Chapitre 27 : le pire des toboggans

Par Zephirs

Chuter dans le vide. Une sensation si familière chez Ashley qu’elle en devenait amoindrie. Ce n’est pas pour autant que son cœur, prêt à exploser, tambourinait moins dans sa poitrine.

Les monstres aux écailles noirs vers lesquels ils filaient, semblable à des crocodiles, si on écartait les trois rangées de dents dans leurs mâchoires et leurs six pattes pourvu de griffes, ne devaient pas y être étrangers.

La magie a toujours un prix. Celui de cette balade était de finir en amuse-gueule. Presque trop classique pour être étonnant, mais toujours inacceptable au goût du Chasseur.

— Accroche-toi !

Le vent battait à leurs oreilles. Ashley se tenait aux rebords de la barque comme si sa vie en dépendait, ce qui était le cas.

— Un plan. Il faut un plan. VITE !

— Sapristi, j’y travaille.

Quelque chose de complètement fou ne tarda pas à germer dans l’esprit du Chasseur. Le manque de temps l’empêchait d’envisager une autre solution, les crocs s’approchaient autant qu’ils se multipliaient entres les sombres écailles et les yeux jaunes en contrebas.

Ses lèvres remuèrent sans un son, sans une parole. L’homme au long manteau gris-noir ferma ses paupières, tenta de faire abstraction de l’affolement qui s’emparait de son amie. Sa main droite lâcha le rebord de l’embarcation, l’autre y resta solidement cramponnée.

— Sam !

L’eau de la cascade s’agita de leurs dos, zigzagua pour se rassembler dans une masse fluide. Le bateau tressaillit alors que le liquide freinait sa coque.

Ashley resserra ses prises si fort que ses doigts devinrent rouges.

— On va mour… wow… aaah !

D’innombrables expressions passaient sur son visage, elle ne savait plus si elle devait être impressionnée ou paniquée.

La masse sombre afflua des bords opposés, s’extirpa du cercle extérieur de la cité dans des claquements de mâchoires ponctués de grognements gourmands. Leur intelligence était suffisante pour comprendre que la cascade formait un tremplin susceptible d’ôter leur repas.

L’embarcation produisit un horrible craquement lors de son rebond sur les pavés de l’allée. Des os volèrent tout comme des plastrons rutilants aux reflets argentés. Les deux compagnons glissèrent, fauchant davantage de restes humain.

L’entrée de la cité d’Eldorado, bien qu’encore loin, se rapprochait. Se rapprochait, mais pas assez rapidement pour ne leur laisser plus qu’un ridicule espoir de survivre.

Les premières créatures, suffisamment affamées pour les rattraper avant les autres, bondirent. Tel un surfeur en manque d’équilibre, Samuel en esquiva une, puis en trancha une autre avant de donner un coup d’accélération à leur véhicule à l’aide d’une fiole qui explosa à leurs arrières.

Ashley n’avait pas la moindre idée de comment leur bateau tenait le coup, et elle n’en avait rien à faire. Ce qui l’importait, c’était de se tasser le plus possible dans l’espoir de ne pas être emportée par un crocodile mutant.

Une barrière de particules émeraude, presque invisible, se dessinait à mesure qu’ils approchaient des vestiges de la cité. Elle entourait la structure, obligeant les monstruosités à la contourner pour rejoindre ceux qu’elles avaient décrété comme leur repas. Le Chasseur remarqua que les monstres ne s’en approchaient pas à moins de cinq mètres.

Un coup à jouer, ou une mort plus rapid...

La barque se renversa. Les deux compagnons furent expulsés dans les airs alors que leurs poursuivants en écrasaient les débris autant que leurs congénères pour déferler dans leur direction. Sam, d’un geste leste alors que son corps n’avait pas encore touché le sol, précipita sa main ne tenant pas Prison sous son manteau.

Il en retira une fiole de poudre orangée. Avec ses dents, il arracha le bouchon afin de laisser les grains se répandre, puis atterrit dans une roulade semi-contrôlée, suivit d’une longue glissade. La blondinette opta plutôt pour un vol plané achevé par un dérapage en catastrophe.

Samuel écarta brutalement les bras tout en murmurant ses mots sans consonance, puis la poussière dans son sillage se dispersa autour d’eux jusqu’à former un cercle de petits points orangés.

— Reste à terre.

Ashley aperçut la poudre de Salamandre. Aucune information supplémentaire ne lui fut nécessaire pour obéir. Ses mains se mirent sur sa tête, les créatures aux nombreuses rangées de dents pointues bondirent sur eux.

Ignis.

La poudre s’embrasa. Sa puissance propulsa les monstres aux écailles noirs les plus téméraires dans les airs avant qu’ils ne se désagrègent, dévorés par le feu ocre. La panique s’installa chez les créatures à six pattes, terrorisées par la lumière brûlante. Elles se piétinèrent pour s’échapper d’elle et de sa souffrance.

Des flammes s’extirpa à toute allure une boule à hamster géante bleue qui roula en direction des particules vertes. Étonné que son plan ait marché, Samuel accentua sa course. Ashley, pour sa part, peinait à se remettre sur pied. Le tournoiement incessant de leur véhicule improvisé détruisait ses efforts à retrouver son équilibre, mais au moins, elle était entière.

On va peut-être pas mourir finalement, s’égaya Samuel en l’aidant à se relever sans s’arrêter.

La lumière dans leur dos disparu. Pourtant, les crocodiles aux écailles noirs ne se précipitèrent pas sur eux. Ils réinvestirent le cercle extérieur de la cité pour reformer une masse compacte sans faire plus que de les fixer de leurs yeux jaunes.

— Pourquoi…

— Ce ne sont que des foutus fainéants qui n’apprécient pas la difficulté.

Cependant, ça n’empêcha pas Sam d’accélérer la rotation de la sphère à en faire peiner la jeune femme et sa propre personne.

Les squelettes craquaient sous leurs passages. Des restes de fusils, d’épées rouillés, d’arcs brisés gisaient proches de toujours plus de crânes. Il ne restait que peu de traces que d’autres bâtiments n’eurent jamais existé ici. Outre les tours en ruines, quelques murets d’or subsistaient à côté de casques arrondis aux extrémités pointues qu’Ashley se souvenait avoir vu dans des livres d’histoires.

Après cinq minutes de course interminable, ils rebondirent en arrière. La magie de leur boule à hamster géante se dissipa. Épuisée, la blondinette tomba sur les fesses tandis que son compagnon reprenait sa respiration, le dos courbé et les mains sur ses genoux. Les créatures au loin les observaient toujours dans un silence perturbant, sans le moindre geste. Juste le clignement de leurs yeux.

Chamboulées par le brusque contact, les particules émeraude regagnèrent leur zone. Peu après, le Chasseur les dérangea de nouveau, mais cette fois-ci grâce à son épée. Une série de flammes vertes s’enroulèrent immédiatement autour de la lame sans lui causer le moindre dommage.

— C’est ce que je pensais, murmura-t-il pour lui-même.

Ashley ne remarqua pas la faille qu’il venait d’ouvrir dans la barrière, trop occupée à surveiller les monstres au cas où un ou cent des leurs auraient un excès de courage et retenteraient de les croquer.

— Ash. Ash ! Passe vite, mais ne touches pas les petits points verts…

— C’est émeraude.

— Peu importe, ne les touches pas.

La jeune femme afficha toute sa perplexité en une grimace lorsqu’elle aperçut la taille du trou.

— Plus facile à dire qu’à faire…

Prison tailla dans le mur protecteur afin qu’il ne se reforme pas.

— Tu préfères peut-être rester avec nos nouveaux amis ?

Son menton désigna les monstres aux rangées de dents impressionnantes et aux écailles noires encore immobiles, leurs pupilles jaunes obstinément braqués dans leur direction.

— Tu peux l’agrandir un tout petit peu plus ?

Sam leva les yeux au ciel, un sourire en coin sur le visage.

— Je peux faire ça.

Ni une, ni deux, ils passèrent de l’autre côté et les particules émeraude scellèrent leur passage. L’or du bloc d’entrée et son arche rectangulaire resplendissaient en haut d’une dizaine de marches, une bagatelle comparé à ce qu’il faudrait pour atteindre son sommet.

Un point de détail perturbait Ashley. Des griffures entaillaient le chemin, des griffures gigantesques capables de percer le métal.

— Qu’elle est la chose qui a pu faire ça ?

Son ton professionnel, alors qu’elle passait prudemment d’une marche à l’autre, ne cachait pas sa peur de rencontrer l’auteur de telles actions.

Samuel resta muet, gravissant l’escalier sans même jeter un regard au sujet de ses inquiétudes. Maintenant que la situation redevenait stable et sous contrôle, la journaliste voyait que quelque chose le perturbait.

— Sam, tout va bien ?

Il parut sortir de rêveries peu agréables.

– Oui, je me disais juste que le coin a pas mal changé en un millénaire.

Son ton ne laissait place à aucune réplique, encore moins s’il s’agissait d’une question. Elle n’en tenta même pas une, sentant bien que c’était peine perdue.

Arrivé à l’ouverture, sa pierre passa au crible les parois curieusement dépourvues de lumière. Ashley soupira :

— Pourquoi les endroits où nous devons aller sont toujours sombres et pas rassurants du tout ?

— Sapristi, si je le savais !

Sans plus attendre, le Chasseur s’enfonça dans l’entrée.

Le sol était parsemé de crânes brisés, d’épées tordues, de plastrons et de casques cabossés. Ses réflexions n’arrivaient pas à déterminer quel genre de créature pouvait provoquer un tel carnage.

— Sam, tu penses que la chose est toujours…

— Je ne sais pas.

Les mêmes griffures ornaient les murs, plus nombreuses qu’à l’extérieur, et sous leurs semelles, à chacun de leurs pas, craquait une étrange poussière blanche.

— Et... je me demandais… comment tu as fait pour me rejoindre ?

Le saphir brillait entre les doigts du Chasseur alors qu’il restait à l’affût du moindre mouvement suspect. Du coin de l’œil, il remarqua que la jeune femme caressait la broche sous son manteau.

— J’ai opté pour ta méthode. Le plus dur a été de capter son attention sans finir écrasé. Après, je n’ai eu qu’à lui dire qu’il était incapable de m’envoyer au même endroit que toi.

Les murs d’or s’écartaient, à présent, éclaboussé par une lueur tamisée émeraude mélangée à celle de la pierre de Sam. Le passage tourna, fit un arc de cercle. Des voix résonnaient, lointaine et familière.

Le Chasseur tendit l’oreille, le poing serré sur leur source principale de lumière. Au bout du couloir resplendissait un éclat vert.

— Ils seraient presque aussi géniaux que nous, s’étonna une voix aiguë.

— N’exagérons rien. C’est une prouesse, certes mon cher, mais rien ne peut atteindre notre génie.

Lorsqu’il comprit qui discutaient bien trop proche de sa position à son goût, Samuel se plaqua contre le mur.

— Pourquoi de tous les mondes qu’ils pourraient choisir d’enquiquiner faut-il que ce soit celui-là, se lamenta-t-il dans un murmure.

— Pour la science, il faut que nous prenions des notes ! déclara l’un des frères Ricochets si fort que toute la cité devait l’avoir entendu.

Ashley aussi savait. Son petit rire moqueur en était la preuve.

— Tu en fais toute une histoire pour rien. Ok, ils sont agaçants, mais je les préfère eux à un truc qui cherche à nous tuer.

— Eux aussi ils veulent nous tuer, mais d’agacement… Tâchons juste de ne pas attirer leur attention.

Après un roulement d’yeux et un sourire malicieux, Ashley consentit à se faire discrète. Tout deux optèrent pour un pas léger ainsi qu’une respiration lente et contrôlée. Samuel aurait juré qu’elle avait fait ça toute sa vie. Être une fouineuse invétérée devait grandement entraîner à l’exercice.

Plus ils s’approchaient, plus la pointe d’une émeraude en suspension se faisait nette, au milieu de ce qui semblait être une grande pièce circulaire.

— Comment diable ont-ils pu l’enfermer là-dedans ?

— Non, tu fais erreur mon pauvre ami. La vraie question est : comment ont-ils pu le créer et lui donner une existence durable ?

— Les deux sont des questions plus que pertinentes. Oui, oui !

La fin du couloir approchait, des tâches noires tâchaient l’or. Samuel jeta un coup d’œil à l’intérieur et aperçu les deux zigotos, le dos tourné, concentrés sur une table rituel où étaient empilés des crânes.

— On pourrait sûrement trouver des résidus de son essence, ou peut-être de son enveloppe corporelle…

— Peut-être bien… Si seulement nous avions sous la main des êtres avec une consistance corpo...

Ce fut pile à ce moment-là que James, ou peut-être était-ce Harold, se retourna. Sa surprise fut telle qu’il faillit perdre son chapeau bouffant grotesque.

— Par le Créateur ! Vous deux, là ! Qu’intriguez-vous derrière cette table de rituel ? Réflexion faite, c’est sans importance. Sortez-donc, je vous ai parfaitement vu vous-y catir.

Ashley se redressa de derrière le bloc d’or en s’appuyant sur sa surface, bien que ses doigts restèrent loin des crânes empilés sur celle-ci. La mâchoire de Samuel se tordit, puis il se remit également sur ses bottes, aussi heureux que pouvait être quelqu’un privé de cadeau le jour de son anniversaire.

La grande émeraude les cachait à demi, les frères Ricochets la contournèrent soigneusement pour les observer avec plus d’aisance. L’homme au long manteau gris-noir en profita pour tirer Ashley vers un couloir plus saccagé que ne l’était le précédant, mais ne parvint qu’à atteindre la table de rituel suivante, disposée comme toutes les autres autours la gemme au milieu de la pièce.

— Tu vois Harold, il me semblait bien avoir ouï de l’agitation à l’extérieur. Mais c’est le Chasseur !

Les deux bonhommes, parfaitement synchronisés, écartèrent les bras comme s’ils remerciaient le ciel.

— Vous tombez bien Chasseur !

Puis Harold continua tandis que son frère fouillait frénétiquement les poches de son manteau :

— Pour une fois, vous allez pouvoir vous rendre utile et ne pas vous contenter de pourfendre de viles créatures décérébrées. C’est une tâche de la plus haute importance, il en va peut-être de l’avenir de tous les mondes ! Seul notre génie peut vous sauver mais pour cela, il faudrait que vous preniez un de ces crânes, puis que vous fassiez quelques tests sur cette émeraude géante. Sans la toucher bien sûr. Vu ce qu’il y a dedans, nous n’avons aucune envie de…

Samuel s’enfonça à reculons dans le couloir, tirant discrètement son amie par le poignet.

— Attendez Chasseur, au nom de la science et de l’avenir de tous les mondes, vous devez…

— Aie !

Ashley lui avait écrasé le pied afin de lui rappeler qu’elle n’appréciait pas ce genre de manières.

— Ash, on n’a pas le temps pour ces conneries.

Les mèches blondes devant ses yeux volèrent, les traits de la jeune femme grimacèrent. Certes, elle souhaitait découvrir ce que les deux alchimistes traficotaient, cependant le Catalyseur intriguait davantage ses pensées. Enfin, elle allait le voir, peut-être même le toucher.

Les frères Ricochets lâchèrent rapidement l’affaire. Après les avoir suivis sur quelques mètres en exposant l’importance de leur mission sans pour autant en révéler les aboutissants, ils leur attribuèrent les sobriquets de « sottard », «olibrius », et d’autres bien moins courtois, avant d’affirmer que de toute manière leur génie trouvera un autre moyen d’accomplir leurs tests.

Moins d’armes, de bouts de métal fendus resplendissaient sur le sol. Les os brisés en revanche ne diminuaient pas, tout comme les crânes. Les deux compagnons débouchèrent sur un gigantesque hall très éclairé dont le plafond n’était que partiellement visible, caché par des légions d’escaliers. Certains étaient construits à l’envers, d’autres menaient à des murs ou se perdaient vers plus de marches sans jamais dévoiler là où ils rendaient.

S’éloigner des frères Ricochets redonna sa bonne humeur au Chasseur. D’un mouvement de son pouce, il propulsa son saphir, puis le saisit en plein vol.

— Plus qu’à trouver le chemin qui nous mènera au Catalyseur.

Un éclat bleu apparu entre ses doigts et désigna les marches les plus proches. Ils dépassèrent des maison éventrées, semblables à des cubes, qu’Ashley zyeuta sans déceler autre chose que des pots brisés et les restes de cadavres. En montant, elle repéra une place pleine d’étales détruites, de caisses et de charrettes en morceaux.

— Sam, qu’est-ce qui a pu faire une telle chose ?

— Je… je ne sais pas exactement. Cortés, un conquistador espagnol avide d’or, est venue ici avec son armée. C’est les dernières informations sûres dont je dispose. Le reste n’est que rumeurs et croyances.

— Quel genre de croyances ?

Plus ils prenaient de la hauteur, plus l’étendue du massacre leur apparaissait. Des milliers de crânes s’étendaient sur les marches et les différents niveaux, agrémentaient d’anciennes places de marché et des quartiers entiers de l’Eldorado. Presque autant d’entailles défiguraient l’or et la pierre blanche, souillée par la saleté, des ruines des habitations.

— On raconte que les sorciers de la cité ont invoqué une créature. Une créature sans faiblesse capable de repousser et d’anéantir l’armée espagnole. Cette chose aurait détraqué l’environnement et transformé la jungle en un nid à monstres, ce qu’on a pu vérifier tout à l’heure d’ailleurs, mais je n’en sais pas plus. Ces rumeurs m’ont toujours suffi pour ne pas y retourner.

— C’était comment avant ?

Samuel tourna brusquement la tête, surpris par la question.

— Eh bien… moins… dévasté.

La journaliste pinça les lèvres en plissant les yeux. La réponse ne la satisfaisait pas, mais alors pas du tout. Un petit coup d’épaule incita le Chasseur à en dire un peu plus alors qu’un sourire apparaissait sur son visage.

— Déjà, la jungle était toute belle, toute propre avec des chemins. Pas besoin de chercher trois heures pour trouver une rivière. Des passeurs emmenaient les gens sur des pirogues jusqu’à la cité sans qu’aucune bestiole n’essaye de tuer qui que ce soit, et quand les premiers toits des bâtiments pointaient le bout de leur nez, je peux t’assurer que j’aurais aimé que les lunettes de soleil soient inventées tellement ils brillaient. C’était pas mal. Maintenant, on ne peut pas dire qu’il reste grand-chose… Il y avait également un peu plus de gens en vie.

Samuel se tue, la blondinette n’en demanda pas plus. Les marches défilaient encore et encore. Son expression trahissait ses pensées empruntes de nostalgie alors que la lueur bleue dans sa main les conduisait de plus en plus haut. Le saphir les fit descendre par un autre escalier, puis remonter, traverser une rue, emprunter d’autres marches.

Ashley avançait distraitement, perturbée par un détail non sans importance. Une parole qu’avait prononcée l’un des frères Ricochets, et qui faisait de plus en plus sens dans son esprit.

Comment ont-ils fait pour l’enfermer là-dedans.

— Sam ?

— Hum ?

— Et si l’émeraude renfermait le monstre dont tu parlais. C’est peut-être pour ça que tes deux « amis » étaient là.

Son compagnon acquiesça sans quitter la pierre et sa fumée dans sa main.

— Oui, c’est également ce que je pense. Plus qu’à prier qu’ils ne le libèrent pas par inadvertance avec leurs « expériences ». Enfin, s’ils arrivent à les faire.

Étrangement, les lieux leurs devenaient familiers. Ils tournèrent à l’angle d’une rue, passèrent entre deux maisons rectangulaires, empruntèrent un nouvel escalier. Le Chasseur fixait obstinément son saphir, les sourcils de plus en plus froncés. L’incompréhension le rongeait, le décor autour devenait de simples formes dans lesquelles il se guidait grâce à sa fumée.

Je… ne comprends pas.

Les rues étaient toutes les mêmes, les marches s’enchaînaient sans jamais différer. Sa concentration s’accentua, Samuel changea les filtres de sa pierre dans l’espoir de trouver le chemin. Le Catalyseur était là, tout près. Il le savait. Il le sentait. Mais pourtant...

Ashley hoqueta en reconnaissant la place d’un marché en ruines qu’ils venaient de quitter sur le mur à sa droite, comme collé.

— On marche sur le mur ?

L’homme au long manteau gris-noir referma son poing jusqu’à étouffer la lueur bleue. Ses dents se serrèrent. Il n’y arrivait pas. Il n’y voyait qu’une explication.

Ses bottes s’arrêtèrent.

— Sam, qu’est-ce qu’il y a ?

— On tourne en rond.

D’un coup d’œil furtif, il vérifia une nouvelle fois l’éclat de son saphir.

— Quelque chose, ici, de puissant, très puissant, modifie la perception de mon saphir. Peu de choses peuvent le faire.

— En Allemagne aussi…

— Ça n’a rien à voir. Les pentacles la brouillaient, c’est tout. Là, les informations qu’elle me donne sont… inexactes.

Le regard plus dur que jamais, son poing frappa sa paume.

— Heureusement, l’illusion que subit ma pierre n’est pas assez puissante pour la dévier totalement du droit chemin. Il suffit juste que l’on repère les traces et on pourra s’approcher du Catalyseur.

— C’est quoi ces « traces » exactement ?

La journaliste sentait que son don pour fouiner aller enfin être utilisé à sa juste valeur.

— Des petits points lumineux, un bout d’escalier qui ne devrait pas être comme ça, des détails étranges ou incohérents.

Ashley sourit en hochant la tête. Rien de bien compliqué pour ses pupilles. Elle en remarqua un immédiatement au coin d’une des marches montantes. D’ailleurs, ce n’était pas la première étrangeté qu’elle apercevait. Sur le moment, elle avait cru qu’il s’agissait d’un reflet ou d’un effet de son imagination.

— Comme le truc là-bas ?

Son doigt pointa l’anomalie d’un air nonchalant. Lorsque Sam l’aperçut, il se retourna la bouche légèrement ouverte et l’air très impressionné.

— Exactement ! Sapristi, ce n’est pas censé être simple à dénicher.

Les lèvres de la fouineuse invétérée s’étirèrent davantage tandis que sa main gauche chassait une mèche qui avait osé se poster devant son front.

— J’ai un très grand sens de l’observation.

De nouveau, ils suivirent les instructions du saphir, mais cette fois-ci, en cherchant les chemins camouflés en vide ou en mur. L’un d’eux, le plus étrange, s’enfonçait dans une partie des marches et débouchait vers un autre escalier. Plus ils approchaient, plus des traces de combats récents se dévoilaient. Des douilles miniatures s’ajoutaient aux os sur le sol. Du sang vert tâchait l’or. Puis de minuscules corps apparurent, gisant dans des combinaisons futuriste déchiquetées de soldats en mission d’infiltration.

Samuel transforma sa pierre en Prison.

— L’escouade Delta… les troupes d’élites de la Petite Souris.

Ashley reconnu dans les restes de boyaux, de mitraillettes coupés en deux et de sang le corps de rongeurs.

— J’imagine que monsieur S a omis quelques détails.

— Probablement. C’est l’une des raisons pour lesquelles je n’aime pas traiter avec lui.

Le calme subsistait dans sa voix, mais ses regards frénétiques sur les environs indiquaient le contraire. Si la malédiction de l’Eldorado était enfermée dans l’émeraude, qui avait pu tuer ces souris ? Peu importait, ils devaient continuer. D’une enjambée, ses bottes esquivèrent les cadavres. Ashley fit de même, plus dégoûtée que lorsque les résidus du Slenderman l’avaient effleurés dans le long manteau gris-noir de Samuel.

Une faille apparut dans le vide. Les deux compagnons la rejoignirent en marchant sur un pont invisible, puis la traversèrent. Elle dévoila un passage vers un mur, mur qu’ils franchirent.

La pièce, grande et soutenue par des piliers d’or et de roche blanche, offrait une vue large sur le labyrinthe de marches ainsi que les différents niveaux de la cité. Cependant, son centre attirait davantage l’attention. À l’intérieur d’un globe rouge s’exhibait, sur un piédestal, un objet en forme de grand sablier de pierre dépourvu de rondeurs. Des traits creux le parcouraient sans jamais se toucher.

Le Chasseur ne baissa pas sa garde. Il s’attendait à tout instant qu’une créature fonde sur eux ou qu’une horde de monstres sorte de nulle part pour leur barrer le passage. Néanmoins, rien ne se passa après qu’il eût fait quelques pas.

Prison balaya l’endroit, un faible éclat bleu affolait les murs.

— Sapristi, la Conteuse est passée par là. C’est elle qui a invoqué cette barrière.

Ashley faillit s’étouffer avec sa propre salive.

— Quoi ? C’est la Conteuse qui protège le Catalyseur ?

— Parfois.

Son épée virevolta dans les airs avant de retourner en saphir dans sa paume.

Comme pour se rassurer, la jeune femme caressa sa broche alors que Sam tournait autour de la protection magique. Maintenant, une pensée l’inquiétait.

Et si la Conteuse apparaissait ici, maintenant.

Son compagnon passa sa pierre proche de la barrière rouge, tel un scanner, puis fit la moue en la vérifiant à quelques centimètres de sa pupille droite. Quelque chose disait à Ashley qu’il allait en avoir pour un moment. Elle se rendit à la vue panoramique et s’appuya sur le rebord d’un petit muret. Les centaines d’escaliers l’intriguaient insuffisamment pour qu’elle ne surveille pas du coin de l’œil le Catalyseur.

D’un geste leste, le Chasseur sorti une minuscule et horrible poupée de chiffon avec deux boutons pour yeux et aucun cheveu. Son sort fut scellé à partir du moment où elle s’envola vers la lumière rouge, négligemment jeté par celui qui venait de la sortir. Le tissu se désintégra avant même d’avoir touché entièrement la bulle protectrice.

— Très bien. Ne pas la toucher, murmura-t-il.

Plus Ashley contemplait le Catalyseur, plus elle avait l’impression d’avoir à faire à une technologie extraterrestre tant son architecture différait de tout ce qu’elle avait vu jusqu’à présent.

Comment il marche ? Le trou au centre ressemble un peu au saphir de Sam...

Celui-ci, malgré ses divers tests, ne parvenait pas à percer la mystérieuse protection qui le séparait de la relique qu’il convoitait tant.

— Parfois, les gens se créaient des problèmes qui n’existent pas.

La blondinette tourna la tête. Son cœur bondit en apercevant l’effrayant sourire qui la regardait, suspendu dans les airs.

Des yeux se matérialisèrent après quelques instants, suivis rapidement par un amas de poils.

— Tu n’es pas facile à suivre.

— Le chat ! Mais qu’est-ce que tu fiches ici ?

L’illusionniste fou s’approcha de son visage, la tête à l’envers, l’air de faussement réfléchir.

— Voyons, je fais ce que je fais là, mais sans faire ce que je ne fais pas car j’ai une tâche bien précise à faire qui doit être faite, sinon elle ne sera pas faite.

— D’accord… je suppose ?

— Ravi que nous nous soyons entendu.

Ses dents se dévoilèrent un peu plus.

Un juron détourna Ashley du nouvel arrivant. Les mains sur les hanches, le Chasseur s’écarta du globe rouge pour faire les cent pas. Sa concentration fronçait ses sourcils sans lui apporter la moindre solution pour détruire la barrière magique.

— Tu vois, s’amusa le chat, lui, il se créer un problème qui n’existe pas.

Ce fut au tour d’Ashley de mettre ses mains sur les hanches et de froncer les sourcils.

— De quoi tu parles ?

— S’il n’y a pas de solution à un problème, c’est qu’il n’existe pas.

Le matou éclata de rire en s’envolant dans les airs avant de faire un tour sur lui-même et de croiser ses doigts sous son cou.

— Le Chasseur à cette fascinante manie de s’obstiner à accomplir des tâches qu’il ne peut réaliser. Il est aussi fou que moi.

Samuel s’arrêta, écarta ses manches, puis récita à voix basse une formule magique. Après plusieurs tentatives, rien ne changea et il reprit sa marche sans fin.

— Qui t’envoie le chat ?

L’intéressé pencha légèrement la tête sur le côté, le sourire jusqu’aux oreilles.

— Tu as déjà oublié ? Une question. Une question.

Il pouffa en reculant tout en plaquant ses pattes contre sa bouche.

— Tu aurais peut-être dû mieux choisir, jeune demoiselle.

La réponse la laissa sans voix. Ses pensées criaient qu’il était injuste, qu’à ce moment elle n’avait pas toutes les informations nécessaires pour comprendre la portée de cette unique question. Cependant, elle n’en dit pas un mot.

— Si tu es là uniquement pour te moquer de moi, inutile que tu restes.

Le sourire du matou disparut. En un battement de cils, il se retrouva à quelques centimètres de son visage, les iris grossis à un tel point qu’elles occupaient presque entièrement ses globes oculaires.

— Ne te fâche pas. Je cherche seulement à t’aiguiller, pas à te blesser.

Personne ne pouvait résister à ces yeux.

— Eh bien, tu ne m’aides pas.

Samuel approcha son saphir au plus proche de la paroi magique. Aucune lumière bleutée ne l’anima, et cette nouvelle l’enchanta.

— Pourtant, affirma le chat, j’ai donné la réponse à une des questions qui trottent dans ta tête.

À en croire son expression, la situation était réellement amusante.

Soudainement, le Chasseur eut un cri de victoire. Enfin, tout lui faisait sens. Il passa son poing tenant sa pierre à travers la barrière, et elle vola en éclats.

— Il semblerait qu’il ait été plus rapide que toi à comprendre.

De nouveau, le matou flotta autour d’elle. Sa queue remuait presque autant que le reste de son corps, ce qu’Ashley ne remarqua pas vraiment. Elle était trop occupée à observer le Catalyseur.

— D’ailleurs, je n’ai toujours pas compris…

Son compagnon quitta du regard l’objet de ses convoitises pour se retourner.

— Quoi ?

Malgré ses recherches, il n’y avait plus aucune trace de l’illusionniste fou. La jeune femme le savait, il était parti.

— Non, rien. Enfin si, comment tu as fait pour détruire la barrière ?

En un sourire passa toute la fierté que pouvait exprimer Sam.

— Il n’y a jamais eu de barrière. Illusion de niveau treize, le plus haut niveau ! Très compliqué à déceler, s’adapte et augmente en puissance en fonction de celui qui tente de la passer. C’est le genre de sort à pouvoir te tuer avant que tu n’aies le temps de comprendre ce qui en retourne. Le seul moyen de la détruire, c’est de faire abstraction de tous les signaux d’alerte que peut t’envoyer ton cerveau et la toucher en imaginant qu’il n’y a aucune barrière qui va t’atomiser. Un jeu d’enfant, il faut juste ne pas se tromper !

Le tout paraissait si simple qu’Ashley ne comprenait pas comment les sbires de la Petite Souris ne l’avaient pas franchi. Sûrement que Sam exagérait la simplicité de la tâche pour se bercer dans une fausse modestie.

Prudemment, l’homme au long manteau gris-noir s’avança jusqu’au piédestal. Ses pupilles brillaient d’excitation alors que ses mains se préparaient à s’emparer de la relique.

— Rassure-moi, la cité ne va pas commencer à s’effondrer lorsque tu prendras le Catalyseur ?

— Peut-être que si.

Il le retira d’un geste sec.

Aucun tremblement de terre, aucun changement ne se produisit dans la pièce, dans le hall rempli d’escaliers ou aux différents niveaux. Pas le moindre fragment d’or ne tomba sur leurs têtes. La cité maudite d’Eldorado n’avait pas décidé de s’effondrer aujourd’hui.

— Voilà !

Samuel se retourna avec une expression de contentement, le Catalyseur dans une main, sa pierre dans l’autre. Cette dernière brillait tandis que de la fumée pointait le sol.

— Sam, ta pierre.

Interloqué, il fixa l’éclat bleu puis suivit lentement la direction que pointait le caillou. Ashley baissa le regard, parfaitement synchronisé avec son compagnon. Un petit bonhomme avec un béret de ramoneur se tenait entre eux, solidement planté sur ses jambes.

— C’est une plaisanterie, s’écria le Chasseur stupéfié.

Ashley en fut tout aussi surprise et sa bouche grande ouverte l’empêcha de placer le moindre mot. Elle qui le croyait également mort lors de leur fuite du manoir des Bàthory, la nouvelle la réjouit grandement.

— Sapristi, mais qu’est-ce que tu fiches ici ? Tu ne t’es pas fait croquer par les vampires ?

— Absolument pas Chasseur ! Alors qu’une nuée de ces suceurs de sang fondait sur l’extraordinaire Tom Pouce, j’ai réussi à me faufiler dans une faille de la montage et je suis tombé dans…

— Oui oui, c’est ça. Qu’est-ce que tu veux ?

Tom Pouce bomba le torse, son béret penché vers ses yeux et ses joues gonflées.

— La même chose que tous les autres Chasseur : le Catalyseur ! Il y a un monde pas possible au Croisement alors que les verrous ne sont même pas encore déverrouillés entièrement. Grâce à mes incroyables dons et mes compétences inimaginables, j’ai pu m’infiltrer dans un fragment de bulle magique et parcourir…

Au moins, il ne tente plus d’être mon compagnon.

Cette pensée fut rapidement chassée de son esprit alors qu’il tournait les talons pour rejoindre le mur par lequel ils étaient entré.

— Attend voir, comment ça déverrouiller les ver…

Des craquements, comme si on explosait des vitres, tintèrent entre le murs, se répercutèrent dans tout l’Eldorado. Samuel pivota, Ashley se trouvait déjà au muret pour observer les éclats lumineux apparus sur les marches. Instables et fragmentées, les surfaces tentaient de s’aplatir tout en unifiant leur structure sans y parvenir.

— Ash, on part. Tout de suite.

Des formes par centaines s’engouffrèrent dans les escaliers, affluèrent dans les niveaux.

— Ash !

Ashley se détacha des fragments cristallins, et se mit à courir aux côtés de son compagnon.

— C’est quoi le plan ?

— Le plan ? Mais quel plan ?

De petits pas se pressaient à leur suite.

— Attendez, le Catalyseur est à moi ! L’incroyable Tom Pouce te provoque en duel. Affronte-moi et meurs ! Enfin, je pourrais devenir grand, et on respectera Tom Pouce pour ce qu’il est.

Un bruissement d’ailes passa juste au-dessus de leurs têtes, suivit d’un sifflement. Samuel se retourna à temps pour parer une lame. Son bras vacant retint Ashley et sa dague, prêtes à bondir sur un homme noir dans une armure dorée avec dans son dos deux imposantes ailes d’une blancheur éblouissante.

— Salut Chasseur. Le patron n’a pas trop apprécié ta dernière visite au Paradis. Tu ne risques pas d’y retourner de la même manière, je peux te le garantir.

— Déwis ! Tes plumes ont repoussé.

Le Chasseur recula d’un pas sans avoir besoin d’obliger Ashley à faire de même. Réflexion faite, la grandeur de son épée, magnifiquement taillée telle une fine flèche dorée entourée d’un métal blanc tranchant, lui imposait suffisamment de respect pour ne pas qu’elle se jette tête la première sur l’ange.

En hauteur, sur les côtés, partout apparurent des portails dans la salle. Émergèrent alors des personnes aux longs manteaux, d’autres avec de fins bouts de bois dans les mains et des capes de voyage. Des vampires, reconnaissables à leurs dents pointues, apparurent vêtus d’habits dans un style victorien. Des hommes et des femmes dans des armures missent au goût du jour, faites en polymère à la place de l’habituel métal, déboulèrent au pas de course. L’armement de ces derniers ne laissait pas à désirer. Outre des fusils d’assaut M4, des épées au look très contemporain, des lances rétractables, des faux et tout un tas d’armes variés ornaient leurs flancs et leurs dos. Puis vint le tour de centaures, qui à peine arrivé, battirent le sol comme prêts à charger. De lutins, vêtus dans des tee-shirts ornés d’un gilet fluorescent sur lesquels étaient écrit leurs départements de travail.

De nouveaux battements d’ailes, plus nombreux, déchaînèrent l’air. Des anges aux plumes blanches s’invitèrent par la balustrade bousculés par d’autres aux plumes noirs. Le nombre de créatures croissait à une telle vitesse que le deux compagnons durent reculer jusqu’à toucher le piédestal afin de rester hors de portée de toute tentative d’attaque.

Samuel défiait quiconque s’approchait de son épée. Quant à Ashley, elle tentait de créer une flammèche dans le vague espoir de paraître plus impressionnante, mais la peur l’empêchait de se concentrer, ou même de remarquer Tom Pouce, solidement accroché à sa jambe et soulagé de ne pas avoir été piétiné.

L’agitation se calma. Malgré la masse, plus un bruit ne troublait la cité maudite d’Eldorado.

Des regards s’échangeaient entre les différents groupes, prêts à s’étriper à la moindre opportunité. Son bras avait beau trembler, Ashley n’abaissait pas sa dague, et foudroyait d’un œil mauvais toute personne qui osait croiser ses pupilles.

Le Chasseur s’éclaircit la gorge, puis déclara à l’assemblée qui ne les lâchait pas des yeux :

— J’imagine que vous êtes là pour le Catalyseur.

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