Chapitre 22 : Les vraies amitiés

Le lendemain, retour au travail en tentant d'oublier cette désastreuse journée de la veille. Pour l'instant, j'y arrivais plutôt bien. De toute manière, tout se passerait bien tant que je ne croiserais pas Nash. Pour l'instant, il n'avait pas refait surface et tant mieux.

En pleine concentration sur mon ordinateur à vérifier l'avancée de certains dossiers, Cynthia entra dans mon bureau, avec quelques affaires non traitées. J'en profitais pour lui demander quelques nouvelles dans le milieu.

— Rien. Tout est calme, répondit-elle d'un ton neutre. Enfin, demain soir il y a juste un gala.

Heureusement qu'elle me le rappelait, je l'avais totalement oublié jusqu'alors. Il y en avait tellement et la plupart n'étaient pas intéressants pour les affaires. Alors, à quoi bon les retenir ?

— Et sinon avec cette Heather ? me demanda-t-elle avec un brin de curiosité malsaine.

— Ça n'avance pas, lâchai-je presque comme pour éluder la question.

— Vraiment ? Tu m'étonnes. Elle ne t'a toujours pas dit oui ?

— Non...

— Étonnant.

En effet, c'était très étonnant. Mais dans la mesure où je n'avais pas reformulé ma demande, elle n'avait pas pu me dire oui. Je voulais tellement qu'elle ne refuse en aucun cas cette offre.

Puis je me rappelai du gala prévu demain soir. Ça y est, j'avais trouvé un plan. Tout se reliait tellement facilement. Évidemment.

— Je sais comment faire pour qu'elle me dise oui, lançai-je en ayant comme retrouvé mes esprits. Je ne vais pas lui laisser le choix cette fois-ci.

Cynthia semblait dubitative. Elle voulait en savoir plus, mais hors de question de lui révéler quoi que ce soit. Ainsi elle pourrait avoir la surprise comme les autres, la même stupéfaction. La provocation était un art, un art dont j'étais le maître.

— Tu comprendras rapidement, poursuivis-je d'un air déterminé.

— J'ai hâte de voir ça alors, rétorqua-t-elle, impatiente et enjouée.

— Tu ne seras pas déçue.

Nous nous échangeâmes un rapide sourire mesquin. Elle était vraiment la seule en qui je pouvais totalement avoir confiance pour ce genre de choses.

Mes plans farfelus, complètement tordus et en particulier... diaboliques.

 

*

 

Je rentrai chez moi dans le but de préparer l'exécution de mon plan. Heather n'y verrait que du feu, comme d'habitude. Bien trop innocente pour prévoir mes futurs gestes.

Elle était en train de lire un magazine, assise sur un fauteuil du salon tandis que je m'approchai d'elle. Elle s'étonna que je puisse rentrer aussi tôt. Elle ne me connaissait vraiment pas, ni même ma manière de travailler.

— J'ai quelque chose à te dire.

Elle posa son magazine, enthousiaste, puis se leva du fauteuil pour pouvoir être face à moi. Elle était toujours bien trop souriante, peu importe ce qui se produisait. J'aimerais pouvoir me réjouir pour un rien.

— Demain soir, il y a un gala. Je veux que tu m'accompagnes, lui conseillai-je sur un ton à la limite d'un ordre.

Elle fut immédiatement d'accord. Elle devait sûrement être venue à de nombreuses soirées de ce genre avec son père. Ça ne la changeait pas de d'habitude.

Je sortis mon portefeuille de ma poche, pris ma carte bleue et la lui tendis. Évidemment, ce n'était pas ma carte principale. Je connaissais les femmes. Heather n'était sûrement pas du genre dépensière, mais il suffisait de mettre n'importe quelle femme dans un centre commercial pour que sa nature même change. J'étais juste prévoyant.

— Tu as toute la journée de demain pour te trouver une magnifique robe.

— Pardon ? demanda-t-elle comme s'il y avait un problème.

— Je veux que tu sois bien fringuée demain. Donc n'hésite pas à acheter ce que tu veux. Tu peux aussi acheter quelques bijoux... de belles chaussures... aller chez le coiffeur... Fais ce que tu veux.

— D'accord, acquiesça-t-elle en fronçant les sourcils.

Elle s'empara de ma carte avec hésitation. Son père avait de l'argent, mais ne lui avait sûrement jamais laissé une somme aussi importante en sa possession.

— Ça va me faire bizarre, murmura-t-elle en fixant la carte entre ses mains.

— Je m'en fiche. Tu peux faire ce que tu veux de cet argent.

Tout ceci ne la réjouissait sûrement pas autant que moi. Mais peu importe...

 

*

 

Pendant que Heather était en train de faire ses petites emplettes dans un centre commercial du coin, j'étais en plein travail, comme à mon habitude.

Il m'était difficile de me concentrer en pensant à ce qui allait se produire ce soir-là. Cynthia le remarqua bien rapidement en entrant dans mon bureau. Elle me conseillait de rentrer chez moi, j'avais bien mieux à faire. Cette femme me connaissait si bien. Pourtant, c'était toujours resté très professionnel entre nous.

Il devait être aux alentours de quinze heures lorsque je franchis le seuil de ma demeure. Heather était déjà rentrée, elle était en compagnie de Catlyn, toutes les deux en train de boire un jus de fruits. À leur place, j'aurais pris de l'alcool.

— Tu es déjà rentrée ? demandai-je à Heather, assez surpris qu'elle n'y ait pas passé toute la journée.

— Je pourrais te retourner la question, répliqua-t-elle un sourire malin sur les lèvres. Mais oui, je suis déjà rentrée. J'ai tout ce qu'il me faut pour ce soir. Catlyn m'a aidée.

— Salut Cole ! s'exclama la concernée tout enjouée.

Cette fille semblait avoir une bien meilleure impression de moi que quiconque, y compris moi-même. Elle devait sûrement soutenir son amie. Sûrement.

— Salut, rétorquai-je d'un ton à la limite du murmure.

— Tu veux que je te montre mes achats ? me demanda Heather, enthousiaste.

— Je les verrai tout à l'heure, quand tu les porteras.

Elle semblait rougir pendant un bref instant. Elle devait se demander si ça allait me plaire. Dans le fond, je m'en fichais. Elle avait sûrement de très bons goûts.

Je finis par m'éclipser dans la cuisine pour les laisser discuter tranquillement. J'aurais bien été tenté par un simple café, mais je préférais quelque chose d'alcoolisé. Je m'emparai d'une bouteille dans un des placards. L'alcool n'était pas ce qu'il manquait chez moi. Je me servis un verre et en bus rapidement une importante gorgée.

Catlyn et Heather étaient toujours dans le salon. Malgré la distance, je pouvais toujours les entendre, en particulier son amie. Elle parlait très fort et riait assez souvent. Elle semblait être le genre de personne très heureuse qui n'avait jamais rencontré de merde dans sa vie, à moins qu'elle sache mieux mentir que quiconque. Si tel était le cas, elle était peut-être une bien meilleure menteuse que moi.

Je tenais fermement mon verre entre mes mains tandis que j'écoutais attentivement leur discussion. Écouter derrière les portes ne se faisait pas, je le savais, mais peu importe. Je me fichais de l'éthique et des bonnes morales.

Elles parlaient de la fameuse soirée et évidemment de moi. Les filles, j'étais à côté ! Elles le faisaient sûrement exprès, du moins Catlyn, parce que Heather semblait vraiment gênée.

— Franchement, je suis impressionnée par Cole ! s'exclama Catlyn. J'ai toujours entendu parler de lui d'une mauvaise manière... Comme quoi ce n'était qu'un connard sans cœur. Finalement, il est vraiment adorable.

Heather ne répondit pas. Elle savait sûrement que je l'écoutais et ne dut que sourire. J'en souris aussi sans aucune raison.

Dire qu'elle ne faisait partie que d'un plan...

— Je suis tellement heureuse pour vous deux ! continua son amie. Parce que je commençais à me poser des questions sur toi. Je me demandais vraiment quand allait arriver l'homme qui ferait chavirer ton cœur.

Je sentais bien qu'Heather était plus que gênée. Elle n'osait jamais répondre. Son amie était bien trop intrusive. Elles n'avaient pas l'air d'avoir grand-chose en commun, mis à part le fait qu'elles s'entendaient bien et rigolaient. Quelque chose que je ne partageais pas vraiment avec mes amis...

Je posai mon verre et décidai de sortir Heather de cette galère en entrant dans la pièce. Immédiatement, le visage de Catlyn s'illumina, au contraire de Heather. Je m'approchai de cette dernière pour m'asseoir à ses côtés.

— Il y a un problème ? demanda-t-elle embarrassée.

— Pas du tout. Je me sentais un peu seul dans la cuisine. Alors je me suis dit, pourquoi ne pas rejoindre ces charmantes demoiselles ?

Catlyn avait des étoiles dans les yeux et était même sur le point d'applaudir. Elle donnait l'air d'avoir cinq ans d'âge mental et pourtant, ça lui allait bien.

— D'habitude, j'aurais dit "pas de mecs dans la discussion", mais comme c'est la première fois que je rencontre un petit-ami de Heather, tu peux rester !

Elle voulait vraiment tout savoir de moi. J'espérais juste que ses questions ne soient pas trop invasives.

Heather lança un regard désapprobateur envers son amie. Celle-ci fit une moue exagérée plutôt déçue.

Elles étaient très amusantes à regarder toutes les deux. Elles se prenaient encore pour des lycéennes... enfin des lycéennes sans problèmes. Je n'étais pas comme elle à leur âge. Soudainement ceci me déprima. La vie était dure, je l'avais compris bien trop tôt.

— Bon, ok ! lança Catlyn en comprenant qu'elle était bel et bien de trop. Je m'en vais. Je vais vous laisser entre vous les tourtereaux, parce que je vois bien que vous n'attendez que mon départ ! Bande de malpolis, non mais je vous jure !

Elle se leva du fauteuil puis quitta précipitamment la maison. Heather ne put s'empêcher de rire, puis elle posa sa main sur sa bouche comme si ceci la gênait, comme si elle ne voulait pas rire en ma présence, persuadée que je ne pourrais pas comprendre. Je lui adressai un rapide sourire. Elle s'arrêta de rire et sourit à son tour.

— Je vois que tu t'entends très bien avec Catlyn, constatai-je avec une pointe de soupir en pensant à ma vie.

— On peut dire ça comme ça.

J'avais l'impression qu'en ce moment même elle n'était qu'une petite poupée en porcelaine. Je regrettais déjà de devoir la briser.

— Peut-être qu'on devrait se préparer, ajouta-t-elle dans un murmure.

Je la regardai sans dire le moindre mot puis caressai sa chevelure. Elle était passée chez le coiffeur. Ses cheveux étaient si doux et filaient naturellement entre mes doigts.

— Cole ? Ça va ? me demanda-t-elle plutôt inquiète.

Je retirai ma main de ses cheveux et repris mes esprits.

— Oui, ça va, mentis-je.

— On n'aurait pas dit. Tu avais un air plutôt triste...

Je détournai rapidement le regard. Elle se leva puis me força à faire de même. Elle me prit dans ses bras, persuadée qu'un câlin arrangerait tout.

— J'aimerais que tu me parles plus des fois, chuchota-t-elle.

Elle posa sa tête sur mon épaule et me regarda amoureusement dans les yeux.

— C'est juste que... je n'ai jamais eu de vraie amitié comme celle que tu as avec Catlyn par exemple... Mais bon, peu importe.

— Mitt n'est pas ton ami ? m'interrogea-t-elle un peu déroutée.

— Bien sûr... Mais d'une différente manière. On s'est rencontrés quelques années auparavant. On a passé de bons moments. Ça s'arrête là. On ne partage pas énormément de choses ensemble. On ne parle jamais de nos vies par exemple...

Maintenant je me demandais si c'était une vraie amitié. Dans le fond, pas vraiment. Pratiquement personne n'avait la moindre idée de ce qui avait pu m'arriver.

Heather afficha une mine plutôt triste, pleine de compassion.

— Tu n'as pas à t'en faire pour ça, la rassurai-je. C'est ma vie.

Je déposai un léger baiser sur ses lèvres. Elle n'était pas pour autant tranquille. Je le voyais à son regard contrit. Je savais que j'en étais la cause et que ce qu'elle considérait comme une solution n'était qu'un poison comme un autre.

— On devrait se préparer, ajoutai-je pour couper à cette discussion.

— Tu évites le sujet.

— Complètement.

— Cole, il faudra bien qu'on en parle un jour, déclara-t-elle, presque comme si elle était agacée.

Il faudrait en effet... Si seulement c'était aussi simple. Si seulement je n'avais pas peur de l'image de moi qu'elle pourrait avoir par la suite.

— Pour l'instant, on doit se préparer, poursuivis-je dans mon déni.

Son regard semblait plus que jamais déçu. Elle attendait un jour qui ne viendrait jamais...

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