Chapitre 22 - Sehar & Del

Notes de l’auteur : Bonjour :D On n'est pas dimanche, et ceci n'est pas non plus un chapitre sauvage échappé de mon planning de publication (faut les surveiller, ces petites bêtes) : je n'aurais probablement pas de connexion internet jusqu'au 15/08, alors j'anticipe ^^ Si mon niveau de fatigue le permet, le chapitre 23 (où vous découvrirez les points de vue d'Erin et Jin) sera donc le 15, sinon le lendemain matin ! Bonne lecture :)

SEHAR

Sehar fut soulagé de voir les traits de Del se détendre, et sa respiration se calmer en quelques instants. Il avait senti son épuisement, lorsqu’il s’était accroché à lui pour ne pas tomber - alors il ne fut pas surpris qu’il se soit endormi si vite. La fissure sur son visage avait pris une teinte bleutée, et quelques éclats d’or apparaissaient parfois sous ses paupières closes, puis glissaient jusqu’à son front. Ses oreilles pointues frémissaient légèrement, et les mèches désordonnés de sa chevelure blanche s’égaraient sur son front et sur ses joues rondes.

Sehar sourit. Cela paraissait si absurde, d’être là à le regarder, et de trouver son visage si joli alors qu’ils étaient tous les deux épuisés et toujours en danger. Cela paraissait absurde, mais c’était vrai. Il hésita à chasser de son front les mèches qui tombaient presque sur ses yeux, mais n’osa pas le toucher. Cela aussi paraissait un peu absurde, après qu’il l’ait porté aussi souvent qu’il l’avait fait, et que Del n’hésitait jamais à attraper son bras pour qu’il le soutienne. 

Mais il était différent, ce geste. Alors il se contenta d’observer le va-et-vient des éclats d’or, et le frémissement des oreilles, pendant quelques instants - puis il se remit sur pied, et ouvrit la porte. 

Il la referma sans un bruit, et se glissa entre les habitants du navire qui traversaient le couloir, jusqu’à rejoindre le pont. Là, il y avait encore trop de monde - alors il repéra une petite plateforme en hauteur qui serait parfaite, sur l’un des mats. Il commença son ascension, mais fut interrompit par un rire enjoué.

— Et ben, si tout mes matelots grimpaient comme toi on serait moins dans la mouise ! 

Il baissa les yeux vers la petite silhouette de la gnome aux cheveux verts, et ne trouva qu’un sourire faiblard à lui répondre. Heureusement pour lui, elle n’insista pas, et fila, toujours un rire aux lèvres. Il se recroquevilla sur la plateforme, plus petite qu’il ne l’avait pensée, et prit une grande inspiration. Les yeux perdus dans les nuages et les innombrables navires qu’il pouvait discerner tout autour de celui-ci, Sehar laissa le flot de ses pensées se déverser sans les retenir davantage.

Il avait si peur. D’être ici, dans une terre hostile, loin de son père et de sa maison, loin du désert qui lui manquait plus qu’il n’était possible. D’être une Gardienne, et de n’avoir personne qui sache vraiment ce que cela voulait dire, personne qui ne puisse lui expliquer pourquoi il avait tant l’impression de perdre le contrôle de lui-même dès que sa force reprenait le dessus, personne pour lui dire comment ne pas avoir aussi peur de ce dont il était capable.

Il avait si peur.

Il ne remarqua pas tout de suite le léger grincement du mat. Lorsqu’il baissa les yeux, il vit que Suzette s’était posée sur une des larges poutres transversales, un peu plus bas, et que Zaza escaladait le mat pour la rejoindre, avant de s’asseoir à califourchon à ses côtés. Ils ne l’avaient pas vu - ou si c’était le cas, ils n’en montrèrent rien. Le valeni ouvrit le casque de sa combinaison, et grimaça quelques secondes. Sehar pouvait voir pour la première fois que sa peau, plus bleue que celle de Nodia, était striée de cicatrices multicolores, comme s’il gardait sur son visage les traces de sortilèges qui ne s’étaient pas dissipés.

— Tu es prêt ? demanda Suzette.

Zaza souffla par le nez, et attrapa une cordelette pour la triturer entre ses doigts. 

— Elle ne s’arrêtera à rien pour me nuire. Je dois être toujours prêt, contre elle.

— C’est ça, évite la question, comme d’habitude. Tête de noyau, va. Vraiment pas un pour en rattraper l’autre, dans cette armada de couillons.

Le valeni lâcha un rire sans joie, et se tourna vers l’oiseau. Sehar ne pouvait plus distinguer ses traits, sous cet angle, mais sa voix s’était faite plus dure.

— Je suis prêt à la tuer.

— C’est pas la mission, l’oisillon. Si tu ne veux pas encore tout perdre, tu dois rester concentré sur notre objectif. La faire tomber, certes, mais sans entraîner le reste du monde avec. Il y a des gens qui comptent sur toi, tu sais.

Le valeni ne répondit rien, et avait arrêté de faire tourner la cordelette dans ses mains.

— Elle voudra mettre la main sur le petit Gardien dès qu’elle le verra, finit-il par annoncer.

— C’est ce que je pensais aussi.

— Ce n’est qu’un gamin, et son ami aussi. C’est trop dangereux pour eux ici.

— Toi aussi t’es un gamin, je te rappelle.

Cette fois-ci, le rire que Zaza laissa échapper n’était plus tout à fait si froid, mais lorsqu’il tourna la tête et que Sehar put de nouveau voir son visage, il n’y lut que de la tristesse.

— Tout ceux qui ont moins de cent ans sont des enfants pour toi, non ?

— Et j’ai tord, peut-être ?

Il répondit d’un sourire, puis détourna de nouveau le visage. Sa voix s’était légèrement adoucie, mais Sehar n’eut aucun mal à imaginer qu’il n’y avait toujours aucune joie dans son regard.

— Il faut que quelqu’un les emmène ailleurs, et tu es la seule à qui je peux faire confiance. 

— Tu veux que je me barre de la baston, hein ?

— Tu as toujours été une combattante de merde, de toute façon. Mais pour prendre soin des autres, tu es la meilleure, Suzie.

— Tu verras comment tu t’en sors pour jouer du bec quand tu auras mon âge, sale gosse.

Il lâcha un léger rire, et pendant un long moment, ils se contentèrent d’observer les nuages au loin. Sehar n’osa pas bouger, de peur qu’ils ne le repèrent, parce qu’il savait qu’il venait d’entendre quelque chose qui ne lui était pas destiné, en plus d’avoir quitté sa cabine contrairement aux instructions de Suzette. Finalement, cette dernière étira ses ailes, et souffla par les petits trous sur le dessus de son bec.

— Je les emmènerais. Mais fais pas de connerie en mon absence, sinon tu vas m’entendre.

Elle décolla, et Zaza se remit presque aussitôt sur pieds pour descendre à sa suite. Dès qu’il eut atteint le pont, Sehar l’imita, et courut jusqu’à l’escalier en espérant qu’il y arriverait avant l’oiseau. 

Sur le trajet, alors qu’il esquivait les matelots et les autres habitants du navire, il repensa à ce qu’il avait entendu. 

Non pas toutes les choses qu’il n’avait pas comprises, ni toutes celles qui lui faisaient peur. Il repensa à un mot, en particulier, que Zaza avait prononcé, et qui ne quittait plus son esprit.

Gardien.

Il l’avait appelé Gardien.

***

DEL

Del ne rêva pas de fissure, cette fois-ci.

Il rêva d’un grand vide. 

Aucun nuages pour cacher ce qui se trouvait au bas de la falaise. Aucun bateau pour le porter au-delà. Juste du vide, devant lui, au-dessous, au-dessus. Partout où il regardait, du rien à perte de vue. Il voulut se retourner, pour chercher autre chose, quelque chose, n’importe quoi. Mais il ne bougea pas.

Il était vide, lui aussi.

Il se réveilla en sursaut, le front collé de sueur et l’estomac tordu de douleur. Il lui fallut plusieurs minutes pour reconnaître la cabine où Suzette les avait emmenés ; un seul coup d’oeil pour constater qu’il était seul, que Sehar n’était plus là. Il ne l’avait pas entendu sortir, et il ne savait pas non plus qui avait rapporté un tas de vêtements propres, posé à portée de sa main. 

Il ne savait pas pourquoi son rêve avait changé, cette nuit, et il aurait voulu pouvoir en parler à Lo.

Del secoua la tête. Une chose à la fois. Il était seul, et alors ? Il avait des vêtements propres et pas de public, alors c’était l’opportunité parfaite pour se changer ! Voilà. Pas de raison de faire un drame. Tout irait bien…

Son bas-ventre se contracta, et il se plia de douleur, le souffle court. Après quelques minutes, il réussit à se redresser, et se débarrassa de ses vêtements sales et trempés de sueur - c’était bien la peine de se laver si c’était pour finir comme ça quelques heures après. Il enfila la chemise un peu trop large et le pantalon légèrement trop court - l’absence de sous-vêtements était franchement regrettable - et s’examina avec appréhension. Au moins, même si la coupe des vêtements n’était pas prévue pour cacher ses formes, la taille trop grande faisait le travail aussi. Et puis, c’était bleu foncé comme son manteau, donc il n’était pas totalement dépaysé.

Il sursauta lorsque la porte s’ouvrit, ramena ses bras devant lui par réflexe, et se prépara à s’indigner d’avoir été ainsi abandonné tout seul - mais toute protestation s’éteignirent dans sa gorge, car Sehar avait le souffle court, et referma la porte à toute vitesse derrière lui.

— Qui t’as fait du mal ? demanda aussitôt Del. C’est Suzette, c’est ça ?

L’hybride le regarda avec surprise, puis ses lèvres se tirèrent en un petit sourire triste, et il secoua la tête.

— Je suis juste parti prendre l’air…

Il n’eut malheureusement pas le temps de lui demander plus de détails - plusieurs coups de becs raclèrent contre la porte, que Suzette ouvrit sans attendre de réponse.

— Vous deux ! Les capitaines ont pris une décision. Suivez-moi.

Le coeur de Del bondit dans sa poitrine, et il échangea un regard avec Sehar, aussi tendu que lui.

Fini la sieste. 

Ils allaient sauver Nodia et Lo.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Nanouchka
Posté le 22/02/2022
Salut Anatole,

Le chapitre marche bien.

Je n'ai pas tout compris à la conversation entre Zaza et Suzette, je ne sais pas si c'est fait exprès, mais en tout cas c'était un peu mystérieux : qui doit-on tuer ? Pourquoi ? J'ai juste saisi que c'était dangereux pour les petits et qu'ils devaient donc partir.

Adorable cette romance entre Del et Sehar, je ne m'en lasse pas.

Au fil de la lecture :

J'ai eu du mal à suivre qui parlait entre Zaza et Suzette, donc peut-être ce serait bien de rajouter des "dit Suzette", etc.

"Et j’ai tord, peut-être ?"
tord > tort

"en plus d’avoir quitté sa cabine contrairement aux instructions de Suzette"
Pas besoin de "contrairement aux instructions de Suzette", ça alourdit la phrase, et c'est implicite.

"Je les emmènerais."
emmènerais > emmènerai

"Aucun nuages pour cacher"
nuages > nuage

"Qui t’as fait du mal ?"
t'as > t'a
AnatoleJ
Posté le 27/02/2022
Re !

C’est normal si la conversation entre Zaza et Suzette est encore mystérieuse, les morceaux se recolleront plus tard. Tu en as tiré l’essentiel donc ça me rassure au moins sur le fait que ce n’est pas trop mystérieux non plus !

Ces deux petits sont beaucoup trop mignons pour leur propre bien, clairement ça devrait être illégal.

Merci d’avoir repéré les lourdeurs et petites erreurs de grammaire perdues, c’est bien noté :)
A bientôt !
Mathilde Blue
Posté le 14/08/2021
Coucou !

J’ai enfin rattrapé mon retard ! C’était encore un chapitre très chouette, c’était marrant d’avoir les deux points de vue cette fois. Évidemment, la discussion entre Zaza et Suzette est très intéressante et je suis assez curieuse au sujet de Zaza ^^ J’ai pas grand-chose à ajouter sans faire de répétition avec mes notes don voilà !

Mes notes :

« Cela paraissait si absurde, d’être là à le regarder, et de trouver son visage si joli alors qu’ils étaient tous les deux épuisés et toujours en danger. »
Haha, mais non Sehar, profite qu’il dorme pour mater son joli visage ^^ (Toujours aussi intrigante sa cicatrice d’ailleurs). Et puis ne sois pas timide, n’héite pas à replacer ses cheveux correctement :p

« Il avait si peur. »
Oh courage, tiens le coup Sehar T_T

« — Elle ne s’arrêtera à rien pour me nuire. Je dois être toujours prêt, contre elle. »
Je suppose qu’il parle de la maegis super badass qui doit avoir fait tuer les valenis (et que je suppose aussi être liée à Suzette, ça fait beaucoup de suppositions je sais) avec qui il doit entretenir des relations très peace…

« — Elle voudra mettre la main sur le petit Gardien dès qu’elle le verra, finit-il par annoncer. »
Elle voulait pas le tuer ? Enfin dans tous les cas le programme a l’air sympa

« — Et j’ai tord, peut-être ? »
*tort

« — Tu as toujours été une combattante de merde, de toute façon. Mais pour prendre soin des autres, tu es la meilleure, Suzie. »
J’adore xD

« Il l’avait appelé Gardien. »
En plus de le genrer correctement, Zaza a l’air de savoir un paquet de choses importantes. Je l’aime beaucoup d’ailleurs ce personnage ^^

« Il rêva d’un grand vide. »
Vachement plus sympa comme rêve

« Ils allaient sauver Nodia et Lo. »
Du coup je crois qu’ils vont devoir désobéir xD

À bientôt :D
AnatoleJ
Posté le 19/08/2021
« Haha, mais non Sehar, profite qu’il dorme pour mater son joli visage ^^ (Toujours aussi intrigante sa cicatrice d’ailleurs). Et puis ne sois pas timide, n’héite pas à replacer ses cheveux correctement :p »
Le pauvre petit a trop d’émotions d’un coup, il est pas prêt à passer ce cap encore x)

« Je suppose qu’il parle de la maegis super badass qui doit avoir fait tuer les valenis (et que je suppose aussi être liée à Suzette, ça fait beaucoup de suppositions je sais) avec qui il doit entretenir des relations très peace… »
Pleins de bonnes suppositions à garder sous le coude, les réponses arrivent bientôt ^^

« Elle voulait pas le tuer ? Enfin dans tous les cas le programme a l’air sympa »
Bien vu, c’est un détail assez important héhéhé (et oui le programme est extrêmement fun)

« En plus de le genrer correctement, Zaza a l’air de savoir un paquet de choses importantes. Je l’aime beaucoup d’ailleurs ce personnage ^^ »
Petit teaser alors : il y aura aussi des chapitres de son point de vue, on va définitivement le revoir beaucoup :D

« Du coup je crois qu’ils vont devoir désobéir xD »
Ce qui ne serait absolument pas leur genre et clairement un truc qu’aucun de ces deux très gentils garçons n’auraient l’idée de faire (ça va mal finir c’t’affaire xD)

Merci pour tes commentaires, à très bientôt :D
Vous lisez