Chapitre 26 : Léo

Par Zoju
Notes de l’auteur : J'aimerais beaucoup avoir votre avis sur ce chapitre et notamment sur les dialogues. J'espère que ce chapitre vous plaira. Bonne lecture ! :-)

Ugo ne réapparut pas de l’après-midi. Bien que quelque peu anxieuse, cela ne préoccupa pas Lydia dans un premier temps. Il était fort probable que le jeune homme pour plus de prudence avait sans doute décidé de retarder sa venue. Angeline était revenue dans ses appartements en début de soirée et l’Héritière pour se conforter avait demandé à son amie des nouvelles de son frère. Son angoisse avait augmenté d’un cran quand cette dernière lui avait certifié qu’elle ne l’avait pas vu de la journée. Lorsqu’Angie quitta les lieux, le soleil commençait à décliner de plus en plus teintant le ciel d’une magnifique couleur orangée. Toutefois, face à la beauté de la scène, Lydia resta de marbre. Ugo n’était toujours pas de retour. Quelqu’un frappa à la porte. Le cœur de la jeune fille rata un battement et elle accourut aussitôt pour ouvrir. Elle dut mettre un brin trop d’enthousiasme puisque le serviteur devant elle sursauta brusquement manquant de peu de renverser le plateau chargé de son habituel repas du soir. Ce n’était pas celui qu’elle escomptait. Espérant cacher sa déception, elle laissa entrer le domestique pour qu’il dépose son fardeau avant de refermer derrière lui après son passage. Lydia se reprochait son impatience face à la situation, mais cette attente était tout simplement insupportable pour elle. Tandis qu’elle empoignait une tranche de pain qu’elle beurra un peu trop généreusement, elle regretta de plus en plus d’avoir envoyé le fils de Mati espionner les Anciens. Et s’il s’était fait prendre ? Elle écarta dans l’instant cette pensée. Il allait revenir, cela ne faisait aucun doute ! Pourtant, à l’instant où elle affirmait ça, un soupire traversa ses lèvres. Il fallait qu’il revienne. Machinalement, elle redéposa le couteau qu’elle tenait en main et porta la tartine à sa bouche. Ses dents mordirent la nourriture et c’est sans entrain qu’elle avala ses maigres vivres.

 

Sa deuxième désillusion de la soirée se présenta un peu plus tard. Alors que Lydia, vautré dans son siège contemplait le plafond de ses appartements en se persuadant qu’elle devait partir à la recherche d’Ugo, Léo arriva, comme convenu plutôt dans la journée, pour lui rendre une petite visite. C’était bien la première fois que la joie ne gagna pas instantanément l’Héritière quand elle vit son frère sur le pas de la porte. Malgré ça, ne souhaitant pas gâcher ce moment avec lui, elle se força à éloigner quelque peu ses inquiétudes pour Ugo qui ne la quittait plus. Léo ne sembla pas remarquer les tracas de cette dernière et la dépassa après un sourire et une tape sur le haut de son crâne pour s’installer dans un fauteuil du salon.

- Comment s’est passée ta séance avec Cassia ? lui demanda-t-il en étirant ses jambes devant lui.

- Rien de spécial, lui mentit-elle en s’asseyant à son tour dans l’un des nombreux sièges de la pièce. Et toi, ton après-midi ? Tu t’es bien entrainé ?

Son ainé ne répondit pas directement se contentant d’observer son interlocutrice avant de déclarer :

- C’est ce que j’aurais voulu, mais à peine avais-je commencé que l’on m’a ordonné de m’occuper de la surveillance.

- La surveillance de quoi ?

Il fit un geste dans le vide.

- Oh, tu sais, rien d’exceptionnel. Un garde s’est blessé pendant sa ronde et j’ai dû m’en charger à sa place.

Il se redressa sur sa chaise et Lydia fut étonnée par l’air grave qui était apparu sur les traits de son vis-à-vis. Elle s’apprêta à le questionner, mais Léo la prit de vitesse.

- Mais assez parlé de moi ! s’exclama-t-il.

Toute contrariété sembla disparaitre sur le champ et un sourire se dessina sur ses lèvres.

- Tu voulais me dire quelque chose avant que Cassia ne t’emmène.

Il écarta les bras et poursuivit un brin ironique :

- Allé, je suis tout à toi maintenant, Lyd. Tu peux vider ton sac !

Pendant un moment, sa sœur se trouva bien incapable de dire quoi que ce soit. Ses problèmes de la matinée lui paraissaient bien loin à présent. La situation avait changé depuis leur séparation et le moins que l’on puisse dire, c’est que Lydia avait des soucis beaucoup plus graves et urgents à cogiter que ses états d’âme. Il y avait cette ombre qui l’avait attaquée dans ses rêves, ces visions qui s’étaient gravées dans son esprit, les silences de Cassia ou encore la mission d’Ugo. Elle avait tant de choses à partager avec lui. Pourtant, malgré son désir de tout raconter à Léo, elle se força à ne rien lui dévoiler et se contenta de cacher encore une fois la réalité sous un demi-mensonge.

- C’est juste, commença-t-elle quelque peu hésitante. Que je souhaiterais tant profiter du temps qu’il me reste avec ceux que j’aime.

En annonçant cette évidence, elle s’était obstinée à fixer ses mains croisées devant elle. La vérité avait beau être tue, cette autre réalité demeurait pénible. Elle releva le menton et porta son attention sur la personne en face d’elle. Léo lui souriait, toutefois, ses yeux ne reflétaient que tristesse. Il se leva de son siège et vient se placer à ses côtés en s’asseyant en équilibre sur un accoudoir du fauteuil où se trouvait Lydia. Son bras s’enroula autour des épaules de la jeune fille et il la rapprocha un peu plus de lui. Elle pouvait sentir la chaleur de sa paume à travers le tissu de son vêtement et ce contact la réconforta quelque peu. Les mots étaient inutiles et elle pouvait ressentir le soutien que souhaitait lui transmettre son frère. Elle posa sa main sur la sienne et les minutes s’écoulèrent en silence. Ce fut Léo qui reprit la parole en premier et l’Héritière fut surprise de constater que sa voix tremblait.

- Tu sais, Lydia. Je t’ai toujours admiré. Je suis fier du symbole et de l’espoir que tu incarnes pour le pays, mais je dois t’avouer que plus la cérémonie approche, plus j’ai des regrets.

Ses doigts s’enfoncèrent dans l’épaule de sa sœur. Étonnée par ses propos, celle-ci releva la tête pour poser ses yeux sur son frère. Celui-ci ne la regardait pas et observait grimaçant le tableau qui montrait la présentation de la deuxième Grande Sage. Il poursuit :

- Je n’ai pas envie que l’on soit séparé. Je ne veux pas perdre une sœur comme j’ai perdu maman et papa.

Le cœur de Lydia se serra brutalement lorsque Léo évoqua ses parents. D’ordinaire, il ne le faisait jamais, préférant dévier ou stopper net une conversation sur ce sujet tabou. Une larme glissa le long de sa joue et elle croisa enfin ses prunelles.

- Je sais que je ne suis qu’un égoïste, je devrais te féliciter, te soutenir pour ta prise de fonction prochaine, mais depuis que je suis arrivé ici, je ne cesse d’y penser. Je n’ignorais pas que ces moments passés ensemble avec toi et papy ne dureraient pas éternellement, mais pour moi c’était un avenir lointain.

Il la serra brutalement contre lui.

- Les Anciens me tueraient s’il entendait ça, mais je ne veux plus que tu sois Grande Sage.

Estomaquée par les paroles de son ainé, Lydia en oublia de respirer pendant de longues secondes. Léo s’écarta d’elle, une expression de stupeur sur son visage, comme s’il ne se rendait pas compte de l’énormité qu’il venait de formuler. Pendant un instant, Lydia envisagea de tout raconter à Léo que ce soit sa rencontre avec Mati, son plan de fuir et la légende de la Grande Sage, mais comme toujours, ses pensées ne traversèrent jamais ses lèvres. Son ami avait toujours fait preuve d’une loyauté exacerbée vis-à-vis des Anciens. Impossible pour elle de savoir jusqu’où il était sincère dans ses paroles. Le temps s’écoula sans qu’aucun des deux n’osât réengager la discussion. Ce fut de nouveau son frère qui se lança en premier après un rire embarrassé.

- Désolé, Lydia. Je dis vraiment n’importe quoi. Oublie !

Léo s’était redressé vivement et se frottait les yeux avec une étrange frénésie. Lorsqu’il reporta son attention sur sa sœur, elle retrouva sur son visage, cette même gravité qui revenait sans cesse assombrir ses traits depuis qu’il avait été nommé à son poste de garde. Il lui fit un pauvre sourire.

- Je préfère retourner dans ma chambre. J’ai eu une journée un peu fatigante et je ne souhaite pas que cela t’impact. Pardon pour mes propos, j’ai dit n’importe quoi. En tout cas, n’oublie pas que je serai toujours là pour toi, petite sœur.

Lydia sut alors qu’elle avait pris la bonne décision de ne rien lui dire. Ce n’était qu’une simple divagation, jamais Léo ne tournerait le dos de cette manière aux Anciens. Elle avait beau se l’affirmer, un poids se forma dans sa poitrine. Jugeant qu’il valait mieux passer outre pour le moment, elle se leva à son tour pour glisser ses bras autour de la taille de son ainé et se coller à lui.

- Je sais bien, Léo, murmura-t-elle. Mais fais-moi plaisir. Prends soin de toi, je n’aime pas te voir pleurer de la sorte, surtout si cela me concerne.

Il lui rendit son étreinte.

- Promis, Lyd.

Il se détacha d’elle.

- Dors bien.

- Toi aussi, frérot.

Un dernier signe de la main et il quitta ses appartements, laissant à cette discussion un goût amer à Lydia. Léo avait tendance à trop prendre sur lui et la jeune fille n’appréciait pas cela. Déjà depuis tout petit, il refusait que l’on s’inquiétât pour lui. Pourtant malgré ses sourires, Lydia savait que bon nombre n’étaient que façade, mais préférant éviter toute confrontation avec son frère, elle les avait toujours minimisés et maintenant elle le regrettait. Toutefois, quelque chose la préoccupait davantage. Pourquoi avait-il subitement émis le souhait qu’elle ne devienne jamais Grande Sage ? Les nombreux doutes qu’elle avait tu sur ce dernier revinrent avec force la tourmenter. Et s’il avait découvert la vérité sur son rôle ? Elle secoua la tête. Elle préférait ne pas y penser, car cela voulait dire qu’il avait choisi de taire ce qu’il savait plutôt que de la dire à sa sœur. Lydia poussa un soupire à fendre l’âme avant de se diriger vers la petite table du salon pour attraper la carafe et se servir une grande rasade d’eau. Quand elle le reverra, elle tâcherait d’en apprendre plus. Tandis qu’elle se désaltérait, l’esprit préoccupé par Léo, quelqu’un frappa. D’une voix forte, elle invita le visiteur à entrer. Elle manqua de lâcher son verre lorsqu’Ugo parut sur le pas de la porte. Instantanément, un intense soulagement l’envahit.

- Désolé pour l’heure tardive, Lydia, mais étant tombé sur l’intendant, je n’ai pas eu d’autre choix que de retourner travailler dans la seconde.

- Ça, tu peux l’être ! s’exclama-t-elle avant de reprendre plus doucement. Mais le plus important est que tu vas bien. Alors, quelles sont les nouvelles ?

Les traits de son interlocuteur se rembrunirent quelque peu.

- Pas très bonne, reconnut-il. Lorsque j’ai réussi à trouver comment me faufiler dans la salle centrale, Cassia était en pleine conversation avec les Anciens à propos de votre purification. Il parlait de quelque chose qui avait pris beaucoup trop d’ampleur et Cassia priait les Anciens d’annuler vos rencontres avec les délégations étrangères, argumentant la faiblesse de votre état.

- Qu’ont répondu les Anciens ?

- Le Grand Maître a refusé net, l’informa-t-il. Quoi qu’il en soit, Cassia semblait sincèrement préoccupé pour toi. D’ailleurs…

Il se rapprocha d’elle.

- Ne le prends pas mal, mais en voyant ta pâleur et les cernes sous tes yeux, je ne peux que lui donner raison. Tu devrais te reposer. Angie m’a dit que tu souffrais d’insomnies. Il faudr…

- Autre chose ? le coupa Lydia qui ne désirait pas échanger plus que nécessaire sur son état de santé.

Son interlocuteur avait déjà ouvert la bouche pour insister, toutefois en comprenant qu’il n’obtiendrait rien, revint à son récit.  

- C’est alors, reprit-il après s’être raclé la gorge. Qu’une prêtresse est entrée dans la salle complètement paniquée. Selon ses propos, la Grande Sage actuelle était en proie à une crise de démence et ne cessait de hurler pour que quelque chose s’arrête.

Ugo était désormais livide. Oya n’allait pas bien et Lydia comprenait aisément son inquiétude. Elle-même était préoccupée par la réaction de la sœur de Mati.

- Mon père va être dans tous ses états quand je vais lui apprendre ça.

- Tu penses qu’il va avancer la date de notre fuite ? s’enquit la jeune fille.

- Aucune idée, mais il ne serait pas impossible qu’il te contacte à nouveau.

- Fais-lui savoir que je les attendrai, l’informa Lydia. Comment a réagi le reste de l’assemblée en entendant cela ?  

- Le Grand Maître a immédiatement fait le lien avec toi et les autres personnes présentes ont également approuvé.

Il se tut un instant avant de demander hésitant.

- Dis Lydia, est-ce que tu pourrais me dire ce qui s’est passé lors de ta purification ?

Encore une fois, l’Héritière choisit de mentir et de lui révéler la même chose qu’à Cassia. Tant qu’elle ignorait ce que c’était cette forme, elle refusait de dire la vérité à quiconque. À son grand soulagement, le jeune homme sembla la croire. Il n’insista pas, se contentant d’opiner du chef, puis lui relata la fin de l’entrevue qui ne lui apprit rien de plus intéressant si ce n’est qu’elle allait avoir droit à une surveillance encore plus étroite. Pourtant, alors qu’Ugo paraissait en avoir terminé, Lydia ressentit une étrange sensation de malaise émanant de son interlocuteur. À l’évidence, ce n’était pas tout. Il s’apprêta à partir, mais elle le retint avant qu’il n’atteigne la porte d’entrée.

- Je vois à ta tête que tu me caches quelque chose, Ugo.

Ses yeux croisèrent ceux du fils de Mati qui détourna aussitôt le regard. Cela suffit comme preuve à Lydia. Elle insista, mais il se borna à nier. Ce n’est qu’après un nouvel assaut que sa défense sembla se fissurer. Ses épaules s’affaissèrent et son visage ne refléta plus que tristesse. Après ce qu’il parut une éternité pour la jeune fille, Ugo parla enfin.

- Un soldat accompagnait la collègue de Cassia et c’était votre frère.

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Xanne
Posté le 15/04/2021
Salut Zoju :)

Les dialogues dans ce chapitre me plaisent bien, mais ce que j'aime encore plus, ce sont les gestes dans le passage où Lydia et Léo sont ensemble. On sent un lien très fort entre les deux, surtout au moment où Léo pleure. Tout ceci rend la trahison de la fin du chapitre encore plus triste.

Il n'y a quasiment pas de fautes dans ton chapitre cette fois ^^ J'en ai quand même repéré quelques unes et j'ai également des suggestion de ponctuation à te proposer. Je pense qu'il manque des virgules dans certaines phrases de ton premier paragraphes, comme par exemple: "Angeline était revenue dans ses appartements en début de soirée et l’Héritière[,] pour se conforter[,] avait demandé à son amie des nouvelles de son frère" ou encore "Lorsqu’Angie quitta les lieux, le soleil commençait à décliner de plus en plus[,] teintant le ciel d’une magnifique couleur orangée".

"Alors que Lydia, vautré dans son siège" -> vautré[e]

Ce n'est que lors de la deuxième lecture que je comprends ce que Léo appelle la "surveillance". Lors de ma première lecture, j'avais cru qu'il s'agissait d'une occupation banale, mais maintenant que je connais la fin du chapitre, je perçois cette phrase différemment. ^^

Les chapitres sont racontés du point de vue de Lydia, pourtant dans la phrase "Pendant un moment, sa sœur se trouva bien incapable de dire quoi que ce soit", le "sa sœur" fait comme si on avait brièvement changé de point de vue pour se mettre à la place de Léo.

Le moment intime entre Léo et Lydia est à la fois réconfortant et triste. On sent bien qu'ils veulent se dire la vérité, mais la peur les en empêche. Je trouve les émotions bien retranscrites, c'est déchirant à lire.

"Léo s’écarta d’elle, une expression de stupeur sur son visage, comme s’il ne se rendait pas compte de l’énormité qu’il venait de formuler." Pourquoi la négation dans la dernière partie de la phrase?

"Cassia semblait sincèrement préoccupé[e] pour toi"

La fin est toujours aussi prenante. En une phrase, on comprend que Léo est au courant pour Oya, qu'il redoute qu'il arrive la même chose à Lydia, qu'il préfère quand même cacher la vérité plutôt que d'en parler à sa sœur et que cette dernière a vécu une trahison assez dure à encaisser. J'aime tellement ce genre de moment <3

À bientôt pour la suite!
Zoju
Posté le 16/04/2021
Merci pour ton commentaire Xanne qui me fait toujours très plaisir ! Merci pour les quelques fautes que je vais rapidement aller corriger.

Je suis contente de voir que les dialogue et les évènements qui se déroulent dans ce chapitre fonctionnent bien. Je craignais que la réaction de Léo soit un peu mécanique, mais cela me fait plaisir de voir que j'ai pu transmettre les émotions que je souhaitais. C'est d'autant plus douloureux quand on apprend que Léo sait. Pour Lydia, cela représente la pire des trahison. Passe encore que Mati lui mente, mais jamais elle aurait pensé cela de son frère qu'elle aime tant.

J'espère que la suite continuera à te plaire ! :-)
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