Chapitre 29 : Des dessins dans le sable

Par Ayunna
Notes de l’auteur : Chères petites plumes argentés, le voyage sur Orfianne continue aux abords d'une plage au sable safran
Bonne lecture et plein de belles inspirations pour vos écrits !

Aux premières lueurs du jour, je partis faire un brin de toilette dans le ruisseau pendant qu’Avorian dégustait son petit-déjeuner. L’eau glacée me fit frissonner, malmenant mes membres endoloris par ces longues journées de marche. Haut les cœurs ! Le froid diminue les courbatures ! me dis-je pour me redonner du courage.

Je me lavai les dents comme je pus : Liana pouffait de rire en me voyant faire avec ma petite brosse. Impossible de garder mon sérieux ! Je recrachais ma pâte végétale à chaque gloussement ! Visiblement, les fées étaient dispensées de brossage dentaire – elles ne mangeaient que des fleurs…

Une fois nos gourdes remplies de l’eau du ruisseau, nous levâmes le camp. Nous marchâmes d’un pas rapide durant toute la matinée. Liana se reposait de temps à autre sur l’une de nos épaules.

En début d’après-midi, nous sortîmes de la forêt ; la vaste étendue d’arbres laissait place à un étrange monde minéral. Nous progressâmes tout d’abord dans un désert de roches sculptées par les eaux. Puis, en fin de journée, le sable et des coquillages de toutes formes s’invitèrent dans ce paysage rocailleux. La brise nous apportait des senteurs iodées. Un peu plus loin, j’aperçus l’océan ; les rayons du soleil produisaient à sa surface l’apparition de milliers de petites étoiles.

Je retirai mes chaussures et courus en sa direction. Son eau évoluait du bleu clair au turquoise. Je contemplais les vagues, festonnées d’écume blanche, se briser sur le récif. Je me demandais intérieurement quelles contrées pouvaient bien se trouver au-delà de cette mer. J’avais tellement envie de voir des Ewaliens : les sirènes d’Orfianne. Les pieds dans l’eau, je me retournai pour admirer la plage, et me rendis compte que le sable prenait une teinte dorée tirant sur l’orange. Je n’avais jamais vu pareille couleur. Chaque grain luisait sous les derniers rayons mordorés, comme si le sable de cette planète possédait des propriétés captatrices et réfléchissantes de la lumière.

Je ne pus m’empêcher d’ôter ma tenue, gardant uniquement mes sous-vêtements pour rejoindre les vagues. Je nageai un bon moment pendant qu’Avorian se trempait les pieds aux côtés de Liana, toujours sur son épaule. Je finis par les rejoindre. L’air de la mer couplé à cette baignade inespérée me ragaillardirent. Je me sentais enfin détendue.

Liana et moi nous amusions à nous arroser. Elle riait aux éclats en me poursuivant et projetait des jets d’eau à l’aide de ses pouvoirs de fée. Je sautais pour les esquiver, essayant en vain de l’attraper, mais elle se montrait bien plus vive que moi. Son habilité au vol m’impressionnait. Avorian observait notre petit jeu en souriant. Il alla récupérer mes vêtements ainsi que mon sac. J’éprouvais le désir secret que ces instants de bonheur puissent lui faire oublier un peu son passé, et moi, ma vie terrestre.

Nous mîmes fin à nos chamailleries pour admirer le soleil couchant. L’astre de feu descendait lentement dans l’océan, comme pour offrir sa lumière aux fonds marins. Le ciel se teintait de nuances rose, parme, orange, livrant à nos regards un festival de couleurs scintillantes.

Liana prit soudain un air sérieux :

– Mes chers amis, nos chemins se séparent ici. Je ne peux pas prendre le risque d’aller plus loin en laissant mon domaine à l’ennemi. La grotte est toute proche.

– Merci de nous avoir guidés, Liana ! Ta présence nous a fait beaucoup de bien, la remerciai-je. Tu vas me manquer.

– Toi aussi, Nêryah. N’oublie pas de t’amuser. Cette planète est merveilleuse ; profite pleinement de sa nature, me recommanda la jolie fée en effleurant délicatement ma main de ses petits doigts.

– Soit prudente, Liana. Merci pour ton aide, lui dit Avorian.

Notre guide s’éloignait déjà, emportant avec elle son halo vert lumineux. Son départ m’attristait : nous formions un joyeux trio depuis son arrivée. Elle avait véritablement égayé nos journées de marche.

Avorian et moi nous installâmes sur la plage pour nous préparer à dormir. La lueur des étoiles miroitait dans la mer. Allongée sur une simple couverture, le bruit des vagues me berça dans mon sommeil.

 

Le lendemain, après nos ablutions matinales, mon compagnon de voyage décida de faire un inventaire de nos provisions – il nous restait des biscuits aux fleurs donnés par les fées, et nous avions pu remplir nos gourdes au ruisseau, la veille.

En attendant, je pratiquai la magie. Je repris toutes les techniques de base, avec les mouvements lents du corps, pour ressentir en moi le « fluide » d’Orfianne, puis m’exerçai à utiliser mes trois pouvoirs : sphères bleutées, rayons paralysants, bouclier protecteur. Face à la splendeur de l’océan, les pieds dans ce sable safran, je me sentais en osmose avec ma planète d’origine. J’admirais la beauté du paysage marin, endroit idéal pour respirer et méditer au son des vagues.

Avorian m’observait du coin de l’œil. Il me félicita à la fin de mon entraînement.

Je retournai au campement pour lui demander de me dessiner une carte d’Orfianne dans le sable. J’avais très envie de découvrir à quoi cette planète ressemblait. Il traça un vaste cercle, puis, à l’intérieur, un unique continent ; une sorte d’hexagone aux côtés arrondis, entouré d’océans et d’innombrables îles, signifiées par des petits points.

Il me montra l’emplacement du village des fées, vers l’Ouest de l’immense continent, puis les terres des Noyrociens, juste au-dessus. Les Moroshiwas vivaient dans les forêts, un peu partout, à l’instar des fées. Les Ênkelis, quant à eux, habitaient tout au Nord du pays. Le fameux Royaume de Cristal, destination ultime de notre long périple, se situait non loin d’eux, au Nord-Est. Les Ewaliens bâtissaient de splendides cités sous-marines, protégées des profondeurs abyssales de l’océan par de gigantesques dômes sphériques. Et les Guéliades, notre peuple, occupaient jadis le centre du continent.

« Nos terres sont dévastées. Il ne reste plus rien, pas même la végétation. Tout a été détruit », me dit sombrement Avorian.

Puisqu’ils ne venaient pas d’Orfianne originellement, les Métharcasaps ne possédaient pas de territoire défini. Ils résidaient la plupart du temps sur les îles. Une grande partie d’entre eux malmenait toujours les Orfiannais. Leur intégration demeurait difficile, même pour ceux qui respectaient leur nouvelle planète d’accueil. Ils restaient donc en marge des autres peuples.

À mon tour, je voulus dessiner une carte de la planète Terre. Je me levai promptement et marchai en direction de l’océan.

– Où vas-tu ? demanda Avorian, surpris. Je croyais que tu voulais me tracer une carte !

– Pas ici ! contestai-je. Il faut du sable mouillé pour bien faire !

– Eh bien ! J’ignorais que tu étais experte en dessin sur sable ! s’amusa-t-il.

Je m’approchai du bord de la mer et m’accroupis sur le sable humide. J’entrepris de tracer les continents de la planète Terre. J’esquissai grossièrement l’Europe, puis l’Afrique, un morceau de l’Asie, l’Australie, puis l’Amérique. Cela s’avéra bien plus complexe que prévu, mais ma mappemonde ressemblait tout de même à quelque chose !

– Je vais vous apprendre les noms des continents en français et en anglais. La plupart des Terriens s’expriment en anglais. Si un jour vous parvenez à vous rendre sur Terre, vous pourrez ainsi communiquer avec eux !

Avorian répétait après moi le nom de chaque continent en français, puis en anglais, en désignant le mot appris sur ma « carte » improvisée. Et je dois dire que c’était vraiment drôle à entendre ! Il se débrouillait bien, pour un extraterrestre. J’énonçai ensuite le nom des populations qui résidaient sur les différents continents. Avorian avait l’air de bien connaître les chinois ainsi que les amérindiens. Cela me surprit, mais je ne pus le questionner à ce sujet car il s’extasiait maintenant sur la merveilleuse culture indienne, puis sur les mœurs si raffinées des japonais. On aurait dit un ethnologue. Comment pouvait-il connaître aussi bien les peuples de la Terre ?

Il me révéla qu’en Chine et en Afrique, la magie était encore utilisée, mais principalement à des fins personnelles, voire, pour nuire à quelqu’un, dans des luttes de pouvoir. Il s’agissait surtout de magie noire. Cette forme de magie n’utilisait pas les forces de la Terre, mais celles des émotions négatives des humains… Et elles engendraient malheureusement des monstres sur Orfianne.

Après une pause déjeuner, nous longeâmes l’océan et…

– Oh ! Avorian ! J’ai vu quelque chose bouger dans l’eau, là-bas ! m’exclamai-je en pointant du doigt l’endroit en question.

J’observais attentivement les remous des flots, et là… j’en vis enfin une.

À environ cinquante mètres de nous, une longue queue de poisson argentée remonta à la surface. Puis, une épaisse chevelure bleutée émergea, avec un visage de femme, et enfin, le haut de son buste, caché par de grandes mèches bouclées.

Une Ewalienne.

Sublime.

Elle nous regardait en maintenant sa tête en-dehors de l’eau, grâce à la force de sa queue de sirène, mais ne s’approchait pas pour autant. Je la sentais intriguée, légèrement méfiante. Nous demeurâmes cois, à la fois captivés et émerveillés par cette vision enchanteresse.

Soudain, l’Ewalienne plongea. Nous attendîmes quelques minutes… Rien.

 

Pour atteindre la grotte, il fallait désormais s’éloigner de la mer, à mon grand regret. Je n’arrêtais pas de penser à la sirène – enfin, « l’Ewalienne », comme on dit sur Orfianne. Avorian m’expliqua qu’il ne fallait jamais aborder de front ces créatures, et encore moins insister pour les voir, mais plutôt attendre qu’elles viennent spontanément vers leurs visiteurs. Je comprenais bien cette marque de respect.

Le paysage rocailleux se transforma en de véritables falaises, si bien qu’il fallait jouer des pieds et des mains pour traverser cette contrée minérale. Nous grimpions ainsi pendant plusieurs heures, nous égratignant les jambes à cause des pierres tranchantes. Les coupures d’Avorian se refermaient instantanément, c’était fascinant à observer, tandis que les miennes suintaient et picotaient. J’avais hâte de retrouver cette capacité inhérente aux Guéliades !

Après une dure journée d’escalade, nous nous accordâmes une pause. La présence bienveillante de Liana me manquait déjà.

Le soleil déclinait, cédant ses beaux rayons orangés au crépuscule du soir. Je m’assis sur un rocher. Avorian me rejoignit.

– Sommes-nous encore loin de la grotte des feux sacrés ?

– Non, nous arrivons bientôt. Ce lieu magique va harmoniser ton corps aux vibrations d’Orfianne. Tu vas en quelque sorte « t’accorder » à la gamme de cette planète. Tes pouvoirs pourront plus facilement se développer, sans que tu ne tombes dans le piège de la magie des émotions.

Je le regardai d’un air dubitatif. Je ne ressentais pas de réelle différence entre les ondes de la Terre et celles d’Orfianne. Avorian m’adressa un sourire plein de bienveillance.

– Comme on dit sur Terre, « dans un voyage, ce n'est pas la destination qui compte, mais le chemin parcouru », alléguai-je.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Art of You
Posté le 26/10/2022
" J’avais secrètement le désir que ces instants de bonheurs puissent lui faire oublier un peu son passé, et moi, ma vie Terrestre." ma vie terrestre, c'est un adjectif ici.
Merveilleux chapitre, plein de découvertes... c'est vraiment bien écrit !
Art of You
Posté le 26/10/2022
Et je répète mon conseil d'insérer en début d'ouvrage un petit lexique, peut-être également accompagné d'une carte et même de représentations des différentes races et personnages de ta saga.
Ayunna
Posté le 27/10/2022
Merci, je prends note, j'avais commencé pour le lexique. La carte d'Orfianne existe, mais je n'ai pas réussi à la mettre ici sur ce site, je ne crois pas que l'on puisse. Pour les personnages c'était fait également, je peux toujours créer un chapitre avec :)
Vous lisez