Chapitre 20 - Les messagers

Quand elle ouvrit la porte de sa chambre, Aube fut surprise de découvrir Chaussette Noire et Chaussette Blanche. Les deux gros matous de la maison, qui d’habitude passaient leur journée à courir dehors, étaient paresseusement affalés sur son lit.

— Qu’est-ce que vous faites là ?

Ils clignèrent malicieusement des yeux.

« Enfin, la voilà » dit le plus jeune des chats.

« Je t’avais prévenu qu’elle ne tarderait pas à arriver » ajouta le vieux matou.

« Elle est surprise. Elle ne nous avait pas sentis. »

« Elle est là, c’est l’essentiel. »

Aube referma la porte derrière elle.

— Qu’est-ce que vous faites là ? répéta-t-elle. Vous savez bien que vous ne pouvez pas monter dans les chambres. Si maman vous voyait ! Et d’abord, qu’est-ce que j’aurais dû sentir ? Qu’est-ce que ça veut dire ?

« Les arbres hésitent. Les insectes s’y opposent. Et les autres animaux veulent agir vite » répondit Chaussette Blanche.

— Mais de quoi parlez-vous ?

« Elle demande de quoi on parle alors que toute la colline ne parle que de ça » s’étonna le félin vexé.

« Dis-lui le plus important » proposa son aîné.

« Je lui dis l’important. Je lui donne des explications. »

« Tu n’es pas clair. »

« Mon résumé de la situation était parfait. Avec ça, elle sait sur qui compter. »

« Mais elle ne sait pas ce qu’on attend d’elle. »

« Je viens quand même de lui dire que les animaux sont prêts à passer à l’action. »

« Dis-lui ce qui nous amène à présent » conseilla enfin Chaussette Noire.

Aube regardait ses deux chats. Ils ronronnaient sur son couvre-lit en bâillant ou en se léchant les coussinets. Elle devait se pincer pour s’assurer de bien entendre leurs pensées. Même si elle avait l’habitude de les écouter, cette fois, elle ne comprenait rien à leur charabia.

« Éfflam t’attend » résuma aimablement le vieux chat.

— Éfflam ? Mais comment ? s’emballa Aube. Qu’est-ce qu’il vous a dit ?

« Je viens de lui dire » soupira son cadet.

« Parfois, les humains ont besoin que les choses leur soient répétées. »

« Mais mon résumé était parfait » s’emporta-t-il.

« Toi aussi, tu te répètes. »

— D’accord, les arrêta-t-elle tentant de rassembler ses esprits. Éfflam m’attend. Mais comment est-ce que je fais ? Je suis coincée ici. Maman m’interdit...

« Elle est coincée » constata Chaussette Blanche.

« J’ai entendu. Merci. »

« Elle se demande comment sortir alors que nous sommes bien entrés même si ça nous est interdit » continua-t-il.

« Sois discrète, petite, sois à l’écoute et créative ! » dit Chaussette Noire. « Rien n’est interdit quand tu sais pourquoi tu agis. »

— Je ne suis pas capable de passer comme vous par les toits ! protesta Aube.

« Parce que tu imagines ce gros balourd passer par les toits ? »

« C’est ça ! Ris, mon petit ! Est-ce que je dois te rappeler l’effet que te font tes muscles et tes os qui vieillissent ou tu as déjà le cerveau qui ramollit ? »

Chaussette Noire sauta lentement et prudemment en bas du lit. Il se frotta contre les mollets de la fillette.

« Suis-nous. En détournant l’attention de ta mère, nous serons vite dehors. »

— Attends, l’arrêta Aube. Il faut prévenir Max.

Elle se précipita vers la chambre de son frère. Chaussette Blanche, qui était resté allongé, reposa sa tête entre ses pattes.

« Réveillez-moi quand vous serez prêts. »

— Max ! cria-t-elle en déboulant dans la pièce. Éfflam nous appelle !

— Tu pourrais frapper !

Le garçon s’était levé d’un bond. Il se tenait devant son bureau comme s’il avait un secret à cacher, un extra-terrestre dans son dos.

— Oh, pardon ! s’excusa Aube. Qu’est-ce que tu fabriquais ?

Curieuse, elle ne put s’empêcher de s’approcher de son frère. Max soupira.

— De toute façon, je t’en aurais parlé, dit-il.

« Ou bien tu l’aurais découvert dans ma tête » ne put-il s’empêcher de penser. Il regardait sa sœur avec un drôle de sourire.

Soudain, ce fut Aube qui eut l’impression d’être un martien immonde. Elle se vit avec de gros tentacules verts. C’était comme d’horribles vers qui entraient par le nez et les oreilles pour vous espionner, vous décortiquer le cerveau. Elle trembla légèrement. Elle aurait bien fait une grimace à son frère. Mais elle espérait qu’il avait été encore plus dégoûté en découvrant l’horrible bête qu’elle venait d’imaginer.

« C’est dégueulasse » crut-elle comprendre. Mais Max parlait-il de ses tentacules ou de ses capacités à entrer sans frapper dans sa chambre comme dans son cerveau ? Aube hésitait.

— Voilà, dit Max en dévoilant ce sur quoi il travaillait. Qu’est-ce que tu en dis ? Mais je te préviens, ce n’est pas encore fini puisque tu as débarqué sans prévenir.

Sur le bureau, s’étalaient une grande feuille blanche et des crayons de couleur. Max était en train d’y dessiner une vue de la colline. Elle était couverte d’arbres et de prairies vertes qui s’étendaient jusqu’aux petites maisons autour. Au-dessus, il avait écrit en lettres capitales une phrase qui commençait par « Non ». Aube reconnut le petit mot qu’elle connaissait à présent. Et elle crut réussir à lire le dernier qui était « antenne ».

« Non à l’antenne » conclut-elle. Cela avait le mérite d’être clair et facile à lire même pour elle. Par contre, elle ne comprenait pas ce qu’il avait ajouté en dessous du dessin.

« Grande fête-réunion » lui fit-il savoir.

— Merci, articula-t-elle.

— J’ai presque terminé. Mais on doit encore choisir une date pour que je puisse l’indiquer. Je voulais réaliser plusieurs affiches à coller aux fenêtres. J’aurais pu imprimer des petits papiers à déposer dans les boîtes aux lettres sur l’ordinateur de papa, mais je ne sais pas quoi écrire et j’ai peur que maman me surprenne.

Aube comprenait.

— Tu pourrais simplement reprendre le texte de la pétition de Jeanne, ajouta-t-elle.

— Oui, tu as raison.

Chaussette Noire vint chercher des caresses.

— Eh ! Qu’est-ce que tu fais ici, toi ? dit Max en remarquant le chat entré en même temps que sa sœur.

« On attend ta réponse, petit. »

— Ma réponse ?

— Éfflam nous attend, expliqua-t-elle. Les animaux veulent aller débrancher les relais wi-fi et les mobiles du quartier.

— Mais c’est de la folie ! s’offusqua-t-il. On avait dit qu’on faisait la fête-réunion.

— On peut faire les deux.

— Jamais de la vie !

« Ne parle pas trop vite, petit » dit le vieux matou.

Max regarda le chat puis sa sœur avant de lever les bras au ciel et de se rasseoir

— Vous allez me rendre cinglé ! Moi, je reste ici.

— Très bien, conclut Aube en tournant les talons.

— Tu vas te faire massacrer par maman.

— Ne parle pas de malheur.

Chaussette Blanche l’attendait en haut des escaliers.

« Il était temps. »

Chaussette Noire l’avait rejoint.

« On n’est pas pressés. Demain, c’est bien aussi » dit-il.

« Oui, je sais. On a neuf vies devant nous » ricana le plus vif des deux félins.

« Parle pour toi, gamin ! »

Aube descendit avec eux, aussi légère et silencieuse qu’une puce dans les poils de ses complices.

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sifriane
Posté le 20/01/2023
Bonjour,

Très bon chapitre, bien dynamique.
Oui, chaussettes blanches et noires ressemblent tout à fait à Laurel et Hardy, c'était très drôle.
Ca fait plaisir de voir le frère et la sœur unis pour la cause et ne plus se chamailler. Mais je m'inquiète de plus en plus pour la maman, ça va finir en dépression tout ça.
A bientôt :)
MichaelLambert
Posté le 22/01/2023
Merci Sifriane !
Je suis toujours content de voir que mes Chaussettes sont drôles !
Et oui la maman a un petit côté dépressif ! ;-)
Elly Rose
Posté le 17/11/2022
Bonsoir,
Je trouve les chats hilarants, leurs comportements, leur discussion! Maintenant je regarde les miens en me demandant ce qu'ils se disent entre eux mais ils n'ont pas l'air de vouloir coopérer et partager avec moi!
Autrement et bien, comme pour les chapitres précédents, j'aime vraiment beaucoup!
MichaelLambert
Posté le 18/11/2022
Merci Elly Rose ! Chaussette blanche et Chaussette noire, ce sont un peu mes Laurel et Hardy, mon moyen pour mettre un peu plus d'humour dans cette histoire au fond très sérieuse ! ;-)
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