Chapitre 23 : Hans

Par Zoju
Notes de l’auteur : Chapitre un peu plus long que d'habitude, mais j'espère qu'il vous plaira. N'hésitez pas à me donner votre avis sur les dialogues et leurs cohérences. Bonne lecture ! :-)

Accoudé à une table, Tim est en train de polir ses poignards quand je pénètre dans sa tente. Je ne peux m’empêcher de sourire en le voyant faire. Elena affichait la même concentration chaque fois qu’elle prenait soin de ses armes. Si au départ, je trouvais l’attention qu’elle y portait quelque peu excessive, j’ai rapidement compris pourquoi elle mettait un point d’honneur à donner à ses lames le plus de tranchant possible. Le chef des rebelles relève son visage et le soulagement détend ses traits au moment où il me reconnait.

- Content de te voir en meilleure forme qu’hier, Hans. On a beau avoir l’habitude ici, ce genre de crise surprend toujours.

- Désolé de vous avoir inquiété.

- Inutile de t’excuser, m’assure Tim. Nous savons tous à quel point cette maladie est imprévisible. Au fait, cela ne te dérange pas que l’on se tutoie ? Je n’aime pas cette distance que me confère mon titre de leader et je demande systématiquement à mes coéquipiers de faire même.

Je me rapproche.

- Aucun problème. Si vous… Enfin si tu préfères, cela me convient.

Cela me fait malgré tout étrange de discuter de la sorte avec un homme qui ressemble furieusement à mon ancien chef. Après une dernière coup de pierre et de chiffon sur sa lame, celui-ci se redresse et range ses couteaux dans les étuis situés à sa ceinture.

- Mais ne reste pas debout, assied-toi ! m’invite-t-il. En quoi puis-je t’aider ?

Je m’exécute. Aussitôt installé, je déclare sans une once d’hésitation :

- Je souhaite intégrer vos rangs. Anna m’a enjoint à t’en parler.

Son sourire s’élargit.

- Et elle a bien fait ! Tu seras pour nous un atout précieux. Luna m’a appris que tu excelles dans le maniement des armes à feu et que tu es plutôt bon stratège. On a grand besoin de ses qualités ici.

- Quelles missions comptes-tu me donner ? m’enquiers-je.

Tim se cale au fond de sa chaise et croise les mains sous son menton pensif.

- Pour l’instant, essentiellement du renseignement sur ton ancien lieu de travail, me dit-il après un court silence. Tu vas tout nous transmettre, que ce soient les évènements des dernières semaines, les rumeurs, tout ce qui pourrait nous être utile. Alors, oui, la situation a dû bien changer depuis ton départ, toutefois la moindre information nous est précieuse.

Il se tait un instant pour réfléchir avant de poursuivre :

- Pour le reste, pas grand-chose, reconnait-il. On pourrait peut-être envisager que tu enseignes le tir, mais pour l’instant on va éviter de te donner des armes.

- Est-ce que je pourrais participer à des attaques contre la base ?

C’est à grande peine que je tente de cacher l’espoir qui nait en moi quand je pose cette question. Mon interlocuteur me lance un regard en coin où j’ai presque l’impression d’y lire de la compassion. Je redescends brutalement sur terre.

- Je sais que tu veux la retrouver, Hans, soupire-t-il. Malheureusement, tu vas devoir patienter.

- Si tu crains que je n’en fasse qu’à ma tête, je peux t’ass…

- Ce n’est pas ça le problème, me coupe-t-il gentiment, mais catégorique. Ta contamination à la maladie est trop récente et nous ignorons comment elle va évoluer. Imagine que tu fasses une crise comme celle d’hier en pleine mission, nous ne pouvons prendre aucun risque.

Je me rembrunis face à sa remarque, toutefois, je ne réponds rien, car ce qu’il dit est parfaitement sensé. La honte m’envahit quand je me fais rabrouer de la sorte. Inutile d’être un génie pour savoir que le moindre accro peut transformer une victoire en échec. Tim a raison d’être prudent et moi, trop égoïste, j’en oublie les fondamentaux de la stratégie. À mon étonnement alors que je pensais qu’il allait m’interroger comme convenu, mon interlocuteur se lève et enfile son manteau qui pendait négligemment sur le dossier de sa chaise. Je le fixe en attendant la suite.

- Si cela ne te dérange pas, j’aimerais te montrer quelque chose, me dit-il.

- Quoi donc ?

- Tu le sauras bien assez vite. En revanche comme cela se trouve en dehors du camp, il est fort probable que l’on en a pour la journée, on va se rendre à l’intendance pour faire des provisions au cas où l’on devrait passer la nuit dans la forêt.

Les mots sortent tout seul.

- Et vo… tu comptes laisser le camp sans surveillance ?

- Ta sœur et Luna s’en occuperont. Tu as bien vu qu’Anna s’est débrouillée à merveille pendant mon absence. Crois-moi, ce sont des dirigeantes hors paires en qui j’ai toute confiance, même si ma nièce a parfois tendance à être trop têtue, complète-t-il un brin moqueur avant de quitter sa tente pour héler quelqu’un à l’extérieur.

Je soupire. Décidément, je ne m’y ferais jamais à cette organisation. Je me dépêche de l’imiter et de le rejoindre. Un homme sans doute dans la trentaine, les cheveux rasés de près vient dans notre direction. Il se campe devant nous. Bien qu’étant légèrement plus grand que lui, je comprends rapidement en voyant sa démarche souple et silencieuse similaire à celle d’Elena que je ne dois surtout pas le sous-estimer. Ce rebelle peut se relever dangereux en combat. Inconsciemment, je le détaille furtivement du regard. Trois poignards à la ceinture, un à la cheville et probablement d’autres cachés sous sa veste. Je redresse la tête et dès que je croise ses yeux ambrés, je me rends compte que mon inspection n’est pas passée inaperçue. Tim pose une main amicale sur son épaule.

- Hans, je te présente Orso qui a intégré nos rangs, il y a maintenant sept ans. Il va nous accompagner dans notre petite escapade.

Alors que je m’attends à une attitude hostile de sa part, je suis surpris par la main qu’il me tend et encore plus par le sourire qui apparait sur ses lèvres.

- Enchanté, Hans.

J’empoigne sa paume vigoureusement.

- Moi de même, Orso.

Tim se tourne ensuite vers Louis qui comme à son habitude n’est jamais bien loin de moi.

- Va prévenir Anna et Luna que je m’absente pour le reste de la journée, lui dit-il.

- Dois-je vous accompagner ? s’enquiert son interlocuteur.

- Inutile, avec Orso, on s’occupe de Hans. Profite de cet après-midi à ta guise.

- Très bien, soyez prudent, opine-t-il du menton avec gravité.

Pour quelqu’un qui vient de recevoir quartier libre, je le trouve bien sérieux, toutefois en commençant à connaitre ce dernier, cela ne m’étonne pas tellement. Si Louis ne se prive pas à certains moments de rire franchement ou d’extérioriser ses émotions, il reste en général très réservé. C’est quelque chose que j’apprécie chez lui. Sans rien rajouter, mon surveillant attitré tourne les talons et s’éloigne. Le chef rebelle revient à moi.

- Hans va avec Orso à l’intendance. Je vous rejoins chez Magda, le temps pour moi de prendre quelques affaires.

L’instant d’après, il s’est de nouveau engouffré dans sa tente me laissant seul avec Orso. Ce dernier me jette un regard en coin.

- Magda ? m’enquiers-je quelque peu hésitant.

- C’est l’intendante, m’informe-t-il en se mettant en marche.

Je lui emboite le pas et me place à ses côtés. Alors que nous déambulons dans le camp en silence, je ne peux m’empêcher de compter le nombre de rebelles qui me fixe. Orso remarquant mon trouble me donne une puissante claque dans le dos. Surpris, un pathétique couinement traverse mes lèvres. Son bras s’enroule autour de mes épaules et il se penche en avant.

- Cesse de les dévisager, me conseille-t-il. Ils sont toujours comme ça quand un ancien soldat arrive. Laisse-leur du temps.

- Qu’est-ce que tu en sais ? grommelé-je, irrité que l’on me rabâche sans cesse les oreilles avec ça.

- Parce que j’en suis moi-même un, m’apprend-il le plus naturellement du monde avant de me relâcher et de s’écarter.

Je me stoppe net sous le coup de l’annonce. D’un geste mon interlocuteur m’intime à me remettre en route. Il poursuit, détaché.

- Il y a huit ans, j’ai découvert, par hasard, les expériences menées par Assic. Épouvanté, j’ai décidé de faire ma propre rébellion. L’armée m’a rapidement identifiée et j’ai déserté. Ayant eu vent de mes actions, Luna m’a mis en contact avec Tim. Depuis, je continue la lutte ici.

- Que faisais-tu pour t’opposer à l’armé quand tu étais à la base ? demandé-je curieux.

- Essentiellement du sabotage et d’autres petites frappes sans conséquence majeure. Malheureusement, je n’étais pas assez haut dans la hiérarchie pour organiser des attaques d’envergure.

- Quel grade ?

- Caporal, sergent et puis à grande peine celui de capitaine quelques mois avant ma fuite.

Il porte son attention sur moi.

- J’ai entendu que tu étais colonel, pourtant tu sembles plutôt jeune. Tu as quel âge ?

- Vingt-cinq presque vingt-six ans. En janvier, j’entamais ma septième année à la base.

- Sacré palmarès ! s’exclame mon interlocuteur. Comment as-tu fait pour obtenir ton grade aussi vite ? J’ai galéré pour avoir les miens malgré mes presque neuf ans d’ancienneté.

Mon regard se fait las. Je déteste me remémorer cette période de ma vie. Malgré mon peu d’envie d’en parler, je me lance tout de même.

- J’ai bossé dur pour monter dans la hiérarchie. Je ne te dis pas le nombre de couleuvres que j’ai dû gober sans broncher. Peu importe la tâche, je l’acceptais. Je n’hésitais pas à lécher les bottes de mes supérieurs pour me maintenir dans leurs bonnes grâces. M’aplatissant à plat ventre pour combler leur moindre désir.

- Un larbin comme ils les aiment en soi, déclare Orso en riant jaune.

- On peut dire ça, mais pour moi tant que c’était pour Anna, le reste m’était bien égal. Humiliation, égoïsme, soumission, j’étais prêt à tout pour arriver à mes fins.

- Et tu regrettes ? me surprend-il à me demander.

Je me tais. Je repense aux paroles que ma sœur m’a dit près du lac. Des regrets ? Je n’ai que ça, néanmoins…

- C’est de mon plein gré que j’ai choisi cette vie, déclaré-je sans équivoque avant de toute de même avouer. Mais avec du recul, si j’avais su où cela allait me mener, j’aurais probablement pris un autre chemin.

Le rebelle pose une main presque fraternelle sur mon épaule avant de me dire d’une voix où pointe la tristesse.

- Sache, Hans, que je n’ai que de l’estime pour toi. Durant ma période à la base, j’ai vu de nombreuses personnes renier leur humanité, choisir la facilité et accepter cette violence. Tu as eu la force de garder des remords contrairement à d’autres.

Je m’arrête une nouvelle fois. Mon interlocuteur fait de même.

- Tes paroles me touchent, Orso et je sens, quand tu parles, ta sincérité, toutefois, je ne les mérite pas. Je ne suis pas un saint. J’ai menti, j’ai blessé, j’ai même tué pour en arriver là où je suis aujourd’hui.

Mes poings se serrent tandis que la colère me gagne.

- Et tout ça pour quoi ? Pour rien ! craché-je. J’ai échoué à protéger les personnes qui me sont chères.

J’ai beau tenter de l’atténuer, cette culpabilité qui ne me lâche plus depuis que j’ai quitté la base demeure douloureusement vivace. L’ancien soldat ne se laisse pas impressionner.

- Ne sois pas aussi dur avec toi, me dit-il.

- Je n’ai pas besoin de ta pitié, le repoussé-je. Les faits sont là, inutile de les nier.  

Pour toute réponse, le rebelle me sourit un brin moqueur.

- Tu as beau paraitre mature pour ton âge, tu n’en restes pas moins un jeunot, me rembarre-t-il. C’est bien joli de vouloir tout encaisser, mais n’en oublie pas les autres pour autant. Personne n’est innocent dans cette affaire. Ceux dont tu parles, c’est ton frère et la faucheuse.

Je me retiens de le reprendre sur ce surnom d’Elena qui m’insupporte de plus en plus et me contente de hocher la tête. Son regard me quitte pour se perdre au loin.

- Je ne sais pas pour ton frangin, mais je pense que ta copine s’en sortira très bien toute seule. Elle n’a pas besoin d’un chaperon, soutient-il.

Je revois Elena brisée par Tellin, à moitié hystérique quand la panique l’envahit, terrorisée par ses cauchemars. Orso ne la connait pas, alors comment peut-il affirmer que tout ira bien ?

- Tu ignores tout d’elle.

- Tu sais, pendant la dernière bataille, j’ai eu l’occasion de me retrouver face à elle, m’apprend-il. On peut dire que j’ai côtoyé la mort de très près ce jour-là. Des opérations de ce type, j’en ai fait des centaines et pourtant, c’est son image qui me revient sans cesse en mémoire. Tandis que les autres soldats étaient complètement désorientés, elle, elle continuait à combattre et à avancer droit devant. Alors même qu’elle était notre ennemie, je l’ai trouvé fascinante. C’était la première fois que je voyais une telle rage de vivre en quelqu’un. Tu as raison, je ne la connais pas ou seulement à travers des rumeurs, mais je suis persuadé que cette femme ne se laissera pas faire aussi facilement.

- Parce que tu crois que dans la section médicale, elle va s’en sortir ! m’exclamé-je furieux. Tu dois pourtant savoir à quel point, cet endroit broie les gens !  

Ma voix se brise sur la fin, car je me rends bien vite compte que c’est cette vérité qui me terrifie le plus. Si par miracle, je retrouve Elena, j’ignore dans quel état ma compagne sera aussi bien sur le plan physique que mentale. Les doigts d’Orso s’agrippent brusquement à mon épaule et il plante ses yeux perçants dans les miens.

- Et c’est pour cette raison que je te dis ça. Regarde autour de toi ! Tous ici sont revenus de cet enfer. Ils ne doivent leur survie qu’à eux-mêmes. Les rebelles n’ont rien fait d’autre que de leur donner un coup de pouce. Cela se voit que tu tiens énormément à elle, Hans, mais c’est justement pour ça que tu dois lui faire un peu plus confiance. Cesse de croire qu’elle ne peut rien faire sans toi.

À l’instant où mon voisin prononce ses paroles, la honte m’envahit. Sa dernière phrase me fait particulièrement mal. Tandis que mes dents mordent ma lèvre inférieure, je tente en vain de trouver quelque chose à rétorquer à mon interlocuteur. Le silence s’éternise. Mes ongles s’enfoncent dans ma peau quand je comprends que je suis incapable de répliquer quoi que ce soit. Orso a raison. Elena n’est pas une princesse en détresse. Elle n’est pas la femme fragile et sans défense que j’ai tendance à m’imaginer ces derniers temps. Je passe ma main sur mon visage pour cacher les émotions qui s’emparent de moi. Je grimace. À force de ne penser qu’aux faiblesses de ma partenaire, j’en ai oublié ses forces. Ce n’est pas grâce à moi qu’elle a survécu près de sept ans à la base et je suis bien placé pour savoir que c’est loin d’être chose aisée. Elle m’a d’ailleurs montré à de nombreuses reprises sa résistance face à l’adversaire. Je n’ignore rien de tout ça, alors pourquoi est-ce que je doute ? C’est parce qu’il est si facile de lâcher prise, de ne pas se battre, d’attendre que ça passe, ou de simplement y mettre fin de sa propre main. N’ai-je pas moi-même choisi cette option quand la peur de souffrir m’a fait perdre la tête au point d’en finir tout court ? Pourtant, un maigre espoir me dit qu’Elena est différente. Malgré toutes horreurs qu’elle a traversées, elle est encore là, bien vivante. Loin d’accepter son sort comme une fatalité, c’est le genre de personne qui peu importe le temps et les obstacles se rebellera. Si Orso a été fasciné par sa rage de vivre, moi c’est par sa soif de liberté, son refus d’obtempérer. Je me remémore cette flamme déterminée qui brillait dans son regard quand elle convoitait quelque chose ardemment. Un fin sourire se dessine sur mes lèvres. C’est de cette intensité qu’ont émergé en moi la fierté et le désir que je n’ai depuis jamais cessé d’éprouver pour elle. C’est ce qui m’a fait l’aimer. Une certaine tristesse me gagne en repensant à ce trait de caractère de ma compagne. En la désignant comme sans défense, j’ai tort sur toute la ligne. Elena ne m’a jamais demandé de protection simplement du soutien. Comment est-ce que j’ai pu oublier ça ? Une légère tape dans le dos me sort de ma torpeur.

- Il va falloir y aller, me dit Orso. Tim doit bientôt nous attendre.

- En effet, opiné-je mécaniquement.

Nous nous remettons en marche en silence.

- Désolé si j’ai été un peu brusque avec toi, Hans, me dit soudainement mon voisin après quelques pas supplémentaires. Mais je déteste voir les gens se faire bouffer par la culpabilité. Ce n’est pas de cette manière que tu arriveras à te racheter si faute il y a eu.

Je ferme les yeux et secoue la tête.

- Tu n’as pas à l’être, Orso. J’étais dans l’erreur et tu m’as rappelé l’essentiel.

Pour toute réponse le dos de sa main tapote mon torse avant qui ne déclare d’une voix forte.

- On va les sortir de là, Hans et je compte bien faire tout mon possible pour que cette promesse se réalise. N’oublie pas que tu fais désormais partie du groupe. Ici, on se serre les coudes.

Je renifle quelque peu ému par ses paroles. Depuis ma venue dans ce camp, je ne me suis jamais senti à ma place, mais en entendant les propos du rebelle, j’ose espérer que j’y parviendrai.

- Merci, Orso, dis-je dans un souffle.

 

Nous arrivons rapidement à destination. Une femme probablement de la même génération de Tim est en train d’épousseter un tapis devant l’entrée. Elle stoppe sa tâche en nous remarquant. Je suis tout de suite surpris par la douceur qui émane de ses traits et pendant un instant le visage de ma mère s’impose dans mon esprit. Elle s’avance vers nous en essuyant ses mains sur son tablier.

- Bonjour, Orso, comment ça va depuis la dernière fois ?

- Toujours la forme, Magda ! Et de ton côté ? La distribution s’est bien passée hier ?

- Sans accro, lui assure-t-elle.

Son attention se porte sur moi.

- Au fait, à qui ai-je l’honneur ?

Orso prend les devants.

- Magda, je te présente Hans. Hans, voici Magda, l’intendante du camp.

Celle-ci me sourit.

- Enchanté Hans.

- Moi de même.

- Juste une petite question, c’est toi le colonel qui vient d’arriver ?

Je me raidis légèrement comme à chaque fois que l’on me renvoie à mon ancienne fonction avant d’acquiescer. Mon interlocutrice se met soudainement à me détailler avec beaucoup d’intérêt.

- Un problème ? demandé-je quelque peu mal à l’aise par cette brusque attention.

- Aucun, m’assure-t-elle. En tout cas, ma fille a vraiment bon goût.

Mais de quoi parle-t-elle ? pensé-je de plus en plus perdu.

- Comment ça votre fille a bon goût ? 

Magda me fixe un moment étonnée avant d’éclater de rire. Elle se tape le front.

- Désolée, Hans, s’excuse-t-elle après avoir repris son souffle. Il doit te manque quelques indications. Je suis la mère de Luna et Elena. Luna m’a beaucoup parlé de toi et depuis j’avais très envie de faire ta rencontre.

Il est arrivé à Elena d’évoquer avec moi des souvenirs avec sa mère d’adoption, mais c’était bien la dernière personne que je croyais croiser ici. J’ignore pourquoi, j’ai brusquement très chaud au visage. Mon interlocutrice ne me laisse pas le temps d’assimiler l’information qu’elle est de nouveau sur moi.

- C’est donc toi, le copain d’Elly ! En tout cas, tu m’as l’air d’un bon gars, droit dans ses bottes et avec un certain charme, tu dois avoir du succès auprès de ces demoiselles. Ma fille a bien de la chance.

- Merci, balbutié-je particulièrement gêné par son discours.

La mère d’Elena ne semblant pas remarquer mon embarras poursuit sur sa lancée.

- Avec son caractère et ses manières, je me suis toujours demandée si Elly allait un jour me ramener un garçon à la maison, soupire-t-elle. Il faut avouer qu’elle était tout le temps fourrée avec Luna à grimper aux arbres et à se rouler dans la boue. Je ne te dis pas le nombre de vêtements que j’ai dû jeter à cause de ses…

- Magda, intervient Orso à mon grand soulagement. Ce n’est pas pour me montrer impoli, mais Tim doit bien nous rejoindre d’un instant à l’autre pour une escapade à l’extérieur et on aurait besoin des vivres.

L’euphorie qui avait gagné mon interlocutrice retombe aussitôt et c’est avec gravité qu’elle répond :

- Tu fais bien de me l’apprendre, Orso.

Je sursaute quand elle reporte à nouveau son attention sur moi.

- Pardonne-moi, Hans. Je me suis laissée emballer. En tout cas, sache que c’est un vrai plaisir de faire ta connaissance. Passe quand tu veux pour discuter ou pour autre chose, je t’aiderai avec joie.

- Merci ! dis-je ce coup-ci avec beaucoup plus d’assurance.

Magda revient vers Orso.

- Le kit habituel ? s’enquiert-elle.

- En trois exemplaires.

- Ça marche ! s’exclame cette dernière avant de s’engouffrer dans le bâtiment.

Je porte mon attention sur Orso qui me fixe hilare.

- Prépare-toi à un interrogatoire en bonne et due forme la prochaine fois, mon pauvre Hans, m’avertit-il. Crois-moi sur parole, ta future belle-maman ne te lâchera pas avant d’être satisfaite. Je te plains.

Rien qu’à l’idée, je n’ai qu’une envie : prendre mes jambes à mon cou. Je pense enfin savoir de qui Elena tient sa vigueur.

- N’en rajoute pas, grimacé-je. Je suis déjà en train de réfléchir à un plan pour y échapper.

Le rebelle part dans un fou rire monumental avant de passer son bras sur mes épaules et de se pencher.

- Vois plutôt le positif. Tu vas sans doute apprendre des anecdotes bien croustillantes et honteuses sur ta copine.

Pas certain qu’Elena apprécierait beaucoup. Les paroles de sa mère me reviennent en mémoire et une image de ma compagne se roulant dans la boue se faufile dans mon esprit. Je rougis à cette pensée et me dépêche de la repousser. Mais qu’est-ce que je suis en train d’imaginer ?

- Cesse de raconter n’importe quoi ! dis-je en me dégageant. Voilà le chef.

Tim se campe à nos côtés au moment où Magda ressort de l’intendance avec trois sacs à dos.

- Merci, Magda, la remercie-t-il en empoignant le paquetage que celle-ci lui tend.

- Soyez prudent, nous enjoint-elle.

- Tu nous connais.

- Justement.

Un ultime signe de main de sa part et nous nous éloignons. L’orée de la forêt se dresse rapidement devant nous. Tim se tourne vers moi.

- Prêt, Hans ?

- Toujours.

- Dans ce cas, en route !

Un dernier coup d’œil en arrière et nous nous enfonçons dans les bois.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Sklaërenn
Posté le 06/03/2021
"- Tes paroles me touchent, Orso et je sens quand tu parles t sincérité, toutefois, je ne les mérite pas. Je ne suis pas un saint. J’ai menti, j’ai blessé, j’ai même tué pour en arriver là où je suis aujourd’hui." petit coquille avant sincérité.

Ahah, j'ai adoré la rencontre Magda / Hans, comment il ne s'y attendait pas xD. Et j'ai aussi aimé le coup de pied au fesse qu'Orso lui a mis vis à vis de la culpabilité. Ça me fait penser à moi avant ( pas du tout pour les mêmes choses lol heureusement ) je culpabilisais pour plein de choses et puis j'ai compris que culpabiliser, ça ne changerai rien, il fallait s'en servir comme moteur pour agir. C'est cool de retrouver cet aspect dans ton texte et de ne pas laisser Hans sombrer avec ça. Ce qui, à long terme, aurait été très délétère pour lui au final.
Zoju
Posté le 06/03/2021
Quelle rapidité ! :-D Merci pour ton commentaire ! Pour la coquille, je vais corriger ça.

Contente que ce chapitre t’ai plu. Honnêtement, je me suis beaucoup amusée à écrire le dialogue entre Hans et Magda. J’avais beaucoup de plus de crainte avec celui avec Orso qui était plus délicat, mais je suis vraiment contente qu’il fonctionne bien. C’est un aspect que je voulais traiter pour Hans. J’espère que la suite continuera à te plaire ! :-)
Vous lisez