Chapitre 3 : Cellule

« Article numéro un : la Testiguard devra respecter une hygiène scrupuleuse. La désinfection des mains et des effets personnels est impérative dès l’entrée dans la cellule. La Testiguard portera exclusivement les combinaisons homologuées par le Centre. »

Hétaïre pénétra dans une pièce étroite, un sas de sécurité dans lequel elle entreprit de se déshabiller et de revêtir une combinaison dorée visiblement trop petite pour elle. Le tissu synthétique lui collait à la peau et constituait presque une menace pour son entrejambe. Elle abandonna son sac dans le sas, après en avoir extrait son carnet de notes personnel et une pile d’articles scientifiques qu’elles comptait bien lire durant son temps libre.

« Article numéro deux : la Testiguard a l’entière responsabilité de sa cellule et du matériel qu’elle contient. Tous les jours, elle effectuera un recensement minutieux des tubes de recueil, vérifiera leur étiquetage, entretiendra scrupuleusement toutes les surfaces sur lesquelles elle effectuera ses analyses. Son espace de vie devra également faire l’objet d’un ménage quotidien. »

Une fois passé le sas, on pénétrait dans un couloir le long duquel courait une paillasse rutilante. Les tubes de recueil trônaient au centre, telle une armée transparente. Le laboratoire disposait également d’un équipement informatique dernier cri et de tout le matériel nécessaire à l’analyse et à l’étiquetage des échantillons. Au fond du couloir, dans un renfoncement, se trouvait ses quartiers. Un lit simple, un bureau et un fauteuil. Quelques étagères. Elle savait que les conditions de vie d’une Testiguard étaient exécrables bien avant de venir ; rien ne devait les détourner du bien-être de leur sujet et de la conservation de l’espèce. « Deux ans, pensa-t-elle, rien que deux ans ».

« Les articles suivants réglementent strictement les rapports de la Testiguard au sujet. »

Elle énumérait, pour elle-même, la liste des règles que l’on lui avait remise en sortant du bureau de Veluca. Son sujet se trouvait au bout du couloir, derrière un autre sas qui abritait un cabinet de toilettes permettant à la Testiguard de se laver les mains, voire de se doucher, avant chaque interaction. Elle n’avait pas hâte de le rencontrer. Les sujets souffraient d’une très mauvaise réputation : on les disait paresseux, capricieux. Il arrivait que, lorsque leur Testiguard ne leur revenait pas, ils inventent toutes sortes d’histoires pour s’en débarrasser. Les plaintes pour harcèlement sexuel étaient nombreuses. « Article n°74 : la Testiguard se gardera d’entretenir une relation d’ordre sentimental avec son sujet et se refusera à toute relation sexuelle avec celui-ci. Ceci pour maintenir la pérennité de leur collaboration et veiller au maintien de la production d’une semence de qualité ».

Après avoir procédé à l’inspection de ses outils de travail et installé ses quelques affaires dans ses quartiers, elle dut se résoudre à aller frapper trois coups à la porte du fond. Il lui fallut plusieurs dizaines de secondes pour se rappeler qu’elle ne frappait en réalité qu’au sas et que le sujet n’avait pu l’entendre. Elle passa la première porte et constata que le sas et le cabinet de toilette ne formait en réalité qu’une seule et même pièce. Elle devrait prendre sa douche, se soulager, en plein dans le passage qui conduisait des appartements du sujet au laboratoire. Cela avait beau relever d’une organisation très pragmatique de l’espace, c’était tout à fait déplaisant. Elle se lava rapidement les mains au lavabo qui jouxtait la porte qui donnait sur l’espace réservé à 735.

Elle frappa de nouveau trois coups secs et attendit. Elle dut s’y reprendre à trois fois avant d’obtenir une réponse. Dans l’intervalle, quelques bruits sourds l’avaient assurée qu’on l’avait entendue et que l’on s’était agité.

« Entrez. »

Ce qui la frappa, ce fut tout d’abord la lumière puissante du jour. Elle émanait d’un plafond percé d’une longue tranchée brillante. Le bâtiment s’ouvrait sur le ciel, non sur ses côtés. Hétaïre regretta que les laboratoires ne jouissent pas du même privilège. Evidemment, la présence de lumière naturelle dans la cellule de 735 s’expliquait par le rôle essentiel que jouait la vitamine D dans la qualité du sperme.

Passé le premier éblouissement, Hétaïre perçut les contours d’une pièce blanche meublée avec soin. 735 disposait de tous les équipements nécessaires à un séjour long sur place : un large lit, une petite cuisine et un salon où il ne pouvait cependant recevoir personne. Hétaïre s’étonna de la présence d’un ordinateur portable : les dernières recherches en date évoquaient l’effet délétère des ondes sur la qualité de la semence. Elle savait néanmoins que l’on avait tendance à privilégier les effets positifs de la sérotonine. L’ennui était aussi extrêmement toxique et il fallait absolument en préserver les sujets.

735 se tenait au beau milieu de la pièce. Il était grand, mais il ne la dépassait pas, ce qui la rassura. Il se tenait assez mal, comme tordu, une hanche saillante visible sous sa large chemise. Il était maigre, d’une maigreur qui ne manqua pas d’inquiéter Hétaïre sur son état de santé. Il avait visiblement oublié de se raser depuis plusieurs jours et ses cheveux sombres évoquait une armée en déroute sur un rocher. Il avait les traits tirés d’un homme qui dormait peu ou mal. Son expression était indéfinissable : Hétaïre y perçut tour à tour du mépris, de la curiosité et de l’anxiété. « Deux ans. Juste deux petites années. »

 « Bonjour, je suis la doctoresse Ch…

- La douche est bouchée. » asséna-t-il, de la voix rauque d’un homme qui n’avait encore adressé la parole à personne depuis son réveil.

Hétaïre se remémora l’article 17 : « La Testiguard s’engage à assurer un suivi complet de son sujet. Elle doit préserver sa santé, assurer son confort et son divertissement. Elle doit être capable d’assurer toutes les tâches nécessaires à ces exigences. » Elle jaugea 735, qui soutint son regard sans sourciller. Si cet énergumène voulait jouer à ce jeu, il était tombé sur la mauvaise personne : dans deux ans, elle aurait son poste et ses financements.

« Je m’en occupe », répondit-elle.

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Flammy
Posté le 27/12/2020
Ca a vraiment l'air d'être un métier pas ouf Testiguard ='D Je comprends mieux les réticences d'Edna au chapitre précédent. Entre le côté très contrôlé, les milles règles et les conditions de vie plus que spartiates... Elle va pas s'amuser pendant deux ans.

En tout cas, je suis un peu surprise de l'apparence de 735, il a l'air un peu malade pour quelqu'un qui produit si bien du sperme =o Enfin, c'est peut-être juste parce qu'il a pas eu de garde pendant un moment... En tout cas, quelque chose me dit qu'il va pas être facile à gérer ce loustic là x)
Sophie_Colomes
Posté le 27/12/2020
Merci pour tes commentaires Flammy ! J'espère que la suite t'intéressera autant ! 735 va se révéler au fur et à mesure...
Sklaërenn
Posté le 25/12/2020
On découvre son nouvel environnement et le sujet est un peu bourru de prime abord. À voir par la suite ce que ça va donner, mais il y a déjà tout un tas de règle à respecter visiblement.
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