Chapitre 3

Le lendemain, je suis l'adresse indiquée sur ce fameux prospectus. Je m'attendais à me retrouver face à une petite cabane au fond du jardin, à côté d'une forêt lugubre, et peut-être avec des personnes étranges au passage. Bon, j'ai quand même trouvé une petite librairie dans le coin avec des bouquins peu recommandables. Non, ce n'était pas du Fifty Shades, mais plutôt des livres de type... occultes. Peut-être que j'y retournerai pour Halloween.

Même Ayden avait eu envie d'y faire un tour pour quelques cadeaux trollesques. Parce que, oui, bien évidemment, je l'ai emmené avec moi pour cette petite virée. Enfin, il a tenu à m'accompagner. Il craignait que je me fasse kidnapper par la mafia russe, alors que je suis bien trop géniale pour la mafia russe. Ils savent déjà d'avance qu'ils n'ont aucune chance de m'attraper.

Finalement, nous nous retrouvons devant une grande maison luxueuse et moderne, complètement à l'opposé d'un vieux manoir bien effrayant. Je me suis même retrouvé dans un coin plutôt bien réputé de la ville. Le genre d'endroits où je ne traîne jamais. Parce que, malheureusement, je n'ai toujours pas trouvé de compagne blindée de tunes. Au lieu de ça, je me contente de sortir avec des filles de classe pauvre, comme moi – à mon plus grand malheur.

— Tu es sûre que c'est là ? me demande mon ami.

— C'est bien la bonne adresse. La même que sur le papier.

Je vérifie une énième fois qu'on est au bon endroit en sortant le prospectus. Puis je me tourne vers mon téléphone. Visiblement, Google Maps n'a toujours pas changé d'avis. J'en conclus donc qu'on est exactement là où on devrait être.

— Google Maps ne nous ment jamais, ajouté-je, fière de moi.

— En même temps, comment il peut mentir s'il sait tout de ta vie ?

— Chut ! Tu vas réveiller le FBI et on va finir en prison !

Il lève les yeux au ciel, pour changer.

Je range mon téléphone et fais quelques pas vers l'entrée. Remarquant qu'il ne me suit pas, je me tourne vers lui.

— Tu me suis, oui ou merde ? lancé-je, légèrement remontée.

— Hors de question que je rentre dans la maison d'une sorcière ! T'as cru que j'étais fou ou quoi ?

— Mais je pensais que t'y croyais pas à ça !

— En effet, mais je ne veux pas prendre le risque. Imagine si c'est vraiment une sorcière et que par le plus grand des hasards, elle me déteste parce qu'un de mes ancêtres a buté un de ses ancêtres.

Je croise mes bras et lui lance un regard assassin.

— C'est un peu capillotracté ton histoire, lui fais-je remarquer.

— Pas du tout ! Je l'ai vu dans Charmed ! se défend-il toujours aussi lamentablement.

Cette fois-ci, c'est à mon tour de lever les yeux. J'arrive pas à croire qu'il se réfère à l'antiquité qu'est cette série. Enfin, il se faisait régulièrement l'intégrale, probablement tous les deux mois, et aussi quand il venait de se faire larguer. Au début, j'avais tenté de regarder avec lui, puis il m'avait viré de ses séances quand mes rires intempestifs pour tout et rien l'énervèrent. En même temps, ça pouvait vraiment être n'importe quoi cette série... En fait, toutes les séries, c'est n'importe quoi et du coup, ça en devient très drôle ! Croyez-moi ! Il suffit juste de prendre tout ça avec beaucoup de légèretés !

— Très bien ! Tu n'as qu'à m'attendre ici telle la mauviette que tu es !

En quelques instants, un sourire s'était dessiné sur son visage puis aussitôt effacé. Je le savais bien qu'il ne supporterait pas d'être dénigré à ce point. Ses sourcils se froncent alors et je ne lui laisse même pas le temps de répondre que je me tourne en direction de la porte.

Je sonne en espérant qu'on m'ouvre rapidement. Au bout de quelques minutes, une grande femme aux cheveux roux sort de chez elle. Elle arque un sourcil en me voyant puis s'approche de moi.

— Bonjour, que puis-je pour vous ? me demande-t-elle d'un air assez hautain.

— Je cherche Ravynne Diablo.

— Vous l'avez sous vos yeux.

— Parfait ! J'ai un petit service à vous demander !

— Entrez, me propose-t-elle accompagné d'un simple geste de main.

On se regarde. Elle n'a pas l'air de comprendre.

— Je veux bien... Mais votre portail est fermé, lui fais-je remarquer.

— Oh pardon !

Elle ouvre enfin son portail et me conduit à l'intérieur de sa demeure. L'intérieur est du même genre que l'extérieur : simple, très blanc, très sobre. Exactement le genre de design qui fait fureur en ce moment – ou que n'importe quel designer choisirait parce que ça coûte extrêmement cher.

Elle m'emmène dans son salon et nous nous installons chacune sur un fauteuil. Comme je m'y attendais, celui-ci est extrêmement moelleux et incroyablement doux. Franchement, je l'aurais volé si ce n'était pas aussi compliqué à transporter. Et même si je vis dans un tout petit appartement où je peine à déambuler, un fauteuil moelleux et doux n'est jamais de trop.

— Voulez-vous quelque chose à boire ?

— De la pisse de chat bien sûr, je réponds avec le plus grand calme.

Elle arque un sourcil, à la fois intriguée et dubitative par mes propos, puis je laisse quelques instants de silence avant de reprendre de plus belle :

— Je déconnais bien sûr ! De toute manière, je n'ai pas soif.

Son visage reprend sa mine naturelle, par défaut, et elle prend une brève inspiration en fermant les yeux. J'ai presque l'impression qu'elle se concentre un peu trop pour ce geste. Après tout, c'est une sorcière, il y a probablement quelque chose derrière cette simple inspiration.

— Parlez-moi plutôt de votre problème.

— Mon patron. C'est un gros con ! explosé-je simplement. Il est moche, il pue des pieds. Et surtout, le pire, c'est qu'il me fait chier à cause de ma couleur de cheveux !

— Ah... En effet, il est très con ! J'aime beaucoup votre couleur de cheveux pourtant, me complimente-t-elle comme si de rien n'était.

— Merci beaucoup. J'aime beaucoup vos cheveux aussi... C'est naturel ?

— Oh non, pas du tout ! J'ai juste toujours voulu être rousse !

Je vais complètement oublier mon plan, mais tant pis, on peut discuter couleur de cheveux ensemble. Et puis, elle est terriblement mignonne. Enfin, je ne vais pas lui proposer le moindre rencard dans ce genre de circonstances.

Ce n'est que maintenant que je remarque à quel point son visage est doux et fin – bien plus que le fauteuil dans lequel je suis assis. Tout semble si parfait et harmonieux dans ses traits, comme si c'était une déesse venue d'un autre monde. Enfin, il s'agit tout de même d'une sorcière. Logique en soi !

Je reprends alors mes esprits et arrête de la dévisager lorsqu'elle se racle la gorge. Elle ne voulait pas faire dériver la conversation – à mon plus grand malheur.

— Reprenons. Votre problème ?

— Je veux que mon patron arrête de me faire chier... Je veux me débarrasser de lui... Et pour toujours.

— Quel genre de disparition ? Une mort douloureuse ou sans la moindre trace ? me demande-t-elle d'un ton on ne peut plus professionnel.

Elle me propose des solutions assez classiques et fort peu fun. En un claquement de doigts, il disparaît, certes, mais c'est bien trop simple. Il me faut quelque chose de plus spectaculaire.

Allez Daphne... Trouve une idée de génie comme tu sais si bien le faire... Je regarde autour de moi. Je vois des crânes sur les meubles qui dénotent avec le reste de la décoration, je vois une sorte de croix religieuse... et un aquarium.

Oh mais bien sûr !

— Euh... Je veux qu'il soit transformé en peluche ! En peluche de requin ! m'écrié-je.

— Quoi ?

— Une peluche de requin ! Après tout, ça le représente bien ! Il veut faire le gros dur, mais ce n'est qu'une merde incapable de faire quoi que ce soit !

— Oh mais bien sûr que j'ai ce qu'il vous faut ! se reprend-elle en se levant d'un bond. Je vais vous chercher ça.

Elle quitte la pièce un instant. J'en profite pour me lever et observer les poissons dans l'aquarium. Celui-ci est plutôt grand et assez espacé, suffisamment pour que les quelques poissons s'y trouvant aient peu de chances de s'y croiser toutes les deux minutes – quoique, c'est vraiment con un poisson des fois. Je suis sûre qu'ils seraient capables de se dévorer entre eux sur un accès de stupidité.

 Je remarque alors un poisson rouge qui se cogne contre la vitre en boucle, et ce, pendant de longues minutes. Bah voilà ! Qu'est-ce que j'ai dit dans le paragraphe précédent ? Certes, il ne mange pas un de ses potes, mais on n'est tout de même pas très loin.

— Wow ! T'es vachement con toi !

Et il continue en plus...

Si seulement il savait que je me foutais de sa gueule, il arrêterait probablement sur-le-champ. Mais non, poisson rouge est un abruti et va mourir à force de se cogner.

Puis un deuxième poisson le rejoint dans sa connerie. Ils sont désormais deux à taper dans la vitre de l'aquarium. C'est vraiment de pire en pire ! Sont-ils possédés par une étrange magie noire ? Après tout, je suis dans la maison d'une sorcière, ce serait à peine étonnant.

— Ramène pas tes potes pour faire genre que t'es intelligent !

Et là, d'autres poissons se rajoutent petit à petit. Ils commencent à tous se cogner contre le bocal et réussissent à le renverser – ce qui est vraiment très impressionnant à voir vu la taille de celui-ci. Tous les poissons tombent au sol et gigotent dans tous les sens à la recherche d'eau.

— Hé non ! Vous pouvez pas vous enfuir comme ça bande de trous de balle ! me moqué-je d'eux.

Je remarque alors que Ravynne est de retour avec une boîte dans les mains. Elle semble assez choquée de voir ses poissons par terre. Je constate également une pointe de tristesse dans son regard. À sa place, j'éviterais d'être triste pour des poissons qui sont aussi cons, parce que, tout de même, ils n'ont eu que ce qu'ils méritaient.

— Désolée... Ils étaient trop cons pour survivre, annoncé-je d'un ton assez neutre, sans la moindre tristesse dans ma voix.

— Je ne vois pas le rapport, rétorque-t-elle froidement.

— Ah bah je l'ai bien vu le rapport ! Ils ont vraiment joué aux cons ceux-là !

Elle lève les yeux au ciel puis se rapproche de moi pour me tendre la boîte. Sa manière de s'approcher de moi semble assez dangereuse et si je n'étais pas aussi sûre de moi, j'aurais pu me sentir menacée, mais elle est loin de me faire peur. Au contraire, je n'ai jamais eu peur des sorcières et ça n'allait pas commencer aujourd'hui !

— Ceci vous sera utile... Mais ne l'ouvrez qu'en rentrant chez vous.

— Pourquoi ? Vous voulez m'arnaquer ?

— Non. Il ne faut pas provoquer les énergies pour rien.

Ah. Bien sûr. Tout ça semble bien sûr très évident.

Pas du tout.

 

*

 

— Alors ? me demande Ayden dès que je sors de la maison.

— Elle m'a donné une boîte.

— Bah ouvre-la ! me somme-t-il en écarquillant les yeux.

— Non ! Elle m'a dit de faire ça chez moi !

— Quoi ? Tu vas sérieusement l'écouter ?

— Bah ouais ! Tous ses poissons se sont suicidés... et sous mes yeux !

Il fronce un instant les yeux puis les lève au ciel. Je suis persuadée qu'il ne me croit pas. Tant pis pour lui.

J'en profite alors pour détourner brièvement le sujet :

— Et t'as pas un rencard à rejoindre maintenant avant d'arriver en retard ?

— T'as vraiment de la chance, parce que sinon j'aurais continué de te demander d'ouvrir cette putain de boîte sous mes yeux ! soupire-t-il, presque exaspéré par mon comportement.

Je lui tire simplement la langue en montant dans sa voiture. De toute manière, il finirait bien par savoir ce qu'il y a dans cette boîte un jour ou l'autre...

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Nuity
Posté le 08/09/2020
"Ils étaient trop cons pour survivre" Je veux ça à tout prix sur ma pierre tombale après ma mort ou je ressuscite et je porte plainte contre mes héritiers....
MissRedInHell
Posté le 09/09/2020
Ha ha ! Ca en ferait une bonne histoire ! XD
Imagineuse
Posté le 03/09/2020
Oh non l’épisode des poissons xD et le patron qui est moche et qui pue ... j’en peux plus xD tu as dû t’éclater à l’écrire ! J’aime bien ce genre de scènes à écrire juste pour rire un bon coup, ça fait tellement du bien !
MissRedInHell
Posté le 03/09/2020
Le passage avec les poissons, clairement un de mes préférés en vrai XD

Complètement ! J'ai tendance à mourir de rire devant mon ordinateur en écrivant ce genre de situations. Et c'est aussi un bon indicateur pour juger de l'humour d'un passage ou pas. Si moi-même je n'en ris pas, peu de gens riraient à leur tour. :')
Imagineuse
Posté le 03/09/2020
Oui, c’est souvent ce qu’on dit ! Si on s’ennuie à écrire un passage, le lecteur le ressentira et s’ennuiera aussi :)
MissRedInHell
Posté le 03/09/2020
Exactement ^3^ On est toujours son premier fan :3
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