Pétrifiée de peur, je me sentais incapable de me constituer un bouclier. Les ombres traversèrent la porte, tels des fantômes. Ces masses informes, ténébreuses, faisaient la taille d’un être humain. J’en dénombrai une bonne dizaine. Elles semblaient flotter juste au-dessus du sol. Leur « corps », presque transparent, teinté d’un noir insondable, ne possédait pas de membres, ni de visage défini.
Avorian, posté devant moi, passa à l’assaut. Une lueur d’un blanc immaculé naquit dans ses paumes. Il décrivit un mouvement en arc-de-cercle de ses bras, la lumière suivit son geste et fit reculer les monstres. Mais ils ripostèrent en projetant des nuées sombres, comme des nuages, dans notre direction. Je m’effondrai, à genoux, tétanisée. Avorian repoussa leur magie impalpable à l’aide de son faisceau lumineux : il le tenait à la manière d’un ruban de gymnaste, ondulant son rayon au gré de ses déplacements. Il le lança contre l’ennemi en une large spirale, à une vitesse sidérante. Je me sentais tellement inutile, derrière lui. Son pouvoir m’impressionnait. Soudain, les êtres des ombres bondirent dans les airs. Alors qu’ils allaient inévitablement nous atteindre, mon sauveur battit de son lasso magique, les percutant avec violence. Quatre de nos ennemis fantomatiques s’évanouirent sous l’impact. La respiration haletante, je le regardais nous défendre, brandissant son faisceau avec une telle habilité ! Quel homme vaillant… je devais l’aider. Agir !
Pour Avorian, mon sauveur, je mis de côté cette terreur, inspirant à fond, canalisant le fluide d’Orfianne. Il afflua enfin dans mes mains. Je décochai de suite plusieurs sphères contre les esprits. Deux d’entre eux disparurent, vraisemblablement anéantis par mes globes. Le Mage en termina avec les derniers, fouettant leur masse informe de sa lumière, si pure.
C’était fini. Nous observâmes les alentours, les sens en alerte. Plus de monstres. Le vent se calma. La nuit tombait. Alors que le soleil gagnait l’horizon, la lune d’Orfianne ascensionnait vers les étoiles, éclairant légèrement le jardin.
Avorian m’aida à me relever.
– Je n’arrive pas à croire que des êtres des ombres aient pu venir jusqu’ici ! C’est… c’est impossible ! Nous sommes si proches du domaine des fées !
Je ne l’avais encore jamais vu s’emporter ainsi. Il soliloquait tout en faisant les cents pas, une main posée sur son menton.
– Mmmh… je vois. L’utilisation du transgèneur plusieurs fois, puis toute cette magie que nous avons déployée pendant les entraînements… nos pouvoirs les ont attirés, depuis un moment ! J’ai manqué de prudence ! Je t’ai mise en danger !
Il s’attribuait une faute qu’il n’avait même pas commise, portant une culpabilité inutile sur ses épaules.
– Non, Avorian. Vous m’avez sauvée, le réconfortai-je.
Je m’approchai de lui, le stoppant dans ses cents pas, et pris doucement ses mains dans les miennes. Je le regardai droit dans les yeux. La faible lueur de la lune beige illuminait ses prunelles grises. Le temps sembla s’arrêter. Nos regards se disaient tout. Je voulais lui transmettre ma gratitude. Avorian venait de me sauver la vie, une énième fois. Au bout d’un moment, je l’enlaçai avec force, lui partageant tout mon amour. Il sembla à la fois touché et gêné par ce geste, comme s’il ne méritait pas mon affection.
Cette nuit-là, je ne parvenais pas à dormir. Je me sentais complètement perdue dans ce nouveau monde, bousculée par ce qui venait de se passer. L’image des êtres des ombres me revenait sans cesse. Ma peur m’avait empêchée d’agir ! Ces choses informes me terrifiaient ! Et elles avaient décimé notre peuple, les Guéliades. Comment avais-je pu survivre alors que je n’étais qu’un bébé ?
Je m’effondrai, en larmes, le visage enfoui dans mes mains.
Comment m’adapter à cette nouvelle vie ? Avec ces monstres, tous ces dangers ! Et… mon existence sur Terre qui venait d’être entièrement effacée ! Je n’allais plus jamais revoir mes parents.
Un éclat lumineux attira mon attention : à travers mes paupières, je percevais comme des éclairs. Je redressai la tête d’un coup, le regard vif.
Il faisait encore nuit, pourtant, quelque chose éclairait la chambre et se déplaçait dans l’espace.
J’ouvris grands les yeux, et découvris près de la fenêtre ovale une petite lumière dorée. Je restai dans mon lit, interdite, incapable de bouger. Cette lueur volait vers moi, semant sur son passage une traînée de paillettes dorées. Je distinguais maintenant sa forme : celle d’une fée. Ses longues ailes au superbe dégradé jaune-orange ressemblaient à celles des papillons, tant par leur forme que par leur couleur.
Assise sur mon oreiller, je tendis ma main vers elle. La créature aux longs cheveux bruns se posa dans le creux de ma paume. Je ne ressentis aucune angoisse à son contact. Elle devait mesurer environ vingt-cinq centimètres, ce qui me paraissait assez grand, pour une fée. Celle-ci portait une belle robe blanche.
– Je suis tellement heureuse de te revoir, ma petite Nêryah. Je t’attends depuis si longtemps ! Comme tu as grandi ! Mon nom est Arianna. Je suis la reine des fées, me dit-elle d’une voix chaleureuse.
L’émotion m’empêchait de prononcer le moindre mot. À la fois troublée et attendrie par ses traits si gracieux, je l’admirais en silence. Son halo doré, miroitant comme une étoile, m’hypnotisait.
– Voyons, ne sois pas intimidée. Nous nous sommes vues quelquefois, lorsque tu étais enfant. Grâce à un sort qu’Avorian et moi avons conçu, tu pouvais venir sur Orfianne, en passant par le chêne de ta maison.
Arianna marqua une pause, et plaça sa petite main contre mon index. J’en fus profondément émue. Son beau regard vert me fascinait.
– Nêryah, j’ai ressenti les êtres des ombres, mais je suis arrivée trop tard… Avorian fera tout pour te préserver de leurs maléfices. Nous t’avons placée sur Terre pour cette raison.
Toujours incapable de parler, je hochai la tête en guise de réponse.
– Le « fantôme » que tu as rencontré dans ton village, à qui tu as donné tes pièces… c’était une fée d’Orfianne.
– La chiromancienne ! m’exclamai-je, retrouvant l’usage de la parole. Une fée de cette planète ?
– Je voulais te préparer à ta nouvelle vie. Je savais que ta venue était proche. Cela fait bien longtemps que Sèvenoir cherche à te rejoindre… J’ai envoyé l’une de mes émissaires jusqu’à toi. Un sort lui donnait cette apparence humaine.
Non mais elle m’a fait tout un cirque, cette fée, en se volatilisant puis en faisant réapparaître mon argent dans ma chambre ! protestai-je intérieurement.
Arianna éclata d’un petit rire clair, comme si elle lisait dans mes pensées.
– Les fées ont beaucoup d’humour…, me dit-elle d’un ton malicieux.
La petite magicienne mit ses mains devant elle, en face de mon visage. Il en sortit de minuscules lueurs multicolores. Je me sentis immédiatement apaisée. Le charme de l’enchanteresse opérait dans tout mon corps. Mes muscles se détendirent peu à peu. Soudain, la fée tournoya sur elle-même puis disparut sous mes yeux ébahis.
Après avoir vu un lion ailé aux supers pouvoirs qui parle, quoi de plus normal que de converser avec une fée au beau milieu de la nuit ?
Grâce à sa magie, je m’endormis rapidement.
Avorian me tira de mon sommeil « Nêryah ! Réveille-toi ! Nous avons beaucoup de choses à préparer pour notre départ ».
« Notre… quoi ? » ânonnai-je en baillant.
Une fois propre, je le rejoignis dans la pièce de vie.
– Comment te sens-tu ? Aucune séquelle de notre combat ?
– Non, tout va bien, grâce à vous. Je ne sais pas si c’est un rêve ou bien la réalité, mais cette nuit j’ai vu une fée et…
– Tu as beaucoup de chance qu’Arianna soit venue jusqu’ici, m’interrompit-il d’une voix paisible. Elle a veillé sur nous pour s’assurer qu’aucun être des ombres ne vienne nous attaquer.
– Elle m’a dit qu’on s’était déjà vues, avant, et que vous aviez construit ensemble le portail entre les deux mondes.
– C’est exact. Arianna est ma meilleure amie, et aussi ma plus grande alliée.
– Comment se fait-il que je ne me souvienne de rien ? Il ne me reste que quelques bribes de mes visites sur Orfianne. Je croyais que je m’inventais des histoires !
– Je pense que c’est l’un des effets secondaires du transgèneur. Passer d’un monde à l’autre doit détériorer la mémoire à court terme. Nous le supposons, du moins. Les fées sont les gardiennes des mondes et ont le pouvoir de se volatiliser, de voyager dans l’espace-temps. Elles n’ont pas besoin de portes pour passer d’une planète à l’autre. Pour nous, c’est différent. Les Orfiannais ne peuvent pas séjourner sur Terre. Toi seule a réussi cette prouesse. Sèvenoir, lui, n’y est resté que quelques instants. Et c’est déjà beaucoup ! Je n’y suis même pas parvenu ! J’ignore cependant de quelle façon la porte des mondes altère nos souvenirs…
– Oui, c’est comme si j’avais oublié tout un pan de mon passé.
Avorian me servit une boisson chaude, dont le goût ressemblait à du thé, et me fit signe de prendre des fruits et des galettes de céréales. Cette bonne nuit de sommeil m’avait redonné l’appétit.
– Nêryah, nous ne pouvons plus rester ici, c’est trop dangereux. Je ne pensais pas que les êtres des ombres pouvaient venir jusqu’à nous. Je vais tout t’expliquer, puis nous ferons nos bagages.
Tu as eu bien raison de me dire de relire ce chapitre !
Merci, ravie que ce soit mieux.
Assise sur mon oreiller, je tendis ma main vers elle. La fée aux longs cheveux bruns se posa dans le creux de ma paume. Je ne ressentis aucune angoisse à son contact. Elle devait mesurer environ vingt-cinq centimètres, ce qui me paraissait assez grand, pour une fée. Celle-ci portait une belle robe blanche.
La fée me dit d’une voix chaleureuse :"
Dans cet extrait, tu utilise 3 x le mot "fée"... ça t'arrive parfois, de trop répéter certains mots ou noms, essaye d'éviter.
"– Nêryah, je ressens de la confusion en toi. Avorian désire te préserver des êtres des ombres, de leurs maléfices. Le passé est encore tellement douloureux pour lui. Je te prie d’être patiente. Avorian t’aime profondément et fera tout son possible pour t’aider. N’oublie jamais cela, je t’en conjure."
Ici aussi, tu pourrais remplacer le 2é Avorian par "Il" tout simplement.
"La fée mit ses mains devant elle, en face de mon visage. Il en sortit de minuscules lueurs multicolores. Je me sentis immédiatement apaisée. Le charme de l’enchanteresse opérait dans tout mon corps. Mes muscles se détendirent peu à peu. Soudain, la fée tournoya sur elle-même. Elle disparut sous mes yeux ébahis."
Ici aussi... "elle tournoya sur elle-même puis disparut..."
Mais toujours très divertissantes, ces nouvelles informations et cette nouvelle petite fée.
Je suis heureux que tu te mette un peu plus à nous décrire le monde d'Orfianne !
Oui, ce n'est que le début... on va vraiment découvrir Orfianne, rassure-toi
Mais, finalement, est-ce que les révélations faites sur le monde dans le chapitre précédent ne seraient pas mieux placées dans ce chapitre et les suivants ? Par exemple, après l'apparition de la fée, Avorian pourrait expliquer qui elle était et son rôle. Cela créerait plus de suspense. Et le voyage pourrait être l'occasion de pleins d'explications en contexte.
Merci pour ce moment de lecture.
Ah, on est sur la même longueur d'onde, j'ai pensé à la même chose que toi ^^ il va l'expliquer après, chemin faisant, et après l'arrivée de miss Arianna
Merci pour tes suggestions et tes remarques, cela m'aide beaucoup !!