Chapitre 29

Notes de l’auteur : J'aime tellement le personnage de Raphaël <3

Samedi 13 octobre. Il avait 18 ans aujourd’hui. 

Il vérifia l’heure sur son téléphone et grogna devant la publication de sa mère. Cette dernière ne manquait jamais de l'embarrasser. Il trouvait étrange de se voir afficher de la sorte sur les réseaux, mais au moins n’y avait-il pas de photos. Gabriel se redressa péniblement contre ses coussins. D’autres messages de ses tantes étaient inscrits sur sa page : message auxquels il répondit par les remerciements d’usage. Il n’avait jamais été proche de cette partie de la famille, peut-être parce qu’elles le regardaient souvent avec ces yeux-là, des yeux remplis de pitié.

L’adolescent verrouilla son smartphone après avoir fait un petit tour sur Twitter. Les lunettes bien enfoncées sur le nez, il se dirigea dans la cuisine où son petit-déjeuner l’attendait. Gloria, tout sourire, lui souhaita un “Joyeux anniversaire” très sonore qu’elle accompagna d’un câlin. Gêné par cette profusion d’affection, Gabriel attendit qu’elle le relâche pour la remercier.

 

- Mon petit bonhomme a 18 ans, dit-elle en l’admirant.

 

- J’ai qu’un jour de plus qu’hier.

 

- 18 ans, répéta t-elle comme pour se l’imprégner.

 

Le jeune homme la laissa dans ses pensées. Son regard glissa sur l’écran de son téléphone : Charlotte lui envoyait justement un message pour son anniversaire.

 

“Joyeux anniversaire, beau gosse ! Profite bien ! ;)”

 

“Merci, Char ;)”

 

Le gringalet sourit. Il n’employait pas encore le vocabulaire des jeunes mais au moins s’essayait-il aux emojis. Il suffisait simplement de cliquer sur une petite tête rigolote : simple et efficace.

Le jeune homme finit sa tartine avant de s’affaler sur le canapé. Il n’avait rien de prévu ce jour si spécial, comme à peu près chaque année. La présence de Pikachu, à ses pieds, l’obligea à se pencher pour étancher sa soif de caresse. 

L’animal était plus à l’aise avec les lieux et allait même jusqu’à réclamer des promenades. Tâches accomplies par Raphaël la plupart du temps. Le balafré n'avait pas encore trouvé le courage de s'aventurer seul, dehors. Encore une autre étape à franchir, selon lui.

Gabriel se rallongea dans le canapé, songeur. Comment comptait-il occuper son week-end ? Il lirait peut-être un mangas ou deux. Il jouerait certainement une partie de Call of Duty. Ces deux jours risquaient d’être fortement mouvementés…

 

- J’ai invité de la famille pour ton anniversaire, avoua sa mère, l’air de rien en débarrassant la table.

 

Rectification. Son week-end risquait d’être trop mouvementé.

 

- QUOI ?! Pourquoi ?

 

Il s’éclaircit la voix. La panique était présente dans sa posture et omniprésente dans son regard. Le jeune adulte se ressaisit. Il ne pouvait plus se laisser guider de cette manière. Il était majeur maintenant. 

Rester calme. Prendre une grande inspiration, et expirer, pensa t-il en appliquant ces préceptes à la lettre.

 

- Pourquoi tu les as invités ? On ne fête plus mon anniversaire depuis des années.

 

- 18 ans, ça se fête ! J’ai même été acheter des ballons !  

 

Sur ces mots, elle montra lesdits ballons. De couleur bleu. Comme pour une fête pour enfants. Il grogna.

 

- J’ai passé l’âge…

 

- Ils sont pour tes petits cousins. D’ailleurs, aide-moi à les gonfler.

 

Gloria lui lança le paquet qu’il rattrapa de justesse. Il se mit à la terrible besogne sans plus de protestation. Il ne pouvait pas gagner contre sa mère. S’il ne pouvait pas être le fils normal qu’elle voulait, au moins pouvait-il lui accorder cette fête… A cause de lui, ses parents n’avaient plus l’occasion de voir leurs proches aussi souvent qu’avant. Il pouvait bien sacrifier une de ses soirées pour leur faire plaisir.

 

- On reçoit du monde ? Demanda Raphaël en milieu d’après-midi.

 

Il revenait d’une séance photo dans un parc, et s’étonnait de la présence de ballons de baudruche. Les joues de son frère étaient rouges de fatigue. Le malheureux devait s’être laissé emporter dans l’un des plans loufoques de sa mère. C’était bien son genre en tout cas.

 

- Les grands-parents, et tata Monica et les enfants.

 

L’aîné arqua le sourcil. Il vérifia la date sur le téléphone et lança un “Joyeux anniversaire” au concerné. Gabriel le remercia sans un regard de sa part : son frère oubliait toujours sa date d’anniversaire. Le gringalet l’entendit monter à l’étage. Cet imbécile aurait au moins pu m’aider, bougonna t-il dans sa barbe.

Il se prépara un verre d’eau sous l'œil attentif de la petite chienne. Cette dernière suivait attentivement le mouvement de ses mains comme s’il allait lâcher une friandise dans la seconde. Il s’apprêtait à appeler son frère pour qu’il aille la promener quand il entendit l’individu revenir. Raphaël posa un carton sur la table de la cuisine et l’invita à s’approcher. Méfiant, il lui servit un regard qui en disait long sur la fourberie de son aîné.

 

- Aller ! Le pressa t-il.

 

En voyant l’image sur la boîte cartonnée, il s’interrogea. Qu’est-ce qu’il allait bien pouvoir faire avec ça ?

 

- Un appareil photo ?

 

- Ouais. Comme le nom l’indique, c’est pour prendre des photos.

 

Gabriel ouvrit le cadeau qui avait visiblement été déjà ouvert. Il s’en informa auprès de son frangin qui le rassura : 

 

- Je l’ai racheté à un pote mais il est comme neuf. C’est moins cher.

 

L’appareil faisait très professionnel dans ses mains. Il l’alluma et dirigea l’objectif vers Raphaël qui leva une main dans sa direction pour l’en empêcher. Le flash l’obligea à cligner des yeux.

 

- Gaby, grogna l’adulte en guise de réprimande.

 

Le photographe en herbe vérifia le rendu du cliché : un peu flou mais correct dans l’ensemble. Son attention glissa sur une photo de lui. Il rapprocha l’écran de son visage et scruta ses traits : la photo n’était pas suffisamment nette pour voir sa cicatrice. De profil, il avait l’air normal.

 

- Tu m’as pris en photo ?

 

- Je voulais tester l’appareil avant de te le donner.

 

- Merci, souffla Gabriel en resserrant la prise sur son cadeau.

 

Raphaël se contenta d’un haussement d’épaules avant de quitter la scène qui devenait trop “sentimentale” à son goût. Il espérait voir son frère s’épanouir avec ce cadeau. Il découvrirait un monde nuancé à travers son objectif. Il découvrirait enfin le monde. 

La volonté de prendre des jolis clichés le forcera à passer le pas de la porte pour photographier la nature, la rue, le monde. La vie. Gabriel pourra vivre à travers ses photos. Puis, quand il en aura marre de voir ce monde immobile, il voudra le découvrir lui-même et l’explorer. Il voudra l’immortaliser. Et à ce moment-là seulement, Raphaël se félicitera de son cadeau.

A l’opposé de ses réflexions, le jeune homme essayait les quelques boutons et les différentes fonctions. Il mit l’appareil en joue et visa l’adorable bouille de Pikachu. L’animal se redressa au dernier moment et donna une énième image floue. Gabriel grogna. Il était difficile de s’improviser photographe.

 

- Gaby, va ranger ton appareil dans ta chambre et aide-moi à faire les entrées.

 

- Et Raphaël alors ?

 

- RAPH ! VA PROMENER PIKACHUUU ! 

 

Le benjamin de la famille ricana en entendant son frère rappliquer en claquant des pieds. Il monta, quant à lui, déposer ses affaires dans sa chambre. Il osa prendre une photo de l’emballage pour l’envoyer à sa nouvelle amie: “Mate un peu ce que mon frère m’a offert”. Il pouvait se permettre d’être vantard avec un tel bijou en sa possession. Raphaël avait dû se vider les poches pour le lui acheter.

 

“Wow ! trop beau !”

 

“On pourra aller prendre des photos dans le parc stv”

 

“stv ?”

 

“Si tu veux lol”

 

“Ok”

 

Suite à cet échange laborieux, Gabriel descendit aider sa mère. Cette dernière avait encore plein de bons trucs à préparer. L’après-midi était loin d’être terminée...

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez