👑 CHAPITRE 26 👑

Je ne sais pas vraiment ce qui m’a tiré de mon sommeil : les rayons du soleil passant à travers des rideaux troués ? Les voix que je pouvais entendre depuis le sofa où j’avais visiblement trouvé refuge pour la nuit. A vrai dire, je ne me rappelle pas m’être endormie. Valerian et moi avons discuté une bonne partie de la nuit, si ce n’est jusqu’au petit matin et sans doute ai-je dû m’endormir au milieu de notre conversation. Sans doute. Nous avons parlé du jeu. Nous avons parlé de mes objectifs. Nous avons également parlé du Duc. En fait, nous avons principalement parlé du Duc. Visiblement, cet homme était un mystère non pas seulement pour moi, mais également pour une bonne partie de la cour. Pour Valerian, ce n’était qu’un enfant jouant un rôle. Il a probablement raison. Il est fort à parier que le Duc joue selon ses propres règles.

Rejoignant la voix qui s’élevaient, je m’aperçus en approchant de l’endroit que le Duc et le Baron étaient visiblement en pleine discussion.

- Et donc nous sommes à combien de likes ? demande le Duc

- A peine cinquante mille, mais la bonne nouvelle c’est que le compteur grimpe. Certainement dû aux événements de la veille.

- On ne pourra pas s’offrir le luxe d’avoir des journées comme celle d’hier constamment. Il y a soixante-huit millions d’habitants dans le Royaume et il faut qu’une grande majorité aime la princesse pour gagner. Cinquante mille, c’est rien. Quelles sont les autres nouvelles ?

- A ce que j’ai pu voir, le Prince Byron s’est établie dans la Province de Nariya et a déjà lancée les prémices d’une politique économique basée sur l’échange cordial avec l’Empire de Royon. La Princesse Ivory se trouve dans la Province de Ospissa près de votre duché...

- Je ne doute pas que cette vipère utilise sa position à tout moment pour attenter quelque chose contre mon territoire. Elle peut s’y risquer si l’envie lui prends. Et les autres ?

- Les princes Cybele et Kybele ont lancés un programme de scolarisation massive pour les enfants venant de familles défavorisées. Le Prince Chester mise sur la diplomatie, le Prince Gavin a posée les bases d’une politique de refonte du système de santé et la Princesse Isidora a souhaité réunir plusieurs hauts dignitaires voisins afin de converser sur une possible ouverture des frontières.

- En somme...

- Nous sommes dans la merde.

Comment ont-ils pu monter tous ces projets et toutes ces collaborations en moins de vingt-quatre heures ? C’est tout bonnement impossible... impossible à moins d’avoir préparé en amont ce genre de chose. Bien évidemment. Ils n’allaient pas rester les bras croisés en attendant bien sagement que le Ruler Game commence. Tout le monde savait ce qui allait arriver, ce que ça allait nous coûter et ce que nous devrions faire. A présent, toute ma fratrie a une longueur d’avance et moi, comme à mon habitude, j’ai un train de retard sur eux.

- Je ne suis probablement pas le mieux placé pour discuter de cela avec Son Excellence, mais... vous devriez discuter avec la Princesse.

- En quel honneur me dites-vous cela ?

- Écoutez, nous sommes voués à passer trois mois ensemble, sous le même toit, pour le meilleur des cas et bien que nous n’ayons qu’une dizaine d’année d’écart, j’ai remarqué comment vous vous comportiez avec elle. Il est naturel de vouloir la défendre, mais je pense qu’il est dans son plus grand intérêt de la laisser faire ses erreurs, ses choix et d’apprendre ceux-là.

- Elle vous a retourné le cerveau, c’est ça ?

- Pas du tout, j’exprime seulement mon opinion sur le sujet. Vous savez aussi bien que moi ce que cet infâme jeu implique et les risques seraient trop grands pour nous si nous passions notre temps à la surveiller comme une enfant. Ça n’en est plus une. C’est une jeune femme et probablement la future souveraine du Royaume. Essayez de la considérer comme telle.

Je n’avais pas la moindre idée de la façon dont pouvait me percevoir Valerian. Nos échanges ne furent pas nombreux, mais chacun a su me donner l’impression de mériter ma place. Peut-être que lui-même ne s’en rendait pas compte, mais sa façon de me parler, de m’écouter, de me répondre aussi a toujours su me donner l’impression de compter. D’avoir de l’importance et que mon avis ou mes opinions pouvaient également se faire entendre.

En fait, je ne le réalisais que maintenant, mais Valerian Decloff me traitait comme une adulte alors que le monde s’évertuait à me traiter comme une enfant et à me faire comprendre que jamais je ne sortirais de ce rôle là.

- Très bien. Vous avez raison. Il est peut-être temps qu’elle apprenne.

Revenant vers la porte de la grande salle dans laquelle ils se trouvaient tous deux et comprenant que d’un instant à l’autre, le Duc me tombera dessus comprenant que je suis là depuis une bonne dizaine de minutes, je me précipite à l’autre bout du couloir faisant mine d’arriver tandis que ce dernier passe les portes et me tombe directement dessus.

- Votre Altesse ! Vous voilà réveillée, dit-il presque étonné de me voir.

- Bonjour...

Ma voix est faible, presque mise en sourdine. Il a encore ce regard à mon égard. Celui plein d’inquiétude.

- Est-ce que l’on peut discuter vous et moi ? me demande t-il alors en s’avançant pour au final s’arrêter à seulement un mètre de moi.

- Bien sûr.

Sans attendre, il m’entraîne à sa suite plus loin dans le couloir et je ne peux que trouver particulièrement à l’aise dans un lieu inconnu. Avait-il déjà fait le tour du propriétaire ? Comment peut-il se souvenir aussi bien de quel couloir mène à quelle pièce ? Ce n’est pas un grand château, mais il est facile de faire vivre une centaine de personnes ici et pourtant, nous ne sommes que trois. Au final, il nous fait entrer tous deux dans ce qui semble être un bureau ou du moins ce qui s’y prête avant de refermer la porte derrière lui. Il s’approche des fenêtres, tire les rideaux, ouvre ces dernières et laisse la poussière de la pièce s’échapper avec la brise matinale.

- Puis-je me permettre d’aller droit au but Votre Altesse ?

- Vous en ai-je déjà empêcher auparavant ? Je vous écoute.

- Qu’espérez-vous faire en participant au Ruler Game ? Soyez honnête.

- Honnête ? pouffé-je choquée par ses mots en sachant qu’il est probablement le moins honnête de nous trois. Je pense l’avoir déjà été en vous disant que je comptais gagner. Je ne vois pas ce que je pourrais rajouter.

- Et pour cela vous êtes prête à tout ?

- Je suis étonnée de voir que vous n’avez encore rien retenu de ces quelques jours passés au palais ou avec les événements de la veille. Duc Owen, dites-le franchement : Quelle est votre véritable question ?

Au rictus apparaissant soudainement sur son visage, je devine que j’ai mis le doigt sur quelque chose. Quelque chose que je peine à comprendre. Il a été le premier à m’encourager à participer et à me traiter comme le souhaite l’étiquette dû à mon rang et à mon titre, néanmoins je le trouve étrangement agité depuis que nous sommes arrivés. J’ai bien conscience qu’il m’a promis de me protéger, de veiller sur moi, mais je ne supporterais pas d’être mise sous une cloche en verre. Alors qu’est-ce qui peut bien le tracasser ?

- Princesse Magdalena, qu’êtes-vous prête à faire pour gagner cette compétition ? me demande-t-il les yeux plongés dans les miens

Je pourrais vendre mon âme du diable.

- Tout ce qui est en mon pouvoir.

- Dans ce cas ... Attendez-moi, je reviens, je n’en ai pas pour longtemps.

Sur le coup, je ne me suis pas demandé si c’était la réponse qu’il espérait entendre ou non. Je n’y ai pas réfléchit. Il était plus important pour moi d’être complètement et totalement honnête envers lui en ce qui concernait mes intentions plutôt que de lui mentir. Je sais où mène le mensonge et jusqu’où ce dernier, bien trop longtemps gardé, peut nous pourrir. Je n’ai rien à cacher. Rien si ce n’est ...

Quelques minutes plus tard, le Duc revient dans la pièce, me tendant alors un pistolet.

- A partir de maintenant, vous allez apprendre à vous défendre. Seule.

- Vous savez, je ne suis pas sans reste en terme de crochet du droit.

- Je ne parle pas de bagarre de rue, je parle de survie. Vous allez un jour devoir décider si oui ou non vous allez appuyer sur la gâchette et vivre avec les conséquences de votre acte pour le restant de votre vie. Ce que je vous demande, Princesse, c’est de vous tenir prête à tuer quelqu’un car c’est ce qui vous attends. La réalité du jeu est là, est-ce vous êtes prête pour ça ?

Étrangement, l’arme ne m’effraie pas. Pas plus qu’une fois dans ma main. Je la saisie et la détaille du regard, réalisant à quel point malgré sa petite taille elle pouvait avoir un certain poids.

-  Je vous apprendrais tout ce que je sais. Le reste, ne dépendra que de vous maintenant.

- A vous entendre, je pourrais presque croire que vous allez rester sur le banc de touche.

- Non, mais je ne me mêlerais pas de certains combats qui ne me regardent pas. Nous avons tous nos batailles à mener et si certaines des vôtres peuvent vous faire réaliser l’erreur dans laquelle vous nager alors...

- Erreur que vous semblez visiblement encourager si vous êtes déterminé à faire de moi votre élève.

- Détrompez-vous, je le fais à contre cœur. Néanmoins, ce qui me fait le plus mal serait d’être dans l’incapacité de vous protéger.

- Duc Owen, ne vous êtes-vous jamais dit que parfois, le danger n’est que nous-mêmes ?

- Malheureusement, je ne peux pas vous protéger de vous-même. Il y a des choses que vous allez devoir régler seule.

- Ne vous en faites pas, la solitude, je connais. C’est mon lot quotidien.

- Mais cela ne fait en rien votre force. Les gens seuls sont seulement ceux qui ont les idées les plus stupides parce qu’ils pensent n’avoir rien à perdre.

Un sourire sarcastique m’échappe sous sa remarque tandis que je m’approche de lui, posant ma main sur mon épaule pour la tapoter délicatement.

- Dans ce cas, je suis officiellement la personne la plus idiote du Royaume.