur place. Elles allaient mourir toutes les deux, et l’homme ferait du sillim son repas.

Une nouvelle fois, la voix de Rosélia remit sa raison en marche :

  • Angela envole-toi ! On va traverser le fleuve, il ne pourra pas nous suivre à pied !

Bien sûr, pourquoi n’y avait-elle pas pensé plus tôt ? Elle déploya ses ailes toutes neuves et se projeta hors du mur de flammes, suivie de près par le sillim, un peu ralenti par le poids de Rosélia. Ils atteignirent rapidement le fleuve, sous les flèches qui continuaient de fuser. Cependant Angela et le Sillim étaient nés pour voler. Éviter les flèches en plein ciel n’était plus si compliqué, une fois l’effet de surprise passé. Vu la vitesse de leur vol, ils distancieraient bientôt leur attaquant.

C’est au moment où Angela envisageait leur fuite qu’elle perçu l’essence*. Une essence puissante, beaucoup plus menaçante que celle de l’archer. Au même instant, elle se sentit tomber. Le poids léger de ses ailes dans son dos venait de disparaitre, et le bruit de l’eau se rapprochait. Angela tombait. Pourquoi est-ce qu’Angela tombait et ne sentait plus ses ailes ? Le vent sifflait à ses oreilles.

La fée la rattrapa par le bras et elle se retrouva à moitié sur le sillim. Elle jeta un œil à ses épaules et tata son dos dans un grand sursaut de panique.

  • Rosélia, Rosélia, bredouilla-t-elle. Mes ailes ! Mes ailes ! Elles…elles ne sont plus…là !
  • Je sais, mais on y réfléchira plus tard ! Avec nos deux poids, le sillim va avoir du mal à éviter les flèches, répondit-elle avant de pousser un cri.

Une flèche était passée à un millimètre de sa main et seule une grande embardée du sillim l’avait empêché de se ficher dans son flanc. Angela, du fond des brumes de son effroi, réalisa qu’elles survolaient toujours le fleuve. L’homme visait de façon à les ralentir, à leur barrer la route, plus que pour les toucher. Et il n’était pas seul. Quelqu’un d’autre avait fait disparaitre ses ailes.

  • Angela, il faut que tu éloignes les flèches ! lui demanda Rosélia. Utilise une dae de vent !
  • Je ne peux pas ! gémi-t-elle.

Elle avait toujours été incapable d’utiliser la véda* dans des situations de stress, encore moins de vie ou de mort. Rosélia se tourna vers elle et la secoua par les épaules :

  • Je sais que tu es terrifiée, mais on a besoin de toi. Je ne maitrise pas ce genre de dae, elles sont spécifiques aux anges, et on a besoin que tu nous ouvres la route, sinon on finira tous les trois en brochette ! Angela, je suis sûre que tu peux y arriver. Mon instinct me dit que tu es puissante, plus que je ne peux l’imaginer. Je crois en toi ! Alors vas-y !

Je crois en toi… J’ai besoin de toi…Quelques larmes perlèrent au coin de ses yeux : c’était tout qu’elle avait toujours rêvé d’entendre. Rien ne s’était passé comme prévu depuis sa cérémonie d’élage, mais au fond, elle avait ce qu’elle voulait. Angela pouvait être utile, là, maintenant. Ce n’était pas le moment d’être paralysée par la peur. L’ange souffla un bout coup, entendit ses bras et se concentra sur les paroles de Rosélia plus que sur les battements erratiques de son cœur :

  • Ventodae* !

Une grande rafale de vent balaya les flèches qui les entouraient et celles qui arrivaient, en rejetant toutes les attaques sur une bonne dizaine de mètres. Plus rien ne les empêchait de traverser le fleuve : elles avaient quelques secondes pour prendre de l’avance. Le sillim accéléra sensiblement et Angela se dit que, peut-être, elles allaient s’en sortir.

C’était sans compter sur cette autre personne. Angela perçu de nouveau son essence. Les poils de ses bras se dressèrent, et les ailes parcheminées du sillim disparurent. Angela tomba, accompagnée des hurlements de Rosélia, jusqu’à ce que l’eau glaciale de l’Oléo l’attrape. Elle suffoqua un moment, à la recherche d’air, dans un monde de vagues et de noir total. Plusieurs fois, Angela heurta des rochers de plein fouet qui semblèrent lui fracasser le crâne. Le fleuve était plein de rapides et le courant l’emportait sans qu’elle ne puisse rien y faire.

Elle sentit soudain qu’on la tirait, et l’air remplaça l’eau. Elle avala goulument et une fois sa respiration à peu près normale, elle leva la tête pour remercier Rosélia et lui demander comment elle avait réussi à sortir du fleuve. Avant qu’Angela ait pu voir quoi que ce soit, elle fut frappée d’un grand coup à la tête et l’obscurité l’emporta.

Chapitre 3

L’attaque

ANGELA

 

Angela n’arrivait pas à y croire : les réserves avaient été pillées. La porte, arrachée. Seul un Imagis pouvait faire ça.

  • Peut-être que les fées ont pris toute la nourriture avant de partir ? supposa-t-elle

Rosélia haussa les sourcils.

  • Tu prends des réserves de nourriture avec toi quand tu fuis un incendie ?
  • Non, soupira-t-elle. Mais si ce ne sont pas les fées qui les ont emportés…

Angela ne voulait pas croire que quelqu’un ait pillé les réserves. Qui l’aurait fait ? Pourquoi ? Dans un monde où tous les peuples partageaient leurs vivres et où personne ne manquait de nourriture, cela paraissait insensé. Elle ne voulait pas donner du crédit à l’idée qui germait dans son esprit. Et si l’incendie n’avait été qu’une diversion ? Non, c’était impossible. Aucun Imagis ne saccagerait la nature pour arriver à ses fins.

  • Il y a un moyen de savoir, dit Rosélia en sortant du réduit. Si ce sont les fées qui ont pris toute la nourriture, elles auraient aussi vidé les réserves secrètes.

Bien sûr ! Ça paraissait évident. Chaque pays gardait une partie de leurs vivres dans une réserve cachée, contrairement aux réserves normales où n’importe qui pouvait se servir. C’était un vieil héritage de la guerre, à l’époque où les pays ne partageaient plus leurs biens.

Quelques minutes plus tard, assise à même le sol, Angela grignotait une pomme, maussade. Elle en donna une au sillim qui la croqua avec délice. Elle devait bien se résoudre à l’évidence : les réserves cachées n’avaient pas été pillés, ce qui signifiait :

  • Quelqu’un a déclenché l’incendie et volé notre nourriture, affirma-t-elle
  • Plusieurs quelqu’un, ajouta Rosélia en se servant dans leur piquenique improvisé. L’incendie s’est déclenché partout, une personne seule n’aurait pas pu faire ça.

Angela hocha la tête, avant d’entendre la fée jurer.

  • Mais pourquoi quelqu’un aurait fait un truc pareil ?

Angela n’en avait aucune idée. Elle se sentait dépassée. La peur grandissait en elle.

  • Si l’incendie a été déclenché à dessein, alors le fait qu’on ne retrouve pas les imagis…
  • Tu penses qu’ils sont en danger, que quelqu’un s’en est pris à eux ? réagit Rosélia
  • Ils seraient déjà revenus, s’ils avaient juste fui l’incendie, affirma Angela

Les yeux de la fée se remplirent d’horreur et de larmes, mais elle les essuya d’un geste rageur.

  • Qui pourrait vouloir retenir les Imagis ? Et où ?

Angela secoua la tête. Elle n’avait aucune explication. Tout ce qu’il s’était passé depuis la veille n’avait aucun sens. Qui voudrait incendier Magical, qui voudrait s’en prendre aux Imagis ? Personne ! L’amitié des royaumes était solide, il était impossible qu’une des cités ait attaquée l’autre. Et puis de ce qu’elle avait vu, le feu n’avait épargné personne. Comment une population entière pouvait-elle disparaitre comme ça ?

  • Il faut retrouver les Imagis, décida Rosélia, même si pour ça on doit envisager que quelqu’un ait sciemment détruit nos cités. Où est-ce qu’on pourrait cacher quatre peuples, selon toi ?

L’ange réfléchit un instant avant de répondre.

  • Il faudrait que ce soit discret, un endroit qu’on ne voit pas, même en le survolant.

Rosélia renchérit.

  • Assez grand pour cacher tout le monde
  • Immense et discret, résuma Angela.

Elles restèrent silencieuses quelques instants, perdues dans leurs réflexions.

  • Ça exclue Flora et Angelica qui sont des territoires à découvert. Ce qui nous laisse la mer d’Acqua et tout le territoire de Silṽus…soupira Rosélia.
  • Acqua n’était qu’un grand nuage de vapeur quand je me suis réveillé, il n’y avait pas d’eau pour cacher les Imagis, et il n’y a que les sirènes qui peuvent rester au fond de l’eau pendant plus d’une journée, retorqua Angela.
  • Donc il nous reste Silṽus, dit Rosélia. Et franchement entre Les Pins, les Alpages, et le Macki, je ne vois pas comment on pourrait départager. Ces trois territoires sont aussi immenses et discrets les uns que les autres.
  • On a plus qu’à tout explorer. 

Rosélia l’observa avec des yeux ronds :

  • Ça nous prendrait des mois !
  • Est-ce qu’on a le choix ? s’énerva Angela.

La fée détourna la tête d’un geste brusque, mais Angela vit de nouvelles larmes couler sur ses joues. Elle pouvait presque voir le reflet de ceux qu’elle avait perdus dans ses yeux. L’ange respecta sa douleur et se tut. Rosélia finit par reprendre la parole, déterminée :

  • Le problème, c’est que Magoste, la cité du Macki, est bien cachée. C’est une cité souterraine. J’y suis allé quelques fois mais je n’arriverais pas en retrouver l’entrée. Quant aux Pins, on risque de s’y perdre.

Du fond de ses souvenirs, Angela vit surgir une immense forêt de pins qui se ressemblaient tous : même les elphes des autres territoires s’y perdaient, s’ils n’étaient pas guidés.

  • On n’a qu’à aller à Virossa, et ensuite on avisera, proposa Angela.

Elle n’aimait pas trop avancer à vue, mais si elles restaient là à se prendre la tête et à s’angoisser dans cette cité vide, elles allaient toutes les deux finir par devenir folles. Virossa, la cité des Alpages, leur offrirait un bon point de départ.

Rosélia réfléchit un moment puis hocha la tête :

  • Tu as raison, allons à Virossa. On n’est pas loin des Pins, on devrait passer par la frontière terrestre et retrouver le fleuve Oléo. On suivra la rive jusqu’au premier pont pour traverser.
  • Je te suis, accepta Angela en se levant.

Rosélia l’observa avec un air mi-perplexe, mi-moqueur.

  • Quoi ?
  • Tu es encore en pyjama.

Angela jeta un regard sur sa robe et vit qu’effectivement, elle était en chemise de nuit. Rosélia se releva à son tour :

  • Si on doit traverser tout Silṽus, il va nous falloir du matériel.

Quelques minutes plus tard, munies de deux sacs à dos remplis de nourriture et habillées correctement grâce aux réserves secrètes, Angela et Rosélia quittèrent Aestas pour s’enfoncer dans la forêt, suivies de près par le sillim. Une heure plus tard, elles atteignirent la frontière du royaume de Silṽus.

La forêt s’étendait à leurs pieds. Angela observa les lignes interminables des pins parasols qui s’entrecroisaient, leurs longs troncs lisses qui s’étendaient jusqu’au ciel, et le soleil qui filtrait en rais dorés jusque sur le sol entièrement tapissé d’aiguilles. Les bruits étaient feutrés, étouffés. Le silence, épais. Le terrain était plat sur autant de kilomètres qu’Angela pouvait en apercevoir. Rosélia avait raison : cette forêt n’offrait aucun point de repère fiable. Elle était déjà venue en visite, mais Angela aurait été incapable de dire dans quelle direction se trouvait Zacada, la cité des elphes chasseurs.

Elle chercha le fleuve des yeux, mais il était probablement trop loin pour qu’elle l’aperçoive.

  • Comment on va faire pour longer l’Oléo, si on ne voit pas l’Oléo ?

Rosélia lui intima de se taire, l’air concentré. Le silence se fit plus dense, et au bout de quelques secondes, elle s’enfonça dans la forêt en essayant de faire le moins de bruit possible.

Angela s’efforça de lui faire confiance et de la suivre le plus discrètement possible, jusqu’à ce que la fée lui montre du doigt une petite rivière qui serpentait entre les arbres en glougloutant.

  • Il ne nous reste plus qu’à la suivre en sens inverse, toutes les rivières du coin prennent leur source dans l’Oléo, s’exclama Rosélia avec sourire fier, un des premiers qu’Angela lui voyait.

L’action apaisait visiblement ses inquiétudes. Angela, elle, se réjouissait de l’ouïe fine des fées. Sans Rosélia, elle n’aurait jamais trouvé cette rivière. Elles se mirent donc en marche. Si la situation n’avait pas été aussi embrouillée, Angela aurait apprécié la promenade : il n’y avait ni montée difficile ni pente pénible, la température était agréable. C’était le printemps et le monde était jeune et beau.

Les heures passèrent sans encombre et elles trouvèrent bientôt l’Oléo : le fleuve rugissait et se jetait contre les rochers. De temps à autre, un poisson sautait en l’air, faisant sursauter Rosélia. Angela s’efforçait de ne pas rire, mais c’était plutôt difficile. La fée râlait alors, mais avec le sourire. Elle en profitait pour lui raconter sa vie et toutes ces fois où Roméo, son ami d’enfance et prince des fées de la nuit, s’amusait à lui faire peur. Angela devinait alors toute l’affection qu’elle lui portait et l’angoisse qui accompagnait chacun de ses pas.

Elles longèrent la rive si longtemps que leurs discutions, de leur enfance aux théories plus ou moins farfelues pour expliquer la disparition des Imagis, s’effacèrent dans un silence fatigué. Le chemin avait beau être facile à parcourir, la journée avait été plus que longue et quand le soleil commença à se coucher, Angela était épuisée. Elle ne rêvait que de se mettre en boule et de dormir. Seule l’inquiétude de Rosélia, qui se rongeait les ongles depuis des heures sans avoir l’air de vouloir s’arrêter, la poussait à continuer de marcher.

Enfin, aux derniers rayons du soleil, la fée décréta qu’il était temps de s’arrêter, avant qu’elles ne voient plus leurs pieds. Angela s’effondra à même le sol en dissimulant un soupir de soulagement. Bien sûr, elle voulait retrouver les Imagis plus que tout, et elle aurait marché toute la nuit s’il l’avait fallu, mais elle se serait probablement endormie debout et réveillée quelque part dans la forêt. Elle avait l’impression que ses pieds allaient exploser : contrairement aux fées et aux elphes qui avaient l’habitude de marcher, les anges n’étaient pas franchement adeptes des longues randonnées.

Le sillim s’allongea à côté d’elle pendant que Rosélia sortait de son sac des fruits, des céréales, de la viande séchée, du fromage et tout ce qu’elles avaient pu trouver de transportable dans les réserves des fées. L’obscurité les entourait. D’un murmure, Angela créa une limfe. La boule de lumière flotta autour des deux Imagis, les éclairant l’une après l’autre.

  • Tu peux aller chercher de l’eau ? lui demanda Rosélia en lui tendant deux gourdes d’herbe tressé.

Angela pris les gourdes en se demandant comment les fées réussissaient à les faire si solides à partir d’herbe, mais le tissage et le tressage étaient leur spécialité après tout. Elle déploya ses ailes avec délice et se pencha au-dessus de l’Oléo, suivie de près par la limfe qui s’était scindée en deux pour permettre à Rosélia de voir quels aliments elle sortait de son sac. L’ange se reposa ensuite aux côtés de la fée et but une gorgée de l’eau glacée du fleuve, avant d’accepter la tartine de pain, de fromage et de viande séchée que Rosélia lui tendait.

Rassasiée, elle prit conscience de l’étrangeté de la situation : elle était assise en pleine forêt, avec une fée qu’elle venait de rencontrer, alors que la nuit transformait le paysage en une de ces peintures bleu-grise qui ornaient les couloirs de la Lintorna. Elles avaient fui leurs cités, et à présent elles parcouraient les Pins à la recherche de leurs peuples, qui étaient probablement retenus quelque part, sans avoir aucune idée du qui ou du pourquoi, ni même du comment.  On ne déclenchait pas un incendie d’une telle envergure avec une simple dae de feu. Si Angela avait su que ce serait ça, sa nouvelle vie d’ange ailée et majeure… Ce n’était pas tout à fait la vie qu’elle s’était promis.

Soudain, le sillim s’agita.

  • Qu’est-ce qu’il y a ? s’inquiéta Rosélia.

Il commença à frapper le sol de ses sabots. Son attitude fit dresser les cheveux d’Angela sur sa tête. Les battements de son cœur s’accélérèrent en même temps que son instinct* l’alertait : un danger approchait.

A peine quelques secondes plus tard, un homme sorti de la forêt. Grand, musclé, robuste. Mais étrangement maigre. Angela et Rosélia se levèrent de concert, et il darda sur elles des yeux furieux. Son visage était dur, fermé. Angela n’osait pas bouger. Il la mettait mal à l’aise et la terrifiait tout à la fois. Son allure de guerrier malade, son regard dur et insensible, elle n’avait jamais rencontré quelqu’un comme lui.

Il bougea si vite qu’Angela le perdit de vue. L’instant d’après, des flèches de feu striaient le ciel pour se planter en cercle autour d’elles. Rosélia hurla de peur. Le sol, maculé d’aiguilles de Pins, s’embrasait à une vitesse vertigineuse. Les flammes, qui déjà atteignaient deux mètres de hauteur, rampèrent jusqu’au pin le plus proche, le transformant en torche géante. Angela était paralysée. Le feu craquait et crépitait. La chaleur était affreuse. C’était les mêmes sons que dans sa cité détruite, la même odeur âcre. Magical allait encore s’enflammer, et cette fois, elle n’y échapperait pas.

Elle commença à trembler de tous ses membres : Angela avait peur des espaces clos, et elle se retrouvait enfermée dans un mur de flammes ! C’était trop ! Trop ! L’incendie, la disparition des Imagis et maintenant ça ? Elle n’en pouvait plus, elle voulait juste que tout cela cesse, elle voulait juste se retrouver dans son lit, dans sa cité, en train de prendre un petit-déjeuner à la Spazzia, sur une terrasse ouverte à tous les vents. Elle sanglota sans pouvoir s’en empêcher : au lieu de la vie qu’elle avait imaginé, elle allait finir rôtie à point par un homme dont elle ne connaissait rien. Si ça se trouve, les Imagis avaient déjà été tués.

  • Angela !

La voix autoritaire de Rosélia la ramena au moment présent. Elle toussa après avoir avalé beaucoup trop de fumée et remarqua la chaleur insupportable et les flèches de feu qui continuaient à tomber. Elle en évita une de justesse. Une seconde de plus et elle aurait été défigurée.

Angela chercha Rosélia du regard, mais elle avait disparu, comme le Sillim. Pendant un terrible instant, elle envisagea qu’ils se soient enfuis sans elle. Une fois de plus, elle était seule.

  • Ici ! hurla de nouveau la voix de la fée.

L’ange leva la tête et vit Rosélia juchée sur le sillim. Ils flottaient juste au-dessus d’elle, coincés par le mur de flamme qui atteignait à présent les trois mètres. Le sillim replia brusquement une de ses ailes pour éviter une nouvelle flèche. Comment l’homme pouvait-t-il viser si haut ? Angela finit par repérer l’archer, juché entre deux branches d’un grand Pin. Il encochait déjà une nouvelle flèche, sans la moindre émotion. Elle aurait voulu bouger, faire quelque chose, mais la peur la clouait sur place. Elles allaient mourir toutes les deux, et l’homme ferait du sillim son repas.

Une nouvelle fois, la voix de Rosélia remit sa raison en marche :

  • Angela envole-toi ! On va traverser le fleuve, il ne pourra pas nous suivre à pied !

Bien sûr, pourquoi n’y avait-elle pas pensé plus tôt ? Elle déploya ses ailes toutes neuves et se projeta hors du mur de flammes, suivie de près par le sillim, un peu ralenti par le poids de Rosélia. Ils atteignirent rapidement le fleuve, sous les flèches qui continuaient de fuser. Cependant Angela et le Sillim étaient nés pour voler. Éviter les flèches en plein ciel n’était plus si compliqué, une fois l’effet de surprise passé. Vu la vitesse de leur vol, ils distancieraient bientôt leur attaquant.

C’est au moment où Angela envisageait leur fuite qu’elle perçu l’essence*. Une essence puissante, beaucoup plus menaçante que celle de l’archer. Au même instant, elle se sentit tomber. Le poids léger de ses ailes dans son dos venait de disparaitre, et le bruit de l’eau se rapprochait. Angela tombait. Pourquoi est-ce qu’Angela tombait et ne sentait plus ses ailes ? Le vent sifflait à ses oreilles.

La fée la rattrapa par le bras et elle se retrouva à moitié sur le sillim. Elle jeta un œil à ses épaules et tata son dos dans un grand sursaut de panique.

  • Rosélia, Rosélia, bredouilla-t-elle. Mes ailes ! Mes ailes ! Elles…elles ne sont plus…là !
  • Je sais, mais on y réfléchira plus tard ! Avec nos deux poids, le sillim va avoir du mal à éviter les flèches, répondit-elle avant de pousser un cri.

Une flèche était passée à un millimètre de sa main et seule une grande embardée du sillim l’avait empêché de se ficher dans son flanc. Angela, du fond des brumes de son effroi, réalisa qu’elles survolaient toujours le fleuve. L’homme visait de façon à les ralentir, à leur barrer la route, plus que pour les toucher. Et il n’était pas seul. Quelqu’un d’autre avait fait disparaitre ses ailes.

  • Angela, il faut que tu éloignes les flèches ! lui demanda Rosélia. Utilise une dae de vent !
  • Je ne peux pas ! gémi-t-elle.

Elle avait toujours été incapable d’utiliser la véda* dans des situations de stress, encore moins de vie ou de mort. Rosélia se tourna vers elle et la secoua par les épaules :

  • Je sais que tu es terrifiée, mais on a besoin de toi. Je ne maitrise pas ce genre de dae, elles sont spécifiques aux anges, et on a besoin que tu nous ouvres la route, sinon on finira tous les trois en brochette ! Angela, je suis sûre que tu peux y arriver. Mon instinct me dit que tu es puissante, plus que je ne peux l’imaginer. Je crois en toi ! Alors vas-y !

Je crois en toi… J’ai besoin de toi…Quelques larmes perlèrent au coin de ses yeux : c’était tout qu’elle avait toujours rêvé d’entendre. Rien ne s’était passé comme prévu depuis sa cérémonie d’élage, mais au fond, elle avait ce qu’elle voulait. Angela pouvait être utile, là, maintenant. Ce n’était pas le moment d’être paralysée par la peur. L’ange souffla un bout coup, entendit ses bras et se concentra sur les paroles de Rosélia plus que sur les battements erratiques de son cœur :

  • Ventodae* !

Une grande rafale de vent balaya les flèches qui les entouraient et celles qui arrivaient, en rejetant toutes les attaques sur une bonne dizaine de mètres. Plus rien ne les empêchait de traverser le fleuve : elles avaient quelques secondes pour prendre de l’avance. Le sillim accéléra sensiblement et Angela se dit que, peut-être, elles allaient s’en sortir.

C’était sans compter sur cette autre personne. Angela perçu de nouveau son essence. Les poils de ses bras se dressèrent, et les ailes parcheminées du sillim disparurent. Angela tomba, accompagnée des hurlements de Rosélia, jusqu’à ce que l’eau glaciale de l’Oléo l’attrape. Elle suffoqua un moment, à la recherche d’air, dans un monde de vagues et de noir total. Plusieurs fois, Angela heurta des rochers de plein fouet qui semblèrent lui fracasser le crâne. Le fleuve était plein de rapides et le courant l’emportait sans qu’elle ne puisse rien y faire.

Elle sentit soudain qu’on la tirait, et l’air remplaça l’eau. Elle avala goulument et une fois sa respiration à peu près normale, elle leva la tête pour remercier Rosélia et lui demander comment elle avait réussi à sortir du fleuve. Avant qu’Angela ait pu voir quoi que ce soit, elle fut frappée d’un grand coup à la tête et l’obscurité l’emporta.

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