Chapitre 24 : Le Pilier

Balthazar s'était réveillé tard et après s'être redressé brutalement dans son lit, il s'était demandé si tout ce qu'il avait vécu la nuit dernière était vraiment arrivé. En voyant le soleil éclairer doucement la lucarne qui donnait dans sa chambre, il réalisa que personne n'était venu le réveiller et se rappela qu'il s'agissait de son jour de congé. Il avait déjà prévu de retourner au campement aujourd'hui.

Il se força à s'asseoir dans son lit avant que l'angoisse ne lui serre les boyaux. Qu'allait-il se passer maintenant, quand il se retrouverai face à Portail ? Il rassembla tout son courage pour sortir de la chambre ; par bonheur, la salle était vide. Un domestique lui appris rapidement que la prêtresse de la naissance et son général étaient sortis à l'aube ; Balthazar en ressentit à la fois un grand soulagement et beaucoup de dépit. Il demanda si des instructions ou un mot lui avaient été laissé, mais non, il n'y avait rien.

L'esprit tout chamboulé, il loua une monture aux écuries et sortit de la ville au galop.

Mais quand il arriva au village des euphrates, il réalisa immédiatement que quelque chose n'allait pas : il n'y avait personne pour monter la garde et des cris résonnaient depuis la tente des femmes. Balthazar sauta de son cheval après avoir grossièrement attaché la longe de sa monture à la barrière et couru jusqu'au petit rassemblement qui s’était formé autour du cadavre et de la forme qui se tordait sur le sol. Il reconnut la femme, celle avec les belles boucles d'oreilles bleues. Elle était déjà morte, la gorge tranchée ; son sang continuait à couler et à imprégner le sable déjà rouge qui se trouvait devant la tente.

Le garçon blessé était son petit frère. Il hurlait en tenant contre lui ses genoux, tandis que ses épaisses lunettes avaient roulées un peu plus loin. Deux grandes entailles s'étendaient en haut de ses mollets et saignaient à gros bouillon.

— Qu'est ce qui s'est passé ?

Abel se tourna vers lui, le regard sombre, tandis que deux hommes se précipitaient sur Aaron pour soigner ses blessures comme ils le pouvaient en compressant l'hémorragie.

— On ne sait pas bien. On pense qu'elle a réussi à lui prendre le couteau et qu'elle a essayé de le planter. Heureusement, le garde les a entendu et s'est débarrassé de la fille avant qu'elle ne puisse s'enfuir.

Impuissant, Balthazar regarda deux de ses frères faire des bandages grossiers à Aaron avant de le soulever pour aller l'allonger sur sa paillasse, à l'intérieur de leur tente commune. Il les suivi d'un pas chancelant. Durant les derniers mois, il n'avait pas eu beaucoup l'occasion de penser à son petit frère. Aaron n'avait pas beaucoup d'interaction avec les autres jeunes de leur tribu et il l'avait en quelque sorte laissé tomber pour les beaux yeux d'une fille. Et voilà qu'il était sérieusement blessé. Il se pencha dans l'entrebâillement de la tante, en direction du guérisseur du clan qui se penchait déjà sur les blessures d'Aaron.

— Est-ce qu'il va pouvoir guérir ? Est-ce que ça ne va pas l'empêcher de marcher ?

L'homme leva les yeux dans sa direction et secoua la tête d'un air impuissant :

— Les ligaments du genoux ont été découpés des deux côtés, seul l'avenir nous le dira. Ce sera déjà heureux si la blessure ne s'infecte pas et que la fièvre ne l'emporte pas.

Balthazar en resta muet. Aaron pouvait-il simplement disparaître comme ça ? Si vite ? Alors que lui-même était occupé à autre chose ? Il ouvrit la bouche pour demander des précisions, mais à ce moment-là, le garde posa sa main sur son épaule pour le tirer en arrière.

— Balthazar, tu tombes bien. Ton père m'a demandé de te faire venir dès que tu remettrais les pieds ici.

— Ça ne peut pas attendre ?

Le guerrier ne s'émut pas de son ton acerbe :

— Ce n'est pas à moi d'en juger. Va voir ton père d'abord, tu pourras veiller Aaron plus tard, quand le guérisseur aura fini de le panser.

A contre-coeur, l'adolescent le suivi jusqu'à la tente principale et n'eut pas eu le temps de ressentir son angoisse habituelle à l'idée de se retrouver en présence de son géniteur qu'il fût à l'intérieur.

Il s'agenouilla.

— Père.

L'homme n'était pas assis sur son trône, mais derrière un bureau où il griffonnait des notes sur un vélin. Il mit un peu de temps avant de lever la tête :

— Balthazar, tu es rentré.

Il se leva et lui fit signe d'un geste sec d'en faire de même :

— Viens ici. Nous devons parler de choses sérieuse.

Intrigué et inquiet, l'adolescent obéit et accepta le siège que lui offrit son père, tandis que celui-ci se rasseyait. L'homme le détailla des pieds à la tête de ses yeux sombres sans que le fils parvienne à saisir ce que le père essayait de lire en lui.

— J'ai décidé d'attaquer Luminosa.

Balthazar ouvrit bêtement la bouche, avant de cligner des yeux et d'ajouter :

— Mais... les sombres sont beaucoup plus nombreuses et plus organisées que nous.

— Ce n'est pas un problème si on les prend par surprise.

— Comment voulez-vous prendre par surprise un peuple qui possède une muraille fortifiée autour de sa ville ? J'ai pu entrer à l'intérieur, mais je ne suis qu'un gamin et je n'étais pas armé.

— En se débarrassant des guetteuses et en ouvrant la herse de nuit.

L'adolescent déglutit :

— Vous voulez que je...

— N'est-ce pas toi qui te plaignait, il y a peu, que je ne te donnais pas assez de responsabilités, et que tu voulais être considéré comme un homme.

— Si, mais...

— Eh bien ? Est-ce que soudainement tu ne te sens plus à la hauteur ?

Balthazar avait le ventre en marmelade :

— Si, mais... sauf votre respect. Même si je me débrouille pour ouvrir les porte de la ville, la nuit... Même si tout le monde arrive à rentrer… Nous sommes quand même en sous-effectif et je ne pense pas que nous ayons de quoi prendre la cité.

Le chef s'appuya sur son coude, sa joue mal rasée reposant sur son poing :

— Ce n'est pas la prise de la ville qui m'intéresse, c'est Portail.

Les entrailles de Balthazar se gelèrent, tandis que son père continuait :

— Depuis que cette fausse prophétesse est arrivée, nous n'avons que des ennuis. Les brunes sont de plus en plus organisées et de plus en plus puissantes. Il faut couper la tête, humilier son image et le reste se délitera petit à petit. Tu m'as bien dit que tu logeais dans le temple, n'est-ce pas ?

L'adolescent acquiesça lentement.

— Et tu sais quels sont ses moyens de défenses et où loge la prêtresse ?

— Oui.

Le chef s'appuya contre le dossier de sa chaise :

— Tu crois pouvoir le faire ?

Balthazar baissa les yeux :

— C'est pour quand ?

— Nous serons prêt dans trois jours.

— Trois jours !

— Ça n'a rien de sorcier. Tu tues les sentinelles... Combien y en a-t-il ?

— Une trentaine environ. Réparties sur l'ensemble des remparts.

— Bien. Tu attends 2h du matin que tout le monde dorme, puis tu tues les sentinelles, il suffit de s'occuper de celles qui sont du bon côté, donc neuf ou dix personnes... Discrètement... Tu remontes la grille. Puis tu montes sur une tour et tu nous lance un signal avec des torches. J'attendrai, caché avec les hommes. Si tu ne lances pas le bon signal, nous ferons demi-tour et l'assaut s'arrêtera là. Nous trouverons ensuite Portail. Si l’un de nous la trouve, il la détruira.

L'adolescent tendit l'oreille.

N'était-ce pas là sa chance ? Il pouvait accepter la mission et faire exprès d'échouer, non ?

Son père continuait à l'étudier d'un air songeur :

— Alors ? Tu t'en sens capable ?

— C'est peut-être envisageable.

Des sourcils imperceptiblement froncés lui annoncèrent que ce n'était pas exactement la bonne réponse. Il prit sur lui.

— Je vais le faire.

Aussitôt Balthazar eut à nouveau une impression de malaise ; comme si une main s'était refermée sur son cœur dont les battements avaient accélérés. Un léger sourire fleurit sur les lèvres de son paternel. Il baissa les yeux sur le vélin qu'il griffonnait et le congédia d'une main molle.

— Ce sera tout, tu peux disposer.

L'adolescent cligna des yeux :

— On ne fait pas plus de mise au point ?

— Tu verras ça avec la sentinelle avant de partir. Il n'y a rien de compliqué. Cette mission repose uniquement sur toi. Organise-toi pour qu'elle fonctionne et tout ira bien.

Facile à dire.

Balthazar mit encore un peu de temps à comprendre que non, son géniteur n'allait rien lui dire de plus. Il se leva de son siège à contre-coeur et sortit. Le soleil l'éblouit immédiatement et il dût se protéger avec le dos de sa main. Son père lui avait demandé de voir les détails avec la sentinelle, mais il commença par se rendre au chevet de Aaron. Le guérisseur était toujours auprès de lui, mais son frère dormait profondément. Les bandages qui couvraient ses genoux étaient tâchés de sang frais, mais l'hémorragie semblait s'être arrêtée.

— Tu veux le veiller ?

L'adolescent acquiesça et le guérisseur se remit péniblement debout avant de les laisser tout les deux dans la tente. Balthazar regarda le visage transpirant et endormi de son frère. D'un doigt, il écarta les boucles collées au front par la sueur, avant d'enlever les épaisses lunettes pour les poser à côté de sa tête. Est-ce que Aaron avait pu détacher la prisonnière ? Et si oui, pourquoi avait-il fait quelque chose d'aussi stupide ?

Pendant quelque secondes, il revit le corps blanc contre lequel il s'était pressé pas plus tard que la nuit dernière. D'une certaine façon, il connaissait la réponse à cette question. Son frère fragile et abandonné avait-il pu désirer et être manipulé par cette femme, au point qu'il la détache ? Balthazar aurait-il été capable de la même chose si c'était la prêtresse de la naissance qui se serait trouvé attachée dans la tente ? La réponse était évidente.

La gorge nouée, il s'égara en pensées sur la mission qui venait de lui être confiée. De quelle façon pourrait-il rater sa mission sans avoir besoin de se mettre en danger ? Pouvait-il y arriver sans avoir besoin de tuer aucune sentinelle ? Elles avaient toujours été amicales avec lui.

L'équilibre entre son peuple et sa vie à Luminosa atteignait un point critique. Même s'il ratait cette mission, il y en aurait sans doute une autre derrière ; d'une façon ou d'une autre, il allait devoir faire un choix. Instinctivement, tout son corps le portait vers Portail et les joies auxquelles il venait seulement de goûter, mais ses yeux s'arrêtèrent à nouveau sur le visage endormi de Aaron. Pouvait-il abandonner son petit frère ?

Soudain, le fait d'attendre là sans rien faire lui parût insupportable.

Depuis combien de temps le veillait-il ? Une heure à peine ?

Il sortit de la tente pour chercher de l'air et chercha des yeux la sentinelle. Celle-ci n'était pas en vue, mais d'ici, il voyait la tente des femmes. Il s'approcha avec appréhension. Le corps de l'assaillante avait été jetée derrière en attendant qu'on l'emmène plus loin, pour ne pas attirer les bête. Des mouches grouillaient sur sa blessure à la gorge et Balthazar eut un haut le cœur. Cependant, il n'était pas venu sans arrière-pensée, alors, surmontant son dégout, il s'accroupit et décrocha des oreilles de la morte les lourds pendants de topazes. Il les glissa dans sa poche avant de se relever et partir à la recherche de la sentinelle.

*

C'était leur deuxième jour de voyage. Ils chevauchaient la nuit et avaient dormi aux heures les plus chaudes de la journée, à l'abri d'une grotte naturelle.

L'aube se levait pour la deuxième fois et drapait le désert d'un voile de rouille. Berry frotta ses yeux pour débarrasser ses cils du sable qui s'y était coincé pendant que sa monture et celle de Lù descendaient une dune d'un pas harassé. Leurs robes baies étaient couvertes d'un léger filet d'écume et ils bavaient.

— Les chevaux sont épuisés, il faut nous reposer.

— Nous arrivons dans cinq minutes.

Lù lui avait répondu froidement, sans le regarder.

— Tu fais encore la gueule ?

— Ça n'a pas d'importance au moment présent.

— Tu ne peux pas dire qu'on lui a forcé la main ! Il nous espionnait baiser depuis des semaines, si ce n'est des mois.

Lù tourna la tête vers lui et ses sourcils se froncèrent.

— Ce pourrait être un espion.

— Un fameux espion. Si son but était de découvrir le secret caché dans ta culotte, il est plutôt bon.

La jeune fille prit un air agacé.

— C'est pour ça que je ne veux pas parler avec toi. Tu ne comprends rien ni à la morale ni au consentement.

— Quand j’étais ado, j'aurai adoré pouvoir coucher avec mon professeur d'astrophysique, et pourtant je...

— D'accord. Tu aurais adoré pouvoir le faire... et c'est très bien que ce soit resté un fantasme. Parce que qu'est ce qui se passe après, Berry ? Qu'est ce qui se passe après ?

L'homme ouvrit des yeux ronds.

— Après ?

— Oh tu es trop bête, tais-toi maintenant. Nous arrivons au village.

Elle fit claquer sa langue pour donner du courage à sa monture tandis que celle-ci escaladait une nouvelle dune particulièrement haute. Elle mit pied à terre avant d'arriver en haut. Berry renifla le vent ; l'air avait une odeur de fer et de cendre.

Lù sortit de son escarcelle l'objet qu'elle avait sortit de son matelas. Son compagnon crut l'espace d'une seconde que c'était une arme, mais non... c'était simplement une bonne paire de jumelle. Un instrument qui n'aurait pas dû exister en ce lieu et en ce temps.

La jeune fille se hissa en haut de la butte et se mit à plat ventre pour observer ce qui se passait de l'autre côté. Berry l'imita. Son regard s'écarquilla au moment où il découvrit ce qui se passait.

— Qu'est ce que...

Une large oasis s'étalait en contrebas, à deux ou trois kilomètres. Le village qui aurait dû se trouver là était en partie brûlé et des brunes étaient pendues à des gibets devant l'entrée. Tout autour du point d'eau étaient dressées des centaines de tentes entre lesquelles circulaient des guerrières au visage d'obsidienne.

— Si vite... murmura Berry avant que son regard ne croise les iris gris et glacé de Lù, le reste de son visage dissimulé sous son Keffieh.

— Je voulais les voir de mes propre yeux pour me faire une idée. Ils n'ont pas beaucoup de chevaux, nous avons encore un peu de temps devant nous pour nous préparer, mais cela sera t-il suffisant ?

Lù recula et se redressa une fois qu'elle fût sûre de ne plus être en vue.

— Cette fois, on dirait bien que c'est la guerre.

Andiberry roula sur le dos pour la regarder.

— Tu as peur ?

Une expression bizarre passa dans les yeux de la jeune fille et il ne sut pas très bien si elle souriait ou grimaçait.

— Je ne sais pas encore trop.

*

Balthazar leva sa plume du vélin qu'il était en train d'illuminer.

Voilà. c'était terminé.

Son cœur battait dans sa poitrine comme un petit oiseau affolé. Ce soir était le grand soir et à peu de choses près, tout aurait pu tomber à l'eau sans qu'il ait besoin de lever le petit doigt, car Portail avait été absente plusieurs jours. Mais voilà, elle et Andr étaient rentrés ce matin, recouverts de fatigue et de crasse et l'adolescent devait à présent prendre une décision.

Il n'avait vu la prêtresse de la naissance qu'une seule fois depuis son retour, mais en pleine conversation avec Dédale, elle l'avait ignoré. Mais cette fois, il avait terminé l'ensemble du travail qui lui avait été confié et il faudrait bien qu'elle vienne le voir. Alors, d'une façon ou d'une autre, il la confronterai sur ce qui s'était passé entre eux, il y a quelques jours.

Il soupira. Sans avoir prit de décision claire sur la question, il savait qu'il ne pouvait pas la mener à la mort. Lors des dernières nuits, tandis qu'il cherchait désespérément le sommeil, il avait inventés de multiples scénarios dans lesquels parfois ils s'enfuyaient ensemble alors que les Euphrates prenaient la ville, d'autres dans lesquels il lui avouait tout, recevait son pardon et devenait son bras droit à la place d'Andr. Dans aucun de ses rêves, il ne redevenait un Euphrate et n'ouvrait la porte de la ville. Cependant, quand il envisageait de façon claire de renoncer à la mission qui lui avait été confiée, il sentait une étrange pression s'exercer sur son cœur.

— Alors, on lambine ?

Balthazar leva les yeux vers la soldate brune qui le regardait en souriant. Chargée de la surveillance de la cour, elle avait du remarquer que l'adolescent rêvassait.

Celui-ci se leva en tenant sa dernière feuille au bout des doigts. C'était le moment !

— J'ai terminé. Je vais aller l'étendre. Pourriez-vous demander à l'Amy khabira Portail de venir voir mon travail quand elle le pourra.

Il se rendit dans l'étendoir, accrocha la dernière planche et se mit à attendre.

Il attendit longtemps. Le soleil tournait au dessus de la pièce déplaçant la lumière des vitraux sur les pages peintes de couleur chatoyantes et au bout d'un moment, il se résigna à penser qu'elle ne viendrait pas. Mais elle vint.

Elle vint sans lumière cette fois, se glissant sans bruit par la porte de la pièce plongée dans la pénombre. Rendu somnolent, il mit un peu de temps à réaliser qu'elle était là et qu'elle le fixait. Il sauta sur ses pieds comme un ressort.

— Amy khabira Portail.

— Balthazar.

Il ouvrit la bouche pour parler, mais aussitôt la prêtresse lui tourna le dos pour observer les dernières planches du Livre des Vérité.

— C'est du bon travail, merci infiniment. Tu peux être fier de toi. Va voir la conciergerie et on te donnera ton solde.

Malgré ces compliments, son ton de voix était las. Balthazar, sentit son cœur devenir glacé.

Ça ne pouvait pas se terminer comme ça !

Alors que Portail tournait le dos pour s'en aller, il s’écria :

— Amy khabira !

La jeune fille s'arrêta net, et se tourna vers lui, juste un peu. Il voyait la dureté de son iris gris dans la pénombre. Glissant sa main dans la poche de son pantalon, il en sortit les boucles d'oreille en tremblant :

— J'ai ramené ça de mon village, pour vous.

Les prunelles de Lù s'abaissèrent sur les bijoux, mais elle ne fit pas le moindre geste pour les prendre. L'adolescent insista :

— Ce qui s'est passé, il y a quelques jours, je...

— Ce qui s'est passé, il y a quelques jours, était une erreur. Andr a cruellement manqué de jugement. Nous avons tous les deux été les victimes non consentantes de cet événement navrant.

Balthazar n'aurait pas été plus sonné si elle lui avait mis un coup de poing en plein visage.

— Ce... Ce n'était pas une erreur pour moi. Je vous aime ! J'ai accepté ce poste pour être auprès de vous !

Portail se tourna finalement complètement vers lui, le visage toujours aussi inexpressif :

— Je suis ta prêtresse. Et toi, tu n'es qu'un mendiant que j'ai ramassé dans la rue.

L'adolescent se redressa et serra les poing, la rage lui broyant le cœur. Il fit un pas en avant et remarqua seulement à ce moment-là qu'ils faisaient la même taille. Les yeux gris étincelèrent et s’avançant à son tour, elle le domina de son ombre.

— Tu me défies ? A genoux !

Balthazar sentit la nausée lui envahir la poitrine. Portail siffla :

— Et demande pardon.

Il hésita et finalement se mit à genoux devant Portail.

— Je vous demande pardon.

— La tête aussi.

Suffoqué, il se pencha jusqu'à appuyer son front contre les dalles sableuses du sol. Il entendit un bruit de clochette avant de sentir une pression s'effectuer sur sa nuque. La prêtresse avait posé son pieds nu sur son crâne, le rendant à l'état d'agneau soumis. Il sentit des larmes de rage lui monter au yeux. Quand elle reprit la parole, ce fut d'une voix douce et un peu triste :

— Ecoute-moi, Balthazar, je vais te dire pourquoi rien n'est possible entre nous. D'abord, il y a mon statut, c'est vrai. Mais sache que l'écart que cela creuse entre nous est davantage dans ton cœur que dans le mien. Ensuite, je t'aime bien, c'est vrai, et je pourrai te garder comme amant sous le coude : tu es un bel adolescent, agréable et complètement dévoué. Mais tu es trop jeune et je ne suis pas amoureuse de toi. Ces deux éléments ensemble, voici ma conclusion : il n'y a aucun équilibre dans une relation entre nous. Tu m'es soumis et je te domine. Ce que tu ressens est du désir, mais ça n'a rien à voir avec aucune forme d'amour.

Les larmes avaient commencé à couler sur le visage de Balthazar. Lù enleva son pied et s'accroupit. Toujours impénétrable, elle lui releva la tête.

— Une dernière chose. Prêtresse ou pas, tu ne dois plus jamais laisser quelqu'un te traiter comme je viens de le faire. Tu as compris ?

Pour toute réponse, il sanglota éperdument et elle lui caressa la tête :

— Là, là. Il y a plein d'autres amoureuses dans le monde pour un beau et bon garçon comme toi. Tu peux prendre ton temps pour faire tes paquets et tu quitteras le temple demain matin.

Elle était debout à présent. Quelques secondes plus tard, elle était partie.

Balthazar pleura jusqu'à ce que son cœur soit sec. Puis il quitta la salle, laissant la paire de boucles de topazes sur la table.

*

— C'est hors de question.

— Ce n'est pas un choix que je te propose. Tu dois le faire ou nous mourrons toutes.

Furibonde, Dédale se retourna vers le grand fauteuil couvert de fourrure dans lequel Portail s'était affalée, le regard sombre.

— Je ne peux pas rester en dehors de la ville pendant le siège. Ce pourrait être considéré comme une désertion, comme de la lâcheté.

Lù lâcha un ricanement :

— Parce que tu crois que la mission que je te donne sera une promenade de santé ?

— Tu n'as aucun ordre à me donner !

— C'est vrai. En temps normal, c'est vrai. Mais là, il s'agit d'une question de vie ou de mort et je n'ai aucune intention de mettre ma peau en jeu pour rien. Si tu ne coopère pas, je m'en irai.

Dédale en resta bouche bée.

— Quoi ? Maintenant que le Livre est terminé ?

A la mention du Livre, l'humeur de la prêtresse de la naissance s'assombrit encore, si c'était possible.

— Ça n'a rien à voir. Dans quatre jours, les sombres seront à nos portes et elle sont trois fois plus nombreuses que nous.

— Peut-être, mais nous avons notre forteresse, ce qui nous laisse un gros avantage. Et tu voudrais qu'on diminue encore nos effectifs ?

— Oui. Parce que si elles ont un peu de jugeote, elles ne vont pas nous attaquer. Elles vont nous affamer, c'est pourquoi nous devons leur rendre la pareille. En dehors de celle de Luminosa, la seule oasis proche est celle de Minosaa. Nous avons des fortifications à cet endroit aussi. Si on leur coupe l'eau et qu'on est capable de résister suffisamment longtemps, ce sera gagné.

— Ils pourront aller en chercher plus loin.

— Transporter un gros volume pour toute une armée… Cela va les épuiser et il ne nous restera qu'à les cueillir. Non, tout ce que nous avons à faire est de défendre les deux points d'eau et pour ça il faut nous répartir les tâches pour que les troupes gardent courage. Je ne peux pas m'en charger moi-même, car mon rôle est de rester dans mon temple.

Dédale s'affala à son tour dans un fauteuil, furieuse et découragée.

— Je n'ai donc vraiment pas le choix.

— Pas seulement toi. Personne ici n'a le choix. La peste soit des sombres qui arrivent beaucoup plus tôt que ce qu'on les attendait. Tu imagines que je suis ravie de devoir préparer un siège alors que Luminosa sera en sous-effectif ? Si l'une des deux forteresses tombe, alors tout est perdu. Il ne nous restera qu'un seul choix : la fuite et l'exil.

— Tu plaisantes ?

— Je ne suis pas vraiment d'humeur. C'est plutôt une bonne nouvelle, en réalité. Nos troupe sont plus habituées à la chaleur du désert. Nous avons plus de chameaux et nos chevaux sont adaptés aux températures extrême. Oui, si nous fuyons, il y a peu de chances que les sombres se lancent dans une course-poursuite qu'elles auraient toutes les chances de perdre.

— Mais où irions-nous ?

— Au sud, il y a des îles encore inhabitée. On trouve des tribus pâles qui vivent dans le tanafas, mais personne n'a encore colonisé la terre. En absence de bateaux, il est possible d'aller vers l'Ouest, on dit que les grecques sont hospitalières.

Dédale se mura dans un silence pensif :

— Quand dois-je partir ?

— Cette nuit. Le plus tôt sera possible.

*

Le dernier rayon du soleil caressa l'horizon avant que l'obscurité ne se fasse sur le désert. Les mains posées sur les créneaux, Balthazar frissonna, à la fois sous l'effet de la peur et du vent qui faisait danser ses boucles.

Il n'avait pas vraiment l'impression d'avoir pris de décision, et pourtant il était là. Et en passant à côté du vestiaire des sentinelles, il avait subtilisé un poignard courbe dont nulle ne réaliserait la disparition avant le lendemain. Si lendemain il y avait. L'adolescent sentait le métal froid de la lame glissée dans son sarouel, contre la peau de sa hanche.

Il avait volé l'arme très facilement, comme s'il avait toujours prévu de faire ça.

A quel moment avait-il rassemblé son courage pour passer à l'action ? A quel moment avait-il choisi son peuple plutôt que sa situation ici ? Sa conversation avec la petite mère de la naissance l'avait-elle acculé au point qu'il ne sente pas d'autre alternative possible ?

Durant un instant, la panique lui prit la gorge et il pensa qu'il ne serait pas capable de le faire, mais aussitôt, et il eut l'impression que la main fantôme se refermait douloureusement sur son cœur et qu'une brume cotonneuse envahissait son esprit. Il se rendit compte qu'au lieu de faire demi-tour comme il en avait eu l'intention, il avait recommencé à marcher en direction du poste de garde.

— Ben alors, du mal à trouver le sommeil ?

La sentinelle se trouvait juste derrière lui, provoquant une accélération violente de son rythme cardiaque.

— Hein, heu, oui, en quelque sorte.

La soldate lui serra l'épaule, affectueusement :

— C'est à cause de l'attaque des sombres, c'est ça ? Ne t'inquiète pas, Portail et Dédale ne les laisseront pas faire.

Balthazar n'avait surtout pas envie de penser à Portail et du mélange de désespoir et de haine qu'elle lui inspirait à présent. La sentinelle le dépassa d'un pas insouciant et continua sa ronde. L'adolescent expira doucement. Ce n'était pas le bon moment. S'il la tuait maintenant, on pourrait le voir de la ville en bas, il devait attendre d'être dans le poste de surveillance. La tête prise d'un vertige, il enroula ses doigts autour du manche du poignard dissimulé sous sa tunique.

Le trajet jusqu'au poste lui parût infini. Il marchait comme dans un rêve, la sentinelle sifflait, les secondes s'écoulaient comme des minutes, la porte se rapprochait avec une effroyable lenteur. Ils finirent par arriver et Balthazar eut le sentiment de franchir la ligne d'arrivée après une course longue et éprouvante.

Le poste était vide. Sans aucune hésitation, l'adolescent sortit l'arme de son pantalon et trancha la gorge de la femme qui marchait devant lui. Il ne regarda pas le visage qui se déformait sous la surprise, n'écouta pas le gargouillis étranglé. Il dénoua le foulard qui servait de ceinture à la sentinelle pour lui entourer la gorge et empêcher le sang de se répandre partout, puis il la tira derrière une série de caisses remplit de vivres. Si jamais quelqu'un d'autre passait par là...

Ce ne fut que quand l'action fût terminée qu'il réalisa ce qu'il venait de faire. Il ne connaissait pas intimement cette femme, mais il l'aimait bien, et elle l'avait toujours traité avec gentillesse. Comment avait-il pu l'assassiner avec une telle absence d'émotion ? Ses mains se mirent à trembler et le poignard tomba sur le sol. Aussitôt la sensation de la main contractée sur son cœur le reprit. Il ne devait pas flancher maintenant ! Il s'accroupit pour ramasser l'arme, puis il se pencha au dessus des caisses pour essuyer la lame sur les vêtements de sa victime. Pour la prochaine, il devrait le faire immédiatement pour ne pas perdre de temps.

Plus que sept...

Soudain il réalisa que la petite pièce empestait l'odeur du sang chaud. Ecoeuré, il se précipita à l'extérieur et vomit par dessus le rempart. Toujours tremblant, il s'essuya la bouche avec sa manche et rassembla son courage. Il avait déjà chassé des dizaines de fois l'antilope avec ses frères, pourquoi cela devrait-il être différent avec un humain ? Durcissant son cœur, il continua sa route. Après tout, s'il flanchissait maintenant, ce serait sa propre vie qu'il mettrait en jeu.

Moins d'une heure après, il allumait les signaux qui devraient prévenir son peuple qu'il avait réussi. Quand le nuage de guerriers ne fût plus qu'à quelques centaines de mètre de la porte, il  s'appuya de toute sa force contre le levier du pont levis. Comme celui-ci ne bougeait pas d'un pouce, il trancha les cordes.

*

Un cri déchira la nuit et Lù se réveilla en sursaut. Avait-elle dormi d'ailleurs ? Depuis sa conversation avec Dédale, elle n'avait fait que se retourner dans son lit, incapable de trouver la paix. L'air était glacial et la sueur qui poissait son dos était en train de refroidir rapidement. La jeune fille cligna des yeux. Dans une ville comme la sienne, un cri ne voulait pas dire grand chose, mais en tendant l'oreille, elle eut l'impression d'entendre du remue-ménage. Intriguée, elle se leva et sa cheville fit tinter son bracelet de grelots avant qu'elle n'enfile un gilet et un sarouel blanc.

Elle sortit.

Le patio était plongé dans la pénombre et l'ombre des plantes faisait comme des silhouettes accroupies dans les coins. Lù décrocha une torche du mur et parcouru la pièce du regard ; il n'y avait personne. Jusque là, c'était normal. Les portes de Berry et de Balthazar étaient fermées.

Elle traversa la pièce pour atteindre la sortie puis s'engagea dans une succession de couloirs, avant de finalement entendre une série de chuchotements. Elle fronça les sourcils. Ce n'était définitivement pas la façon de parler habituelle de ses soldates et ces voix avaient l'air plutôt masculines. Elle voulut s'approcher discrètement, mais dérapa et se rattrapa in extremis à la pierre du mur. Elle écarquilla les yeux en s'apercevant qu'elle avait glissé sur une mare de liquide visqueux. Du sang. Le corps égorgé de la sentinelle reposait un petit peu plus loin.

— Vous n'avez pas entendu quelque chose ? demanda une voix.

Lù se plaqua contre le mur tout en se maudissant ; sa glissade avait fait résonner les grelots de sa cheville et si les assaillants se rapprochaient suffisamment, ils percevraient la lumière de sa torche. Elle n'avait même pas d'arme sur elle.

La jeune fille se mit à reculer le plus doucement possible, mais à ce moment-là un homme passa le coin du mur. Elle écarquilla les yeux. C'était un simple adolescent de son âge, vêtu d'une broigne de cuir, avec des cheveux sombres, bouclés et armé d'une dague. Elle pensa d'abord qu'il s'agissait d'un brun, puis comprit que c'était un Euphrate. Il la détailla d'un regard avant de s'écrier :

— C'est elle ! Elle est juste là !

Lù lui abattit sa torche sur le visage et le guerrier hurla en sentant le feu brûler ses yeux et enflammer ses cheveux. Dans la panique, il lâcha sa dague que la jeune fille attrapa en l'air avant de lui planter dans le ventre, sans une seconde d'hésitation.

Des pas résonnèrent dans le couloir et elle s'enfuit sans demander son reste, accompagnée malgré elle par un chant de grelots et des traces de pieds ensanglantés. Quand elle arriva dans la patio, elle entendit le grincement d'une porte et une voix grincheuse marmonner :

— C'est quoi tout ce boucan ?

Berry s'était réveillé. Elle lui cria, dans leur langue maternelle :

— On nous attaque. Enferme-toi, c'est après moi qu'ils en ont. Ouvre la malle et sauve le plus de gens possible !

— Mais...

— Ne discute pas !

Les assaillants étaient déjà derrière elle et elle s'enfonça parmi les plantes après avoir jeté sa torche sur le sol et décroché rageusement son bracelet de cheville. La porte de Berry se referma et elle entendit le bruit rassurant de la clef dans la porte. Elle s'éloigna à croupetons tandis qu'un groupe de cinq ou six adolescents euphrates se jetaient contre le battant de bois.

— Elle s'est enfermée, j'ai vu le battant se fermer.

Lù jaillit alors des buissons et s'élança dans le couloir qu'elle venait de quitter. La porte ne serait pas difficile à défoncer et elle devait donner un peu de temps à Andiberry.

— Grossière erreur ! Attrapez-moi si vous pouvez.

Elle se mit à courir le plus vite possible.

*

— Attention !

Balthazar avait hurlé tandis que la flèche sifflait en l'air. L'homme se jeta en arrière et évita le projectile. L'instant se pétrifia, le temps que chacun prenne la mesure de ce qui était en train de se passer. La silhouette sur le toit avait encoché une nouvelle flèche et hésitait visiblement à la pointer alternativement sur l'homme ou son fils. Le chef des euphrates, debout sur la place, plissait les yeux pour distinguer son adversaire.

— Alors tu étais un traitre… J'ai toujours su qu'on ne devait pas faire confiance à un homme si on ne l'a pas dressé soi-même.

Balthazar avait aussitôt reconnu la silhouette trapue et musculeuse de Dédale. Le temps que l’adolescent descende des remparts et rejoigne les membres de son clan, elle était apparue très vite, comme si elle ne dormait pas, vêtue de pieds en cap pour partir en voyage.

Ce qui était le cas, comprit-il.

La future attaque des sombres devait y être pour quelque chose, et là où toute une ville dormait, sa commandante des armées en cheffe, elle, était parfaitement alerte. Les sombres ! pensa soudain l'adolescent. L'attaque des sombres ne remettait-elle pas tout en question ? N'auraient-ils pas dû attendre que les sombres agissent en premier pour aviser de l'utilité de leur attaque ? Même si la ville était prise, même si Portail était tuée, ça n'avait aucun sens si les sombres en profitaient pour s'emparer de tout. Ils étaient seulement en train de leur mâcher le travail ! Mais pourquoi n'y pensait-il que maintenant ?

Balthazar avait l'impression de sortir d'un long cauchemar. Une nouvelle flèche siffla et il se jeta derrière un groupe de tonneaux pour lui échapper. Cela faisait un moment que ses frères s'étaient glissés dans les ruelles en direction du temple de Portail et lui était coincé ici. C'était de sa faute. Il avait trainé volontairement, espérant croiser son père qui fermait la marche, espérant recevoir un signe d'assentiment. Et voilà que Dédale s'interposait entre lui et son triomphe, de la même façon qu'elle l'empêchait de rejoindre ses camarades pour les guider dans le temple de la naissance. Il s'empêcha à nouveau de penser à Lù et se concentra sur ce qui se passait devant lui.

Dédale avait bondi du toit où elle s'était perchée, et raccrochant son arc, elle avait sorti un large cimeterre en forme de demi-lune. Dans le même mouvement, son père avait dégainé son sabre et ils ruèrent l'un sur l'autre. Il y avait quelque chose d'étrange et terrible de voir ces deux là s'affronter, car dans l'esprit de Balthazar, il était évident que l'un et l'autre étaient des montagnes immortelles que nul ne pouvait renverser.

Il assista comme dans un songe au choc des lames, aux coups portés d'une botte en pleine poitrine pour faire reculer l'adversaire, aux roulades, au péripéties. Jusqu'à ce que son père s'effondre sur un tas de caisses et roule en arrière. Aussitôt, Dédale fût sur lui, comme un gros oiseau rouge et le cimeterre déchira le ventre de l'homme et ses entraille se déversèrent autour de lui comme de la lave jaillit d'un cratère.

Le hurlement de Balthazar resta coincé dans sa gorge.

Pétrifié de terreur, il entendit Dédale se relever et essuyer nonchalamment sa lame avant de murmurer :

— C'est ton tour maintenant, mon garçon.

L'adolescent détala au milieu des ruelles, n'attendant pas qu'elle se mette à sa poursuite. Les fenêtres des maisons avaient commencé à s'éclairer à la lueur ténue des bougies et les gens se levaient pour voir ce qui se passait. Instinctivement, il fit le tour du pâté de maison ; la place semblait vide et il ne savait pas où se trouvait Dédale. Tout en longeant les murs, il se rapprocha de la forme inerte qui devait être son père. Une boule se forma dans son ventre.

C'était totalement impossible !

Il s'agenouilla près du cadavre, encore renversé en arrière, la bouche étranglée de douleur et les yeux révulsés. Il approcha sa main en tremblant pour lui fermer les yeux, mais le destin en décida autrement.

A l'instant où ses doigts effleurèrent les cils de l'homme, Balthazar eut l'impression que l'univers se retournait sur lui comme un gant. Un torrent de violence se déversa en lui sans qu'il en comprenne la raison et il hoqueta. Les yeux de son père s'agrandirent brutalement et dans un dernier sursaut de vie, il lui agrippa violemment le poignet pour le rejeter loin de lui.

— Ne me touche pas ! Petit merdeux !

Mais c'était trop tard. Quelque chose d'énorme avait quitté le vieil euphrate et l'avait déserté pour son fils, comme il l'avait toujours craint. Il se sentit plus faible qu'il ne l'avait jamais été. Il mourrait. Il mourrait comme les humains fragiles mourraient et ce gamin, les yeux hagards, se redressait et détalait sans demander son reste vers le temple de la naissance, inconscient de la puissance qu'il venait de dérober d'un simple effleurement.

L'homme qui n’était plus un Pillier sentit un voile se poser sur ses yeux. Et puis plus rien.

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Nathalie
Posté le 16/11/2022
Bonjour Gueule de Loup

Voici mes corrections pour ce chapitre :

il se retrouverai face à Portail → retrouverait
Un domestique lui appris rapidement → apprit
et couru jusqu'au petit rassemblement → courut
ses épaisses lunettes avaient roulées un peu plus loin → roulé
le garde les a entendu → entendus
Il les suivi d'un pas chancelant → suivit
Il se pencha dans l'entrebâillement de la tante → tente
A contre-coeur, l'adolescent le suivi jusqu'à la tente principale → « À contre-coeur » puis « suivit »
choses sérieuse → choses sérieuses
tu nous lance un signal avec des torches → lances
les battements avaient accélérés → les battements avaient accéléré
avant de les laisser tout les deux dans la tente → tous
Pendant quelque secondes → quelques
qui se serait trouvé attachée → trouvée
pour ne pas attirer les bête → bêtes
j'aurai adoré pouvoir → j’aurais
Sans avoir prit de décision → pris
il avait inventés de → inventé
A genoux → À genoux
je pourrai te garder → pourrais
Si tu ne coopère pas → coopères
A la mention du Livre → À la
elle sont trois fois plus nombreuses que nous → elles
Nos troupe sont plus habituées → troupes
aux températures extrême → extrêmes
il y a des îles encore inhabitée → inhabitées
A quel moment → À quel moment
A quel moment → À quel moment
une série de caisses remplit de vivres → remplies
centaines de mètre → mètres
parcouru la pièce du regard → parcourut
ses entraille se déversèrent → entrailles
A l'instant où → À l’instant
L'homme qui n’était plus un Pillier sentit → Pilier
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