Chapitre 26 : l’homme au sucre d’orge géant

Par Zephirs

D’un geste brusque qui fit bouger le chapeau rouge avec un pompon blanc sale sur sa tête, l’homme menaça le cou d’Ashley de son sucre d’orge géant.

— C’est elle qui vous envoi ? Vous n’aurez pas mon traîneau !

Entre les espaces des stalagmites et stalactites, sa vision un peu moins floue aperçut l’ouvrage de couleur rouge : une grosse caisse sur patins qui pouvait accueillir un homme large sans problème avec, à l’arrière d’un siège, un large coffre aux rebords recouvert de dorures écaillés.

Ashley recula sur les mains, encore sonnée.

— Personne ne m’envoie, attendez !

— Je sais qu’ils m’ont suivi, aboya le bonhomme en rouge.

Soudainement, il abaissa légèrement son sucre d’orge géant et paru absent.

— Je pensais les avoir perdus dans la jungle… Saletés de souris. Des rapaces qui ne connaissent que l’argent et se fiche du bonheur des enf… Plus un geste !

La blondinette se figea à moitié debout contre une stalagmite.

— Je ne fais que passer, d’ailleurs je partais.

— On ne la fait pas à monsieur Noël ! Qui serait assez idiot pour passer par là et se diriger vers la cité maudite d’Eldorado, si ce n’est pour m’attraper ? Mais vous ne m’aurez jamais ! Jamais !

Le Père Noël ramena sa délicieuse arme en arrière, prêt à l’abattre. Néanmoins, la karatéka ne l’entendait pas de cette oreille. D’un bond, elle atterrit sur lui, et ils basculèrent. Le sucre d’orge échappa des mains du Père Noël, mains qu’elle plaqua contre le sol rocailleux. La suite lui parut inconnue, elle n’allait tout de même pas le frapper, même s’il était devenu fou.

Cet instant d’hésitation permit au plus du tout gros bonhomme rouge de la renverser et d’enserrer son cou.

— Vous m’avez pris Tornade, Danseur, Furie, Fringuant, Rudol…

D’un coup de botte, il fut éjecté d’Ashley qui reprit bruyamment sa respiration.

— Je croyais que tu savais te battre.

— Je… je… je pouvais pas…

Sam orienta Prison vers le maigre personnage, rampant vers un traîneau à demi caché par les pics de glace.

– Sapristi, mais c’est le Père Noël !

– Ho ho ho, répondit-il tristement à l’évocation de son nom.

Chaque avancée tirait un gémissement d’entre ses lèvres.

Ashley se remit sur pied, la respiration encore courte. D’un geste, elle fit apparaître une flammèche qui provoqua un haussement de sourcils de son compagnon.

— On devrait faire quelque chose pour lui, dit-elle alors que l’éclat rouge entre ses doigts disparaissait et que la chaleur se répandait dans son corps.

— Tu…

Sam secoua la tête, comme si ce qu’il comptait dire n’avait aucune importance, avant de reprendre :

— Ses affaires sont ses affaires, ce n’est pas notre problème. On doit se dépêcher d’atteindre la Catalyseur, c’est tout. Le reste n’a pas d’importance.

— Mais…

— Ash.

Le regard du Chasseur devint plus glaçant que l’air. La détermination raffermit ses traits tandis que ses doigts se resserraient autour de la poignée de son épée, encore tournée en direction du Père Noël.

Un sentiment qui la traversait parfois, lorsqu’il affrontait des monstres sous ses yeux par exemple, vint en elle. Un sentiment de peur.

D’un geste vif, il lança son épée en l’air, et dans un tournoiement, elle redevint un saphir.

— S’il a réussi à sortir vivant de l’Eldorado, un petit coup de froid ne lui fera rien. Surtout à lui. J’aurais plus peur pour sa vie si quelqu’un apprenait qu’il est encore vivant.

Ashley se mordit les lèvres. Le visage de son compagnon avait retrouvé sa sérénité, comme si rien ne s’était passé et qu’aucun désaccord ne l’avait chamboulé.

— Partons alors.

Le Père Noël ouvrit la bouche, pantois face à leur manque d’intérêts pour sa personne. Il finit par bégayer :

— Al… alors vous ne faites vraiment pas partie des sbires de la Petite Souris ?

Ashley traversa la bulle magique sans se retourner, comme si le regarder chavirait son cœur. Sam, pour sa part, se stoppa juste à temps pour lui répliquer :

— Certainement pas !

Et traversa à son tour la surface aux reflets émeraude.

Avant qu’elle n’ait eu le temps de faire plus que trois pas, le Chasseur la tira en arrière par son manteau.

— Qu’est-ce qu…

— Ne soit pas si pressée.

— Tu te moques de moi ?

Le Chasseur déploya ses dents, la contradiction ne lui ayant probablement pas échappé.

— Absolument pas ! Soit pressée, mais pas trop. Avant, je dois juste t’expliquer deux ou trois choses qui éviteront que tu ne comprennes par toi-même pourquoi cet endroit est maudit…

Puis il murmura si bas qu’elle faillit ne pas l’entendre :

— Et que tu finisses hachée dans une bestiole.

Son index se leva brusquement en l’air.

— Premièrement, ne t’éloignes pas de moi à plus de deux pas. Si jamais cela arrive malgré nous, ne t’approche de moi uniquement si je fais resplendir ma pierre deux fois.

Il mit en évidence son saphir qui s’illumina à deux reprises.

— Si jamais ce que tu vois ne le fait pas, fuit dans la direction la plus dangereuse à tes yeux.

— Quoi ?! Mais…

Ashley n’eut pas le temps d’en dire plus que son majeur se tenait à présent à côté de son index.

— Deuxièmement, absolument tout ce que tu vois ici peut te tuer. Donc ne toucher à rien, fait très attention à ce qu’il peut y avoir au sol, et surtout, ne t’éloigne pas de moi.

Ses iris se portèrent sur les imposantes feuilles qui lui arrivaient jusqu’aux genoux.

Facile à dire de surveiller quelque chose que je ne peux pas voir.

De petits espaces laissaient néanmoins entrevoir ce qui pourrait se cacher en dessous.

L’annulaire du Chasseur rejoignit ses deux autres doigts.

— Troisièmement, tout ici n’est qu’illusion. Ne te fie surtout pas à tes yeux et reste bien à…

— Côté de toi, j’avais compris au bout de la deuxième fois.

— Quatrièmement, enchaîna-t-il sans y prêter attention en relevant l’auriculaire, est-ce que je t’ai dit que tu dois rester près de moi ?

Elle donna un coup de poing dans son épaule.

— Je suppose que oui.

Précautionneusement, Sam avança un pied, puis un autre. Le sol semblait spongieux sous ses pas. Son saphir proche de son visage ne semblait pas fonctionner comme il le souhaitait, si Ashley se fiait à sa grimace.

Des craquements, des couinements, des murmures les encerclaient. Parfois, des créatures de la taille d’un oiseau aux petites ailes et avec une courte trompe survolaient leurs têtes.

— Comment on va trouver le catalyseur là-dedans ?

— Il nous faut trouver une rivière avant tout.

— Une rivière ?

— Toutes les rivières de cet endroit mènent à la cité, le tout est d’en déceler une.

Des plantes gigantesques entouraient les arbres, s’élevant jusqu’à mi-hauteur de leurs troncs. Sur leur gauche, un végétal avait en son centre ce qui ressemblait à un canapé rose d’apparence moelleux, et d’où s’échappait un filet rose d’une odeur esquisse.

Ashley ne pouvait en détacher ses pupilles. Sans même s’en rendre compte, son allure ralentit, et elle se détacha du sillage du Chasseur.

L’une des drôles de bestioles volant dans les alentours se posa sur le canapé. La jeune femme s’en approcha avec plus d’entrain. Doucement, deux feuilles géantes hérissées de pointes, telles des dents, se rapprochèrent du pauvre volatile, inconscient du danger. Puis d’un coup, la bouche se referma.

Quand elle se rouvrit, il n’y avait plus de créature, plus de filet rose à la délicate odeur, mais au contraire, une odeur abjecte qui réveilla aussitôt Ashley.

— Wow, c’est pas vrai, comment j’ai pu m’approcher de ce truc. Sam…

En se retournant, elle s’aperçut qu’il était plus loin mais pas seul. Elle se tenait avec lui, le visage illuminé d’un sourire.

— Sam !

Samuel pivota, le regard toujours occupé par sa pierre. Cependant, il s’aperçut immédiatement de l’incohérence.

Son saphir se métamorphosa en Prison après un tour dans les airs. En un éclair, la chose à ses côtés se transforma elle aussi : sa bouche devint un long museau d’où débordaient plusieurs rangées de dents. Sur sa tête, une corne se forma alors que ses longs cheveux blonds tombaient sur le sol.

D’un bond en arrière, il se mit à l’abri d’un coup de griffe et trancha sa main, puis sa tête dans un tournoiement. Le monstre s’effondra au sol. Sam aspira la lueur noire qui se dégagea de son corps avant de lui faire signe d’approcher.

Arrivée à deux pas de distance, Ashley dégaina sa dague.

— La pierre Sam, la pierre. Tu n’as pas fait…

Le sourire du Chasseur s’agrandit. Il s’agrandit tellement qu’il atteignit ses oreilles. Ses yeux grossirent, ses iris s’aplatirent. Les lames de rasoir dans sa mâchoire claquèrent alors qu’elle prenait davantage de volume.

Une lame se planta dans son torse. Il baissa les yeux, son sourire se volatilisa.

La pointe de Prison se retira dans un bruit sec, après quoi la créature s’écrasa au sol. Samuel, dans un mouvement chorégraphié, fit voltiger son épée au-dessus de sa tête et retrouva son saphir, à son atterrissage, qui s’illumina à deux reprises. Ensuite, il plaqua son index sur ses lèvres, l’air faussement pensif.

— Dis-moi, quel était le point numéro quatre déjà ? Ou bien était-ce le trois ?

— J’ai été envoûtée par une fichue plante !

L’homme au long manteau gris-noir inséra une de ses mains dans ses poches intérieures, la bouche légèrement ouverte dans une expression à la fois de surprise et d’agacement qui haussait ses sourcils.

— Oui, j’avais oublié ce genre de détails…

Après quelques instants, il sortit un fil argenté si fin qu’il en était imperceptible pour une personne ne concentrant pas toute son attention dans sa direction.

— J’espérais qu’il ne serait pas nécessaire, mais…

— Un fil ?

— Le fil d’Ariane.

Ashley pencha la tête, sa bouche formant un « o » impressionné. Elle connaissait la tragique histoire du fil et de sa pauvre détentrice, Ariane, lâchement abandonnée par celui qui lui avait promis le mariage après qu’elle l’ait sauvé.

— Mais pourquoi tu ne l’as pas sorti plus tôt ! s’emporta-t-elle si fort que les sourcils de Sam n’eurent pas besoin de mots pour la réprimer.

— Je préfère éviter de te confier des reliques, tu serais capable d’attirer des Charognards. Normalement, ici, on ne devrait pas avoir de problèmes. C’est un terrain de chasse trop peu rentable. Mais on sait jamais. Surtout après ce que tu as fait sur la muraille. Néanmoins, je pense pas qu’on ait vraiment le choix.

Ashley se sentit gênée. Elle n’avait pas la moindre idée de ce qui s’était passé. Les images étaient floues dans son esprit, et à chacune de ses tentatives d’ouvrir la bouche pour en parler, une horrible migraine venait balayer ses mots.

Samuel ne lui donna pas le temps d’essayer davantage. Il enroula le fil d’Ariane autour de sa taille, puis fit un nœud qu’il serra un peu trop brusquement. Ensuite, ses doigts firent de même autour de sa propre taille. Un lien bleu s’illumina progressivement entre leurs deux corps, et après quelques instants, il perdit en intensité avant de disparaître.

— Si tu veux me retrouver, tu n’auras qu’à saisir la partie du fil autour de toi, et suivre la guirlande bleue qui vole.

D’un air enthousiaste, Sam frappa dans ses mains.

— Bref, cherchons un cours d’eau !

Pour une fois, l’explication était suffisamment claire pour ne pas laisser de question dans l’esprit curieux d’Ashley. Du moins, pendant cinq minutes. En effet, il n’avait rien dit sur la longueur maximale du câble, ou si par un malencontreux hasard, elle se retrouvait dans un autre monde.

Serait-il encore actif ?

Des ombres aux formes difformes furetaient autour d’eux. Leurs murmures inquiétants l’empêchèrent de prononcer le moindre mot.

Ces choses, ces créatures chimériques aux membres au mauvais endroit, affublés d’ailes, de cornes, d’écailles, ne semblaient pas perturber le Chasseur. Tant que sa pierre resterait aussi sombre qu’une nuit sans lune, il se disait qu’il n’aurait aucune raison de s’inquiéter.

Parfois, Samuel s’accroupissait et mettait son oreille proche du sol, comme s’il pouvait lui parler, puis sifflotait quelques notes sans avoir de réponse.

Après une heure de marche, son saphir s’illumina. Aussitôt, la terre et les feuilles se dérobèrent de sous leurs pieds.

Ils tombèrent dans une pente raide, trop raide pour garder l’équilibre. En contrebas les attendaient une dizaine de plantes carnivores géantes, leurs bouches grandes ouvertes séparées en quatre.

Les deux compagnons eurent la même idée. Dans un réflexe de survie, ils sortirent leurs armes pour les planter dans le sol, pendant telle une trappe. Leur descente se stoppa net. Les mâchoires des monstres claquèrent à plusieurs reprises sans les inquiéter, jusqu’à ce que des racines rampent vers eux. Lentement, sûrement, elles s’enroulèrent autour de leurs jambes.

Samuel sortit précipitamment de son manteau une fiole rougeoyante aux flammes révoltées. Trop contentes d’être libérées lorsqu’elle se brisa dans la gueule d’une des plantes carnivores, les flammes les dévorèrent dans un crépitement effrayant accompagné de complaintes stridentes.

Sans demander leurs restes, Samuel et Ashley attrapèrent des lianes pendantes sur les rebords de la paroi du piège, et déguerpirent.

— Sapristi ! Il y a trop de trucs qui veulent nous manger dans le coin. Le temps que j’adapte mes filtres, on a le temps de finir en croquette pour plantes.

Ashley, la respiration encore courte, acquiesça.

— Et dire que songeait à me prendre une fougère dans mon appartement, quand j’y retournerai. Je peux t’assurer que l’envie vient de me passer.

L’interminable marche dans la jungle maudite reprit. Cependant, au bout de cinq minutes, une sensation étrange titilla la jeune femme. Il lui fallut quelques pas supplémentaires, et apercevoir le sourire de Sam, pour comprendre que, malgré la terre ferme et la végétation grouillante sous ses pieds, ses chaussures pataugeaient dans de l’eau.

— Le Filtre est vraiment puissant dans le coin, n’est-ce pas ? s’égaya le Chasseur en passant la main devant lui. Revelio.

Une rivière se dévoila, étroite, verte, à l’eau si clair que l’on voyait la vase dans ses profondeurs. Sans oublier les créatures qui y nageaient telles des têtards de la taille d’une loutre.

Une embarcation était apparue en même temps que l’eau. Suffisamment grande pour accueillir deux personnes, sa construction rudimentaire ressemblait à celle d’une pirogue.

Le Chasseur y prit place comme si de rien était.

— On va sérieusement monter dans ce truc ?

— Bien sûr ! Sinon comment atteindrions-nous la cité d’or d’Eldorado ?

Toujours méfiante vis-à-vis de ce bout de bois sorti de nulle part, elle y prit place malgré tout. Immédiatement fait, le bateau se mit à avancer doucement, remuant l’eau sur son passage.

— C’est quoi le truc ? demanda Ashley encore sceptique.

— Le truc ?

— Ne fais pas comme si tu n’avais pas compris.

Samuel se mordit les lèvres, le regard fuyant.

— Eh bien, disons que nous allons passer par de petits endroits très sympas qui risquent de nous tuer très fortement si on n’y prend pas garde. Un prix dérisoire pour se rapprocher du Catalyseur sans errer deux jours dans cette maudite jungle. J’aimerais mieux en être parti avant que la nuit ne tombe.

Son ton à l’évocation de la nuit ne la rassura pas. Mais alors pas du tout.

— Et après ?

Sam la fixa d’une drôle d’expression.

— Après quoi ?

— Après qu’on ait trouvé la Catalyseur, on fait quoi ? C’est bien joli de combattre des monstres, entrer dans une pyramide prison du dieu du chaos, combattre une abomination, des vampires… et après, quand on aura enfin ton truc, on fait quoi ?

Le visage de Sam changea du tout au tout. Un air grave verrouilla sa mâchoire tandis qu’il continuait de la fixer.

— On fera ce qu’on aura à faire.

— Tu veux dire…

— J’attirerai la Conteuse à l’aide d’une relique qu’elle recherche, et je l’emprisonnerai à l’intérieur du Catalyseur. Fin de l’histoire.

Elle fronça les sourcils, affublée d’une moue peu convaincue.

— Tu ne penses pas qu’elle le verra venir ?

Le regard de son compagnon se perdit dans le vide sans formuler de réponse.

Sur les rives, des choses difformes les observaient. Aucune n’osait s’approcher de l’eau. Des volatiles affublés de trompes les survolèrent. L’un d’eux fut capturé par une langue qui s’échappa d’un arbre avant d’y retourner aussitôt avec sa prise.

Les bruits de la jungle, les murmures s’approchaient. La rivière s’agrandissait au fur et à mesure de leur traversée. Régulièrement, des branches gigantesques pendaient au-dessus du courant, abris de serpents, de créatures grouillantes et autres étrangetés.

Sam les pulvérisait à grandes gerbes de feu à l’aide de son revolver et sa capacité à moduler son chargeur pour accueillir une fiole aux éclats rouges. Les grosses, très grosses branches tombaient en un rien de temps sous les déflagrations, provoquant remuement et éclaboussures. Les monstres survivants disparaissaient à peine la surface aqueuse effleurée, ou bien coulaient en ne laissant que des bulles et des morceaux de bois calcinés.

Samuel restait silencieux, le regard vif, l’esprit alerte. Ashley gardait sa contenance, malgré ses doigts crispés sur sa dague et son teint pâle. Son éclaircissement de gorge, alors qu’elle fixait la lame entre ses doigts, attira brusquement l’attention de son compagnon.

— Je n’ai pas vraiment eu le temps de te demander, mais ce qu’à dit l’une des femmes chat sur l’ancienne propriétaire de ma dague... c’était la déesse Artémis ? C’est elle que...

Le Chasseur se renfrogna tout en se concentrant sur l’eau, à présent trouble.

— Je ne tiens pas à en parler, surtout maintenant. Elle souhaitait que je la donne à quelqu’un qui en serait digne. À aucun moment elle ne m’a dit en plus de conter ses aventures.

Le silence fut plus glaçant encore que les grottes aux portails du Niflheim. Après quelques instants d’hésitation, Ashley éleva la voix.

— Désolée. Je ne voulais pas…

— C’est rien, la coupa-t-il sèchement.

Son ton se radoucit, comme s’il s’en voulait.

— Écoute Ash, il y a pas mal de truc dans mon passé que je préfère éviter de me souvenir. Ne prends pas ça comme personnel.

Les bruits de la jungle se calmèrent alors que son feuillage s’épaississait. La rivière montait comme avant la descente d’une montagne russe. Malgré tout, l’embarcation avançait.

Des formes sombres rodaient sous l’eau, trop rapide pour être vu avec discernement. Samuel ramena prestement Ashley par le col lorsqu’elle se pencha au-dessus du bateau pour mieux les apercevoir.

Bien sûr, il lui exposa aussitôt à quel point c’était une mauvaise idée, cependant elle s’en était rendu compte quand deux yeux jaunes la fixèrent depuis les profondeurs tout en remontant dans sa direction.

Le vide pointait à l’horizon, les créatures étranges sur les rives ne les observaient plus.

Des plantes géantes aux couleurs exotiques leur lancèrent des pics que le Chasseur balaya d’un geste de la main en prononçant des mots sans son. C’était trop facile, ça ne lui plaisait pas.

— Quelque chose ne va pas.

Les rebords d’une immense cuvette se faisaient plus distincts sans pour autant révéler plus qu’un éclat doré caché par la végétation.

— Quoi donc ?

— Le prix de ce coup de pouce est trop bas.

— Comment tu peux le savoir ?

Il roula des yeux.

— Crois-moi, traverser une jungle remplie de monstres et de pièges ne vaut pas quelques grouillants et deux trois plantes.

— Alors quoi ?

Enfin, elle était là, dans une lueur d’or ternie par la mousse et les plantes grimpantes. Sa base carré gigantesque était entourée de cercles concentriques où gisaient des tours éventrées, le tout parfaitement aligné avec des allées aux pavés traçant des formes géométriques complexes. Ses différents niveaux s’étendaient si haut dans le ciel que même depuis leur hauteur, les deux compagnons devraient lever le menton pour apercevoir son sommet chatouiller le ciel.

Mais ce n’était pas ce sommet qui attirait leurs regards. Là où se jetait les nombreuses cascades, une étendue sombre entourait la cité maudite dans un cercle parfait.

Quelque chose clochait. Quelque chose affolait les sens du Chasseur et d’Ashley. Puis, des milliers de points jaunes apparurent. La surface parfaitement plane s’agita tandis que le canoë tombait sans diminuer d’allure.

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